- JE DÉTESTE JAMES SIRIUS POTTER !
Chassez le naturel, il revient vite au galop. C'est ce que ma soeur Lyss dit toujours en parlant de moi. Sous prétexte que je me tiens correctement en société, alors qu'elle en est incapable. Et c'est exactement ce qu'elle a l'air de penser, en ce moment. Bon, c'est vrai que je suis entrain de sauter à pieds joints sur un tas de vêtements au beau milieu de ma chambre, mais ça ne fait pas de moi une hystérique pour autant.
- Pourquoi, qu'est-ce qu'il t'as écrit ? me demande-t-elle, remarquant la lettre ouverte au pied de mon lit.
Lyss croise mon regard meurtrier et se recule aussitôt par instant de survie. Elle a bien raison car si je savais où se trouvait ma baguette magique dans tout ce fouillis, son jolie visage serait couvert de furoncles.
- Ce qu'il m'a écrit ? Je répète lentement, hors de moi.
Le simple fait de poser cette question prouve qu'elle a un total désintérêt pour ma vie. Comme si j'avais pour habitude de correspondre avec cet abruti !
- Ce qu'il m'a fait, oui ! Il m'a volé mon job !
- T'as un job, toi ? Depuis quand ?
J’arrête de faire les cent pas pour la regarder droit dans les yeux. Lyss me fixe de son habituel air absent, voire ennuyé. Son indifférence me sidère un peu plus chaque jour. On dirait qu'elle essaie de se surpasser, comme si tout cela n'était qu'un jeu sans conséquence pour notre relation future.
- Les filles, le repas est bientôt...
Papa s'interrompt brusquement en voyant ma tête et affiche une expression effrayée. C'est pas moi qui lui fais peur, c'est l'état de ma chambre. Elle ferait fuir n'importe qui, mise à part Lyss. Et pour cause, ma soeur vit dans un dépotoir. Pour être en accord avec son "moi intérieur" comme elle dit à maman. Je ne vois pas en quoi laisser trainé un vieux sandwich avarié par terre peut aider à ouvrir ses chakras, mais bon. A chacun ses croyances.
- Code rouge, vas-t-en ! s'écrie Lyss en le poussant hors de la chambre.
- Non, je refuse de t'abandonner !
Il a dit ça sur un ton affolé, comme si elle s’apprêtait à désamorcer une bombe. Code Rouge est le terme qu'ils utilisent tous les deux pour qualifier mes subites (et très rares) pétages de plombs.
- Tu ne peux plus rien pour moi, c'est trop tard ! dit-elle d'une voix de tragédienne, se prenant pour l’héroïne d'un film catastrophe.
Je lève les yeux au ciel, lassée de leur cinéma. Pourrait-on s'il vous plait, revenir à mon problème ? Je viens de me faire licencier sans indemnités ni préavis. Bon d'accord, je n'étais pas réellement rémunéré mais un petit "Merci pour ces années de travail acharné, Sélina" ça ne lui aurait pas écorché la langue à Christal, si ? Une fois Papa parti- en s'enfuyant comme si la maison était en feu- je me tourne vers Lyss.
- Pour ton information, cela fait maintenant trois ans que j'écris pour le journal de l'école.
- Je m’intéresse pas à l'actualité, se défend la gryffondor.
Je sais bien qu'elle se fiche de mes soucis et en tant normal, cela m'est égal. Je ne suis pas le genre de fille qui aime se confier ou s'apitoyer sur son sort. Mais c'est un cas d’extrême urgence et malheureusement pour Lyss, j'ai besoin d'une oreille attentive. Enfin, j'ai besoin d'une oreille, parce que pour ce qui est de l'attention...
- Et aujourd'hui, Christal- la rédactrice-en-chef- me jette comme une vieille chaussette sous prétexte qu'au vu de mes nouvelles attributions, je vais manquer de temps !
Et elle me remplace par James Sirius Potter, le type qui rédige deux lignes par mois sur le Quidditch. Le pire, c'est qu'ils osent appeler ça " La chronique sportive de James ". J'ai écris une centaine d'articles pour ce stupide torchon et mon nom n'a jamais figuré nulle part ! Lyss lâche un long soupir, plus ennuyée que jamais.
- De quelles nouvelles attributions tu parles ? me questionne-t-elle dans un ultime effort.
- Je suis Préfete-en-chef, cette année.
- Non, pourquoi tu me l'as pas dit ?
Ma petite soeur Lyss, dans toute sa splendeur. J'ai fais une annonce publique à toute la famille la semaine dernière et elle n'en n'a gardé aucun souvenir. Se fichant de la réponse, la petite blonde se dirige vers ma commode pour m'emprunter un bâton de rouge à lèvres.
