Victoire gazouillait gaiement dans les bras de sa maman.
— Pas trop de lait de licorne dans son biberon, sinon, elle va le remettre, recommanda-t-elle.
— Fleur, fit remarquer Molly en souriant, j'ai élevé sept enfants !
— Oui, oui, répondit Fleur sur un ton précipité et crispé, mais Victoire est un peu spéciale.
— Sa bisaïeule était vélane, je sais. Mais la moitié de sa famille sont des Weasley, rétorqua Molly en prenant sa petite fille dans ses bras. N'est-ce pas, mon trésor ?
— Arrreuh ! approuva Victoire, en faisant des bulles avec sa salive.
— Normalement, je serai de retour avant 18h00. Je peux me servir de votre cheminée ?
— Mais bien sûr ! Fais comme chez toi.
Fleur jeta un peu de poudre de cheminette dans l'âtre et elle entra dans les flammes vertes en énonçant clairement « Au passage de la Marquise ! » La jeune sorcière, après avoir vu rapidement défiler une série de cheminées devant ses yeux, se retrouva dans le spacieux foyer d'un élégant café parisien. Calé dans leur fauteuil d'osier, une foule de sorciers cosmopolites dégustaient précieusement leur thé de bergamote ou leur liqueur de noisetier.
Fleur rejoignit Apolline et Gabrielle, attablées autour d'une infusion fumante et odorante. Après avoir salué, sa mère et sa sœur, elle s'assit à son tour.
— Nous avons commandé une théière de Plaisir Matinal, un mélange maison. Tu l'as déjà goûté ? demanda Apolline.
— Non, pas encore, mais j'ai confiance dans ton bon goût.
— C'est légèrement épicé, mais assez doux, commenta Gabrielle.
Agitant sa baguette, Mme Delacour fit léviter la thérière qui servit son breuvage dans la troisième tasse de verre. Fleur y trempa les lèvres.
— Mm ! Suprenant ! … surprenant, mais délicieux, dit-elle … Ah non ! bougonna-t-elle soudain. Pour une fois que je peux passer un moment entre filles !
Apolline se retourna pour voir de qui parlait Fleur. Arthur Weasley s'approchait de leur table.
— Bonjour Mesdames !
— Bonjour Arthur ! répondit Fleur avec un sourire forcé.
— Bonjour Arthur ! enchaînèrent sa mère et sa sœur.
— Rassurez-vous, je ne vais pas vous déranger longtemps.
— Mais il n'y a pas de dérangement, assura Apolline.
— J'ai pris en cachette un jour de congé pour faire mes emplettes de Noël. Si vous pouviez me dire où je peux trouver ce genre d'articles, expliqua-t-il en tendant une liste à Apolline, je ne suis venu qu'une fois à l'Avenue du Pré d'Asphodèle.
— Mais certainement ! répondit Mme Delacour.
Les têtes de ses deux filles se pressèrent contre elle pour voir le contenu de la liste. Tandis qu'Apolline écrivait le nom de certaines enseignes, Fleur et Gabrielle pimentaient ses propositions de leurs commentaires encourageants ou désapprobateurs, ce qui obligea leur mère à ajouter d'autres magasins.
Une fois la liste en main, Arthur les remercia et s'éloigna tout aussitôt en leur souhaitant une bonne journée. Dès qu'il eut franchi la porte de sortie, Fleur s'autorisa à pousser un ouf de soulagement.
— Ils sont si terribles que ça, tes beaux-parents ? demanda Gabrielle.
— Non, ils sont gentils. Mais là, j'ai envie de passer une journée entre nous. Figure-toi que Ron m'a demandé des idées de cadeaux pour Hermione ! Qu'est-ce que j'en sais, moi, ce qui lui ferait plaisir ? C'est sa femme, pas la mienne. Toutes les femmes n'ont pas les mêmes goûts.
— Un grimoire plein de runes ou de la potion démêlante, suggéra Gabrielle, non sans une pointe d'humour.
— Il trouvera bien, tempéra Mme Delacour. Tu veux de la brioche, Fleur ?
— Non merci, j'ai mangé avant de partir.
Ces dames achevèrent leur tasse et se mirent en route.
