Les rayons du soleil s'étendaient paisiblement sur la grand étendue d'herbe qui bordait le lac. Non loin de là, les arbres de la forêt projetaient déjà leurs ombres. Une foule s'était attroupée au bord du lac. Le grand nombre de personnes qui se tenait là, adulte comme adolescent, aurait laissé présager une incessante rumeur des bruits des conversations. Pourtant, il régnait une atmosphère de recueillement, où chacun pouvait s'exprimer, sans élever la voix, et écouter respectueusement les autres. De toute évidence, ils attendaient quelque chose, d'autres arrivants, ou un événement quelconque.
C'est ce tableau qui apparut à Harry, Ron et Hermione lorsqu'ils franchirent l'enceinte du parc depuis Pré-au-Lard, d'un pas quelque peu hésitant. Harry dut prendre une longue respiration avant de lever les yeux vers le paysage qui les attendait, et affronter la silhouette du château dans lequel il avait séjourné pendant six ans.
« On y est » murmua Hermione, qui semblait avoir la gorge tout aussi nouée que lui.
Cela faisait presque un an qu'ils n'étaient pas revenu. Depuis la bataille... Refusant de se laisser aller aux souvenirs, Harry amorça la marche pour rejoindre la foule, suivi de prés par ses deux amis. Il redoutait ce moment depuis plusieurs semaines, quand il avait reçu le message du Professeur McGonagall leur demandant de venir à la cérémonie. Il avait soigneusement évité de se retrouver en présence d'autant de monde depuis un an, se terrant la plupart du temps au 12 Grimmauld Place avec pour compagnie Kreattur, les visites régulières de Teddy et sa grand-mère, ainsi que la présence presque quotidienne de ses deux amis de toujours. Bien sûr, il avait fini par retourner au Terrier, malgré la douleur d'y constater l'absence inexorable d'un des Weasley, Fred.
Un bruit de pas lui fit quitter ses sombres pensée, et il eut à peine le temps de se tourner que déjà une jeune fille se précipitait sur lui, ne lui laissant admirer que le rouge éclatant de ses cheveux. Il répondit à son étreinte avec un grand sourire.
Il n'avait pas repris immédiatement contact avec Ginny, après la fin de la guerre, dans un souci de respecter son deuil pour Fred. C'est la rouquine qui la première avait craqué, se rendant dans l'ancienne maison de Black pour lui promettre une démonstration du sortilège de chauve furie si il persistait dans son silence. Harry avait cédé avec grand plaisir. Cependant, ils s'étaient peu vus cette année, Ginny reprenant ses études de septième année à Poudlard, tandis que lui et ses camarades de son niveau avaient opté pour des enseignements à domicile afin de passer les Aspics. Harry n'aurait pas supporté de revenir à Poudlard, avait-t-il pensé. Il avait rendu visite à Ginny lors de ses weekends à Pré-au-Lard, mais ceux ci avaient été limités par les entrainements de quidditch de la jeune fille, dont le talent semblait la destiner à un avenir professionnel.
Ron se racla la gorge devant le comportement « déluré » de sa jeune sœur. Cette dernière se hâta de renforcer son étreinte, par pure provocation.
« C'est pas le moment de jouer au bébé, Ron ! » lui fit elle remarquer après, malgré un grand sourire aux lèvres.
« Allez, ils nous attendent » dit Hermione en prenant le bras de Ron pour le traîner vers le lac.
Au fur et à mesure qu'ils avançaient, les têtes se tournaient vers eux, les fixaient, dans l'expectative. C'est ce que Harry avait redouté. Il se dirigea donc rapidement vers ceux qui comptaient parmi ses proches : la famille Weasley, Neville et Luna, qui étaient resté côte à côte.
Il remarqua cependant rapidement une tête blonde qui se tenait plus à l'écart, seul, affichant un sourire crispé qui se voulait probablement dédaigneux. Leur regard se croisa, et ils le soutinrent pendant une dizaine de seconde, se jaugeant sans nulle animosité.
« Qu'est-ce que tu fais là ? » s'exclama Ron, partagé entre la surprise et la colère, lorsqu'il comprit ce que regardait Harry.
Voyant qu'on le hélait, Draco Malfoy se rapprocha tout en restant à distance.
« Lache l'affaire, Weasley, je suis là parce qu'on me l'a demandé, c'est tout. Je ne tiens pas non plus à te voir ».
Il avait adopté son ton suffisant habituel, mais Harry ne pouvait s'empêcher de constater la fêlure qui transparaissait dans sa voix et son comportement. Et il lui sembla que cela remontait déjà à la sixième année.
« Ron » souffla Hermione, génée. « laisse le tranquille »
« Mais il n'a rien à faire ici, il... » Mais Ron s'arrêta devant le regard noir que lui lança sa petite amie.