- Pourquoi t'en veux à Potter ? reprend-t-elle en se maquillant devant le miroir, c'est pas de sa faute si Christal t'a viré.
- BIEN SUR QUE SI ! Je crie à son reflet.
Lyss sursaute et se retrouve avec une magnifique trace de rouge à lèvres sur la joue. Toujours impassible, elle attrape un mouchoir et se frotte le visage avec insistance. Potter aurait dû refuser le poste. Je sais qu'il à un pois chiche à la place du cerveau mais il doit bien se douter qu'il n'est pas à la hauteur !
- Calme-toi Sélina, je suis sûre que tout va s'arranger.
- Çà, c'est certain ! Je vais faire mordre la poussière à James Potter et récupérer ma place !
Sur ce, je pose mes fesses sur ma valise trop pleine et essaie de la fermer. Au lieu de me proposer son aide, Lyss préfère s'affaler sur mon lit. Elle a encore une trace de rouge sur sa joue, mais je suis trop énervée pour le lui faire remarquer.
- Une déclaration de guerre, maintenant. Génial, comme si ce n'était pas déjà assez compliqué d'avoir une soeur à Serpentard.
- Je ne vois pas en quoi c'est compliqué pour toi. Quand on est à Poudlard, tu fais comme si je n'existais pas.
- Tu exagères, marmonne cette dernière en détournant la tête.
C'est ça, j’exagère.
L'an dernier, j'ai eu le malheur de la croiser dans les couloirs. En soeur aimable que je suis, je l'ai salué. Lyss n'a pas bronché."Tu la connais ?" lui a demandé l'une de ses amies. Ma soeur a fait non de la tête "Jamais vu". Ça me rappelle la réaction de Maman lorsque je lui ai annoncé mon admission chez les serpentard. Je m'en souviens comme si c'était hier. Elle s'était figé sur place, une louche dégoulinante de soupe à la main.
- A Serpentard, dis-tu ? Et bien c'est, euh... bien.
J'avais tout de suite compris au ton de sa voix que ce n'était pas bien du tout. Si elle avait accepté que je lui envoie une lettre, elle aurait eu un peu de temps pour se préparer psychologiquement. Mais non, Maman avait insisté pour que je lui annonce la nouvelle de vive voix, pendant les vacances.
- C'est tout de même surprenant, notre famille est envoyée depuis plusieurs générations à Gryffondor. Ne trouves-tu pas cela surprenant, chéri ?
Elle a lancé une œillade appuyée à mon père qui haussa les épaules sans lever les yeux de son assiette.
- Bof, j'étais bien à Poufsouffle. Tout comme ma tante Isidore et elle était même Préfete-en-chef !
Dans sa jeunesse, Papa se fichait de ses études. Alors ces histoires de maisons, ça lui passaient au dessus de la tête.
- Qui a parlé de ta tante ?! à rétorqué sèchement Maman tout en servant à Lyss une louche de soupe qui lui éclaboussa le visage. Ils n'auraient pas changé le choixpeau, par hasard ? a-t-elle insisté.
- Non, je ne crois pas.
Comment étais-je censé le savoir ? Avant la répartition, je ne l'avais jamais vu moi, ce maudit choixpeau.
- Hum. Et qu'est-ce qu'il t'a dit ?
Curieusement ce soir là, il lui était impossible de tenir en place. Elle faisait les cent pas dans la cuisine, à la recherche d'un quelconque ustensile.
- Qui ça ?
- Le choixpeau !
- Rien du tout. Il a juste hurlé : SERPENTARD !
Mon père et ma soeur s'étaient bouchés les oreilles mais ma mère, elle, continuait de me dévisager comme si j'étais un extraterrestre qui avait prit possession de sa fille.
- Et tu n'as pas demandé à aller ailleurs ?
- Pourquoi, c'est pas bien d’être à Serpentard ?
- Bien sûr que si, Sélina ! est alors intervenu mon père, c'est l'une des meilleures maisons.
Ma mère a détourné la tête pour dissimuler son agacement, ce que je n'avais pas manqué de remarquer, tout comme Lyss.
- Alors pourquoi Maman n'est pas contente ?
Mes parents ont échangés un regard plein de sous-entendus et se sont lancés dans une discussion silencieuse, comme seuls les adultes savent faire. Les ragots que j'avais entendu avant la répartition m'était aussitôt revenus à la mémoire.
- Il paraît que les élèves se réunissent la nuit dans les cachots pour invoquer le Diable... Quand ce n'est pas Voldemort !
À cet âge, je n'avais aucune idée de qui pouvait être Voldemort. Néanmoins, à voir son petit air insolent, il m'avait paru évident que ce garçon cherchait à attirer l'attention le premier jour d'école en racontant de gros bobards.
- Ne l'écoutez pas, il veux juste nous faire peur.