— Je passe d'abord Chez Baucizo, déclara Apolline. Je dois récupérer la robe que j'ai commandée. Peut-être que vous y trouverez votre bonheur.
— J'espère que quelqu'un pensera à m'offrir un beau sac, lança Gabrielle.
— Tu t'y prends de la bonne façon pour qu'on exauce tes souhaits, fit remarquer plaisamment sa sœur.
Elles se regardèrent et se mirent à rire. Fleur et Gabrielle savaient que leur mère les observaient du coin de l’œil, qu'elle guettait leurs réactions devant les articles et la marchandise pour se faire une idée des cadeaux à leur offrir. Elles en faisaient d'ailleurs de même.
Ensuite, les deux jeunes femmes entraînèrent leur mère Chez la Petite Frippe, Ouilleun magasin qui vendait des articles plus tendance et de la lingerie. Fleur fondait devant un caleçon coquin, mais elle voyait mal son chéri le déballer le matin de Noël devant la tribu Weasley réunie. Elle craqua pour un pyjama de soie, enchanté par un sort auto-nettoyant, valable vingt fois ! et renouvelable par les soins de la boutique ou par ceux d'une sorcière aguerrie.
Elle y trouva également des chaussures pour Victoire qui grandiraient avec le pied de l'enfant, au moins de trois pointures. Gabrielle réussit à s'isoler avec une vendeuse pour réserver et faire emballer certains articles qu'elle reviendrait chercher ultérieurement.
Apolline sortit de la petite boutique avec un soupir et un sourire de satisfaction.
— Et maintenant, où allons-nous ? demanda-t-elle, enjouée. Au Vieux grimoire où À la Plume enchantée ?
— À la Plume enchantée ! s'exclamèrent en chœur ses deux filles.
— On passera au Vieux grimoire après, enchaîna Fleur.
À la Plume enchantée était une boutique qui vendait toute sorte d'objets curieux, utiles ou amusants mais de meilleur goût, selon Fleur, que le magasin tenu par ses beaux-frères. Pas de Marque des Ténèbres comestible ou de Pousse-Rikiki, mais des encriers munis de pattes pour se déplacer, des miroirs magiques qui vous conseillaient pour vous habiller, des services à café qui officiaient comme chorale quand vous les remplissiez et exécutaient l'air que vous désiriez. En bref, une espèce de caverne d'Ali-Baba pour petits et grands sorciers. A chaque changement de saison, et parfois plus souvent, la maison proposait de nouveaux articles à côté des indémodables qui avaient fait sa réputation.
Les trois Delacour dépensèrent une bonne partie de leur budget pour les cadeaux de Noël dans cet endroit. Elles riaient comme des écolières en train de mijoter un coup en douce, couraient d'un rayon à l'autre, ou s'interpellaient l'une l'autre pour pousser des cris ébahis devant leur dernière découverte. Une plume et son petit parchemin suivait chacun des clients partout dans la boutique. Il suffisait de lui dicter la liste des objets souhaités qui s'inscrivait tout aussitôt. La plume avait aussi une fonction rature qui permettait de changer d'avis et une fonction addition qui servait à garder un œil sur ses dépenses.
C'est à ce moment que l'auteure fit une pause, consulta son compte en banque, régla sa dernière facture, examina les dépenses du mois, contrôla si son budget était en équilibre et imprima ses extraits de compte.
Tous les paquets subirent un sortilège de réduction et atterrirent dans le sac à commissions chamarrés de ces dames qui prirent, d'un pas décidé, le chemin du Vieux grimoire.
Si la façade de la librairie était petite, étroite et ne payait pas de mine, dès qu'on en avait franchi la porte, on se retrouvait dans un espace très large, aéré et lumineux. La vendeuse assise à son pupitre, tout en haut d'une estrade. Celle-ci passa de trois à une seule marche quand les clientes pénétrèrent dans la boutique. L'employée portait un tailleur cintré, une paire de lunette et ses cheveux étaient rassemblés dans un chignon banane fixé par des attaches-trombones et quelques plumules.
Elle se pencha vers Apolline et ses filles en souriant puis, agitant sa baguette elle agrandit les uns après les autres les livres miniatures sur l'étal devant elle.