« Weasley, sans Potter et Granger, tu ne serais pas un héro de guerre non plus ! » Lança Draco.
Hermione ne laissa même pas aux autres le temps de réagir.
« Maintenant ça suffit ! On ne va tout de même pas continuer à se chamailler comme des enfants, toute notre vie ? Après tout ce qui s'est passé ? »
« En partie par sa faute » Ne put s'empêcher de murmurer Ron.
« J'ai payé pour ce que j'ai fait » Rétorqua Draco. « C'est fini maintenant. »
Durant les nombreux procès qui avaient suivis la bataille de Poudlard, Draco avait été jugé en même temps que ses parents. Son père, dont les évidences de ses crimes étaient consternantes, avait eu une peine de longues années à Azkaban. Sa mère, deux ans avec sursis, une peine allégée par le témoignage de Harry. Draco avait lui écopé d'une année de travaux d’intérêt général renforcés. Leur manoir avait été saisi.
Draco haussa les épaules. « je crois qu'on devrait les rejoindre, McGo nous attend » dit il en leur tournant le dos.
Ils se rapprochèrent des autres groupes, et l'ensemble forma un cercle dont Minerva McGonagall occupait le centre. Celle-ci sourit de manière discrète mais chaleureuse à Harry, qui s'efforçait de garder les yeux rivés sur elle pour éviter le regard des autres personnes autour.
« Aujourd'hui » Déclara le professeur d'un ton plein de gravité et solennel, « nous commémorons les événements qui ont eu lieu à Poudlard il y a maintenant un an. Si nous avons perdus des êtres chers ce soir là, nous avons également permi à la guerre de terminer... »
S'en suivit un long discours sur les mérites des actions effectuées, puis l'hommage aux disparus de cette nuit fatidique. Les noms résonnèrent dans les têtes de chaque personne ici présente. Ginny tenait fermement la main de Harry, consciente de la difficulté que ce devait être pour lui aussi. La famille Weasley séchait ses larmes silencieusement, de même que tous les autres ici, dont aucun n'avait été épargné par la perte d'un proche ou des blessures.
A plusieurs centaines de kilomètres de là, dans la capitale anglaise, une jeune femme blonde,échevelée, arpentait Oxford Street, profondément plongée dans ses pensées. Elle aussi avait affronté un deuil, celui de son frère, il y a dix huit mois de cela, dans des circonstances inexpliquées. Les médecins avaient conclu à un infarctus du myocarde, bien que la cause reste mystérieuse. Mais cet « incident tragique » n'avait pas été isolé. Kate, profondément meurtrie par le décès de son frère qui était tout pour elle, avait voulu comprendre comment un jeune homme en pleine santé avait pu trouver la mort aussi soudainement. Elle sortait tout juste de ses études, en recherche d'un emploi dans un journal de la capitale. Mais déjà ses réseaux de connaissances lui avaient permis de faire le lien avec de nombreux autres décès tout aussi inexpliqués, au cours des trois années écoulées. Quant à l'effondrement du pont tout nouvellement construit, il y avait de cela trois ans, comment l'interpréter ?
Kate avait mis toute son énergie dans cette enquête qui semblait stérile, du moins le disait ainsi le reste de sa famille qui s'inquiétait de son état. Elle avait investigué, questionné, voire harcelé des services de police et des journalistes. Mais il fallait croire qu'elle ne remuait que du vent. Sa vaine quête n'était prise au sérieuse par personne. Oh bien sûr elle avait tenté de tourner la page, de gérer le deuil de son frère de la même manière que les autres, et oublier ces histoires farfelues. Mais lorsque enfin elle se faisait une raison, le moindre élément suspect faisait émerger à nouveau le doute, qui reprenait, lancinant, sa ritournelle initiale, pour la submerger enfin.
« Pourriez pas faire attention ! » Cria un homme dans la rue. Ceci eut pour effet de la réveiller, et elle comprit qu'elle venait de marcher sur le ciment nouvellement posé contre la chaussée, au milieu d'ouvriers qui la regardaient, furibonds.
« Désolée... » et elle se précipita pour quitter la zone de travaux.
« C'est à cause de cette maudite lettre », bougonna-t-elle.
Elle replongea la main dans sa poche pour en extirper une lettre, ou plutôt une sorte de parchemin, qu'elle relut pour la centième fois :
Chère Miss Rave,
Je sais ce que vous cherchez. J'ai une partie des réponses et je peux vous les donner, si vous êtesapte à les recevoir. Retrouvez-moi au 5 Great Castle Street. Ne parlez de ceci à personne, je tiens à garder la confidentialité.
R. Skeeter.