La tête de Victoire était posée à même les pierres froides du mur du septième étage.
Ses dents mordillaient nerveusement sa lèvre inférieure. Ses doigts tapotaient fébrilement les livres qu’elle tenait contre son ventre. Son regard glissa une nouvelle fois vers sa montre, avant qu’un long soupir ne s’échappe de sa bouche.
Cela faisait déjà vingt minutes qu’elle attendait, seule, dans ce long couloir presque désert. Très peu d’élèves s’y aventuraient car la seule possibilité d’y accéder était de passer derrière l’armure du Chevalier Blanc, et ce dernier savait se montrer très dissuasif. En réalité, il suffisait juste de s’incliner face à lui pour accéder à ce couloir exigu et sombre du château qui rassemblait la plupart des réserves.
D’ailleurs, c’était Teddy qui lui avait expliqué comment accéder à leur petite cachette lorsque les deux adolescents voulaient se retrouver en toute intimité. Personne ne savait ce qui se passait entre eux. C’était leur secret. Et cet endroit en était le gardien en quelque sorte, bien que cela fasse des mois qu’ils ne s’y étaient pas retrouvés… depuis mai pour être exact.
Octobre pointait presque le bout de son nez à présent.
Victoire se passa une main dans les cheveux, nerveuse à l’idée que Teddy ne viendrait pas au rendez-vous qu’elle lui avait donné entre deux cours. Peut-être avait-il eu un empêchement ? Après tout, il était en septième année, son emploi du temps devait sans doute être plus rempli que le sien. Les doutes commencèrent à fuser dans son esprit lorsque des pas résonnèrent à l’entrée du couloir. Une poignée de minutes plus tard, la silhouette élancée de Teddy Lupin se dessina dans l’ombre, et Victoire sentit son cœur glisser dans sa poitrine.
Il se pencha doucement vers la jeune fille et au moment où il s’apprêtait à lui dire quelque chose, il sentit la bouche de Victoire prendre possession de la sienne.
Leurs dents s’entrechoquèrent sous la violence de leur baiser. Teddy passa ses mains dans les cheveux de Victoire, approchant alors son visage du sien. Il voulait approfondir leur étreinte, goûter à ses lèvres. Il en avait été privé depuis trop longtemps. La souffrance d’avoir été si loin d’elle avait été suffocante tout l’été, et la charge de travail de la rentrée septembre n’avait pas arrangé les choses.
La jeune fille ferma les yeux, et sa peau s’embrasa sous les doigts de Teddy qui descendirent le long de ses bras, jusqu’à sa taille qu’il enlaça amoureusement.
- Je pensais que tu ne viendrais pas, avoua Victoire, en ouvrant les yeux.
- Je t’ai dans la peau Vic, chuchota-t-il en touchant vaguement sa hanche, là où les initiales de la jeune fille et son empreinte digitale étaient tatouées depuis plus d’un an maintenant.
Victoire sentit ses lèvres s’étirer en un sourire sincère et son doigt glissa sur la ceinture de Teddy, là où ses initiales étaient prisonnières de sa peau pour l’éternité. C’était la chose la plus incroyable qu’on avait faite pour elle. Elle était d’autant plus conquise que cela venait de Teddy. Ce dernier se pencha de nouveau sur son visage et ses lèvres effleurèrent les siennes, douces et sucrées, alors que ses mains s’aventurèrent sur ses hanches.
A présent, la main de Teddy était posée sur sa cuisse. Pas cramponnée à sa peau. Pas enfoncée dans sa chair. Elle était posée délicatement sur sa cuisse, là où sa jupe légèrement remontée par l’ardeur de leur baiser laissait dévoiler quelques centimètres de peau rosée. La sensation de ses doigts était si légère que Victoire sentit la chair de poule remonter le long de ses jambes, cachées par des bas en laine.
- Quoi ? murmura Teddy, contre ses lèvres, avec un petit sourire espiègle.
- Rien, répondit Victoire.
