Le petit garçon avait entièrement retourné son armoire. Même à neuf ans, il avait encore du mal à comprendre que s’il mettait le bazar quelque part, ça n’allait pas se ranger tout seul. La recherche de sa paire de chaussettes préférée avait fait passer la chambre de mal rangée à complètement en bordel. Il allait certainement se faire arracher les yeux de leurs orbites par sa mère mais pour l’instant ce n’était pas son problème, il fallait absolument qu’il trouve ses fichues chaussettes qui devaient forcément se trouver quelque part par là. Ça faisait deux semaines que Dennis attendait de pouvoir aller cueillir des champignons et ce n’était pas des chaussettes récalcitrantes qui allaient l’arrêter. Un cri de victoire marqua la fin de sa quête, et Dennis sortit enfin sa tête de l’armoire, des chaussettes rouges striées de bleu tenues fermement dans la main gauche.

- Dennis ! Dépêche-toi !, hurla du bas des escaliers une petite femme replète habillée comme pour une expédition polaire.

- J’arrive Maman !, répondit le petit garçon qui cherchait maintenant son K-Way jaune. Son manteau était forcément accroché à un des cintres dans la penderie du palier. Il l'attrapa et l'enfila en descendant les dernières marches de l'escalier. Sa mère qui l'attendait en bas lui donna une petite tape sur les fesses pour qu'il aille chercher en vitesse ses bottes et son bonnet.

Cela faisait maintenant un bon quart d'heure que Mr Crivey attendait sa femme et son fils dans la voiture quand ils les vivent sortir. Dennis courait vers l'auto, sa mère derrière lui qui essayait tant bien que mal de lui enfiler correctement son bonnet.

- Allez ! On y va !, s'exclama Jake Crivey quand tout son petit monde fut monté dans la voiture.

- Non ! On ne part pas tant que Dennis n'a pas mis son bonnet !, corrigea sa femme. Elle lança le bonnet à pompon à Dennis assit bien sagement sur la banquette arrière qui se hâta de l'enfiler.

- C'est bon, Papa !, annonça Dennis tout sourire.

Jake tourna la clef et le moteur se mit en marche.

Ils avaient exactement vingt-trois minutes de trajet avant d'arriver dans cette forêt où ils se rendaient tous les ans à la même date pour y cueillir des champignons. D'habitude, ils s'y rendaient tous ensemble mais pour la première fois Colin ne les accompagnait pas. Il était à Poudlard mais Dennis lui avait promis de lui envoyer un champignon par courrier dès qu'ils rentreraient. Pour ce faire, Pilote, la chouette hulotte de Colin les attendait bien sagement dans le jardin.

Dès qu'ils arrivèrent, Dennis sauta de la voiture et récupéra dans le coffre les deux petits paniers en osier. Il en tendit un à son père et garda l'autre pour lui. Mrs Crivey attrapa la main libre de son fils et tous les trois, ils s'enfoncèrent dans la forêt.

C'était une jolie forêt. Les arbres y étaient assez jeunes pour laisser voir le ciel et les sentiers de promenade n'étaient pas encore recouverts de mousse ou de feuilles mortes en décompositions. Les rigoles formées par la pluie étaient, elles, bien visibles.

De nombreuses familles, attirées par le beau temps étaient elles aussi de sortie.

- On pourrait peut-être s'éloigner des chemins tout tracés, proposa Mr Crivey.

Dennis approuva d'un geste de la tête et sauta par-dessus un fossé afin de se retrouver hors des sentiers battus. Sa mère réprima un petit cri, elle avait eu peur que son fils rende visite de plus près au fond de ce fossé. Plus raisonnables, son mari et elle continuèrent de longer le trou jusqu'à trouver un endroit un peu plus accessible pour traverser.

Plus la famille Crivey s'enfonçait dans les bois plus les champignons devenaient nombreux. Les amateurs étaient tous resté près du chemin tandis que des professionnels comme eux avaient choisi la bonne option en s'éloignant un peu.

Par contre, comme les champignons, la végétation devenait de plus en plus dense. Les troncs des arbres grossissaient et les ronces étaient fréquentes. Mrs Crivey qui ne rigolait pas avec la sécurité essayait de contenir son mari quand il voulait traverser un mur de ronces un peu trop épais et son fils quand il voulait sauter par-dessus des fossés un peu trop large pour lui.

