- Véro dépêche, il faut y aller!
Je m’empressais d’entasser mes affaires dans une grosse malle du mieux que je pouvais. Jenna avait déjà fini la sienne et me hurlait toutes les trois secondes de me dépêcher. Albus Dumbledore était mort il y avait tout juste trois semaines et nous avions compris qu’il fallait fuir. Nous n’étions pas des mauviettes, seulement deux nées-moldues habitant seules sur le Chemin de Traverse alors que le Seigneur des Ténèbres refaisait surface. Nous étions des étudiantes de l’Université magique de Grande-Bretagne, mais nous avions décidé de ne pas y retourner cette année, c’était beaucoup trop dangereux.
Jenna et moi avions obtenu nos diplômes de Poudlard il y avait trois ans. J’étais à Poufsouffle et elle à Serdaigle et nous nous connaissions que de nom à l’époque, mais j’avais vu qu’elle cherchait une colocataire et nous avions emménagé ensemble. Depuis, nous étions inséparables. C’est pourquoi, dès que nous avions entendu parler de la mort du professeur Dumbledore, nous nous étions empressées d’envoyer nos parents en sécurité à l’étranger et avaient décidées de fuir ensemble jusqu’à ce que l’Ordre du Phénix renaisse de ses cendres. Nous voulions nous battre, mais seules, on n’allait pas servir à grand-chose. Mon truc, c’était les potions, je n’avais jamais vraiment été douée en sortilèges ou en défense contre les forces du mal. J’avais obtenu un effort exceptionnel dans le premier et un acceptable sur le deuxième sur mes Aspics. Je n’étais pas très bonne sous la menace du danger et voilà pourquoi à cet instant précis j’hésitais entre emporter mon exemplaire de « Comment reconnaître la magie noire » et celui de « Les créatures magiques maléfiques de Grande-Bretagne ».
Après une petite seconde de réflexion, je balançais les deux dans ma malle. En fuite, tout était utile. J’envoyais voler quelques paires de chaussettes et une cape de voyage de rechange et j’entrepris de fermer le tout difficilement. Je tapotai ma valise de ma baguette en lui lançant un sort de rétrécissement et de poids plume; je pouvais désormais la transporter dans mon sac à dos déjà plein à craquer de vivres (principalement de la viande séchée, des fruits déshydratés, des noix et de l’eau). J’avais aussi emmené une corde, une trousse de premiers soins moldue, quelques potions et essences magiques, et mon livre de potion de poche.
Je jetais un coup d’œil dehors à travers les stores fermés; la nuit était bien entamée et la noirceur allait être la bienvenue. Selon Jenna, il y avait un passage chez Weasley & Weasley qui menait en dehors de la ville, c’était un tunnel qui faisait des kilomètres de long et qui passait sous le Londres sorcier et ressortait au beau milieu d’une forêt. Là, il y avait des Portoloins divers qui menaient à des endroits différents, loin de Londres ou de Poudlard. De là, on devait se débrouiller seules. Je pris une grande inspiration. J’étais prête. Comme si elle avait lu dans mes pensées, la tête de Jenna apparue dans l’embrasure de la porte. Elle avait les sourcils froncés, l’air contrarié.
- « Enfin t’as fini! Viens, on n’a pas de temps à perdre! »
- « J’arrive! »
Je fermai la fermeture éclair de mon veston, mis ma cape de voyage noire, lançai un sortilège de poids plume sur mon sac à dos et le passa sur mes épaules. Je lançai un dernier coup d’œil à ma chambre maintenant vide de mes affaires; il ne restait que les meubles. Alors que j’allais sortir en soupirant, je vis mon reflet dans mon miroir. Fini le maquillage et les cheveux coiffés. J’avais une queue de cheval faite à la va-vite et mon visage était blême de peur et d’appréhension. Qu’allait-il nous arriver? Un dernier appel de Jenna, presque menaçant, m’enleva à la contemplation de mon reflet et je sortis de ma chambre. Elle m’attendait sur le pas de la porte.
- « Finalement te voilà! » chuchota-t-elle.
Je ne fis qu’acquiescer, car elle venait d’entrouvrir la porte d’entrée. Dehors, il faisait noir et le silence régnait en maître. Je n’eus pas le temps d’analyser s’il s’agissait d’un silence apaisant ou inquiétant, car Jenna venait de se glisser dans la nuit comme un ninja. Je la suivis en essayant d’être aussi rapide et silencieuse en refermant doucement la porte derrière moi. Sans regarder en arrière, je suivis l’ombre de ma meilleure amie qui filait vers Weasley & Weasley à la vitesse de l’éclair.
Le trajet ne prit que quelques minutes. Sans les passants, le Chemin de Traverse ressemblait à une ville fantôme. Depuis l’année dernière que les gens se faisaient rares dans la rue, mais lorsque la nouvelle de la mort de Dumbledore arriva à Londres, on ne voyait plus personne sortir. La moitié avait fui, l’autre se cachait dans leurs demeures. Je frissonnai. Malgré le mois de juillet, il faisait étrangement froid. Nous avions atteint la porte arrière de la boutique de farces et attrapes des jumeaux Weasley. Jenna frappa un seul coup à la porte et me donna une tape sur l’épaule. Je poussai un hululement de chouette tout à fait réussi. Rien. Nous échangeâmes un regard inquiet. Les secondes s’écoulaient et il faisait de plus en plus froid. Lorsque je vis mon souffle faire des nuages de brumes et senti une tristesse m’envahir, je compris.
