James était assis à une table de la salle commune, une plume à la main et des parchemins froissés tout autour de lui. Il semblait contrarié alors que ses yeux étaient levés vers la fenêtre la plus proche, comme cherchant l’inspiration.
Au travers de la vitre il aurait surement pus apercevoir les dernières feuilles mordorées tomber des arbres ou Hagrid transportant d’énormes citrouilles pour le dîner d’Halloween mais James était plongé dans ses pensées.
N’importe qui le connaissant un peu aurait de suite deviné qu’avec cet air beat et ces sourcils légèrement froncés il ne pouvait penser qu’à une seule personne.
Finalement il détourna les yeux du ciel gris au dehors et se pencha sur le dernier essai de lettre en date en soupirant.
« Un souci James ? demanda Sirius, un brin moqueur
- Humm… » grogna ce dernier, un peu agacé par ce ton railleur qu’il sentait chez son ami.
Sirius se leva souplement du canapé où il était avachi depuis qu’il était rentré du cours de divination.
Il s’ennuyait ferme. James était occupé depuis bien trop de temps à son goût à écrire cette stupide lettre mystère.
« Tu écris à qui, demanda-t-il en essayant de lire par-dessus l’épaule du jeune poursuiveur alors que James le repoussait vaguement de sa main libre
- T’occupe ! »
Sirius recula, un peu vexé par ce refus de se confier, James n’était pourtant pas du genre à faire des secrets, ça devait vraiment le travailler. Peut-être écrivait-il à ses parents mais Flemont et Euphémia était pour Sirius les parents qu’il aurait aimé avoir et si quelque chose de grave leur arrivait James l’aurait sans doute tenu au courant.
Haussant les épaules il informa James qu’il allait se chercher à manger et laissa le jeune homme seul, perdu dans ses pensées.
James avait à peine entendu Sirius descendre, à vrai dire il pensait encore à Lily. Elle et lui semblaient loin désormais, du temps où ils se détestaient et si tout le monde disait qu’ils formaient le plus mignon et le moins ennuyeux couple de Poudlard il ne pouvait s’empêcher de douter.
Et si Lily avait simplement eu pitié de lui ? Si finalement elle trouvait de nouveau qu’il était un crétin ? Et si elle l’oubliait pendant qu’elle serait loin ? Il sentit son cœur se serrer.
Ces semaines qu’il avait passé avec Lily avaient été tellement magiques, ils se comprenaient parfaitement, se semblait pas avoir besoin de parler pour communiquer.
Lily, c’était la femme de sa vie, James en était persuadé, il n’avait juste jamais eu le courage de le lui dire. Il songea à leur premier baiser et à tout ce qui s’était enchaîné, difficilement.
Lily…
Lorsqu’elle lui avait annoncé qu’elle devait s’absenter pour quelques jours parce qu’elle avait l’enterrement de sa tante il avait eu envie de la prendre dans ses bras, de lui dire qu’il serait là pour elle, qu’il partageait sa peine.
Il n’avait pas osé, encore. Et elle partait, retournait dans ce village d’où elle venait et d’où la personne que James détestait le plus au monde venait aussi.
Il aurait voulu lui dire tant de choses…Il aurait voulu lui ouvrir son cœur bien plus qu’il n’avait su le faire jusque-là par le biais de ses mots maladroits.
Lily, sa Lily méritait bien mieux que ça, James en avait douloureusement conscience. Alors quand il avait appris qu’ils n’allaient pas se voir pour le diner d’Halloween, date à laquelle un an auparavant il l’avait embrassé pour la première fois, il avait voulu lui dire.
Mais là, alors qu’elle l’avait regardé, ses yeux clairs plantés dans les siens, sur le point de partir, le cœur plein de courage à l’idée de se retrouver pour la première fois depuis longtemps en famille il avait renoncé.
Il s’était dégonflé, encore une fois.
Le courage semblait le fuir depuis trop longtemps pour un Gryffondor. Il le faisait rougir, et semblait se moquer de lui et de cette relation qui à peine débutée semblait bloquée par la peur et l’orgueil de James.
Le courage lui glissait entre les doigts, se défilait, depuis longtemps, depuis que James était amoureux de Lily et souvent il avait forcé James à se dissimuler derrière les moqueries.