- Jake ! Revient ! Ne t'éloigne pas trop !, prévenait-elle.

En retour, son fils lui disait de faire attention quand elle risquait de poser le pied dans une flaque d'eau ou quand elle choisissait un trop mauvais chemin.

Au bout d'une heure de cueillette intensive quand les paniers commencèrent à menacer de déborder ils décidèrent de prendre le chemin du retour.

- Allez Dennis, on rentre, décida Mr Crivey sur les conseils de sa femme.

- Trente secondes. Partez devant, je vous rejoins, répondit Dennis.

Il venait de repérer un magnifique cèpe caché derrière un gros buisson et il n'était pas question de le laisser ici. Il plongea la tête dans la végétation et cueillit délicatement le champignon comme s'il s'agissait d'une belle rose. De la même manière, il le posa dans son panier et partit rejoindre ses parents.

Dennis apercevait à peine la veste rouge aux carreaux rose fuchsia de sa mère, ce qui l’inquiétait un peu. S'il n'arrivait pas à voir correctement un manteau si... excentrique, c'est que ses parents devaient être loin. Il hâta donc le pas et arriva quand même rapidement à les rattraper. Il était maintenant assez près pour distinguer le bandeau vert pomme que sa mère avait passé dans ses cheveux avant de partir.

Il voyait le bandeau mais il voyait aussi l'énorme branche qui s'était détachée de son arbre et qui filait droit vers ses parents qui se tenaient juste en-dessous. Une branche assez grosse pour les tuer tous les deux. Dennis n'eut pas le réflexe de leur crier de s'écarter, il s'arrêta et se mit à fixer le branche d'un regard brûlant. Comme si la regarder était le seul moyen de sauver ses parents.

Brusquement, comme si une bourrasque de vent était passée par là, la branche dévia de son chemin et s'écrasa un bon mètre derrière Mr et Mrs Crivey qui n'avaient absolument rien remarqué jusqu'à ce qu'ils entendirent l'assourdissant fracas que produisit la branche en rencontrant le sol.

Dennis rejoignit ses parents en courant. Sa mère avait les joues rouges de frayeur et son père regardait fixement la branche.

- Tu imagines Dennis, s'écria Mary Crivey, cette branche aurait pu nous tuer !

- Oui Maman, c'est horrible, souffla Dennis.

Tous les trois, ils retournèrent dans la voiture sans un mot de plus.

Cher Colin,

Comme promis par ton frère, voilà un champignon de notre après-midi cueillette d’aujourd’hui.

Passe une bonne journée

Maman et Papa

Dennis n’avait pas pu s’empêcher d’ouvrir l’enveloppe que sa mère avait déposée sur la table recouverte d’une nappe à carreaux rouges le temps d’aller chercher Pilote dans le jardin. Il regarda le champignon qu’elle avait prévu d’envoyer et l’inter changea avec celui qu’il tenait dans la main. Le champignon porte-bonheur, celui qui avait sauvé ses parents. Il le changea donc et rajouta un petit post-scriptum à la lettre. Un post-scriptum écrit rapidement au stylo-bille noir.

P-S : Pendant la promenade, une branche a failli tuer Papa et Maman mais je l'ai fixée très fort et elle a dévié sa course. Tu penses que ça fait de moi un sorcier ?

Quelques jours après que les Crivey eurent renvoyé Pilote à leur fils aîné, Dennis trouva, posée sur son bureau, une magnifique enveloppe en parchemin jauni qui portait une inscription à l'encre noire. Pour Dennis. Maman, Papa, vous n'avez pas le droit de l'ouvrir. Colin. Visiblement, les parents avaient respecté la consigne puisque le sceau était encore sellé. Dennis fit sauter le rond de cire et sen ortit une feuille qui ne comptait que quelques lignes.

Dennis,

Mon professeur de Sortilèges m'a dit que si un enfant manifestait des pouvoirs magiques, il était fort probable que ce soit un sorcier. Tu es un sorcier mon Dennis. Et Poudlard t'attend désormais. Et moi aussi.