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News

Nuit HPF du 23 août 2024


Chers membres d'HPF,

Nous vous informons que la 147e édition des Nuits d'HPF se déroulera le Vendredi 23 août à partir de 20h. N'hésitez pas à venir découvrir les nuits. vous inscrire !
Pour connaître les modalités de participation, rendez-vous sur ce topic.
A très bientôt !



De Équipe des Nuits le 19/08/2024 00:41


Programme de juillet des Aspics


Bonsoir à toustes !

Un peu de lecture pour vous accompagner en cette période estivale... Vous avez jusqu'au 31 juillet pour, d'une part, voter pour le thème de la prochaine sélection ici et, d'autre part, lire les textes de la sélection "Romance" du deuxième trimestre 2024, et voter ici !

Les sélections sont l'occasion de moments d'échange, n'hésitez pas à nous dire ce que vous en avez pensé sur le forum ou directement en reviews auprès des auteurices !


De L'Equipe des Podiums le 11/07/2024 22:30


Assemblée Générale 2024


Bonjour à toustes,

L'assemblée générale annuelle de l'association Héros de Papier Froissé est présentement ouverte sur le forum et ce jusqu'à vendredi prochain, le 21 juin 2024, à 19h.

Venez lire, échanger et voter (pour les adhérents) pour l'avenir de l'association.

Bonne AG !
De Conseil d'Administration le 14/06/2024 19:04


Sélection Romance !


Bonsoir à toustes,

Comme vous l'avez peut-être déjà constaté, sur notre page d'accueil s'affichent désormais des textes nous présentant des tranches de vie tout aussi romantiques ou romancées les uns que les autres ! Et oui, c'est la sélection Romance qui occupera le début de l'été, jusqu'au 31 juillet.

Nous vous encourageons vivement à (re)découvrir, lire et commenter cette sélection ! Avec une petite surprise pour les plus assidu.e.s d'entre vous...

Bien sûr, vous pouvez voter, ça se passe ici !


De Jury des Aspics le 12/06/2024 22:31


145e Nuit d'écriture


Chers membres d'HPF,

Nous vous informons que la 145e édition des Nuits d'HPF se déroulera le Vendredi 14 juin à partir de 20h. N'hésitez pas à venir découvrir les nuits. vous inscrire !
Pour connaître les modalités de participation, rendez-vous sur ce topic.
À très bientôt !


 


De L'équipe des nuits le 12/06/2024 12:33


Maintenance des serveurs


Attention, deux interventions techniques prévues par notre hébergeur peuvent impacter votre utilisation de nos sites les 28 mai et 4 juin, de 20h à minuit ! Pas d'inquiétudes à avoir si vous remarquez des coupures ponctuelles sur ces plages horaires, promis ce ne sont pas de vilains gremlins qui grignotent nos câbles ;)

De Conseil d'Administration le 26/05/2024 18:10


Nuit blanche, sang rouge, cheveux bleus par Hedwyn

[4 Reviews]
Imprimante
Table des matières

- Taille du texte +
Note d'auteur :

C'est pénible ce genre d'histoires qui vous trottent dans la tête pendant des années sans jamais réussir à prendre forme. Jusqu'au jour où elles veulent bien.
Note de chapitre:

Voici un petit OS qui m'a beaucoup travaillé. Très bonne lecture à tous !


Un silence parfaitement inhabituel régnait dans la salle de repos en cette heure, que certains qualifieraient de très tardive, et que d’autres jugeraient très matinale.

En poussant un profond soupir, Victoire s’assit avec précaution sur la chaise fatiguée, la plus proche de la boîte d’assortiments de chocolats qu’un collègue avait apportée quelques heures plus tôt, et qui était déjà sérieusement entamée. Avec précaution, parce que d’expérience, elle savait que lors de ces interminables nuits de garde, il suffisait de se dire, ou même d’envisager, de s’asseoir un instant, pour que l’alarme des urgences retentisse et déchire le calme apparent comme un simple voile, illusoire et éphémère.

Victoire resta un instant perchée sur le bout de la chaise, l’oreille aux aguets, puis courut le risque de se renfoncer sur sa chaise, qui émit un grincement de protestation. Ce bruit eut l’effet de réveiller Abby en sursaut, qui jusque-là profitait de quelques minutes de sommeil volées à la nuit.

Sans un mot, Abby se frotta les yeux, bailla à s’en décrocher la mâchoire en s’étirant au maximum, comme si elle espérait pouvoir toucher les globes lumineux du plafond du bout de ses doigts. Puis ces derniers s’abattirent dans la boîte de chocolats. Abby en sortit une petite boule à la noix de coco, qu’elle engloutit en une bouchée. Victoire eut un sourire amusé et camoufla son air réprobateur, et se passa la main dans les cheveux en étouffant un bâillement si similaire à celui de sa collègue.

En fronçant légèrement les sourcils, elle ramena devant elle une de ses mèches de cheveux. Ils étaient secs, elle devrait bientôt faire un masque. Et les couper. Quand elle aurait le temps.




- Ah, chérie, tu es rentrée, parfait, passons à table.

Victoire adressa un sourire crispé à sa mère, et retourna dans l’entrée pour déposer toutes ses affaires. Au-dessus de sa tête, elle entendit Dominique et Louis ranger très brièvement leurs affaires avant de descendre bruyamment les escaliers. Elle prit son temps pour délacer ses chaussures. Elle adressa un tendre sourire à son père, qui le lui rendit avant de s’avancer péniblement vers la cuisine, sa main gauche crispée autour de la poignée de la canne dont il voulait tant pouvoir se passer.

