Il pleut dehors. Il pleut et Teddy s'ennuie, le nez contre la vitre. Pourtant il y a tous ses cousins, il y a la chaumière aux coquillages et puis il y a les beignets aux pommes de Molly. Mais Teddy s'ennuie quand même. Il en a marre des blagues idiotes de James, de la petite Molly qui pleure et de Ron qui clame haut et fort que cette année, les Canons de Chudley vont enfin gagner. Il en a aussi marre de Louis et Roxanne qui se battent, de Fred qui chantonne et de Molly qui parle bien trop fort. Alors Teddy regarde par la fenêtre, les gouttes de pluie qui font la course, à toute vitesse. Où est Victoire ? Il ne l'a plus vu depuis un moment. Depuis le début de l'orage. Ses cheveux virent au châtain terne, c'est un signe de dépression. Chez lui, en tout cas. Il y a quelque chose dehors. Quelque chose d'attirant. Un éclat doré brille au coin de la maison. Et Teddy sait ce que c'est. C'est les cheveux blonds de Victoire. Sa crinière emmêlée. Teddy se lève, se fait discret. Ce n'est pas son habitude, c'est le premier à rire, à parler, à blaguer. Mais il n'a pas envie de parler. Alors il se lève, quitte son poste à la fenêtre et s'enfuie dans le couloir. Teddy ne se sent pas bien, il ressent un mélange de tristesse, de nostalgie et d'amertume. Ce mélange n'augure rien de bon et il n'y qu'un remède. Victoire et sa joie de vivre. Il attrape son blouson et un parapluie. Il pleut dehors. Il avait presque oublié, intrigué par Victoire et son éclat doré. Teddy marche dans le sable humide qui colle à ses chaussures neuves. L'atmosphère est chaude malgré l'orage, l'été est bien là. Il n'aurait pas dû prendre sa veste. Il est submergé par l'odeur de la nature et de la pluie. Pour lui, cette odeur est un synonyme de tristesse et de dimanches ennuyeux. Plus il s'approche de Victoire, mieux il la distingue. Elle danse. Elle danse sous la pluie, les bras grands ouverts. Et elle rit, d'un rire franc et naturel, le regard fixé vers le ciel.
- Il pleut, Victoire. Viens, rentrons.
Il lui parle en lui tendant son parapluie. Mais Victoire le prend et le lance sur la plage. Elle lui sourit et lui prend les mains, l'entraîne dans une drôle de valse dont seul les nuages sont témoins. Et peu à peu, les cheveux de Teddy redeviennent bleus. Teddy ne pense plus à rien. A part à Victoire qui le fait tournoyer dans ses bras. Alors il rit avec elle, il rit alors qu'il ne connaît même la cause de ce rire soudain. Il danse sous la pluie avec une fille. Quelle absurdité. Ses cheveux turquoise sont trempés et il commence à fatiguer. Combien de temps ont-ils dansé ? Peut-être une ou cinq minutes ? Il ne sait pas vraiment, le temps s'est arrêté. Mais il n'en a rien à faire, il est avec Victoire et il est heureux. Alors comme ils sont fatigués, ils s'assoient sur la plage et ils regardent les vagues s'échouer et se transformer en écume. Les gouttes de pluie qui retrouvent la mer.
- Tu sens cette odeur, Teddy ?
- Oui, Vic. Je la sens.
- Je l'aime bien cette odeur, tu sais.
Finalement, Victoire a raison, à partir de maintenant, cette odeur ne sera plus synonyme de tristesse. Elle sera synonyme d'Espoir. Avec un grand E. Vic et Teddy sont sur la plage et l'orage gronde. Vic et Teddy sont sur la plage et ils sont trempés. Le parapluie a disparu, sûrement alléché par les flots. Mais ce n'est pas grave, ce n'est qu'un parapluie. Victoire pose sa tête contre l'épaule de Teddy. Elle tremble. De froid ou d'autre chose... Il ôte son blouson, lui pose sur les épaules et l'entraîne vers la maison pour rejoindre les autres. Peut¬-être qu'il s'inquiètent pour eux. Ou peut-être qu'ils n'ont rien remarqué. Mais Teddy s'en fout. Parce que Victoire lui a appris une leçon de vie.
Teddy aime les gens qui dansent quand il pleut.
Mais surtout, Teddy aime Victoire.