— Bonjour Mesdames, le Vieux grimoire vous présente les meilleures ventes et les prix littéraires de cette année. Le Fée Mina vient d'être décerné au roman de Viviane Lapenne : Dans la peau d'une Moldue. Peut-être connaissait vous déjà l'ouvrage de Jean Rédige ? Il vient de remporter le Crayon-Court.
— Oui, répondit Gabrielle, Autant en emporte mon balai. Une de mes amies l'a lu, elle est dit que la répétition est surfaite.
— Et quel est le Formule-six, cette année ? s'enquit Fleur.
— Ah ! Madame a du goût ! s'exclama la vendeuse. Il a été décerné au Compendium de la Sorcière Astucieuse, un ouvrage signé Dora Gondin. Voulez-vous y jeter un coup d’œil ?
Un coup de baguette magique produisant une lumière et des étoiles jaune-vert, souleva le livre dans les airs et le dirigea vers la cliente curieuse.
— A combien est-il ? demanda Fleur en le feuilletant.
— Deux écus, trois sols. Mais nous faisons 10 % pour plus de cinq écus d'achat ou 15 %, si vous avez le parchemin de fidélité.
— Nous allons d'abord faire un tour dans le magasin, répondit Fleur.
— Faites à votre aise ! dit la vendeuse sur un ton mielleux. A votre gauche, il y a le rayon des nouveautés, les grimoires et manuels occupent les trois rayons centraux et la littérature plus légère à votre gauche. Nos employés sont à votre disposition pour tous renseignements.
Les trois femmes s'engouffrèrent dans le magasin et le parcoururent avec beaucoup d'intérêt. Elles revinrent chacune avec trois ou quatre ouvrages sur les bras. Les ristournes étaient avantageuses pour les achats de Noël et les ouvrages proposés couvraient un large éventail d'intérêts.
Les estomacs de ces dames criaient famine. Apolline amena ses filles manger à la Taverne du cyclope, une brasserie sorcière où l'on servait de très bons plats à prix démocratiques. Le sommelier était réputé pour avoir le nez fin. Il dégottait des vins capiteux peu connus mais qui surprenaient merveilleusement le palais des clients. Les Delacour firent bombance et prirent le temps de papoter avant de retourner à la chasse aux bonnes affaires.
Cette fois, les trois femmes se séparèrent et se rendirent dans les petites boutiques qui les intéressaient plus personnellement. Fleur fila à l'animalerie Leo Pégase, une petite échoppe à la façade étroite, qui affichait un savant bric-à-brac : perchoirs, paniers, bocaux et cages de toutes les formes exposant chouettes, hiboux, corbeaux, crapauds, rats, boursoufs, serpents, fléreurs et chats noirs ronronnant.
Lorsqu'on pénétrait à l'intérieur, il fallait se faufiler entre les articles et les rayons pour se créer un chemin, tant il y faisait étroit. Un parfum écœurant masquait les odeurs animalières. Fleur se fraya un passage jusqu'aux cages des oiseaux et lut attentivement les étiquettes qui pendaient aux barreaux et présentaient l'animal. Le visage de la jeune femme s'illumina soudainement ; elle venait de trouver son bonheur.
Bill regardait sa mère à travers les flammes vertes de sa cheminée.
— Elle m'a dit qu'elle ne rentrerait pas avant cinq heures, assura Molly.
— Super alors ! J'ai tout le temps qu'il me faut ! A plus tard, répondit Bill, réjoui.
Il se rendit en hâte vers le placard à balai et sortit sa baguette. Un sortilège ouvrit une cachette secrète dans le double-fond du réduit. Un petit Wingardium leviosa souleva une pile de paquets enrubannés et une autre charme les stocka dans le double-fond. Il fallait autre chose qu'un simple Alohomora pour ouvrir la cachette. Les cadeaux étaient bien en sécurité
Heureux et satisfait, Bill retourna à la cheminée et reprit le chemin du travail. Les Gobelins ne prendraient pas de mauvaise part cette absence d'une demi-journée puisqu'il la compenserait par des heures supplémentaires.
