In ihren Lungen wohnt ein Aal, auf meiner Stirn ein Muttermal... Entferne es mit Messers Kuss !
James, assis sur la chaise à côté du lit blanc dans lequel était allongé Sirius, contemplait son ami en silence.
Il ne dormait pas. Ses yeux étaient ouverts, quoique fixés sur le plafond blanc de l’hôpital. De grosses ecchymoses étaient visibles sur les bras du sorcier, croisés par-dessus son drap ; ses lèvres étaient férocement pressées l'une contre l'autre, ses yeux noirs semblaient plus profondément enfoncés dans leurs orbites, sa mâchoire se tendait à intervalles réguliers, comme un tic qu'il ne pouvait pas maîtriser. Sa poitrine se soulevait et descendait rapidement.
James mourrait d'envie de demander à son ami ce qui s'était passé pour le mettre dans cette état de fureur blanche, si violente qu'elle l'immobilisait presque totalement, mais il ne parvenait pas à rassembler le courage de poser la question, un peu intimidé. Il lui semblait souvent que Sirius, presque autant que Remus, avait eu une vie bien plus compliquée que la sienne, et dans ses moments là il se sentait parfois très petit, et très immature, alors il n'osait pas lancer la conversation. De peur de dire des trucs idiots, des lieux communs, de ne pas réussir à aider.
-James, lâcha enfin Sirius, sans desserrer les dents, et le sorcier leva la tête si vite qu'ils entendirent son cou craquer.
-Est-ce que tu crois que je pourrais habiter chez tes parents pour quelques temps ?
James senti son ventre se serrer, plus conscient que jamais de la chance qu'il avait. Oui, bien sûr Sirius pouvait venir. Quand il le voulait, aussi longtemps qu'il le voudrait. Enfin, si ses parents acceptaient.
Mais que s'était-il passé ?
In ihren Lungen wohnt ein Aal, auf meiner Stirn ein Muttermal... Entferne es mit Messers Kuss !
James traversait les couloirs de l’hôpital au pas de course, la gorge serrée, la mâchoire crispée. Sirius était un idiot. Il n'avait pas encore compris tous les tenants et les aboutissants de l'accident qui s'était produit, mais une chose était certaine ; son ami était un abruti. Se planter ainsi avec son jouet moldu à quelques semaines de la rentrée à Poudlard... l'esprit de James vira au néant l'espace de quelques secondes. Le vieux château sans Sirius. Ce n'était même pas envisageable, ni acceptable.
Lorsqu'il atteignit la porte de la chambre 45B, il s'immobilisa à la vue de Walburga Black, hagarde, le souffle court, sa longue main anguleuse et grise posée sur le mur comme pour se soutenir. Les propos que Sirius avaient presque toujours tenus au sujet de sa mère ne la rendait guère sympathique au jeune homme, mais il ne put s'empêcher de se sentir touché de la voir aussi secouée ; dans le même temps, sa propre angoisse se renforça. Pour que même Walburga Black et son cœur de glace puissent ainsi s'émouvoir de ce qu'elle avait vu de l'autre côté de la porte, dans quel état était Sirius ?
Les lèvres de la vieille sorcière remuaient sans faire le moindre bruit, ses yeux fixés sur le vide, presque révulsés, ses joues hâves et livides. Une ou deux mèches folles s'échappaient de son chignon gris, et il y avait un peu de sang au coin de ses lèvres. James, le ventre noué par ce spectacle pitoyable, amorça un mouvement lorsqu'un son s'échappa enfin de la gorge de Walburga, le figeant de nouveau sur place.
-Traître à son sang. Pourriture.
Le jeune homme battit des paupières, saisi, et soudain nauséeux. De quoi pouvait-elle parler alors que son fils venait d'échapper à la mort par miracle ?
-Madame Black, comment va Sirius ?
Elle se redressa brusquement, toisant James avec une haine qui lui glaça l'échine. Les yeux de Walburga étaient injectés de sang, elle avait tout de la femme à qui on a arraché les entrailles, et pourtant elle inspirait le dégoût plus que la pitié. De sa voix étranglée de sanglots qui puisaient leur trémolos dans la haine la plus pure, la plus viscérale, elle cracha :
-Je ne connais pas de Sirius. Je n'ai qu'un fils.
In ihren Lungen wohnt ein Aal, auf meiner Stirn ein Muttermal... Entferne es mit Messers Kuss !
La bouche de Sirius était si sèche qu'il lui fallut plusieurs fois pour réussir à reformuler la question, d'une voix tremblante, terrorisée.
-Le petit garçon... sa famille... Ils vont bien ?
Walburga le regarda en levant un sourcil, glaciale et à la fois un peu surprise. Devant son mutisme, haletant de douleur, Sirius se redressa un peu plus dans son lit d’hôpital.
-La famille qui était là, dans l'accident...
Sa voix se déroba, incapable de finir sa phrase. Son regard fouillait avec désespoir le visage de sa mère. Le menton du sorcier tremblait, ses yeux s'embuaient de larmes de terreur. Pourquoi ne parlait-elle pas ?
-De quoi est-ce que tu parles, Sirius ? lâcha-t-elle enfin d'une voix exaspérée, comme si elle se trouvait dans son salon du square Grimmault, comme si toute la situation était parfaitement normale.
Le sorcier dévisagea sa mère, estomaqué, les larmes coulants sans discontinuer sur ses joues désormais. Il était horrifié, horrifié par ce qu'il avait fait, horrifié par la femme dont le ventre l'avait porté et qui lui faisait face et refusait de le comprendre.