Elle fit glisser sa capuche de sa tête, déboutonna avec soin son manteau, le suspendit, ajouta son foulard en soie par-dessus. La gorge sèche, elle attendit d’entendre la soupière de bouillabaisse heurter doucement le sous-plat au centre de la table circulaire, et fit son entrée dans la cuisine.

Sa mère leva brièvement les yeux sur elle, avant de reporter son attention sur la soupe de poissons. Puis elle poussa une exclamation et releva les yeux sur sa fille aînée.

- Qu’est-ce que tu as fait à tes cheveux ? , s’exclama-t-elle en s’agrippant au dossier de la chaise la plus proche.

Bill regarda sa fille à son tour, et ses yeux s’écarquillèrent quelque peu.

Dominique et Louis, qui lui tournaient le dos, se retournèrent vivement sur leur chaise, et un sourire admiratif se dessina sur le visage de sa soeur.

- J’adore, murmura-t-elle dans un français impeccable.

Que sa soeur un peu garçon manqué aime la nouvelle coupe courte de Victoire, cette dernière n’en avait jamais douté. De la réaction de leur mère, elle n’en avait pas douté davantage.

Le jour où Dominique s’était coupé les cheveux elle-même pour obtenir un résultat plus que discutable, Fleur était entrée dans une colère noire, lui interdisant à l’avenir d’approcher le moindre objet tranchant - ou la moindre baguette - de sa somptueuse chevelure aux reflets d’argent.

- J’ai fait ça pour une excellente raison, annonça Victoire en se passant machinalement la main dans ses cheveux d’un blond vénitien à présent coupés en carré très sage.

- Et on peut savoir laquelle ?

- Je vais devenir Guérisseuse.




Victoire repensait souvent à cette soirée.

Cette phrase avait eu l’effet d’une bombe. Cela avait déclenché une grosse dispute dans la chaumière aux coquillages. Louis et Dominique avaient été renvoyés dans leur chambre respective, tandis que le père de Victoire regardait en silence sa femme et sa fille, chacune campée d’un côté de la table, se jetant des mots à la figure par-dessus la bouillabaisse qui refroidissait doucement.

Il est vrai que Fleur Weasley avait fait des pieds et des mains pour décrocher un entretien d’embauche pour sa fille à la rédaction d’Enchantée, ce célèbre magazine de mode parisien. Sa tante Gabrielle avait même commencé à chercher un mignon petit studio sous les combles sur l’artère commerçante du Paris sorcier. Victoire était justement revenue quelques semaines plus tôt d’un séjour de plusieurs mois en France, où elle avait tenté de se faire connaître en tant que créatrice de mode, exposant ses réalisations partout où on avait bien voulu la laisser entrer. Quitte à glisser un pied élégamment chaussé dans l’entrebâillement de la porte pour que justement, on la laisse entrer.

Elle ne pouvait pas vraiment en vouloir à sa mère, et comprenait parfaitement que Fleur soit si en colère ; d’autant que les colères des sorcières au sang de Vélane étaient aussi fascinantes que terribles à voir.

Mais Victoire avait tenu bon, avait expliqué ses raisons avec autant de calme que possible, et s’était heurtée à un mur.

Et elle était là, trois ans plus tard, en dernière année. Cela n’avait pas été sans mal.

A son premier jour, elle était arrivée toute pimpante, en talons et petit chemisier de soie sauvage. En rejoignant le groupe de Guérisseurs qu’elle devrait suivre et observer les premiers mois, elle avait senti le regard un peu lourd de certains de ses futurs collègues, et surtout l’air exaspéré du chef de l’école de santé.

Le soir même, elle se tenait devant la porte de chez elle, la main sur la poignée, les larmes aux yeux, les chaussures à la main, ses pieds semblant hurler de douleur dans les chaussons hideux qu’une aide-Guérisseuse lui avait prêtés. Son chemisier avait fini au fond d’une poubelle, tâché de façon irrémédiable par du vomi bleu de bébé, du sang et une substance qu’elle préférait ne pas identifier. Elle n’avait pas eu le courage de rentrer et d’affronter sa mère.

Et c’est donc chez sa tante Ginny et son oncle Harry qu’elle avait passé la nuit. De tous les oncles et tantes qu’elle aurait pu choisir ce soir-là. Mais ils lui avaient promis de ne rien dire, à personne. Quant aux enfants, James avait déménagé quelques semaines auparavant, et Albus et Lily étaient partis à Poudlard le matin-même.

Ce n’est que quand l’alarme retentit que Victoire se rendit compte qu’elle avait fermé les yeux. Abby aussi était sortie de sa torpeur, et était en train de renfiler ses chaussures. Victoire fut aussitôt debout et évita de justesse leur collègue Ignatius qui entrait en trombe dans la salle de repos.

- Code noir, éructa-t-il, en sortant à nouveau, les deux jeunes femmes sur les talons. Les Aurors étaient de sortie, il y a du dégât.

Le coeur de Victoire manqua un battement, mais elle n’en laissa rien paraître ; quand le trio entra dans la salle des urgences, ils s’arrêtèrent un instant sur le pas de la porte, saisis par ce qui se déroulait sous leurs yeux.

Avec l’expérience, on finissait par sentir ces choses ; la magie noire avait une odeur. Et ce soir, elle était bien présente. Elle empestait la pièce, saisissait les patients et les soignants au coeur, étreignait leurs peurs les plus profondes et stimulait ces dernières pour tenter de paralyser les sorciers qui devaient l’affronter.