Fleur fut bien ennuyée, quand elle revint à la Chaumière des Coquillages, de constater que le double-fond du placard à balais ne voulait pas céder à ses charmes. Ainsi donc Bill avait eu la même idée qu'elle pour cacher les cadeaux de Noël. Il lui fallait trouver une autre solution. Elle grimpa rapidement au grenier et y trouva une malle en train de prendre la poussière. Elle contenait un grand bric-à-brac de vieux vêtements et de livres d'histoires, d'objets à la valeur purement affective. Qu'à cela ne tienne ! La malle subit quelques sortilèges qui augmentèrent sa capacité d'origine et les paquets subirent d'autres sorts pour leur donner les propriétés du caméléon. Le couvercle refermé fut aussitôt verrouillé par un puissant charme et la poussière d'origine revint recouvrir le tout afin de détourner les soupçons.
Fleur pouvait allait chercher Victoire chez ses beaux-parents, la corvée cadeaux de Noël étaient derrière le dos. Elle prit donc la cheminée et débarqua dans le salon où Arthur, affalé dans un fauteuil lisait la Gazette du sorcier. Dans un coin, un pull se tricotait de lui-même et l'horloge familiale n'avait que des bonnes nouvelles à annoncer. Arthur baissa un coin de son journal pour décocher un clin d’œil à sa belle-fille. Un petit Assurdatio lui permit de ne pas se faire entendre de Molly.— J'ai tout trouvé, confia-t-il à mi-voix, grâce aux bonnes adresses de ta maman. Tu la remercieras de ma part à l'occasion. Je ne te demanderai pas si tu as fait de bonnes courses, j'aurai la surprise le jour de Noël.
— Tout s'est très bien passé, à part que Bill a utilisé ma cachette de l'an passé. Bon, je vais récupérer Victoire, Molly va certainement se poser des questions et j'ai un bœuf bourguignon à préparer.
Bill suça les vestiges de mousse au chocolat qui adhérait encore à sa cuillère puis reposa l'ustensile dans son assiette avant de lancer, pensivement :
— Ça va être dur pour mes parents, un Noël sans Fred.
— Pas que pour tes parents, répondit Fleur, d'un ton grave, en le fixant. Pour toi aussi, pour moi, pour tout le monde. Est-ce que tu sais où Ron passera les fêtes ?
— Je n'en sais rien. Maman voudrait que ce soit à la maison mais, maintenant qu'il est fiancé … Je comprends que les Granger ait envie de passer un Noël avec leur fille, vu le Noël qu'ils ont passé l'an dernier.
— On pourrait peut-être …
Un bruit dans la cheminée interrompit leur conversation. Le couple tourna la tête et vit débarquer les principaux intéressés : Ron et Hermione. Ils furent tout aussitôt suivis de Harry et de Ginny.
— Vous arrivez trop tard, on a fini le dessert, leur lança Bill, avec humour.
— Je vais faire du thé ! déclara Fleur.
— Ron et moi, on va te donner un coup de main pour la vaisselle, enchaîna Hermione.
Ron la dévisagea d'un air étonné puis lui emboîta le pas sans rien dire, ce qui fit rire Ginny sous cape.
— Alors, qu'est-ce qui vous amène ? plaisanta Bill. Vous manquez d'idées pour vos cadeaux de Noël ? Fameux retour à la vie ordinaire, n'est-ce pas ? Quand je pense qu'il y a un an …
— Et oui, tout est relatif, répondit Harry. Ce ne sont pas les cadeaux qui nous amènent, mais un problème de logistique.
— De logistique, voyez-vous ça ! La mère Black vous empêche de fêter dignement Noël.
— Le tapis qu'on a pendu devant elle étouffe pas mal de ses cris, répondit Ginny. Ce n'est pas tellement ça.
— Ron et Hermione ne savaient pas s'ils allaient passer Noël au Terrier où chez les Granger, expliqua Harry.
— On va peut-être attendre que Ron ait complètement maîtrisé le sort de lave-vaisselle pour en parler ? suggéra Ginny.
Bill éclata de rire. Ron et Hermine ne furent pas longs à revenir. Fleur les suivait, un plateau sur les bras. Elle leur servit du thé et des cookies.
— Voilà, déclara tout de go Hermione. Vous êtes tous invités par mes parents à passer Noël chez eux. La maison est petite, mais avec quelques sortilèges on repoussera les murs.
Fleur et Bill se regardèrent, étonnés.
