Tous les personnages et univers appartiennent à JK Rowling
Bonjour à toi qui a cliqué sur cette histoire ^^
Je t'invite à découvrir ma participation au concours "Le roi du Silence" organisé par Taka sur le forum. Le principe étant que notre personnage principal ne puisse pas parler tout en ayant très envie de parler. Pour ma part j'ai choisi Alice Londubat, parce que je trouvais intéressant de parler de cette femme qui a payé le prix de ses convictions (parce que mourir n'est pas toujours le pire...)
Merci à DameLicorne pour son aide précieuse et à Bevy d'avoir prie le temps de me donner son avis malgré leur planning surchargé. Des bisous pour vous les filles :D
Elle ne voit pas l’infirmière le matin. C’est le bruit des portes qui grincent, et des chaussures qui crissent sur le sol qui lui indiquent le moment de sortir du lit. C'est la voix douce sans visage qui l'aide à faire glisser le tissu sur sa peau, qui passe la serviette humide et rugueuse sur son visage, et fait courir des dents sur son cuir chevelu. Dans ses rares moments de lucidité, Alice aimerait pouvoir exprimer à cette voix qu'elle lui est reconnaissante de sa patience et de sa gentillesse. Mais l'alphabet n'existe plus dans son monde. Les syllabes sont mécaniques, le vocabulaire n'est plus qu'onomatopée, la ponctuation n'est plus qu'interrogative. Son regard est vide, et sa spontanéité s'est réfugiée au plus profond de sa gorge. L'expression est étouffée par les cris de détresse, les cris de douleur qui ne se sont jamais vraiment arrêtés. Dans l'ombre de sa souffrance, sa respiration est chaotique, ses membres sont raides, sa voix est brisée.
Chaque morceau de cette voix, qui était la sienne, scie chaque jour un peu plus ses cordes vocales. Et au moindre rire, elle sent des sorts vicieux lui tordre les entrailles. Rares sont les souvenirs tendres qui la bercent avant de se coucher. Elle confond le jour et la nuit, le blanc et le noir. Et les sons sont devenus sa seule distraction. Alice les attrape en vol, les garde secrètement dans sa mémoire pleine de trous. Elle s'amuse à les trier par nuance. La voix de l'infirmière fait partie de ses préférés, avec le bruit de pas de son compagnon de chambre, qui ne se fatigue pas de graviter sans but dans ce petit univers peuplé d'ombre perdue. Ses pas incessants qui éraflent le sol lui communiquent la sensation d'une étreinte au coin du feu. Enfin, il y a le goutte à goutte de la pluie contre la fenêtre. Elle aime autant l'écouter qu'observer le spectacle qu'elle offre, car le paysage flou derrière le rideau d'eau lui renvoie l'image qui règne dans son esprit. Une vision déformée de toute chose, des souvenirs parcheminés de cendres, une odeur de sang qui se mélange à la chaleur d'une poignée de main. Tout est en désordre dans son esprit, et aucune association de lettres ne lui vient pour témoigner de sa détresse.
L'infirmière continue de faire chanter les syllabes dans l'air à l'odeur de choux. Elle émet des sons qui la font légèrement sourire, sans qu'elle comprenne réellement leur signification. Mais elle sait les avoir déjà entendus. Trois syllabes peu communes qui lui rappellent un bref instant les sourires édentés d'un nourrisson. Alice laisse glisser son regard le long des poils blonds à peine visibles de la douce voix. Elle se met à suivre un chemin invisible entre les grains de beauté et son coeur se met à chanter une comptine dont elle a oublié les paroles.
A son oreille, les murmures soufflés sont autant de notes qui la désolent tout en lui communiquant l'intuition que cette journée sera spéciale.
Plus tard, alors qu'elle observe la poussière dans un rai de lumière, une main se pose sur son épaule, des lèvres effleurent ses joues, un carton coloré est posé au creux de ses mains. Il y a des yeux bleus qui l'observent timidement, des joues remplies qui se plient sous un sourire, il y a un bruit de chaise qu'on déplace et l'odeur d'un parchemin écrit à l'encre violette. Alors Alice sait que c'est un jour particulier. C'est le jour où sa bouche se remplit d'une douceur acidulée.