Certains des Aurors avaient survécu à la précédente guerre. Certains soignants avaient perdu des patients lors de ces sombres années. Quant aux Guérisseurs et Aurors qui n’exerçaient pas encore à l’époque, Victoire savait que pour nombre d’entre eux, les pertes et les blessures qu’ils avaient connues n'étaient pas étrangères à leur choix de carrière. Ils avaient choisi deux manières différentes de l’affronter : en première ligne, espérant venger et survivre, et en arrière-plan, jurant de soigner et de sauver.

- Remuez-vous les fesses ! , hurla le chef de garde, Galen Hurtward, à leur intention.

Tous trois se jetèrent aussitôt là où ils sentaient qu’une aide supplémentaire serait nécessaire. Le patient de Victoire se débattait autant qu’il le pouvait contre la poigne puissante de deux Guérisseurs, et la jeune femme parvint à glisser la pipette de calmant entre ses mâchoires serrées. Ses collègues relâchèrent leur prise, et s’empressèrent de découper les vêtements du blessé, laissant apparaître de multiples blessures, dont une très sérieuse à l’abdomen qui saignait profusément.

- Sectumsempra ? , demanda un étudiant de première année.

- Non, répondit Liam, un camarade de Victoire. Il serait déjà mort.

Victoire eut un léger froncement de sourcils, mais ne laissa rien paraître et continua à prodiguer ses soins.

- C’est qui ? , entendit-elle un collègue demander à la cantonade derrière elle, parlant de son patient.

- Teddy Lupin, répondit Galen en étudiant le petit rouleau de parchemin que les Aurors devaient toujours porter sur eux, généralement à la taille. On s’écarte.

Victoire laissa tomber des rouleaux de gaze à terre et se retourna vivement. Hormis Galen, qui tentait encore de contenir le sang qui s’écoulait de la cuisse du blessé avec ses mains déjà rougies, les autres Guérisseurs s’étaient écartés, certains d’entre eux gardant les mains levées.

Il était de notoriété publique que Teddy Lupin s’était engagé parmi les Aurors trois ans auparavant. Ses antécédents médicaux et familiaux étaient également connus de beaucoup de personnes, y compris les Guérisseurs.

Pendant un horrible instant, Victoire crut que personne ne se porterait volontaire pour lui. Dans un brouillard, elle distingua ses cheveux bruns, son teint blafard et son expression de souffrance extrême qui lui déformait les traits. Cela faisait des mois qu’elle ne l’avait pas vu.




Victoire se contempla une dernière fois dans le miroir, faisant briller les sequins de sa robe noire achetée à Paris ; Teddy allait en tomber par terre. Ce soir, ils allaient fêter leur anniversaire, en tête à tête. Cinq ans certes entrecoupés de « pauses » et de ruptures plus ou moins longues, de séjours à l’étranger, de relations longue distance qui ne tenaient pas, mais cinq ans tout de même.

Elle entendit frapper à la porte en bas, et se précipita dans les escaliers, aussi vite que le lui permettaient ses vertigineux escarpins à la semelle rouge. Louis ouvrit la porte alors qu’elle atteignait la dernière marche.

- Salut mon pote, dit Teddy en exécutant leur poignée de mains traditionnelle, qu’il ne faisait qu’avec lui.

Teddy serra ensuite la main de Bill, qui lui étreignit affectueusement l’épaule, et son regard se porta sur Victoire, qui tourna sur elle-même pour lui faire admirer sa tenue.

- Tu es magnifique, dit-il avec un sourire, les mains dans les poches.



- Et là, dans la vitrine, il y avait une paire de bottes…

Victoire s’interrompit au milieu de sa phrase, pour la première fois depuis plus de dix minutes ; Teddy semblait absent, lui d’habitude si patient, lui qui d’habitude l’écoutait parler des heures sur la dernière mode, sa dernière robe, qui sortait avec qui, avec ce petit sourire idiot et attendri… Ce soir, il ne la regardait pas, ne l’écoutait visiblement pas, se contentant de faire courir son doigt sur le bord de son verre de vin, dans un sens, dans l’autre…

- Je te dérange ? , demanda-t-elle d’un ton plus agressif qu’elle ne l’aurait voulu.

Teddy releva les yeux sur elle, et sembla sortir de sa torpeur. Il se redressa, s’essuya la bouche avec sa serviette et secoua machinalement la tête.

- Excuse-moi. C’était… c’était une dure journée…

Victoire cligna quelques fois des yeux, perplexe. Puis elle se souvint, et son coeur se serra quelque peu.

Plusieurs semaines auparavant, après des années de supplique et des mois de pression constante exercée sur leurs parents et autres membres et amis de leur famille, Albus avait obtenu gain de cause ; certains d’entre eux avaient accepté de livrer leurs souvenirs, et pas de la manière habituelle, à savoir en en parlant. Albus avait également obtenu l’autorisation spéciale d’emprunter la Pensine au professeur McGonagall. Il l’avait proposé à ses cousins, et à James et Lily également. Les anciens héros de guerre avaient juste posé comme condition d’en restreindre l’accès à leurs enfants majeurs.

Victoire avait poliment refusé ; ce n’était pas sa guerre, pas son histoire. Elle y était suffisamment confrontée, surtout après l’attaque cardiaque dont son père avait été récemment victime. D’après les Guérisseurs, cela avait probablement un lien avec sa… rencontre avec Fenrir Greyback. L’héritage était trop lourd, elle s’en était défait avec plaisir des années auparavant. Son prénom suffisait à commémorer ce jour à la fois funeste et glorieux.

