Ce matin-là, Tonks avait décidé de manger à la table des Gryffondors. La raison ? Charlie était trop dans la lune en ce moment. Cet idiot s’isolait trop.
« Charlie ! l'appela-t-elle, tu es là ? »
Enfin, le rouquin releva doucement la tête, les yeux encore à moitié plongés dans un autre monde.
« Hum ? Tonks ? Qu'est-ce que tu fais ici ?
- Je viens manger avec toi, ça ne se voit pas ?
- Mais... tu es à la table des Gryffondors.... répondit-il d'un air confus.
- Et alors ? rétorqua-t-elle, un peu de changement ça ne peut pas faire de mal ! »
Elle entreprit de se servir de la brioche. Elle s'empara du couteau à côté et le planta dans la chair moelleuse. Mais tout ne se passa pas comme prévu.... car quand elle ressortit sa part, celle-ci était plus de la charpie qu'autre chose. Dépitée, elle tenta de l'attraper à deux mains, en donnant quelques coups de coude à ses voisins qui râlèrent.
Charlie eut un regard mi-amusé, mi-attendri pour son amie, et saisit le couteau, avant de lui découper une belle part de brioche qu'il lui tendit. Penaude, Tonks accepta néanmoins l'offre en marmonnant un vague « merci » et engloutit sa part.
« Alors ? Encore en train de lire Les Animaux Fantastiques ? demanda-t-elle en mâchant.
- Oui, et alors?
- C'est vrai que tu ne connais pas assez le livre. »
« Tu comprends pas ! Si tu le lisais enfin, comme je te le répète depuis des années....
- …. je détesterais.
- Tu adorerais ! Le gars là.. hum... Dragonneau... c'est un génie ! Il a répertorié pleins d'espèces de créatures, a fait pleins de voyages dans sa vie, juste pour pouvoir observer toutes ces espèces magiques.... ça ne te fait pas rêver, toi ?
- Pas spécialement. C'est toi le mordu de Soins aux Créatures magiques ici, moi j'ai arrêté la matière.
- Et quelle idée ça a été !
- Moi au moins j'ai un plan professionnel. Et toi, qu’est-ce que tu peux faire avec Soins aux Créatures Magiques, à part prof de Soins aux Créatures Magiques ? Moi je dis : tu es fou.
- Je suis Gryffondor, rectifia-t-il, j'ose m'engager là où je veux aller, dans la recherche même si c'est presque sans espoir. Tu devrais m'admirer.
- Hum-um. Allez viens, génie, on a Cours de Métamorphose, et si on arrive pas à l'heure, je doute que McGonagall soit très joyeuse. Surtout qu'on a changé de salle, et que je ne sais pas du tout où elle est.»
Ils partirent donc tous les deux ensemble de la table, sans cesser de discuter de la passion de Charlie pour les Créatures Magiques.
« Et en quoi tu voudrais te spécialiser si miraculeusement tu étais pris en unité de recherche ? demanda Tonks.
- Les Dragons évidemment ! »
« Evidemment » ! Si elle n'avait pas compris l'immense passion que Charlie avait pour ces créatures volantes depuis le temps, alors elle ne méritait pas d'être appelée son amie.
« Je ne vois même pas ce que tu leur trouves ! C'est.... flippant, un dragon.
- Comment tu peux les trouver flippant ? Ils sont mignons, il faut juste les regarder différemment. C'est sûr que si tu te dis qu'à chaque fois que tu en vois un, il va te cramer il va le sentir et te cramer.
- Tu es tellement rassurant, railla-t-elle.
- Tu sais, avant les sorciers avaient des capacités spéciales, au Moyen-Âge.... »
Et c'est reparti, songea-t-elle.
« … et ils pouvaient même faire appel aux dragons, ils les comprenaient ! Ils pouvaient même monter sur leur dos, tu imagines !? Le plus célèbre sorcier que mes livres citent est Merlin ! A l'époque, on l'appelait Seigneur des Dragons, et il s'est même servi d'un dragon pour sauver le Roi Arthur plusieurs fois !
- Tu ne m'as pas dit aussi que c'était ce même Dragon qui voulait faire cramer Arthur au début ?
- …. on s'en fiche, c'est qu'un détail, ça ! répliqua-t-il.
- Et tu sais aussi que si tu deviens expert en Dragons, tu devras étudier leur caca.
- Leurs excréments, on dit, la corrigea Charlie d'un ton savant.
Ce ne fut qu'à cet instant que Tonks réalisa qu'elle n'était jamais allée dans cette partie du château.
« Hum... je ne suis pas sûre que ce soit ici.... fit-elle à Charlie.
- C'est marrant... moi non plus. »
Tonks remarqua toutefois un tableau et tira la manche de son ami, et ils approchèrent. L’oeuvre représentait une scène de repas, comme si eux aussi prenaient leur petit-déjeuner. Cinq personnes autour d'une table, étaient prises dans une intense conversation, et ne les remarquèrent pas. Le plus choquant restait la présence de l'otarie sur le côté, maintenue dans un aquarium qui semblait faire office de tabouret. Elle applaudissait et poussait de grands cris.