— Et Molly et Arthur ? demanda Fleur.
— Ils seront de la partie ! répondit Harry.
Arthur s'était mis sur son trente et un et Molly étrennait une nouvelle robe. Il ne leur restait plus qu'à se rendre jusqu'à la maison des Granger. Ils avaient longuement discuter sur le moyen de locomotion à utiliser. Les cheminées, chez les Moldus étaient devenues un élément décoratif et il était difficile de les utiliser pour voyager. Les Weasley se rendirent d'abord avec tous leurs cadeaux chez Harry et Ginny qui les attendaient avec Fleur, Victoire et Bill.
Harry avait tout simplement loué une vieille limousine, tout ce qui a de plus moldue. Tous les paquets trouvèrent leur place dans le coffre. Ce fut Kreattur qui prit le volant. En vertu du pouvoir qu'ont les elfes de faire tout ce qu'on leur demande, le voyage se passa sans incident. Arthur était enchanté de voir comment le véhicule roulait en suivant son ruban d'asphalte sans dévier de sa route. Il regardait à gauche et à droite et s'amusait à baisser et à remonter les vitres des portières en utilisant la petite manivelle.
Molly finit par lui demander de rester tranquille : les courants d'air risquait de donner un rhume à leur petite fille.
Ron, Hermione et George avait opté pour le transplanage. Pour les paquets, Hermione avait la bonne vieille solution du sac en perles qui aurait pu transporter un piano. Ils étaient déjà sur place quand la limousine débarqua dans la rue des Granger. Kreattur gara le long véhicule comme s'il avait fait ça toute sa vie puis retourna au Square Grimmaurd. Harry se fit un plaisir d'expliquer à Arthur comment on se servait d'une sonnette de maison. Il dut aussi lui expliquer qu'appuyer trop souvent sur l'objet pouvait le faire passer pour un sans-gêne.
Les Granger accueillirent leurs visiteurs avec beaucoup d'enthousiasme. Hermione se chargea de placer tous les cadeaux au pied du sapin. Ce qui inquiétait Molly, c'est que la cuisine de Mrs Granger n'était pas équipée de toutes les facilités sorcières.
— Ne vous en faites pas pour ça, répétait Mrs Granger, j'ai fait venir un traiteur.
Mais Molly n'avait pas l'air de comprendre de quoi elle parlait. Hermione renvoya sa future belle-mère dans le salon en lui recommandant de ne plus se soucier de rien.
— Je voudrais bien savoir pourquoi je n'ai pas le droit d'aider en cuisine, marmonna-t-elle entre ses dents.
— Mais Molly, ça fait bien cinq fois qu'on vous dit que c'est le traiteur qui s'occupe de tout ! rétorqua Harry.
— A quoi sert cet appareil moldu, demanda Arthur.
— Quel appareil ?
— Ben, le traiteur.
Harry éclata de rire.
— Ce n'est pas un appareil ! s'exclama-t-il. C'est un cuisinier qui livre à domicile !
Le rire fut communicatif. Mr Granger se chargea de servir l’apéritif à ses invités. Fleur avait tenu à apporter quelques bouteilles de véritable champagne français. Cela contribua à détendre passablement l'atmosphère. Les bouchons sautaient, les verres se remplissaient et les langues se déliaient.
Arthur ne manqua pas d'interroger avec assiduité Mr Granger sur le fonctionnement d'une voiture, sur la façon dont on produisait l'électricité et sur l'utilité des canards de baignoire.
Les yeux de Bill se posèrent un instant sur son frère George. Il avait l'air absent, un peu perdu. Il faut dire que Ron avait les yeux rivés sur Hermione, Ginny et Harry étaient collés l'un à l'autre, Fleur ne faisait plus qu'un avec sa fille et ses parents restaient suspendus aux lèvres des Granger. C'est alors qu'un plop fit sursauter toutes les personnes présentes. Charlie débarqua dans le salon avec un tonitruant « Désolé pour le retard ! »
Il sortit de son sac à dos une quantité inimaginable de paquets cadeaux. Il n'y avait pas que Hermione qui maîtrisait le sort d'extension indétectable. Percy préféra atterrir dans le jardin, juché sur son balai mais il avait pris le soin de se faire jeter un sort de désillusion avant de s'envoler. Une fois qu'il eût mis un terme au sortilège, il se présenta à la porte et frappa de toutes ses forces. Mais personne ne l'entendit car on parlait fort et haut. Il alla donc frapper à la vitre. Dès qu'il l'aperçut, engoncé dans son fabuleux costume, Bill alla lui ouvrir la porte.
