Elle était assise sur le sofa, et bouquinait. Un roman moldu, trouvé dans sa bibliothèque deux jours auparavant alors qu’elle le pensait resté chez ses parents. Alors la veille elle l’avait attrapé et s’était allongée dans leur lit, l’oreiller dans le dos. Une distraction un peu incongrue et très agréable. Franchement bienvenue. Et ce soir, elle continuait cette histoire, un pied sous les fesses, sur le canapé coloré. Un peu par hasard, un peu pour attendre le temps qui passe.
Quand James avait poussé la porte, elle avait bondi sur ses jambes, et s’était précipitée pour l’accueillir. Blottie dans ses bras, en vrac dans l’entrée, le nez pile à la bonne hauteur pour être juste au creux de son cou, elle savourait son odeur. Inutile de s’appesantir avec des explications sur la guerre, dehors : elle était juste heureuse de profiter de son amoureux et de ses bras, qui étaient sa maison - leur maison. Et de cette soirée rien qu’à eux.
C’était James qui était rentré, un matin, avec l’idée de cette soirée. Ça faisait longtemps, disait-il, qu’ils ne s’étaient pas retrouvés rien que tous les deux, à savourer un bon repas, du vin français et des fleurs dans le petit vase blanc. Enfin non, tous ces détails s’étaient invités d’eux-mêmes après, James avait seulement demandé un bon repas.
Lily avait accepté. Les arguments de James étaient justes - même si, pour être tout à fait honnête, ils avaient tous les deux passé sous silence le fait qu’ils passaient tout de même la majorité de leurs soirées ensemble, excepté quand les Maraudeurs ou un autre membre de l’Ordre s’invitait chez eux.
Le repas, c’était elle qui l’avait fait, malgré son piètre don en la matière. Une recette d’Alice, goûtée chez son amie la semaine précédente, et que Lily s’était promis de retester chez elle à la première occasion.
Ça s’était fait comme ça, c’est tout. James était de mission toute la journée.
A table, ils avaient parlé de tout et de rien - comme ils aimaient le faire. De la journée de James, et de ce qu’il faisait au Ministère cette semaine. De celle de Lily, du marché de Godric’s Hollow où elle avait parlé avec Mme Tourdesac une bonne vingtaine de minutes. De M. Hanthis, qui était décidément un parfait crétin- James ! Des voisins qui avaient taillé des rosiers vers deux heures p.m.
Lily avait montré une certaine pudeur à parler de son livre, mais sous l’œil doux de James et suite à une question pertinente de sa part, elle en avait dévoilé à demi-mot l’intrigue.
- Lily… James posa sa fourchette. Je voulais te demander quelque chose.
L’intéressée leva vers lui un regard attentif.
- Oui ?
- Je… C’est pour que ça tout le… le repas, et tout ça…
Il désigna d’un geste vague la table mise devant eux.
- Enfin bref. Tu veux m’épouser ?
Tintement de couvert sur le carrelage. La fourchette.
Et Lily bégaya :
- T’ép… T’épou… T’épouser ?
- Oui.
James hocha la tête d’un air encourageant. Va savoir pourquoi il ne paniqua pas. Il se contentait d’hocher la tête à répétition en regardant Lily, un drôle de sourire tout mou sur les lèvres, tout en déballant la boîte dans sa main, pour bien faire les choses.
Boîte qu’il posa en vrac sur la table quand Lily se précipita dans ses bras.
- Oh, James, je… Je ne sais pas.
Ils étaient toujours assis sur leur chaise respective.
- Lily, viens, calme-toi. Que se passe-t-il, là ?
Tout en parlant il caressait doucement ses tempes à travers ses boucles auburn et embrassait - au sens premier du terme - ses épaules en une étreinte confortable.
- Je ne sais pas… C’est que… C’est si soudain.
- Tu ne t’y attendais pas ?
- Non, avoua-t-elle, un peu honteuse lorsqu’elle réalisa que James y pensait depuis longtemps - il avait fait organiser ce repas ! - et que c’était une si belle évidence dans ses yeux.
- Hm, et bien, c’est-à-dire que je… C’est si, je… Je ne…
Elle marmonnait dans sa barbe, bredouillait dans l’épaule de James, se perdait en explications qu’elle pensait claires mais qui ne formaient seulement pas des phrases complètes.
Elle s’embrouillait.
Cependant James n’avait pas besoin de lui demander de préciser. Il lui suffisait de reculer un peu la tête, que Lily lève la sienne, il les lisait dans ses yeux, ses réticences.
Il y a la guerre dehors, et nous sommes jeunes, et je n’ai pas été élevée comme ça…
- Lily, ce n’est pas une obligation… Juste une proposition. Juste une proposition de marcher ensemble, main dans la main.
Il soupira. Sa poitrine se souleva, et s’abaissa d’un coup.
- Et encore, ce n’est qu’une façon de cheminer ensemble. Parmi tant d’autres ! Nous trouverons - ensemble - le cheminement qui nous convient !
Il insista sur le « ensemble ».
Son amoureuse restait recroquevillée. Le nez serré contre son cou, les doigts crispés sur ses épaules, elle ne relevait pas la tête.
Elle semblait toujours marmonner des choses indistinctes dans le cou de James.
Lui caressait son dos, le peu de sa joue qui lui était accessible, mettant dans cette étreinte le plus de douceur possible.
- Lily… Je sais. Je sais ! Nous sommes jeunes, et il y a la guerre dehors, et qu’en auraient dit nos parents ? Et que va en penser Sirius ? Et Dumbledore alors !
A ce stade, il était difficile de savoir si James était toujours sérieux ou s’il était ironique.
Délicatement, il bloqua son menton entre deux doigts.
- Lily… tu en as envie ?
- Non. Oui. Je ne sais pas.
- Hé bien nous attendrons que tu saches !
- Lily, si je veux un bonheur, c’est le nôtre. Si je veux un chemin, c’est le nôtre. Si je veux partager ma vie, c’est avec toi. Si je te propose le mariage, c’est que tu es la seule femme que je veux, pour le restant de ma vie. Si j’aime un sourire ? Le tien. Si je veux faire apparaitre des fossettes, c’est les tiennes. Si je veux protéger une prunelle plus que la mienne ? La tienne. Si je veux des bras, c’est dans les tiens.
Par-dessus les cheveux de Lily, il lança un regard circulaire à la petite cuisine et, plus loin, au salon cosy qu’on devinait derrière les manteaux de l’entrée. Leur foyer.
- Si je veux une maison, c’est la nôtre.
D’un mouvement commun, ils avaient resserré leur étreinte, Lily était passée sur les genoux de James, sa chaise à l’abandon. La boîte était toujours ouverte sur la table.
Le vin était toujours dans leurs verres à moitié pleins.
Il répéta :
- Tu en as envie ?
- Je crois, oui.
- Alors marions-nous, pour le meilleur et pour le pire !
Elle lui fit un timide sourire victorieux :
- Oui.
Ils partagèrent un grand sourire amoureux.
Nous cheminerons ensemble, main dans la main. Qu’importe la guerre, dehors, les autres et le qu’en dira-t-on. Nous sommes jeunes, nous avons la vie devant nous, et nous la vivrons tous les deux. Sur le grand plan de toutes les directions possibles nous irons, et nos pas seuls traceront notre chemin. Nous cheminerons ensemble, et nous accompagneront les amis, les alliés que nous choisirons et qui nous choisiront. Nous tracerons des sillons dans le champ des possibles. Nous cheminerons ensemble, d’une cadence jumelle, sur le chemin que seuls traceront nos pas.