Mais bien sûr, Teddy n’avait pas résisté. Et cela avait dû se passer ce jour-là.

- Tu les as vus ? , demanda-t-elle dans un murmure.

Teddy se contenta d’acquiescer. Victoire le regarda, sans savoir quoi dire.

D’habitude, Teddy n’était pas… silencieux, taciturne, ou seulement à de rares moments, qui passaient bien vite la plupart du temps. D’après Harry, il avait plutôt hérité du caractère enjoué et insouciant de sa mère. Le voir ainsi lui faisait mal au coeur et la mettait en colère. Contre lui, tout d’abord, pour avoir accepté de voir quelque chose qui lui ferait forcément du mal ; contre Albus, qui avait dû juger opportun de proposer cette expérience à Teddy, qui bien sûr n’avait pas pu résister ; et contre Harry, qui avait laissé ça arriver, en premier lieu. Il était le père d’Albus et le parrain de Teddy. Il aurait dû savoir que c’était une mauvaise idée.

- Tu sais à quoi t’en tenir, maintenant, déclara-t-elle d’un ton sec en prenant son verre de vin.

En reposant son verre, elle croisa le regard de Teddy, et sa dernière gorgée de vin eut un goût bien amer ; il semblait furieux. Elle regretta aussitôt ce qu’elle venait de dire.

- Je sais à quoi m’en tenir ? , répéta-t-il, incrédule.

- Je…

- Tu sais quoi, Vic, effectivement, ça remet bien des choses en perspective.

Il enleva sa serviette de ses genoux et la jeta en travers de son assiette encore à moitié pleine ; il se leva brutalement, fouilla un instant sa poche de pantalon pour en sortir quelques Gallions, et se précipita vers la sortie en la laissant planter là.

Victoire sentit ses joues rougir, autant sous l’effet de la colère que sous celui de la honte. Restant toutefois bien droite sur sa chaise, elle s’essuya consciencieusement la bouche, puis plia sa serviette et la posa à côté de son assiette, avant de prendre son sac et de le rejoindre dehors, sous les regards curieux des autres convives.

Elle le retrouva quelques mètres plus loin dans la rue pavée, les épaules basses, la main gauche au fond de sa poche, la main droite perdue dans ses cheveux, qui avaient pris une teinte de brun triste et morne. Ce qui n’était jamais bon signe.

- Je peux savoir ce qui t’arrive ? , demanda-t-elle en le rejoignant.

Teddy hocha machinalement la tête sans la regarder.

- Tu ne comprends pas…

- Non, effectivement, je ne comprends pas…

Les yeux toujours rivés sur le bout de ses chaussures, Teddy secoua la tête ; puis il la prit délicatement par le coude.

- Je te ramène chez tes parents.

Victoire se dégagea vivement, vexée qu’il la prenne encore parfois pour une enfant.

- Non ! Vas-y, explique-moi, toi qui a tout compris à la vie et qui est obligé de te coltiner une gamine comme moi !

Teddy serra les mâchoires mais ne répondit pas à la provocation ; Victoire décida donc d’en rajouter.

- Tu le savais, que ça allait être pénible, que ça allait te faire du mal. Pourquoi avais-tu besoin de le faire, pourquoi fallait-il que… Tu ne pouvais pas simplement laisser les morts en paix et vivre ta vie, non ?

Teddy releva enfin les yeux sur elle, et elle comprit qu’elle l’avait poussé à bout ; les éclairs dans ses yeux ne laissaient plus aucun doute.

- Laisser les morts en paix ? Dis-moi, Vic, c’est ta façon de les laisser en paix, que de ne jamais parler d’eux et de ne jamais, au grand jamais, vouloir entendre parler d’eux et de ce qu’ils ont fait pour nous ? C’est ta façon de les remercier de faire comme si tu ne leur devais rien, comme si tu te foutais de ce qu’ils ont fait, et vu, et sacrifié pour toi ?

- Ce n’est pas pour moi qu’ils l’ont fait, répliqua Victoire avant de pouvoir s’en empêcher.

La fureur de Teddy monta encore d’un cran, et il se pencha lentement vers elle pour que leurs yeux soient à la même hauteur.

- Tu es superficielle, Victoire. Superficielle et inconsciente, et écervelée, et j’ajouterai bien insensible, du moins pour les choses qui comptent vraiment.

Victoire n’aurait pas été plus choquée s’il l’avait giflée. Satisfait d’avoir atteint son objectif, Teddy se redressa et s’éloigna, les mains dans les poches et les épaules tombantes.

- Tu ne peux pas… tu ne peux pas me laisser comme ça ! , s’écria-t-elle en voyant qu’il ne reviendrait pas.

- C’est fini, Vic. J’en ai assez de toi et de tes caprices d’enfant gâtée, tu n’en vaux pas la peine.

- Et maintenant ? , demanda-t-elle en faisant quelques pas dans sa direction. Et maintenant, qu’est-ce qui va se passer, je… tu…

Teddy se retourna et sembla chercher l’inspiration en fixant un point un peu au-dessus de l’épaule droite de Victoire.

- Je vais poser ma candidature pour rejoindre les Aurors.

Le coeur de Victoire, qui semblait encombrer sa poitrine et l’empêcher de respirer correctement, redescendit brutalement, comme plombé par cette annonce. Les Aurors ? Mais il allait se faire tuer…

Ce n’était pas comme ça que cela devait se passer ; à peine quelques semaines auparavant, ils parlaient d’emménager ensemble, de se fiancer… Elle commençait à consulter des magazines de décoration d’intérieur, et à regarder les petites annonces immobilières… Elle avait même acheté un magazine de mariage, qu’elle gardait bien caché sous son matelas. Ce n’était pas possible, ça ne pouvait pas se passer comme ça…

- Non… Ted…

- C’est fini, Vic. C’est trop tard.

