Percy venait de rentrer du travail. Le temps froid dehors avait fait rougir ses joues et ses verres de lunettes étaient flous sous la buée qui s’était formée dès son entrée dans la maison.
Sous ce brouillard artificiel il regardait la forme allongée dans le divan qui ne pouvait être que sa femme.
Ça lui donnait comme une vision étrange de voir flou et il était presque fasciné par l’image qui s’étalait devant lui. Percy enleva ses lunettes avant que l’illusion ne se brise, avant que le filtre magique de la buée ne s’efface.
Devant lui, sur le canapé, premier achat du jeune couple, sa petite fée est allongée, son visage disparaissant sous ses cheveux de jais et son pull jaune vif éclairé par la lampe du salon.
On ne voyait que lui, ce pull vif qui formait un soleil au creux de son corps. Percy bougea légèrement la tête et il eut l’impression furtive de voir des rayons sortir du ventre arrondi de sa chère Audrey.
Il aurait presque voulu fixer cette image onirique dans le marbre. La scène n’était pas nouvelles pourtant, mais ce soir avait surement quelque chose de plus pour que Percy bloque autant sur ce qui mangeait la silhouette habituellement fluette de sa compagne.
Peut-être était-ce cette odeur douce de cannelle dans l’air qui lui rappelais l’époque où sa propre mère attendais Ron, peut-être était-ce cette vision de son infatigable épouse si calmement endormie, peut-être que c’était simplement la fatigue qui le faisait rester là, ses lunettes plantées sur le haut du crâne.
La journée avait été longue décida-t-il en allant chercher sur la pointe des pieds de quoi se faire un thé. Devant les tasses multicolores qu’Audrey affectionnaient tant il hésita un instant et reposa la rouge pour une que sa jeune nièce lui avait offerte. Il devinait plus qu’il ne voyait celle qu’il avait choisie parmi les points colorés des autres.
Il eut un sourire devant le souvenir de la petite Victoire sa tasse décorée à la main, son sourire édenté. Furtivement l’image se brouilla, comme floutée elle aussi, le visage de Victoire s’effaçant pour un autre avant que le souvenir ne lui échappe finalement.
Percy secoua la tête et reposa le pot de thé, finalement il avait plutôt envie d’un bon chocolat chaud comme ceux qu’il réclamait enfant à Molly.
Il s’installa sur le fauteuil en face du canapé, cherchant désespérément ce qui lui échappait. La journée avait pourtant été des plus normales au travail et depuis qu’Audrey lui avait annoncé qu’elle était enceinte rien n’avait perturbé leur routine.
Il avait juste eu du mal à voir ce petit être grignoter l’énergie de sa pimpante femme et il avait du rédiger des dizaines et des dizaines de lettres pour annoncer la nouvelle mais rien de plus.
Il avait presque oublié cette chose en elle qui grandissait, presque omis de penser à la suite.
Pourtant aujourd’hui il ne peut, Percy, s’empêcher de fixer le soleil personnel de sa femme et les petits bras fins qui l’entourent comme pour protéger ce trésor doré.
Il soupire un peu, trempe ses lèvres dans le chocolat auquel il a ajouté de la cannelle un peu plus tôt et écoute calmement le tic tac de la vielle horloge du salon.
Audrey remue, caresse le ballon doré que forme son ventre caché sous ce pull, marmonne quelque chose d’inaudible.
Elle sourit dans son sommeil, fronce les sourcils, pince ses lèvres rouges et Percy la regarde fasciné, comme à chaque fois, s’interrogeant sur le sujet de ces songes si agités.
Et sa petite fée finalement se réveille avec sa moue malicieuse et ses boucles sombres encadrant un visage encore ensommeillé. Elle frotte ses yeux, se redresse un peu et regarde Percy. Elle rayonne elle aussi, mais peut-être que ce n’est que l’amour, ou le pull jaune qui lui fait dire ça, pense Percy.
Audrey sourit à Percy, pose un regard interrogateur sur les lunettes qui ne sont pas sur le nez.
Il ne réponds pas à ce sourire. Il bloque, de nouveau.
Il regarde la moue de sa femme et se dit qu’elle aussi a un jour été une enfant. Il boit son chocolat et se souvient du gosse qu’il a pu être, de ces êtres pleins de rêves qu’ils étaient et qu’ils ont su conserver en partie.
Mais il prend peur, tremble un peu en reposant sa tasse sur la table basse. Il en a fait des erreurs lorsqu’il était jeune, des graves, pire que les simples bêtises de Fred et George.
Il s’est trompé, a été trop fier, n’a pas su écouter. Et si…
Et si il ne savait pas ? Et si il était incapable de s’occuper du petit soleil ? Parce que c’est ce qu’il va être, il vient tout juste de s’en apercevoir, père.
Ça fait longtemps qu’il ne s’est pas senti aussi vulnérable, aussi peu sûr, autant enfant finalement.
Audrey se rapproche de lui et le fixe droit dans les yeux, son regard chaleureux s’accrochant aux prunelles affolées de l’homme qu’elle a épousé.
Elle ne parle pas, elle sourit juste et pose sa petite main sur l’épaule de Percy qui tremble presque de la révélation qu’il vient d’avoir.
Il lève enfin la tête vers Audrey et ses doutes s’effacent en partie, si il ne sait pas, Audrey non plus, et il apprendra, il a toujours aimé ça, apprendre.
Il pense juste à ce que donnerait un mélange de lui et d’Audrey pour le petit soleil. Un petit nez plein de taches de rousseur surement, une chevelure sauvage comme celle de sa femme ?
Un rouquin, une brune, un garçon, une fille ? Ils ne savent pas, n’ont pas voulu gâcher la surprise.
Alors il serre la petite main d’Audrey et imagine plusieurs avenirs.
D’abord en fermant les yeux il peut voir un petit garçon, un bonnet sur la tête qu’on emmènerait faire de la balançoire ou qui grimperai aux arbres comme Audrey faisait enfant. Peut-être qu’il sera espiègle petit soleil, comme elle ?
Mais Percy l’imagine fille ce petit être, avec les yeux gris d’Audrey et les cheveux roux des Weasley, avec la curiosité maladive et l’envie de bien faire qu’il avait lui, enfant.
Il en voit plein comme ça des enfants, tous différents, tous familiers. Leurs voix trop aïgues résonnent, il peut presque entendre leurs cœurs battrent, ou est-ce seulement le sien ?
Il s’imagine tous ces petits bras, ces jolies mains, tous ces sourires édentés, les petits bébés, les adolescents renfrognés, les adultes perdus, les futurs parents.
Ça lui donne le vertige tous ces petits soleils potentiels et celui qui sera là, réel, celui qu’il pourra tenir dans ses bras.
Le petit soleil à qui il apprendra à marcher, celui qu’il verra rire, pleurer même parfois.
Il sent monter en lui cette envie de prendre ce mini eux dans les bras, de savoir à quoi il ressemblera, de le regarder dormir la nuit, de le voir grandir, évoluer, se construire. Il est loin le Percy perdu de tout à l’heure et Audrey le voit.
Elle le sent à la façon dont il serre sa main, au sourire qui s’étale sur son visage et aux prunelles éveillées qui sont le reflet des siennes.
Elle est enceinte de cinq mois, c’est long, plus de la moitié, mais ce n’est qu’aujourd’hui que finalement Percy a compris.
Comme bien des hommes avant lui, comme pas mal de monde finalement il va être père. Ça n’a rien d’exceptionnel, d’original mais c’est bien plus que ça.
Percy le sait, désormais.
Dans quelque temps, petit soleil l’appellera « Papa ».