S'essuyant le visage, ses mains tremblant si violemment qu'il pouvait à peine les contrôler, il répéta d'une voix rauque :
-Dans l'accident, il y avait une famille de moldus. Ils sont... Comment vont-ils ?
Il n'osait plus la regarder dans les yeux cette fois.
-Par Salazar, Sirius, soit raisonnable ! Comment veux-tu que je le sache ? En quoi ça me concerne ?
Les yeux révulsés, le jeune homme leva un regard abasourdi sur elle. Comme s'il la voyait pour la première fois, ou comme si le dernier voile dissimulant la vérité nue venait d'être déchiré.
-En quoi ça te concerne ? Répéta-t-il d'une voix rauque. EN QUOI CA TE CONCERNE ?
-Sirius ne hausse pas le ton s'il te plaît.
-TON FILS A PEUT ETRE TUE CES GENS, ET TU DEMANDE EN QUOI CA TE CONCERNE ?
-Des gens. Les moldus ne sont pas des gens.
Sirius suffoquait, ne parvenait même plus à articuler.
Il connaissait les idées puantes de sa mère et de sa famille, il les avait toujours connues. Il ne s'attendait toutefois pas à ce que leur mépris s'étende jusqu'à n'accorder à ce point aucun prix à une vie humaine.
-Sirius, reprends-toi, tu es ridicule.
Par la suite, le sorcier ne devait pas se souvenir des mots. Il se souvenait des sons. Des hurlements. Des gestes. Elle l'avait giflé, probablement pour le sortir de ce qu'elle pensait être une simple crise de nerf, et il l'avait frappée en retour, de toutes ses forces, envoyant une nouvelle vague de douleur, qui failli le faire tourner de l'oeil, dans son bras brisé. Ils consumèrent leur haine, leur rancœur jusqu'à la lie, et, se vouant un ressentiment éternel, ils se jurèrent de ne plus jamais se revoir. A compter de ce jour, Sirius fut orphelin.
In ihren Lungen wohnt ein Aal, auf meiner Stirn ein Muttermal... Entferne es mit Messers Kuss !
-Il a encore fallu que tu te fasses remarquer.
La crâne de Sirius étaient incroyablement douloureux, à la limite de la nausée, et entendre la voix acariâtre de sa mère dès le réveil n'arrangeait guère les choses. Chaque parcelle de son corps était en feu ; il avait l'impression qu'un troupeau d'hippogriffes l'avait piétiné à mort.
-Jeune homme, je te prierais de me répondre lorsque je t'adresse la parole.
Sirius gémit, sourcils froncés, essayant tant bien que mal de bouger ses muscles endoloris.
-Ne t'étonnes pas pour la douleur. J'ai ordonné aux médicomages de se contenter de te tenir vivant. Je ne vois rien de mieux que la douleur pour te rentrer dans le crâne à quel point ce que tu as fait été stupide.
Mais de quoi cette vieille gorgone pouvait bien parler ?
Avec un nouveau grognement de souffrance, Sirius finit par ouvrir les yeux, et eu un petit mouvement de surprise, qu'il regretta rapidement tant chacun de ses membres le faisaient souffrir. Ses bras en particulier le faisait presque suffoquer.
Tout était blanc.
Le plafond, les murs, les draps, le lit. Il discernait vaguement l'ombre de sa mère quelque part à sa droite, mais ne tourna pas la tête.
Sainte-Mangouste. Pourquoi diable était-il à Saint-mangouste ?
Et puis, avec une violence qui lui coupa le souffle, la mémoire lui revint.
Le petit visage effaré d'un garçonnet aux grands yeux bleus éblouis par le phare de sa moto à l'arrière d'une voiture verte. L'horrible fracas des deux engins se fracassant l'un l'autre. L'odeur du sang et du pétrole, les klaxons et les crissements de pneus tout autour. Et puis les hurlements terrifiés, qui n'avaient presque plus rien d'humain, venant de l'habitacle obscur de la voiture.
Encore plus de phares tout autour d'eux, la bruine qui se mêlait au sang poissant son visage, son esprit vide et horrifié. Ses tentatives désespérées, malgré ses deux bras cassés, d'invoquer le magicobus, un sortilège, n'importe quoi pour que les cris sans visages à l'intérieur de la voiture cessent, que quelqu'un vienne, les répare, renvoie le garçonnet dans sa vie d'enfant, où il n'avait jamais croisé Sirius et sa moto monstrueuse.
-Maman, est-ce qu'ils... est-e que... la famille...
In ihren Lungen wohnt ein Aal, auf meiner Stirn ein Muttermal... Entferne es mit Messers Kuss !
Sirius, les mains crispées sur le guidon de sa moto, roulait sous la pluie. Le vent dans les cheveux, la bruine frappant ses joues glacées.
Enfin, il pouvait respirer.
La vitesse l'ennivrait. L'emportait loin de sa mère, loin des Blacks, loin de la pureté qui salopait sa vie, et avait bien failli le foutre en l'air. Même le froid lui faisait du bien, semblait engourdir sa colère.
Il fendait les nuages dans de fabuleuses pétarades, loin des enfants aux yeux bleus, loin des familles qu'une seconde d'innatention pouvait briser.
A plusieurs kilomètres au-dessus du sol, il ne mettait plus que lui-même en danger désormais.
Mutter, Mutter,
Oh gib mir Kraft !