— Mais comment fait-on pour entrer, ici ! S'exclama-t-il. J'ai presque défoncé la porte avec mes poings.
— Tu aurais pu transplaner à l'intérieur, répliqua Bill.
— Euh … ça ne se fait pas ! Je ne les connais pas plus que ça, murmura-t-il. Et puis, j'avais des cadeaux plein les bras.
— C'est malin ! Une fois à l'intérieur, tu ouvres la porte et tu vas les chercher, fit Bill en secouant la tête. Allez, joyeux Noël, petit frère !
Percy alla saluer les invités déjà présents tandis que Hermione le déchargeaient de ses paquets pour les placer au pied de l'arbre.
— Il est toujours aussi cérémonieux ? glissa Mrs Granger à sa fille.
— Là, il fait un effort pour paraître détendu, répondit malicieusement Hermione.
Bill s'employa discrètement pour inclure George aux conversations en cours. Charlie tenait le crachoir : il en avait beaucoup de choses à raconter sur les dragons de Roumanie. Quand Molly lui demanda s'il ne s'était pas lié avec l'une ou l'autre sorcière présente là-bas, il vira au rouge vif. Ses frères ne manquèrent pas de le chambrer.
Cette joyeuse conversation fut interrompue par un coup de sonnette qui intrigua d'emblée Percy. Arthur ne manqua pas de lui expliquer tout ce qui venait d'apprendre sur le fonctionnement de ce système avec des termes qui firent sourire plus d'une fois Mr Granger. Le traiteur venait d'arriver et les invités passèrent à table.
C'était le moment pour les sorciers la tradition des crakers. Dans chaque assiette se trouvait une grande papillote. Il fallait tenir l'extrémité de celle de ses voisins en croisant les bras et en formant une chaîne circulaire puis, au moment donné, tirer sur cette extrémité. Cela faisait un petit bruit sec qui rappelait celui des pétards. Les papillotes s'ouvraient pour laisser échapper une couronne en papier, une blague écrite sur un papier et un petit présent comme une friandise, un sifflet, un grelot.
Les Weasley étaient aux anges. Harry était plus que ravi puisqu'il n'avait jamais pu prendre part à cette tradition chez les Dursley qui le reléguaient à la cuisine, y compris à Noël. Les Granger étaient surpris de voir ces grands sorciers réagir à ces réjouissances avec une âme de petit enfant. Arthur était plié de rire et exhibait la petite auto en plastique qu'il venait de trouver.
George partit dans une conversation animée avec Ron sur l'adaptation qu'il pourrait en faire pour sa boutique. Charlie et Percy surenchérissaient d'idées farfelues quant à la forme que pouvaient prendre les futures surprises : des figurines de dragon, de sombral, de centaure, d'auto volante, de chien à trois têtes … Bill et Fleur étaient en proie à un fou-rire incoercible.
Hermione ne perdit pas de temps et alla servir l'entrée : du bon saumon d’Ecosse comme il se doit. Après la dinde et ses petits légumes, l'assemblée fut invitée à coiffer la couronne en papier pour honorer le pudding de Noël. Ensuite Mr. Granger alla chercher ses bouteilles de liqueur et l'on procéda à la distribution des cadeaux.
La petite Victoire sommeillait dans son berceau, parmi les peluches qu'elle venait de recevoir. Fleur avait essayé de faire bonne figure en voyant la brassière d'un goût très particulier que Molly avait tricotée pour sa première petite-fille. A cela s'ajoutait une poupée en chiffons et des vêtements pour enfant, achetés dans un magasin Moldu.
De son escapade à Paris, Arthur avait rapporté des cadeaux originaux pour Molly et ses belles-filles. Des écharpes à poches, des châles en cachemire aux formes et couleurs inhabituelles, des modèles qu'on ne vendait pas au Chemin de Traverse. D'ailleurs, ses fils reçurent des accessoires originaux et de qualité : cape, chapeau, gants ...