- Ça…

Mais Teddy n’attendit pas la fin de sa phrase ; il transplana en un claquement sec, et Victoire se retrouva avec sa question sur le bord des lèvres, sans personne pour l’entendre.




Sans réfléchir, Victoire se précipita en avant et appliqua ses mains blanches sur le flot de sang.

- Weasley, par la barbe de… Qu’est-ce que je viens de dire ? , s’écria Galen.

- On s’écarte.

- Et qu’est-ce que tu ne comprends pas, dans « on s’écarte » ?

- Je ne suis pas concernée. Je ne peux pas être concernée.

- Weasley…

- C’est…

Victoire leva un bref instant les yeux et croisa le regard de Galen. Elle aurait voulu lui dire que c’était un ami d’enfance, qu’elle ne pouvait pas ne rien faire, et que de toute façon maintenant il était trop tard, que s’il y avait eu un risque… alors elle l’avait déjà couru. En grimpant sur les genoux de son père quand elle était petite, ou quand il la chatouillait jusqu’à ce qu’elle implore sa clémence… Ou quand elle avait embrassé Teddy, ou lors de leurs nuits dans son minuscule appartement… C’était de toute façon trop tard, elle n’avait plus rien à perdre.

- C’est de toute façon trop tard, dit-elle à mi-voix.




Victoire tambourina à la porte en hurlant le prénom de son oncle ; les cheveux défaits, le visage barbouillé de maquillage, en cet instant précis, rien ne l’importait hormis le fait que Harry Potter avait intérêt à ouvrir sa porte au plus vite s’il ne voulait pas qu’elle lui explose elle-même.

Enfin, Harry ouvrit la porte et jeta un prudent coup d’oeil dans l’entrebâillement ; Victoire put voir Ginny et Albus descendre lentement l’escalier, eux aussi sur leurs gardes. Tous trois serraient étroitement leur baguette dans leur main.

- Victoire ?

- Toi ! , s’écria-t-elle en voulant se précipiter sur Albus, qui remonta maladroitement une marche avant de s’effondrer sur la suivante.

Harry fut plus rapide qu’elle et la ceintura fermement.

- Victoire ! Arrête, calme-toi, arrête !

- C’est de ta faute, imbécile que tu es ! , hurla-t-elle à l’intention de son cousin. Pourquoi, pourquoi, au nom de Dumbledore, devais-tu lui proposer ça ? Tu ne crois pas qu’il est assez tourmenté comme ça, que ses parents lui manquent déjà assez comme ça ?

Elle voulut sortir sa baguette de sa poche, mais Harry lui empoigna aussitôt le bras et lui fit lâcher la baguette, qui tomba, rebondit sur le sol et émit quelques étincelles d’un rouge vif.

- Calme-toi, Vic, répéta-t-il. Ça ne sert à rien de t’en prendre à Al, il n’y est pour rien. Teddy est un adulte, il a fait un choix et…

- Et il a rompu avec moi.

Harry la relâcha, et Victoire ramassa sa baguette, fusillant encore Albus du regard.

Son oncle avait raison, bien sûr. Elle le savait au fond d’elle, que ce n’était pas la faute de son cousin. Sans un mot, elle tourna les talons et rentra chez ses parents.

Elle remonta dans sa chambre, soulagée de n’avoir croisé personne, et s’effondra sur son lit, pleurant jusqu’à ce que le sommeil ait momentanément raison de son chagrin.




Drogué aux antalgiques, Teddy reposait dans son lit, le visage aussi blanc que l’oreiller sur lequel reposait sa tête, ses cheveux longs d’un brun terne s’étalant tout autour.

Victoire ne cessait de l’observer à la dérobée, son coeur battant trop vite, la gorge serrée. Elle avait l’impression de ne pas réussir à fixer son regard sur autre chose que sur une partie de Teddy, que ce soit son nez un peu en trompette, ou ses longs doigts reposant sur le drap. Ses oreilles bourdonnaient et sa tête semblait à la fois vide et bien trop pleine d’idées funestes. Il aurait pu mourir…

Galen et elle avaient réussi à stopper l’hémorragie. Un Guérisseur prélevait le sang qu’elle avait sur les mains, sang qui serait ensuite analysé à la recherche d’un quelconque signe d’infection.

Il avait si mauvaise mine. Et pas seulement du fait de sa blessure. Elle ne l’avait plus vu depuis longtemps. Il arborait la même couleur de cheveux que le soir de leur dernière dispute.

- C’est bon, Miss Weasley. Vous pouvez sortir.

- Je vais rester.

Le Guérisseur acquiesça, remballa son matériel et quitta la chambre, suivi de Galen qui, pour une fois, se dispensa de tout commentaire misogyne. Victoire resta assise où elle était, à plusieurs mètres de Teddy, comme s’il était nécessaire de garder une certaine distance de sécurité entre eux.




Quelque chose se dressait entre Teddy et elle ; bien sûr, ils étaient de toute façon très différents. Mais un obstacle de plus les séparait à présent, une expérience qu’il avait vécue et qui lui manquait. Elle devait comprendre.

Alors un dimanche, Victoire retourna chez Harry et Ginny. Elle trouva la famille Potter en pleine préparation pour la rentrée des cadets, la dernière d’Albus et la cinquième de Lily. La maison était sens dessus dessous, et des éclats de voix se faisaient entendre dans les étages.

