Sept heures. Le premier à se réveiller fut ce précieux violon disposé sur la commode marquetée. Une Louis XVI de belle facture. Il n’en aurait pas fallu moins. L’archet enchanté composa une tendre mélodie : du Debussy.
Les paupières s’ouvrirent sur les yeux bleus de la jeune femme, les sens en alerte. Elle se redressa en s’étirant à peine et claqua dans ses mains à deux reprises. Aussitôt, le violon en lévitation réagit et changea de registre, faisant vibrer ses cordes dans le rythme entraînant des notes de la cinquième danse hongroise de Brahms. De quoi donner la cadence.
Collants cyan. Enrobant leurs jambes délicieuses. Les brosses à cheveux dansaient autour de leur tête, ne laissant échapper aucune mèche de travers à leur contrôle. Petits chemisier blancs, manches enfilées dans une parfaite synchronisation. Le matin avait les allures d’un véritable ballet. Les filles virevoltaient pour revêtir leurs jupes en pétales. Les vestons en satin boutonnés avec soin. Les gants s’enfilaient sur leurs mains fines et gracieuses, glissant sur leur peau. Ce chapeau, posé à peine sur la tête, ajusté d’un pincement de doigt. Touche finale ; ce parfum issu des hautes institutions parisiennes du Pont des Merveilles. Le vaporisateur en verre soufflé multicolore orbitait autour d’elles, la poire brodée pressée à intervalles réguliers. Trop n’était jamais assez.
Quand elles eurent terminées de s’apprêter, Fleur frappa à nouveau dans ses mains, un sourire à la commissure des lèvres :
— Prêtes, les filles ?
— À affronter la journée ou les garçons de cet établissement de bas niveau ? souffla Iris.
— Allons-y, ne traînons pas, les entraîna Eglantine.
Toutes trois sortirent du carrosse magique de Beauxbâtons à la file indienne, le port droit et les mains rebondissant à chacun de leurs pas calculés. Mais le château de Poudlard ne leur laisserait aucun répit : elle le savait depuis qu’elles étaient arrivées la veille. Les complications commencèrent à peine vingt mètres plus loin de leur point de départ.
— Erk ! Ma chaussure est coincée dans la boue ! se plaignit Iris.
— C’est infâme !
— Quelle idée de nous avoir installés dans un tel endroit, c’est indigne ! se haussa Fleur. Tout de même ! Nous sommes la délégation de Beauxbâtons ! Ils auraient pu prévoir de nous accueillir en bonne et due forme. Nos hôtes sont vraiment des malpropres… Quels mal élevés !
Elles continuèrent d’avancer, peinant à rester en équilibre dans le chemin de graviers avec leurs chaussures à talons – l’une d’elle maculée de boue que sa propriétaire tentait subrepticement d’essuyer dans l’herbe entre deux foulées.
Le Tournoi des Trois Sorciers était peut-être au programme de cette année, mais les trois belles demoiselles ne devaient pas perdre de vue leur examen déterminant de fin d’année, qui clôturerait leurs études. Et comme tout élève qui se respectait, elles avaient des cours à suivre. Au programme de ce matin, la botanique.
Elles redoutaient déjà les serres, qui seraient bien loin des grandes galeries d’architecture style art nouveau de Beauxbâtons. Elles les avaient aperçues de loin ; des taudis poussiéreux et minuscules, tenus par une bonne femme replète qui aurait pu être leur grand-mère. Aussi, elles devaient se préparer psychologiquement à cette épreuve : un bon petit-déjeuner s’imposait.
Leur entrée fut remarquée sitôt eurent-elles franchi les portes du bâtiment. Le portrait d’un vieux sorcier astronome, sa lunette dorée enfoncée dans son orbite, détourna son attention, braquant sa lentille sur le beau balancier de hanches qui se déroulait sous ses yeux. Il en fut tellement émoustillé qu’il ne put s’empêcher de les suivre, sautant de tableau en tableau, dérangeant tous les personnages peints.
