« …Lorsque Charlotte Potter s’était installée sur le canapé en velours du salon refait à neuf, elle n’aurait jamais imaginé que son sourire radieux allait s’effacer en quelques secondes. Comme si un esprit farceur avait décidé de gommer tout ces signes de joies sur son visage jeune et angélique.
- Négatif ? avait-elle répété au médicomage, gêné, installé face à elle, la main crispée sur sa mallette en cuir.
Lorsque Charlotte avait demandé au médicomage de passer à Godric’s Hollow, elle n’aurait jamais imaginé que la réponse aurait si brutale, si nette. Un coup de hache qui avait cisaillé l’air en deux.
- Vous pensiez que le test aurait été positif ? demanda-t-il, le regard mal à l’aise, la main toujours crispée.
Lorsque la réponse avait fusé dans le salon, Charlotte avait cru que son cœur venait de lâcher. Négatif… Son test s’était révélé négatif… elle n’était pas enceinte.
- Oui… enfin non, se rattrapa-t-elle, mal à l’aise à son tour. Je voulais savoir… simplement par prudence, continua-t-elle de mentir avant de se relever et de lisser sa longue jupe couleur rubis. Merci de vous être déplacé.
La maîtresse de Godric’s Hollow sonna un de ses elfes pour raccompagner le médicomage à l’entrée, et rapidement, elle leur tourna le dos, essayant de se contenir au maximum. Au loin, la voix basse du sorcier résonna douloureusement à ses oreilles.
- Mrs Potter, si je peux me permettre, vous n’avez que vingt ans… vous êtes encore jeune, la rassura-t-il, timidement. Ne soyez pas effrayée par un premier échec.
Sa voix mourut dans le salon, en même temps que la voix de Charlotte dans sa propre gorge. Aucun son ne sortit de sa bouche. C’était trop pour elle. Pourtant, rapidement, trop rapidement, la jeune femme releva la tête et sortit dans le jardin pour prendre l’air et profiter des rayons de soleil de la fin de Juillet. Ils étaient plus beaux, et les plus chaleureux selon elle. Et puis, ce n’était que le premier test, il n’y avait pas à s’affoler. Ses pas la guidèrent rapidement au dehors, mais son âme, elle, resta prisonnière de ce salon trop neuf… »
- Charlotte ?
La voix grave et rauque d’Henry la fait sursauter, et Charlotte cligne des yeux à plusieurs reprises. Elle s’était perdue dans son souvenir, et seul la voix de son mari, et sa main sur la sienne la ramène à la réalité.
- Vous êtes toute pâle, lui fait remarquer Henry, la mine soucieuse. Tout va bien ?
- Oui, tout va bien, rassure Charlotte avec un grand sourire en hochant délicatement de la tête.
Sur sa droite, le gazouillement aigu d’un bébé retient son attention, et la dure réalité revient de plein fouet. Aujourd’hui, son amie d’enfance, Una, présente son premier-né à toute la bonne société Londonienne. Un énorme dîner, chez les Macmillan, est donné en l’honneur du petit poupon qui se débat dans le berceau, emmailloté dans des langes turquoise, bien trop grand pour lui.
Charlotte et Henry avaient été les premiers à être conviés à ce rendez-vous tant attendu.
- Tu veux le prendre dans tes bras, Charlotte ? demande Una, les joues encore rondes de sa grossesse.
- Oui, répond-elle avec tendresse.
Mais lorsque ses mains effleurent ce bébé si rose et si parfait, Charlotte sent sa tête tourner et le jardin en fleurs se déforme en longues arabesques multicolores. Pourtant, la jeune femme garde la tête haute, et son sourire attendrissant ne décolle pas sa bouche pulpeuse. Seuls ses yeux chocolats reflètent toute la tristesse qui vient d’envahir son âme.
Au bout de quelques minutes, Charlotte tend le poupon à sa mère, et se lève précipitamment du banc sur lequel elle est installée. Ses pas la précipitent dans la salle de bain du premier étage, tout près de la nurserie qui accueille ce petit être. La porte claque, et le front de Charlotte se retrouve cloué au chambranle. Sa tête glisse contre le bois, encore et encore, toujours plus bas, jusqu’à ce que ses genoux touchent le carrelage, et que d’épaisses larmes coulent sur son visage.
Elle avait presque oublié à quel point cela lui fait mal. A quel point elle se sentait vide. Elle, qui avait cru, pendant dix jours, porter un enfant. Porter l’enfant de l’homme qu’elle aimait plus que tout. Elle avait cru pouvoir encaisser, tenir tête à se tournant négatif de la vie, mais au final, rien n’avait jamais été aussi dur à supporter de toute son existence. Oui, ce n’était que le premier test, oui il n’y avait rien d’affolant… c’était ce qu’on lui avait répété à longueur de journée depuis une semaine. Et elle y avait presque cru… elle y avait cru jusqu’à ce qu’Una lui mette cette petite merveille dans les bras, lui rappelant indirectement son premier échec. Son premier échec de femme. Son premier échec d’épouse.