Albus descendit les marches en faisant flotter une pile de pulls fraîchement lavés ; comme tous les autres, il devait se sentir très fier de pouvoir faire cela à la maison, à présent qu’il était majeur.

- Salut Al, dit-elle d’une voix sonore.

Albus sursauta comiquement, et sa pile de linge s’effondra sur les marches.

- Oh, Albus, soupira Ginny en descendant derrière lui. Tiens, Vic, que fais-tu là ?

En entendant son nom, la tête de Harry émergea également de son bureau, et Lily sortit de la cuisine en essayant de glisser en douce des petits gâteaux maison dans sa malle de Poudlard, qu’elle avait décorée d’une dizaine d’autocollants vert et argent.

- Je… Je veux que vous me montriez… ce que vous avez montré à Teddy.

Harry et Ginny échangèrent un regard lourd de sens, et Harry remonta ses lunettes sur son nez, l’air gêné.

- Vic, ce n’est pas… Ce n’est peut-être pas une bonne idée. Tu… n’es…

- Quoi ? , l’interrompit sa nièce en enlevant ses chaussures, bien décidée à rester. Je suis trop jeune ? Je suis trop immature ? Je suis trop bête, peut-être ?

- Non, sûrement pas. C’est juste que…

- On m’a silencieusement reproché pendant des années de ne pas m’intéresser à ce que vous avez vécu quand vous étiez à Poudlard.

Harry se releva et dépassa sa femme et son fils, l’air décidé et un peu vexé.

- Personne…

- Ah non ? Tu es vraiment sûr de toi ? , l’interrompit une nouvelle fois Victoire.

Harry l’observa un instant, comme s’il voulait juger de sa motivation rien qu’en la regardant dans les yeux. Victoire se retint de cligner des paupières, tentant de lui faire comprendre ses raisons.

Harry rompit leur échange silencieux et adressa un hochement de tête à Albus, qui remonta dans sa chambre sans un mot.

C’est donc avec une certaine appréhension que Victoire se retrouva debout devant une grande bassine de pierre, entourée de Harry, Ginny et Albus. Ce dernier se tenait à côté d’une caisse remplie de petits flacons, qui contenaient tous une substance argentée qui tournoyait doucement. Son cousin prit l’air important d’un maître de cérémonies.

- Victoire, avant que nous commencions, il faut que tu le saches, dit-il en relevant ses lunettes sur son nez, imitant son père à la perfection, certaines scènes…

- Ne conviennent pas à un jeune public ? , demanda-t-elle d’un air innocent. Alors file te coucher.

Ginny se mordit les lèvres pour s’empêcher de rire en voyant les joues de son fils s’empourprer quelque peu.

- Ce qu’Al essaie de te dire, reprit Harry en souriant, c’est que tu vas voir des choses très difficiles à voir, et bien sûr encore plus à vivre. Ce n’est pas écouter une histoire, c’est la vivre.

- Et c’est autrement plus dur, renchérit Ginny. Tu sais ce qui est arrivé à tes cousins jusqu’à présent.

Victoire acquiesça de façon énergique, tentant de cacher son appréhension. Oui, elle le savait. Tous avaient été traumatisés.

Teddy, bien sûr, qui avait vu ses parents bien vivants ; James était parti du jour au lendemain et n’était revenu que plusieurs semaines plus tard, sans explications. Rose, d’habitude si forte et butée, s’était effondrée en larmes, avant de disparaître elle aussi quelques semaines. Scorpius Malefoy, fou d’inquiétude en ne la voyant pas revenir, avait affronté Ron pour la première fois pour comprendre ce qui s’était passé. Alors Ron avait cédé à la provocation et l’avait lui aussi plongé dans leurs souvenirs. Scorpius avait fini par vomir ce qu’il pouvait dans les toilettes, profondément écoeuré par ce qu’il avait vu.

Fred avait commencé l’aventure mais s’était arrêté au beau milieu, incapable de supporter de côtoyer son oncle disparu ; s’en était suivie une énième dispute entre lui et son père, qui selon le jeune homme n’avait jamais voulu que retrouver son frère, et non l’aimer pour ce qu’il était.

Roxane avait courageusement continué, et avait ensuite passé plusieurs jours enfermée dans sa chambre. Lily et Molly, pourtant encore mineures, avaient observé la manière de faire d’Hermione, de Harry puis d’Albus, et avaient tenté de le faire par elles-mêmes. Molly avait fait une crise de panique et Lily souffrait encore de nuits agitées et de réveils en sursaut.

Mais hormis Teddy, elle était la plus âgée, la plus mature. Et elle était une Gryffondor, elle y arriverait.

Sans autre forme d’avertissement, Albus versa le contenu de la première fiole dans la bassine, et donna ses instructions à Victoire qui, pour une fois, ne discuta pas. Elle prit une profonde inspiration, se pencha en avant, et plongea dans les volutes argentées.




Victoire sortit de la chambre de Teddy, le laissant sous la bonne garde de sa grand-mère ; des cris attirèrent son attention un peu plus loin dans le couloir. Mue par son instinct, elle se précipita dans cette direction, la baguette déjà sortie de la poche de sa blouse blanche.

Mais elle rabaissa bien vite cette dernière ; Harry s’expliquait violemment avec un autre Auror, une jeune recrue d’après les insignes sur son épaule.

- Qu’est-ce qui t’est passé par la tête bon sang ! , mugissait Harry en tentant de faire baisser le regard à son subalterne. Tu nous as mis en danger avec tes infos bidons !