Mais James voulait combattre cette lâcheté qui le faisait dire n’importe quoi, cette peur qui bloquait les mots dans sa gorge alors que tout son être crevait de ne pouvoir réconforter Lily.
James le devait à Lily, parce qu’elle était tout pour lui et qu’il espérait être tout pour elle un jour prochain.
Alors il avait décidé, alors que Lily venait juste de partir, fragile, courageuse, armée d’une volonté de ne rien laisser l’arrêter, il avait décidé d’écrire.
Si le courage en vil être ne pouvait lui permettre de dire ce qu’il ressentait alors James tricherait. Il écriait les mots, sa plume courant sur le papier et gravant ce qui était enraciné en lui.
Il s’était donc là, assis, seul, dans la salle commune mais toutes ses lettres lui avaient parues aussi lamentables les unes que les autres, si maladroites, si loin de la véracité de ce qui pulsait en lui.
L’un après l’autre, il avait déchiré les parchemins, froissé l’ébauche de ses mots. D’une rage froide de ne pouvoir s’exprimer il avait cassé plusieurs plumes et noirci d’encre tant de lignes qu’un encrier seul n’avait pas suffi.
Et Sirius était entré alors qu’il jetait violement une boulette de papier par terre. James s’était arrêté net, comme surpris levant la tête vers la fenêtre.
Maintenant que Sirius l’avait de nouveau laissé seul il avait enfin compris la ruse de ce courage qui ne voulait pas lui appartenir. Jamais sa lettre ne serait parfaite, mais ce n’était surement pas le plus important finalement, lui et Lily ne l’étaient pas.
Alors, Sirius parti James enfin prêt pour cette lettre, avait pris un nouveau parchemin et laissé ses mots couler sur le papier.
Lily,
Tu dois surement être arrivée désormais, si tu savais comme j’aurai voulu être là, avec toi, pour toi.
Je te revois, ta valise à la main, si tu savais Lily, comme je regrette de ne pas avoir insisté, de ne pas avoir pu te dire ce qui aurait pu guérir cette peine que tu caches si bien.
Peut-être que tu trouveras ça étrange comme lettre, décousue mais je te jure, foi de Potter je fais de mon mieux, ne te moque pas, ou alors juste en riant avec cet air que tu as parfois, ce sourire du bout des lèvres.
Ça fait des semaines, non des années que je veux te parler à cœur ouvert et je sais que si Sirius lisait ça il se moquerait surement de cet épanchement mais j’ai passé des semaines à ressasser tout ce qui tournait en moi.
Je t’aime Lily, je crois bien que je te l’ai déjà dit un million de fois, parfois j’ai presque peur que tu te lasse de ces « je t’aime » mais ça fait longtemps déjà que je ne peux plus les retenir.
Jusqu’à la fin Lily, jusqu’à nos derniers souffles je voudrais te les répéter à en crever d’amour.
James écrivait, si rapidement, comme si quelque chose pouvait bloquer ces mots qui sortaient enfin. Il écrivait cet amour heureux, ce destin qu’il souhaitait, les yeux mi-clos, si calme après tant de rage intérieure peu de temps auparavant.
L’entrée de Sirius le fit sursauter alors que l’odeur délicate du chocolat réveilla l’estomac du jeune homme. Se levant il attrapa une des parts de fondant au chocolat que Sirius avait placé dans une assiette.
« Hé, mais tu es un faux-frère, je voulais manger mes deux parts, râla Sirius
- J’en ai plus besoin, écrire ça creuse, tu devrais peut-être essayer de temps en temps, rétorqua James amusé
- On a retrouvé sa bonne humeur à ce que je vois, c’est pas trop tôt ! »
James ne releva pas, occupé à savourer le fondant au chocolat qu’il venait de piquer. Son arôme puissant chatouillait ses narines et à voir le chocolat encore chaud couler, les morceaux de noisettes croquants dispersés dans la pâte et le glaçage d’un noir brillant, décoré de délicats copeaux de chocolat blanc James s’étonna de ne pas avoir eu faim avant cet instant.
Il fit apparaître une cuillère, plongeant celle-ci dans la chantilly onctueuse et la crème anglaise, avant d’enfin entamer la part si délicieuse à regarder, presque à contrecœur.