A côté du traditionnel pull tricoté par les soins de sa mère, Bill avait reçu des Granger un roman policier, signé Agatha Christie. Il apprit à la même occasion que la romancière Moldue avait quitté ce bas monde depuis belle lurette. Il se retrouva avec du parchemin de bonne qualité, une plume auto-encreuse et une cage dans laquelle sommeillait une petite créature engourdie.
— C'est un rat ? s'étonna Mrs Granger.
— Ah non ! Pas un rat ! s'égosilla Ron.
— Non, ce n'est pas un rat, c'est un fléreur, intervint Hermione.
— Ciel, mes bijoux ! s'exclama George avec une voix suraiguë qui déclencha l'hilarité.
— Arrête, tu vois bien qu'il est engourdi ! répliqua Bill.
— J'espère que tu n'auras pas de regrets, fit Fleur à mi-voix.
— Des regrets ? Ah non ! Depuis le temps que j'en rêvais, répondit son mari. Merci Fleur, tu es un cœur ! (en français dans le texte)
— Mais où allez-vous le mettre ? demanda Molly.
— Oh … là, j'ai déjà des idées, répondit son fils.
— Ne vous en faites pas, la rassura Fleur, à Beaubâton, on a appris comment s'occuper de ces petites créatures.
— Evidemment, ce n'est pas Hagrid qui donnait cours, murmura Ron entre ses dents.
— Il reste un cadeau à déballer, intervint Mrs Granger. Je pense que c'est pour vous, Fleur.
Se disant, elle lui donna le paquet. Fleur l'ouvrit et en retira un énorme livre avec une grosse reliure de cuir mais un dos poilu et un fermoir en forme de pattes griffues, couvertes d'écailles. Le titre était imprimé sur le cuir en lettres dorées, scintillantes : Bestarius Magicus.
La jeune sorcière tira élégamment sa baguette de sa poche et toucha légèrement du bout de celle-ci la couverture du livre. Le gros ouvrage s'ouvrit à la page de garde, puis le livre se feuilleta de lui-même jusqu'à la première page.
— Tu peux toucher le livre, murmura Bill.
Fleur posa le doigt sur l'une des entrées et aussitôt on entendit un bruit de sabots claquant sur le sol puis celui d'un bruissement d'ailes suivit d'un hennissement. Un souffle d'air rabattit ses cheveux vers l'arrière et une odeur de sueur équine lui chatouilla les narines.
— Mais c'est un chouette cadeau ! s'exclama Charlie. C'est de Bill ?
— Mais bien sûr que c'est de Bill ! intervint Percy.
— Et Norvégien à crête, ça donne quoi ? demanda Charlie.
— Je n'ai pas envie de me faire brûler les sourcils, répondit Fleur en riant. Merci, dit-elle à l'adresse de son époux en l'embrassant.
Les invités des Granger passèrent encore un peu de temps à admirer leurs cadeaux. Percy avait reçu un admirable nécessaire de bureau, un beau chapeau pointu de qualité, quelques étuis à baguette, une paire de pantoufles et un petit ouvrage qu'un Moldu aurait intitulé : la drague pour les nuls. Charlie rit moins fort de son frère quand il vit qu'un ouvrage semblable lui avait été dévolu. Cette année, les pères et mères noëls qui l'avaient gâté avait davantage pensé à sa garde-robe qu'à son métier de dragonnier.
Mais ceux qui étaient particulièrement à la fête, ce Noël-là, c'était maman et papa Granger. Aucun objet magique, ça allait de soi, le Ministère n'aurait pas approuvé, mais des assortiments de gourmandises de toutes sortes, exotiques, hors du commun ; des potions, des baumes pour tous les petits bobos ; des cosmétiques inhabituels ; des accessoires fantasques. Ils étaient largement récompensés de leur hospitalité.