Horrifiée, je levai les yeux vers le ciel. Il n’y avait pu d’étoiles, je ne voyais plus qu’un détraqueur qui descendait vers nous, ses mains couvertes de croûtes tendues vers l’avant. Je lâchai un hoquet de terreur et Jenna leva les yeux aussi.
Presque automatiquement, je pointai ma baguette que je n’avais pas lâchée depuis l’appartement vers le détraqueur. Je pensai à mes parents qui étaient sûrement en sécurité et à mon onzième anniversaire où j’avais appris que j’étais une sorcière. Je m’accrochai à mon souvenir de toutes mes forces et, provoquant en moi un énorme soupir de soulagement, une chouette argentée sortit de l’extrémité de ma baguette magique et s’élança à la poursuite du détraqueur. À peine ce dernier avait disparu que je sentis une main attraper ma cape et me tirer à l’intérieur du magasin de farces et attrapes.
Un garçon roux me tenait, gardant une main pleine de taches de rousseur sur ma bouche alors qu’un autre tout à fait identique tenait Jenna. La lumière était faible dans l’arrière-boutique, mais j’aperçus quelques personnes entassées dans le fond. Je reconnus le glacier, Florian Fortarôme, qui tenait la main de sa petite amie si fort que ses jointures étaient blanches. Il y avait aussi une fille à la peau noire que je reconnus comme étant Angelina Johnson, la petite amie de Fred Weasley, le jumeau roux qui tenait Jenna, et son amie Katie Bell, une fille aux cheveux noirs et à la peau très blanche qui contrastait énormément avec celle d’Angelina. Les deux filles avaient été dans l’équipe de Quidditch de Gryffondor et étaient d’un an nos cadettes à Jenna et à moi. Les jumeaux consentirent enfin à nous lâcher après ce qui me parut une éternité.
- « Désolé, mais il fallait être sûr de qui vous étiez et que vous ne feriez pas de bruits. » me lança George Weasley.
- « Le détraqueur est bel et bien parti et je ne crois pas que ton patronus ai alerté quelqu’un. » rajouta Fred avec un petit ton de reproche.
- « J’étais censée faire quoi? Les laisser nous attraper, Jenna et moi? » répliquais-je un peu acerbe.
- « Hé oh! Jeune fille, tu pourrais être plus aimable puisqu’on t’offre un ticket vers la liberté. » répondit George.
- « Ça suffit! » intervint Angelina. « Allez, nous n’avons pas de temps à perdre. Dès que les premiers rayons du soleil seront levés, il sera trop tard. »
- « Pourquoi ça? » demanda Jenna.
- « Parce que les Portoloins ne seront plus effectifs après ça, et il sera beaucoup plus difficile de s’éloigner de Londres. » répondit Fred.
- « Vous allez descendre dans le tunnel que nous avons creusé magiquement toute l’année dernière, Fred et moi. Il est long d’une dizaine de kilomètres. Je vous préviens, ce sera long et pénible. C’est très humide là-dedans et il y aura probablement des rats, mais ils sont amicaux si vous ne les embêtez pas. » commença George.
Au mot « rat », la petite amie de Florian, qui s’appelait Wendy, trembla. Cette chochotte n’allait pas faire long feu en cavale. Pour ma part, je lançai un regard exaspéré à Jenna. Mon idée pour fuir était beaucoup plus simple et paraissait bien moins pénible, mais mon amie m’avait assuré que c’était trop risqué. C’est vrai que pour moi ça aurait été facile, mais pour Jenna beaucoup moins. Je soupirai. Dix kilomètres de souterrains humides avec cinq autres personnes, ça allait être très long, mais je n’avais pas pu me résigner à partir seule et abandonner Jenna. En fait, ça ne m’avait même pas effleuré l’esprit. Les jumeaux finirent leur discours et George ouvrit une trappe qui était dissimulée sous un tapis poussiéreux. Le tunnel était si obscur, on n’y voyait absolument rien.
- « Ah oui, j’oubliai. » dit soudain Fred. « Le sortilège Lumos vous sera très utile là-dedans. »
À ses mots, nous allumâmes tous nos baguettes.
Florian et Wendy descendirent dans le tunnel les premiers, suivis de Jenna et moi. Il fallut attendre quelques secondes pour que Katie et Angelina nous rejoignent. Celle dernière avait le visage baigné de larmes, car Fred ne venait pas avec elle. Elle nous apprit plus tard qu’il la rejoindrait à la fin de l’été, lorsqu’il aurait réussi à évacuer le plus de monde possible. Juste avant de refermer la trappe, Fred et George se penchèrent vers l’entrée du tunnel.
- « Rappelez-vous, il y aura trois portoloins. Un pour Florian et Wendy, un pour Veronica et Jenna et le dernier pour Katie et Angelina. » dit George.
- « Cherchez pour des objets hors du commun, comme une brosse à cheveux ou une vieille chaussure. » ajouta Fred.
Avec un dernier baisé envolé à Angelina, il referma lentement la trappe du tunnel. Nous nous retrouvâmes dans le noir, éclairé par les lueurs blanchâtres de nos six baguettes allumées. Il fallait parcourir ces dix kilomètres de tunnel avant la levée du jour. Nous nous regardâmes tous d’un air grave, puis Angelina et Katie passèrent devant d’un pas décidé. Nous leur emboitâmes le pas, prêts à affronter le monde… ou à fuir la violence et l’injustice du mage noir.