C'était franchement pas malin de nous effrayer avant la répartition ! Le brun aux cheveux hirsutes s'était tourné vers moi, ravi d'attirer tous les regards.
- C'est la vérité ! a-t-il lancé en parlant exagérément fort. C'est mon oncle George qui me l'a dit, même qu'il a infiltré l'une de leur réunion.
- Ton oncle était à Serpentard, James ? lui a demandé une petite fille en le regardant avec des étoiles plein les yeux.
Je n'avais pas compris sur le moment pourquoi les autres premières années buvaient ses paroles. Ils s’étaient rassemblés autour de lui et le regardait avec admiration, comme s'il venait de sauver une cargaison de chiots d'un immeuble en flammes.
- Jamais de la vie ! s'est-il indigné, il était à gryffondor mon oncle ! Comme mon père. Et ma mère. Et mon parrain, aussi. Sans oublier mes grands parents maternels et paternels...
- On a compris, toute ta famille était à gryffondor ! l'ai-je abruptement coupé.
Je me souviens m’être demandé si tous les garçons de cette école était aussi insupportable. Si c'était le cas, autant faire tout de suite demi-tour ! J'étais déjà tombée sur un dénommé Brett Spinner dans le Poudlard Express qui m'avait fait très mauvaise impression.
- Non, a répondu le futur gryffondor avec sourire goguenard. J'ai un cousin éloigné au cinquième degré qui est à Poufsouffle.
- Passionnant.
C'était le premier garçon qui me donnait envie de sauter d'un train en marche ! Ne pouvant en supporter d'avantage, je m'étais frayé un chemin parmi la horde d’élèves en espérant intérieurement ne pas me retrouver dans la même maison que ce petit rigolo.
- N'est-ce pas ? J'ai aussi une cousine qui a des origines vélanes.
Non, vous ne rêvez pas. Ce James de malheur m'avait bel et bien suivie pour continuer de se venter de sa belle et grande famille !
- Tu comptes nous faire tout ton arbre généalogique ?
- Oui, puisque cela semble tant te passionner. Je m'appelle James Sirius Potter, au fait. Mon nom doit sûrement te dire quelque chose.
Pas du tout. Mes parents s'étaient bien gardés d'entrer les détails concernant la seconde Guerre. "Les gentils ont battu les méchants, c'est tout ce que tu as besoin de savoir" m'a répondu maman, lorsque je lui avais demandé plus d'explications.
- Pourquoi, l'un de tes ancêtres était aussi le fondateur de la maison Gryffondor ?
Potter m'a transpercé du regard, comme si je venais d'insulter son père. Et sa mère. Et son parrain. Sans oublier ses grands-parents maternels et paternels, son cousin éloigné au cinquième degré (c'est une blague ?) et sa cousine d'origine vélane. Toute trace d'amusement avait disparu de son visage.
- Tu as un drôle de sens de l'humour, m'a-t-il pratiquement craché à la figure.
- Au moins moi, j'ai de l'humour.
Le gryffondor ne m'a plus adressé la parole de toute l'année, ce qui ne l'a pas empêché de lancer une rumeur à mon sujet : " Il parait que Wilson a une photo de Voldemort sous son oreiller, et elle l'embrasse chaque soir avant de s'endormir !" Heureusement pour moi, personne ne l'avait pris au sérieux. Tout le monde s'était vite rendu compte que Potter ne cherchait qu'à épater la galerie. Mais revenons à la réaction de ma mère.
Je commençais sérieusement à me poser des questions et regrettais même mon admission dans cette maison.
- C'est faux, je suis très fière de toi. m'a -t-elle assuré avec un demi-sourire. Tout de même ce choixpeau, il n'aurait pas pris un coup de froid ?
Elle était à deux doigts d'envoyer une lettre au Directeur pour lui demander si le choixpeau n'avait pas commis une erreur, ou contracté un virus qui aurait faussé son jugement.
- T'as déjà vu un chapeau prendre froid, toi ?! s'est moqué mon père d'un rire tonitruant.
- Les chapeaux magiques, oui ! Une fois, j'en ai essayé un qui m'a éternué sur la tête...
- Moi, j’irai à Gryffondor ! Comme toi Maman, a dit Lyss de sa petite voix enfantine.
Elle avait l'air d'avoir attrapé la varicelle, avec toutes ces éclaboussures de tomate sur la figure. Une véritable étincelle de joie et de fierté ont brillé dans les yeux de ma mère.
- Je n'en doute pas, ma petite fleur de lys. Serpentard est une bonne maison, Sélina. Mais méfie-toi de tes futurs fréquentations, a-t-elle ajouté sur un ton d'avertissement.
Ouais, elle aurait pu aussi me mettre en garde contre les élèves de gryffondor.