L’ancienne Victoire n’aurait jamais répondu ça. Elle aurait dit qu’il faisait trop sombre dans ce couloir exigu, que n’importe quel élève pouvait les surprendre malgré la présence dissuasive de l’armure du Chevalier Blanc qui en gardait l’entrée. Elle aurait accusé la chaleur harassante pour cette fin d’été, ou aurait affirmé qu’il allait froisser son chemisier et enlever son rouge à lèvres à force de prendre possession de ses lèvres.
Mais elle n’en fit rien
Elle n’était plus cette Victoire, cette demoiselle irréprochable. Elle était de nouveau Vic, cette fille intenable qui succombait lentement au désir et à la passion.
- Continue, murmura-t-elle en glissant ses longs doigts dans les cheveux épais et hirsutes de Teddy.
Aujourd’hui, ses cheveux en bataille étaient couleur noisette avec quelques reflets bleus lorsque les rayons du soleil les effleuraient. C’était la coiffure que Victoire préférait. Ça et ses grands yeux dorés qui tiraient sur le noir intense en leur milieu. Elle avait l’impression de se perdre dans ses prunelles. Il n’y avait que lui qui réussissait à la faire se sentir aussi désirable, aussi attirante, aussi jolie en un sens.
Victoire Weasley était très belle. Grande, mince, une chevelure blonde de princesse, de grands yeux azur, quelques taches de rousseur sur son petit nez, et une bouche pulpeuse que Teddy adorait titiller. Oui, Victoire était magnifique, mais la jeune fille n’en prenait pleinement conscience que lorsque son amoureux la regardait avec cette intensité et cette dévotion. Là, dans l’intimité d’un couloir trop étroit, Teddy arrivait à lui faire savoir à quel point il la désirait, à lui montrer combien il l’aimait… à quel point il était fier, rassuré, et même apaisé, de savoir qu’elle avait été capable de changer pour lui. Pour elle aussi…
Pouvoir embrasser la douce Vic et non pas la glaciale Victoire relevait de l’exploit.
- Comme ça ? demanda-t-il, tout bas, au creux de son oreille, alors que sa main avait délaissé sa cuisse pour s’aventurer timidement sous sa chemise caressant son ventre.
- Plus haut, susurra-t-elle, les joues roses alors que Teddy fit remonter son pouce jusqu’à la fine dentelle qui sublimait sa poitrine.
Non, jamais l’ancienne Victoire se serait montrée aussi sensuelle, aussi affirmée. L’ancienne Victoire se serait défilée, prétextant l’heure tardive de la soirée, ou un trop plein de dessert dans son estomac. Dessert qu’elle n’aurait même pas avalé de peur de prendre le moindre gramme.
A présent, elle ne se préoccupait plus de tous ces détails. Le voyage de cet été était encore bien ancré dans ses pensées. Victoire avait côtoyé tant de misère. Tellement d’indigence, d’infortune et de bonheur en une seule et même entité, qu’elle en avait eu le tournis. Comment être si heureux de vivre et si reconnaissant envers le ciel alors que tout manquait à la vie ? Cette question, Victoire se l’était tant posée, presque chaque jour de l’été, pour au final comprendre que la vie n’était pas faite de choses matérielles. La vie est un cadeau, un bonheur qui ne diminue jamais en le partageant.
Et ce soir, Victoire a envie de partager son bonheur. De le partager avec le seul homme qui compte vraiment pour elle.
- Tu m’as manqué, souffle-t-elle à Teddy, la bouche nichée dans le creux de son cou.
- Toi aussi, répondit-il en s’écartant légèrement pour mieux la contempler. Mais je ne regrette pas de t’avoir attendu…
- Pourquoi ? gloussa-t-elle.
Encore une chose que l’ancienne Victoire n’aurait jamais fait. Glousser… Sa sœur, Dominique, gloussait sans cesse, Sa cousine Lucy, gloussait tout le temps. Elle ? Jamais
- Je crois que je ne t’ai jamais autant aimé depuis ton retour du Cambodge, avoua-t-il, les joues rouges.