- Vous dîtes ça parce que Lupin…

L’Auror n’eut pas le temps de finir sa phrase ; pris d’un accès de colère, Harry le saisit par le col et le poussa contre le mur derrière lui.

- Je réagirai de la même façon si autant de mes hommes étaient blessés par la bêtise d’un seul ! Même si le fautif était Lupin lui-même ! Ne m’accuses plus JAMAIS de la sorte, tu entends ? Tu mérites une audience disciplinaire, voire plus, pour avoir voulu faire l’intéressant en pleine opération !

Harry le secoua une dernière fois comme pour se passer les nerfs, puis le lâcha et pointa du doigt l’autre extrémité du couloir.

- Hors de ma vue, McBright ! Tu es suspendu jusqu’à nouvel ordre, si tu oses te pointer au bureau demain je te jure que tu vas le regretter !

L’Auror terrifié ramassa sa baguette qui lui avait échappé. Mais en se redressant, il sembla hésiter, la bouche entrouverte, comme s’il voulait encore dire quelque chose pour sa défense.

- Fous le camp ! , hurla Harry.

Victoire ne se manifesta pas immédiatement ; elle regarda son oncle se passer une main tremblante dans les cheveux et respirer profondément à plusieurs reprises pour retrouver son calme. Elle fut soudain étonnée de voir autant de cheveux blancs sur ses tempes, signe que les épreuves, l’inquiétude et les responsabilités avaient également eu leur impact sur lui. Le temps n’avait pas été son seul fardeau.

Enfin, il se retourna, et poussa un nouveau soupir en reconnaissant Victoire. Ils se rejoignirent d’un pas pressé. Harry la serra brièvement contre lui de son bras gauche, alors qu’il tenait encore sa baguette de sa main droite. Victoire ferma les yeux et apprécia ce contact réconfortant, mais ne le prolongea pas pour autant.

- Comment ils vont ?

- Mon chef n’est pas encore venu te voir ?

- Si, mais il y a une différence entre ce qu’on dit au chef d’escouade d’un ton protocolaire, et ce que ta nièce peut te balancer sans prendre de gants.

D’un même mouvement, l’oncle et la nièce baissèrent les yeux sur les mains de la jeune femme, encore rougies par le sang de Teddy, même si elle avait tenté de tout enlever en se frottant énergiquement la peau.

Victoire cacha aussitôt ses mains derrière son dos, autant pour lui cacher la vue du sang que pour pouvoir les tordre d’angoisse à sa guise.

- Certains sont très mal en point, dit Victoire. Je peux me renseigner si tu veux, je ne me suis occupée que d’un, et…

Sans réfléchir, Victoire baissa les yeux et les ferma, incapable de continuer.

- Teddy ?

- J’ai agi sans réfléchir, voulut se justifier Victoire. Une fois que j’avais mis les mains… je ne pouvais plus m’occuper des autres.

Malgré ses efforts, un sanglot lui échappa. Harry rangea sa baguette dans le passant de sa ceinture et saisit Victoire par les épaules, cherchant à capter le regard de sa nièce.

- Tu as peur pour toi ?

- Oh non, répondit-elle sans aucune hésitation. Non, parce que… Je sais. Je sais déjà…




Elle avait tout vu. Du minuscule élève de première année aux lunettes rafistolées jusqu’à la dernière conversation de ceux qu’on appelait encore le trio d’or avec le portrait du professeur Dumbledore. En passant par les proches révélés et presqu’aussitôt disparus en un claquement de doigts, les sacrifices, les blessures, les pertes… Elle savait tout.

D’où venait ce brun terne que Teddy arborait dans ces plus sombres moments. D’où lui venait ce sourire qui faisait de lui quelqu’un d’aussi avenant et agréable, que c’était l’autre rare don que sa mère lui avait laissé.

Et surtout, d’où lui venait cette brusque envie de chasser du mage noir. De venger ses parents, même si les Mangemorts qui leur avaient infligé le dernier coup fatal étaient eux aussi morts depuis longtemps. Le professeur Londubat, l’oncle Ron et Mamie Molly y avaient personnellement veillé.

Elle avait été sous le choc pendant plusieurs jours, mais incapable pour autant de trouver le sommeil. Elle était donc restée des heures entières couchée en chien de fusil sur son lit, fixant sans les voir les dessins de robes de soirée qu’elle griffonnait depuis des années et dont elle avait tapissé les murs de sa chambre. Si elle tentait de fermer les yeux, les dents jaunes d’un loup-garou ou un éclair vert surgissaient sur ses paupières closes, la forçant à nouveau à les ouvrir.

Elle n’avait pas pleuré. Elle ne pleurait de toute façon pas souvent. Et un matin, elle trouva la force de se lever. Elle avait quelque chose à faire.

- Où vas-tu mon coeur ? , avait demandé Fleur en français.

Victoire se figea dans l’entrée. Elle releva les yeux sur son minois d’habitude si soigneusement maquillé, mais en cet instant blafard et fatigué. Mais elle se remit bien vite en mouvement pour éviter de réfléchir.

Elle enfila son manteau et dégagea ses longs cheveux du col en un mouvement expert, maintes fois répété pour être le plus efficace possible sur la gente masculine. Avec juste ce qu’il fallait de magie de Vélane pour être irrésistible, sans pour autant qu’on soupçonne la part de responsabilité de cet héritage.

- Je vais chez le coiffeur, Maman.

- Rien de tel pour se remonter le moral. Tu seras rentrée pour le dîner ? Je fais de la bouillabaisse ce soir.