— Mesdemoiselles ! clamait-il, les filles refusant de lui prêter attention. Mesdemoiselles ! Puis-je vous emmener voir les étoiles ?
— Il fait jour, râle Fleur, agacée, en tête de procession. Vous n’avez aucune étoile à nous montrer, je présume.
— Peut-être qu’il fait jour… Moi en tout cas, même de jour, j’aime beaucoup admirer vos lunes ! Je veux dire… Mesdemoiselles, ne partez pas si vite ! Je vous ferai découvrir le septième ciel ! Je veux dire… toutes les belles galaxies de ce monde ! Andromède est si belle en cette saison !
— Je n’y crois pas, marmonna Fleur, hors d’elle. Même en ces lieux, les tableaux sont de véritables goujats.
Les deux autres filles l’approuvèrent en silence, alors qu’elles rejoignirent la Grande Salle. Beaucoup de regards suivirent leur avancée.
— Fleur, tout ça, c’est encore de ta faute, lui glissa Iris, amère.
— De ma faute ? nasilla-t-elle en prenant place. C’est de la mauvaise foi. Tu es loin d’être disgracieuse.
— C’est toi qui les attires, fit remarquer Églantine. Ah. Idiot droite toute.
Elles n’accordèrent pas un regard à l’élève qui venait de les aborder.
— Hé, salut !
— Salutations, grommela Églantine dans un sourire forcé.
— Vous portez de… très beaux costumes ! Moi aussi j’en ai un, vous avez vu ?
— Cet… accoutrement ?
— Je suis la mascotte de mon équipe de Quidditch !
— Et donc… ton déguisement est un… blaireau géant ?
— Poufsouffle jamais ne renoncera !
Églantine chercha à lui sourire mais lui renvoya une grimace. Plus loin, d’autres garçons se moquèrent de leur ami qui tentait de les aguicher avec cet hideux déguisement.
— Ravissant… !
— Si tu veux bien nous excuser, intervint Fleur, plus sèche, nous aimerions déjeuner en paix. Nous avons un cours qui nous attend.
— Oui, tout à fait. Pardon pour le dérangement.
Elles attendirent d’être de nouveau seules pour commenter la rencontre impromptue.
— Et il croit nous charmer avec sa fourrure d’animal mort !
— Si jamais la Coupe de Feu choisit un élève de Poudlard appartenant à cette maison, je rentre direct’ à Beauxbâtons ! Fissa !
Leur rire clair ne fit qu’attirer davantage l’attention vers elle. Chose qu’elles regrettèrent amèrement à peine quelques secondes plus tard.
— Bonjour, les filles.
Oh, non. Encore un autre. Cela ne s’arrêterait donc jamais. Mais le jeune homme aux cheveux noirs ne les lâcha pas malgré leur indifférence largement signifiée.
— Je ne veux pas vous embêter très longtemps, annonça-t-il d’emblée. Mon nom est Andy, je cherche juste quelques informations à propos de ces filles, là-bas. Elles sont dans votre classe, non ?
Il désigna un groupe de demoiselles de Beauxbâtons, attablée à l’autre bout de la Grande Salle. Les trois filles suivirent la direction et soupirèrent de compassion pour les pauvres proies.
— Rassurez-moi, vous parlez bien anglais ? s’avança prudemment Andy.
— Oui, bien sûr, lui répondit Fleur dans un anglais presque parfait avec un air arrogant.
— Merveilleux ! La fille aux tâches de rousseur, avec les cheveux courts. Comment elle s’appelle ?
— Émilie.
— Émilie… dit-il en écho, rêveur. C’est joli. Dis-moi, tu pourrais m’aider, s’il te plaît ? Je ne parle pas un seul mot de français. Qu’est-ce que je pourrais lui dire, comme phrase d’introduction.
Un sourire à la fois charmeur et sournois s’étira sur les lèvres roses et pulpeuses de Fleur. Alors, elle articula dans sa langue :
— Je ne suis qu’un gros porc pervers.