Teddy avait le visage en feu. Sa gorge était sèche et son gosier paraissait être en éruption. C’était comme si le Vésuve s’était retrouvé coincé dans sa bouche. De sa vie entière, il n’avait jamais autant rougi, ne s’était jamais senti aussi démuni, et, face au regard impénétrable de la fille qu’il aimait, Teddy sentit son visage s’empourprer d’avantage. Etait-elle en train de le sonder ? Allait-elle se moquer de lui, comme toutes les fois précédentes ? Non, impossible. Victoire avait vraiment changé. Il le savait, le voyait au fond de ses yeux et dans l’éclat de son sourire.
- C’est la première fois, souligna Victoire, sereine. La première fois que tu me dis que tu m’aimes…
- Ça… Ça te fait peur ? demanda-t-il, hésitant, les joues toujours écarlates face à de tels aveux.
Entre lui et Victoire, ça avait toujours été une longue histoire d’amour. Très tumultueuse, certes, avec plus de « bas » que de « hauts » sur les derniers mois mais une histoire d’amour tout de même. Il regrettait simplement que Victoire ne soit pas constamment LA Victoire qu’il aimait. Celle de leurs moments d’intimité, leurs moments de calme, loin des autres… A présent, elle était cette Victoire à chaque instant de la journée. Et il adorait cela, Pourtant, il ne lui avait jamais révélé ses sentiments. Ils n’en avaient jamais parlé de manière concrète, objective et directe.
- Non, rassura-t-elle en souriant. Ce n’est plus le cas, avoua-t-elle en ancrant ses yeux bleus dans les siens, devenus plus bruns sous l’effet de ses paroles.
Teddy retira sa main de sous son chemisier et caressa délicatement sa pommette avant de perdre ses doigts dans sa chevelure dorée.
- Reste toujours comme ça, Vic, supplia-t-il. Souriante et sincère…
- Et toi ne cesse jamais de me dire ce qui ne te plait pas chez moi.
Leurs doigts s’entrelacèrent timidement et Victoire se hissa sur la pointe des pieds pour embrasser de nouveau Teddy et reprendre cette longue danse endiablée que leurs langues aimaient à partager depuis un moment déjà. Il l’avait tellement attendu… Il avait tellement attendu cette Vic si lumineuse à ses yeux, si parfaite comparé à la Victoire de tous les jours, que Teddy sentit à peine la main de la jeune fille se refermer sur son épaule pour le pousser doucement le long de l’étroit couloir.
- On ne sera jamais rentré pour l’heure du coucher, murmura Teddy contre les lèvres de Victoire alors qu’une poignée de porte se dessina contre ses reins.
- J’espère bien, précisa la jeune fille, un sourire espiègle au coin de sa bouche.
Le jeune homme eut à peine le temps d’entendre l’ouverture de la porte d’une des nombreuses réserves du château, que les mains de Victoire se faufilèrent le long de sa chemise, qu’elle déboutonna avec précision et fermeté. Depuis combien de temps attendait-il ce moment déjà ? Ce moment si intime où le corps de Victoire lui appartiendrait pour toujours… il avait l’impression que cela faisait une éternité. Et longtemps, il s’était senti perdre pied devant l’indifférence publique de la jeune fille alors que leur complicité ne faisait que s’accroitre dans l’ombre de leurs jeunes années.
Mais lorsqu’il sentit les lèvres de Victoire quitter les siennes pour s’aventurer le long de sa gorge et de son épaule, Teddy ferma les yeux, se laissant transporter par la tumultueuse tempête de sentiments que seule la jolie blonde arrivait à faire naître dans sa poitrine. Au final, l’attente avait rendu Victoire encore plus désirable à ses yeux, et en cette fin d’été harassante, Teddy Lupin comptait bien profiter de chaque minute perdue contre les courbes de sa petite amie.