Après que le thé fut servi et consommé, Charlie proposa une partie de jeu de société qu'il avait ramené de Roumanie. C'était le principe du jeu des petits chevaux, mais les chevaux étaient remplacés par des dragons, les pions étaient animés et voletaient tout seul jusqu'à leur case, quant aux dés, ils avaient une forme tétraédrique, ce qui permettaient d'avancer jusqu'à douze cases à la fois. Quand le dé montrait un nombre trop bas, le petit dragon piétinait, rugissait, secouait la tête en crachant une mini-flamme. Quand le nombre était élevé, il volait gracieusement, parfois en faisant un looping ou une pirouette jusqu'à la bonne case. Quand deux dragons arrivaient sur la même case, ils se bagarraient comme des chiffonniers.
La piste du jeu était beaucoup plus grande que celle du jeu des petits chevaux. Elle avait une forme de spirale et était décorée par des paysages de montagnes et de lacs. Tout le monde était aux anges, surtout les Granger qui n'avait jamais vu de jeu comme celui-là.
Le soir tombait quand chacun se décida de retourner chez soi. Fleur, Bill et Victoire empruntèrent une fois encore la cheminée du Square Grimmaurd pour revenir à la Chaumière aux coquillages. Dès qu'ils eurent débarqué dans leur salon, le sapin s'illumina et les petites figurines de fées qui le décoraient se mirent à chanter des cantiques de Noël.
— Tiens, tiens, fit Bill ! On dirait qu'un petit lutin est passé pendant notre absence.
Fleur se mit à rire. En effet, il y avait quelques paquets au pied de leur sapin et pas seulement ceux que la jeune femme avait installés elle-même.
— On dirait que nous avons eu, tous les deux la même idée ! s'exclama-t-elle.
Bill posa tous les paquets qu'ils venaient de rapporter de chez les Granger dans un coin. Il s'approcha de l'arbre de Noël et offrit un paquet à Fleur. Il était marqué au nom de Victoire. La jeune femme déposa la petite, emmitouflée dans un long châle sur le sofa, prit le paquet et le déballa. Il contenait un livre épais et illustré.
— Contes de Cornouailles pour les petits sorciers et sorcières qui sucent encore leur pouce, Isabel Listwar.
— Touche une page de ta baguette en disant : Lis moi une histoire, proposa Bill.
Fleur ne se fit pas prier. Aussitôt, le livre se feuilleta de lui-même jusqu'à la page du début du conte et se mit à conter La fable du doxy amoureux d'un botruc.
— C'est génial ! s'exclama-t-elle. Tu as trouvé ça chez Fleury & Bott ?
— Non, chez Bellanfan. Une petite boutique qui ne paie pas de mine mais dans laquelle on trouve de vrais trésors.
— A mon tour !
Fleur passa une boîte garnie d'un gros nœud rose à son mari.
— Bien, voyons voir ! dit Bill en secouant la boîte, tout en y portant l'oreille. Ça ne casse pas ?
— Ouvre !
Il défit le nœud et découvrit un caleçon qui le fit éclater de rire. Des petites ailes étaient imprimées à l'endroit que l'on peut deviner.
— Je ne pouvais pas t'offrir ça devant ta mère, murmura Fleur.
— Tu as dû te ruiner ! A côté du pyjama en soie …
— Pas du tout, je m'en suis tenue à mon budget. Le tout, c'est de s'y prendre à temps pour économiser et de connaître les bons endroits.
— Il reste encore ce petit paquet, dit Bill en le lui tendant.
— Toi, tu as dû te ruiner, le gronda gentiment Fleur.
— Mes employeurs se sont souvenus qu'ils devaient me régler quelques heures supplémentaires laissées en souffrance, répondit Bill, cela est tombé à point.
Le dernier paquet contenait un très beau collier de pierres enchantées. Leur charme, limité mais réel, protégeait leur propriétaire contre les maladies courantes et les petits bobos.
Les deux époux se blottirent l'un contre l'autre et admirèrent en silence le feu qu'ils venaient d'allumer dans l'âtre, le sapin si joliment décoré et leur plus grand trésor : la petite Victoire qui avait fini par s'endormir avec l'une de ses moues qu'ont les bébés et qui vous fait fondre le cœur.
— C'était bien le Noël chez les Granger, dit Bill pensivement, après un long moment. Mais l'an prochain, on fêtera Noël entre nous trois.
— … Entre nous quatre, corrigea Fleur.
— … Non ? … C'est … Ça, c'est mon plus beau cadeau de Noël !