Du vivant de son époux, Narcissa Malefoy avait peu fréquenté le cabinet du gestionnaire de la fortune familiale. Le bureau de Mr Greengrass se trouvait dans une rue perpendiculaire au Chemin de Traverse. Loin de ressembler à l’allée des Embrumes, l’allée des Gobelins hébergeait la plupart des bureaux des défendeurs ou gestionnaires de renom. Narcissa et Drago y avaient été convoqués suite au décès de Lucius Malefoy deux semaines plus tôt. Son suicide avait fait les choux-gras de l’actualité sorcière. Chacun essayait de comprendre ce qui avait bien pu pousser cet homme si arrogant à commettre cet acte que beaucoup qualifiaient de lâche.

Narcissa, elle-même, avait eu des difficultés à se faire à l’idée. Lorsque le Seigneur des Ténèbres avait été anéanti et que toute leur famille s’était retrouvée en prison, elle n’avait jamais vu son mari perdre espoir. Bien entendu, Lucius avait perdu de sa superbe, un séjour à Azkaban laissait indéniablement des traces mais elle pouvait voir dans son regard qu’il n’était pas prêt à se laisser à la mélancolie.

Puis, tout avait changé. Elle avait été libérée suite au témoignage en sa faveur de Harry Potter et Drago n’avait été condamné qu’à une peine symbolique de deux mois de prison. Ayant attendu son procès dans les cellules sombres et humides de la prison des sorciers, il avait été décidé que le garçon avait effectué sa peine. Cela avait été un véritable tollé dans la communauté sorcière pour qui Drago Malefoy et plus généralement la famille Malefoy représentaient les dérives des grands noms de la société Sang Pur.

Dès cet instant, Lucius avait arrêté de se battre et avait été condamné à une peine de prison à perpétuité. Chacun se réjouissait de la déchéance de cet homme méprisant, certains regrettaient même que le baiser du détraqueur ne soit plus à l’ordre du jour. Les journaux avaient fait leur une sur la nouvelle. A peine, deux jours plus tard Lucius avait été retrouvé mort dans sa cellule. Il s’était pendu. Narcissa retint les larmes qui commençaient à lui monter aux yeux. Elle devait être forte et digne. Lucius n’avait pas laissé de lettre. Rien. Elle avait d’abord eu du mal à y croire. Pourquoi un homme si orgueilleux que lui aurait-il eu ce geste ? Puis, l’abominable vérité lui était revenue en plein visage. Son orgueil ne lui permettait pas de vivre ainsi. Il ne voulait pas passer toutes ces années dans un trou grouillant de rats.

La porte du bureau de Mr Greengrass grinça la faisant sortir de ses pensées peu joyeuses. Narcissa n’avait jamais apprécié le gestionnaire de fortune de son époux. Elle éprouvait pour lui une sorte de mépris qu’elle n’arrivait que difficilement à dissimuler. Les Greengrass étaient Sang Pur depuis bien des générations mais n’avaient fait fortune que sous l’impulsion de Theophilius Greengrasse, père du Greengrass qui se trouvait face à elle.

— Mrs Malefoy, commença celui-ci. Mr Malefoy, ajouta-t-il à l’adresse de Drago. Entrez, je vous en prie.

D’un pas digne et toujours très droite, Narcissa pénétra dans le bureau et prit place dans l’un des fauteuils de style Louis XV. L’homme entra à sa suite mais ne ferma pas la porte derrière lui.

— Je suis navré de ne pas avoir pu assister aux obsèques de feu votre époux. Des affaires courantes m’ont retenu au bureau. — Bien entendu, répondit Narcissa. Elle n’était pas dupe et savait que Mr Greengrass avait préféré ne pas se montrer à l’enterrement pour ne pas être cité dans La Gazette du Sorcier comme un de ses amis. Elle savait aussi que Rita Skeeter avait tenté de l’interviewer mais qu’il avait prétendu ne pas être un proche de la famille. C’était lors d’événements tragiques que l’on découvrait ses véritables alliés. Après la chute de sa famille, Narcissa avait découvert qu’elle n’en avait aucun.

— Ne pouvons-nous pas commencer ?

— Je crains que non, Mrs Malefoy. Nous attendons encore quelqu’un, répondit Mr Greengrass.

Narcissa ne put cacher son air surpris. Qui cela pouvait être ? Qui serait assez proche de Lucius pour se retrouver sur son testament ? Un ami ? Cela sembla peu probable à Narcissa. Lucius était peut-être arrogant mais il était aussi loin d’être stupide et savait qu’il n’avait aucun véritable ami. Une maîtresse ? Narcissa se retira cette pensée de la tête. Elle savait que Lucius n’avait pas toujours été fidèle mais elle savait aussi qu’il n’avait jamais eu de sentiments pour aucune de ses aventures.

Elle en était à là de ses réflexions lorsque deux coups furent frappés sur la porte ouverte. Narcissa se retourna pour voir celui ou celle qu’elle considérait d’ores et déjà comme un intrus. Elle n’eut alors aucun mal à comprendre.