— Jé né souis qu’une grosse porc perverse, répéta-t-il, ravi. Compris ! Merci !
Fier comme Artaban, Andy s’avança le torse bombé vers le groupe de filles, comme un colon s’approchant des terres à conquérir. Les trois filles suivirent avec attention la scène. Cela ne manqua pas : choquée, Émilie attrapa la première chose à portée de main, à savoir son Encyclopédie des Baumes pour Petits Bobos pas bien Graves, antique grimoire de six-cents pages dont cent d’annexe, et frappa Andy de toutes ses forces avec. Le pauvre garçon en fut assommé sur le coup, tandis qu’Émilie redressa le nez, contenant ce qui lui restait de fierté, en rajustant son chapeau arrondi couleur de ciel.
Quand l’action retomba, Fleur ne put s’empêcher de garder un œil charmé sur la Coupe de Feu, placée au milieu de la salle. Bientôt, plus rien ne serait pareil. Elle serait reconnue pour sa force et son intelligence, non pas pour sa seule beauté. Oui. Elle comptait bien y parvenir. Aujourd’hui, elle mettrait son nom dans la Coupe.
Les déconvenues et autres déceptions ne cessèrent de s’accumuler :
— Leur pain est sec.
— Leur marmelade est trop sucrée.
— Leur beurre est trop gras.
— Oui, Églantine, c’est le principe du beurre.
— Et ces bancs… qu’ils sont inconfortables.
— Ça ne sent pas bon, ici, vous ne trouvez pas ?
La sortie de la Grande Salle fut tout autant un parcours du combattant que le chemin inverse qu’elles eurent emprunté quelques minutes auparavant. Le portrait du vieil astronome revint à la charge, leur promettant de leur montrer sa fameuse Etoile du Matin. Les garçons ne cessèrent de les reluquer, de tenter de basses approches. La journée ne faisait que commencer, mais elles étaient déjà épuisées.
— Tout ça pour un satané cours de botanique… ! souffla Iris, exaspérée. Si ça continue comme ça, je rentre à Beauxbâtons demain ! Je ne tiendrai pas une minute de plus dans cet abject établissement !
— Courage, Iris, répliqua Fleur. Nous sommes là pour la gloire.
— La gloire, la gloire… un gobelet en bois qui crache des champions, je t’en foutrais moi, de la gloire ! C’est toi qui nous as emmené dans ce plan foireux de délégation à la mords-moi-le-nœud !
— Ah. Iris commence à être vulgaire, remarqua Églantine, pâle. C’est très mauvais signe.
— Oh, toi, ta gueule !
— Tu me fais confiance, Iris ?
Face au regard perçant et déterminé de Fleur, son amie ne put finalement que céder. Le charisme de la jeune descendante de vélane ne laissait personne insensible.
Elle le regretta bien vite. Ligotée dans son tablier en cire blanche maculée de terre et de fluides végétaux, les gants mâchouillés par le Croque-Oreilles brésilien qu’elle avait enfin réussi à neutraliser après cinq minutes de bataille acharnée, les cheveux en pétard et le chapeau tombé, écrasé sous son pied encore recouvert de boue, Iris adressa des yeux haineux à Fleur :
— Je déteste la botanique. Je déteste cet endroit, je déteste Poudlard… Fleur, je te déteste !
THEME : Botanique
CONTRAINTES : 1. L'un de tes personnage doit assommer un autre personnage avec un livre, intentionnellement ou non.
2. Un déguisement doit être inséré dans l'histoire.
3. L'un de tes personnage doit se faire draguer par un portrait collant.
Réalisé par Ielenna.
J'accepte les pourboires et les chèques. :mg:
Le thème et les trois contraintes ont été respectés, BAZINGA ! Merci pour votre lecture, j'espère que ça vous a plu, et à bientôt pour la deuxième partie qui sera écrite par Roxane James ! Bon courage à tous les participants ! :D