Mais il ne regretta que quelques secondes d’abimer ainsi ce chef-d’œuvre culinaire qui était le met préféré de Sirius, savourant le gout riche de cette bombe sucrée dans sa bouche.
« Bon sang Sirius, je t’aime ! » Lança-t-il, se tournant vers son compagnon, sa lettre pliée à la main entre deux bouchées chocolatées.
Sirius ricana, abandonnant sa pyramide de carte explosive pour poser un regard inquiet vers la lettre de James.
« Tu écris à tes parents, demanda-t-il hésitant
- Non, Lily, répondit James, comme fier de l’énoncer
- Ah….elle…. »
Sirius sembla se renfrogner, il aimait bien Lily mais avait souvent l’impression qu’elle lui volait James. Il le savait, au fond qu’il agissait mal, en repoussant Lily qu’il avait pourtant appris à apprécier peu à peu mais c’était plus fort que lui.
« Tu écris quoi à Lily alors ? Un joli sonnet j’espère ?
- Non, répondit James hésitant, tu crois….tu crois que c’est ce que je devrai faire ? Que c’est mieux ? »
« Bon sang, il a perdu la tête pour la sorcière rousse ma parole ! » se dit Sirius, mi- agacé, mi- jaloux d’une relation qu’il ne parvenait ni à égaler ni même à comprendre. James l’agaçait, avec ses états d’âmes, avec ses pleurnicheries, et ses hésitations pour une simple fille.
Il ne pouvait s’empêcher de se moquer de lui intérieurement et généralement cela suffisait. Il savait combien Lily comptait pour James. Jamais il n’avait voulu saper la confiance de son meilleur ami en ce domaine mais la tentation fut cette fois-ci plus forte que tout.
« Oui, tu devrai ! ». Il se leva, avec son air d’aristo moqueur et un sourire mauvais, montant sur une table pour déclamer avec force de gestes éloquents :
« Oh ma douce Lily, pardonne moi ma mie,
James est un abruti, son seul but ma jolie,
C’est ton corps dans son lit, peut-être pour toute la vie »
James resta silencieux un instant, ses yeux sombres, un air peiné sur le visage et le regard vide.
« Tu penses que je suis un idiot de lui écrire ? »
Sirius ne répondit pas, étonné. Il s’était attendu à des reproches, à voir James lui faire la tête ou à lui lancer une remarques cinglante Il aurait plus vu James lui reprocher cet évident manque de respect, à remettre leur amitié en question, jamais il n’avait imaginé une telle réaction.
James semblait seulement « fragile » et c’était assez déroutant pour Sirius de s’apercevoir qu’avec une moquerie aussi douteuse il avait poussé James à ne plus se faire confiance.
Jamais il n’avait senti son ami aussi vulnérable et la culpabilité l’envahie aussitôt mais c’était déjà trop tard.
« Tu as raison, c’est idiot, et Lily rirait de moi comme tu viens de le faire si elle savait que je lui avait écrit une lettre si….si….dégoulinante » James frémit, son visage se voilà alors qu’il chiffonnait la lettre en question la laissant retomber parmi le tas de celles inachevées.
« Elle aussi elle me prendrait pour un idiot sentimental, après tout c’est pas si important que ça ».
La phrase sonna comme une question aux oreilles de Sirius, il sentait presque la peur chuchoter à James de ne jamais montrer cette lettre. Le jeune Black vu James sortir de la salle commune un peu mal à l’aise, il avait fait une connerie, il le sentait.
En peu de temps finalement il se décida, plongea les mains en direction de la pile de papiers vers laquelle la fameuse lettre avait été jetée.
« Merde, merde, merde »
Il fouilla une quinzaine de minutes presque désespéré par l’énorme bêtise qu’il venait de faire faire à son meilleur ami.
Lorsque finalement il retrouva la fameuse lettre, le cœur en liesse il couva du regard son graal personnel.
« tu me remerciera plus tard James, enfin j’espère » dit-il à voix haute, se promettant de remettre la fameuse lettre en main propre à Lily dès qu’elle reviendrait à Poudlard.
Il souriait, coûte que coûte il réparerait ce qu’il venait tout juste de casser.