Après un froissement de papier d'emballage, le sucre enveloppe son palais et adoucit les hurlements ancrés dans son coeur. Ses lèvres remuent pour mâchonner, deviennent collantes. Sa langue articule en silence, ses dents s'entrechoquent, mais sa voix reste inaudible. La mécanique ne lui permet pas de dire les mots. L'expression ne lui appartient plus et en même temps que ce visage lunaire qui lui ressemble s'affaisse dans une peinture de déception, elle lutte pour retrouver le don de la parole.
Elle voudrait exprimer le plaisir que lui procurent les sucreries, dire à quel point elles lui rappellent des jeux d'enfants, des jours où elle n'avait pas peur des rires. Mais sa gorge reste serrée. Ses mains, ses bras, ses jambes, tous ses muscles se crispent face à sa propre faiblesse, son impuissance. Assise tel un pantin désarticulé sur le bord de son lit, elle ne peut qu'écouter la voix chevrotante, bariolée d'accent aigu et de sévérité, qui accompagne le garçon aux joues rebondies. Elle piaille sans s'arrêter, mais aux oreilles d'Alice ses exclamations sont muettes. Seul le regard bleu et triste du garçon remplit son champ de vision. Comment lui dire qu'elle voudrait voir ses lèvres s'étirer en un sourire édenté comme avant ? Comment exprimer l'apaisement que lui apportent les bonbons qu'elle continue de mâchonner ? Que faire pour relancer les rouages immobiles dans sa gorge ?
Tandis que son expression reste détachée, Alice lutte contre elle-même en dedans pour faire jaillir les sons. Elle se griffe le cou, s'arrache la peau, colore son corps de rouge. Dans cet acharnement immobile, elle voudrait savoir où sont cachés les mots ?! Elle est à court de vocabulaire depuis trop longtemps. Des cris de souffrance voilà tout ce qui lui reste, mais ils sont inappropriés pour l'occasion, ça elle en a encore conscience.
Le petit garçon offre un bonbon à son voisin. Elle regarde l'homme observer l'enfant de son regard perdu, ses jambes ont cessé de le faire avancer, et ses lèvres remuent dans le vide, avant qu'il ne reparte de plus belle dans son éternelle promenade. Il tente sans doute lui aussi d'éloigner les rires rauques qui se moquent de leurs hurlements. Elle connaît l'horreur de ses supplications, elle se souvient de la chaleur du rouge sur sa peau et de l'écho de la sauvagerie.
Alice passe sa main dans ses cheveux courts, comme pour chasser ces souvenirs pernicieux qui la poignardent de l'intérieur. C'est alors qu'une brillance aussi vive que le reflet dans le miroir attire son attention. C'est un papier d'emballage qui vient d'échapper de ses doigts. Elle se penche pour le ramasser et le contemple un moment. Le papier brille, c'est beau, l'espace d'un instant le brouillard épais qui obscurcit ses pensées se dissipe. Cela lui rappelle la paix que lui procurent les matins, la reconnaissance qu'elle ne peut pas exprimer à l'infirmière aux poils blonds.
Sans bruit, d'un pas lent, elle se dirige vers le visage lunaire, les mains tremblantes d'anticipation. Elle tend le papier brillant dont le froissement fait naître des frissons le long de son cou. Elle voudrait lui expliquer l'importance de la brillance, du goût sucré qui envahit sa bouche quand le garçon vient la voir, mais rien ne sort du gouffre que forment sa bouche et son cou. Les mots sont acides et seul survit un filet d'air à travers ses lèvres entrouvertes. Neville reçoit le cadeau, l'air un peu perdu, mais reconnaissant.
La prochaine fois, Alice réessayera de lui parler, elle essayera de lui dire qu'elle n'a pas oublié ses sourires édentés...
Merci d'être passé par là, et n'hésitez pas à laisser votre avis et à aller voir les autres participations au concours ^^