- Super. A tout à l’heure.




Andromeda la serra une dernière fois contre son coeur. Victoire se força à sourire quand la vieille dame s’écarta d’elle. Elle s’empêcha de penser à Bellatrix Lestrange en croisant le regard pourtant si doux de la dernière parente de Teddy.

- Au revoir, Vic. Va te reposer maintenant.

- Je n’y manquerai pas. Ma garde est finie de toute façon.

Andromeda s’éloigna dans le couloir et rejoignit Harry. Ce dernier tendit le bras à la vieille dame pour qu’elle s’y accroche. Il se retourna une dernière fois pour adresser un clin d’oeil à Victoire, qui lui répondit par un petit signe de main.

- Weasley.

Les épaules de Victoire se crispèrent aussitôt. Elle ferma brièvement les yeux, puis se retourna et afficha une expression conquérante et sûre d’elle pour faire face à Galen.

- Chef ?

- Tes résultats sont revenus négatifs.

- Je n’en doutais pas un seul instant chef.

Galen se planta devant sa subalterne et la toisa de toute sa hauteur, les bras croisés. Victoire soutint son regard, luttant pour garder un sourire accroché à ses lèvres.

Il semblait crispé. Les ailes de son nez frémissaient à chacune de ses inspirations. Victoire aurait juré qu’en tendant l’oreille, elle pourrait entendre ses dents grincer tant sa mâchoire était serrée.

- Beau boulot aujourd’hui, Weasley.

Le sourire de Victoire disparut. En presque trois ans de collaboration plus ou moins orageuse, c’était la première fois que le Guérisseur sénior lui adressait un compliment. Cela lui en coûtait manifestement.

- Merci, chef, répondit-elle quand elle fut quelque peu revenue de sa surprise.

Galen poussa un grognement bourru et finit par s’éloigner, sans pour autant décroiser les bras. Victoire hésita un instant, mais ne put se retenir plus longtemps :

- Chef ?

- Mmh ?

- C’est Greyback qui a tué votre frère ?

Galen ne se retourna pas. Victoire crut un instant qu’il allait à nouveau l’incendier, comme souvent quand elle osait lui adresser la parole.

- Dévoré serait plus juste, répondit enfin le Guérisseur à mi-voix.

Victoire fut parcourue d’un frisson, mais ne trouva rien à répondre. Galen se remit en mouvement et disparut à l’angle de mur.

Laissée seule, la jeune femme se retourna et ouvrit avec précaution la porte de la chambre qu’elle avait tant redouté et en même temps désiré ouvrir. Quand elle eut refermé la porte, elle ne fut qu’à moitié surprise de croiser le regard perçant de Teddy, dont le visage était encore un peu contracté du fait de la douleur que lui infligeait sa blessure à la cuisse.

La dernière fois qu’ils s’étaient vus à une énième fête de famille, ils étaient tous les deux accompagnés. Elle par un collègue de l’école des Guérisseurs, qu’elle avait lâché trois semaines plus tard. Lui, avec une blonde caricaturale, trop grande, et pour en rajouter encore, perchée sur des talons de douze que Victoire avait déjà vus dans un numéro d’Enchantée. La version d’avant de Victoire.

La jeune femme s’assit à côté de son patient sur le matelas ferme ; Teddy écarta le bras pour lui laisser plus de place, frôlant du bout du pouce, sans en avoir l’air, le genou de Victoire.

- J’ai pas voulu y croire quand Harry me l’a dit, attaqua-t-il d’une voix enrouée.

- Quoi ?

- Que tu étais Guérisseuse. Tu étais devenue un sujet tabou quand j’étais dans une pièce. Mais ça explique pourquoi tu as coupé tes cheveux.

Sans y penser, Victoire leva une main et se saisit d’une mèche, comme si elle-même avait oublié ses cheveux courts.

- Il te l’a dit quand ?

- A l’anniversaire de Lily.

- Où tu étais si bien accompagné.

Teddy eut un regard de reproches et une grimace.

- « Bien » n’est pas le bon mot. On a rompu un mois plus tard.

Victoire acquiesça d’un air absent, et son regard s’attarda sur les cheveux de Teddy. Ce dernier sembla le remarquer ; il prit délicatement le genou de Victoire dans sa main et caressa sa peau.

- Mes cheveux, c’est pas de sa faute à elle.

- C’est de la mienne, sans doute ?

Teddy hocha la tête, ses yeux ne quittant pas ceux de Victoire. Il voulait lui faire comprendre quelque chose, sans avoir besoin de le lui dire. Mais Victoire était trop fatiguée pour se battre ce matin-là. Beaucoup trop fatiguée. Alors, elle se releva ; la main de Teddy se crispa un peu mais lâcha prise.

D’un coup de talon, Victoire enleva ses chaussures de travail et s’allongea sur le lit d’hôpital ; très vite, comme s’ils n’avaient jamais cessé de le faire, Teddy et elle furent confortables l’un à côté de l’autre malgré le matelas un peu étroit.

Victoire cala sa tête sur l’épaule de son ami d’enfance et se mit à jouer avec une des mèches de cheveux de Teddy. Le jeune homme se mit à faire de même avec les cheveux de Victoire, un soupir apaisé s’échappant de sa poitrine contusionnée.

Il restait encore beaucoup à réparer. Des explications à demander. Rien n’était fait, rien n’était acquis. Mais la dernière chose que Victoire vit avant de fermer les yeux pour un repos bien mérité, c’était un fugace reflet bleu.

Note de fin de chapitre :

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