« Hum....émit Charlie, excusez-moi..... »
Les discussions s'arrêtèrent net, et l'attention se dirigea vers eux. Même l'otarie semblait les regarder avec un air d'incompréhension. Ce qui était normal, puisqu'il s'agissait d'une otarie.
« On cherche la salle 4bis... vous connaissez ?
- Non, leur répondit simplement un homme au bon embonpoint. »
Et les conversations reprirent de plus belle, ce qui ne fut pas vraiment au goût de Tonks. Elle se concentra quelques secondes, et sa bouche devint museau allongée, rempli de grandes dents.
« Waaa, tu ressembles à un dragon ! s'exclama Charlie d'un ton admiratif. »
Puis elle cria :
« EXCUSEZ-MOI ! »
Les personnes du tableau se tournèrent vers elle, effrayés. L'otarie aussi.
« Mon ami vous a posé une question.
- Et alors, on vous en pose nous des questions ? rétorqua une vieille.
- Non, mais nous oui, répliqua-t-elle en souriant de toutes ses dents pointues.
- On ne connaît vraiment pas.
- Excusez-moi mais.. qui êtes-vous ? demanda Charlie, pourquoi vous êtes dans cette partie.. hum.. reculée du château ?
- Parce que nous sommes trop géniaux pour les autres, répondit le monsieur à l'embonpoint. »
Et les conversations repartirent. Tonks et Charlie abandonnèrent l'idée de tirer quoique ce soit de leur part, et finirent, par trouver la classe de métamorphose. Toutefois, la question du tableau subsistait : que faisait ce tableau là-bas ?
Quand Tonks exposa son interrogation à Charlie, celui-ci proposa d'aller vérifier à la Bibliothèque de Poudlard.
« Comment veux-tu qu'on tire quelque chose d'un livre ? On a rien, même pas le titre ! »
Ce à quoi Charlie répondit avec un sourire en coin.
« Toi peut-être pas, mais moi.... j'ai réussi à le voir. Il était écrit en tout petit. Le titre c'est Elu par cette crapule. »
« Quoi ?
- Tu as bien entendu. »
Charlie sut immédiatement quel livre choisir : « Histoire de l'Art de Poudlard ».
« J'ai lu un passage une fois sur le tableau des Créatures Magiques. »
Tonks fit un sourire qui laissait croire qu'elle était intéressée, mais ne l'écouta que d'une oreille. Il fallait se concentrer, car il n’y avait aucune image des tableaux, juste les titres. Ils feuilletèrent le livre encore et encore, penchés dessus, côte à côté, jusqu'à enfin tomber sur leur fameux titre.
« Elu par cette Crapule :
Tableau datant du XVIIème siècle, il représente des scènes diverses, avec toujours les mêmes protagonistes. Il est dit que le tableau serait frappé d'une malédiction, qui aurait un lien avec son titre, mais les Historiens restent très partagés à ce sujet. En effet, certains habitants qui auraient dû avoir le pouvoir de se déplacer dans d'autres tableaux y sont restées coincés, et ce pour une raison mystérieuse. Par peur de contamination vis-à-vis des autres tableaux, il fut déplacé dans un coin isolé du château, pour être sûr qu'il n'infecterait pas les autres. On ignore encore la raison du titre. »
« C'est.... bizarre, réagit Tonks.
- Très, approuva Charlie, je n'avais jamais entendu parler d'une maladie de tableau. »
Ils se regardèrent longtemps dans les yeux, jusqu'à ce qu'un sourire apparaisse sur leurs deux visages, et qu'ils déguerpissent de la Bibliothèque en courant.
Ils arrivèrent de nouveau au tableau, cette fois différent: il représentait une scène de couture, près d'une cheminée. La vieille désagréable avait des aiguilles à la main, et paraissait ne pas vouloir s'en servir pour coudre. L'homme à l'embonpoint les regardait avec un air suffisant, tout en discutant avec un autre homme à côté de lui qui, la veille, était resté muet. L'otarie, quant à elle, était sur le côté, toujours dans un bac d'eau.
« Maintenant je vois ce que voulait dire le « scènes diverses », lâcha Charlie d'un ton surpris.
- Comment c'est possible ? Je n'avais jamais entendu parler de ça auparavant !
- Qu'est-ce que vous regardez encore ?
- Pourquoi vous avez changé de scène ? demanda Tonks.
- On peut pas se déplacer de tableaux en tableaux, faut bien faire des trucs aussi ! répondit l'homme à côté de celui à l'embonpoint.
- Mais... comment ?
Il prit un air mystérieux, et leur adressa un clin d'oeil.
« Qui sait ? »
Tout le monde parut lui envoyer des regards haineux, à la surprise de Tonks et Charlie.
« Excusez-moi... vous pourriez nous dire pourquoi ce titre ? Elu par cette crapule ? » tenta le rouquin.
C'était la question à ne pas poser apparemment, car on leur envoya des regards haineux à eux cette fois-ci.
« T'occupe ! s'exclama la vieille.
- Si vous réfléchissez.. peut-être que vous trouverez... répondit le même homme qu'avant. »
Tonks leva les yeux au ciel.
« Qui est la crapule à table ? les interrogea Charlie.
- La vieille, sûrement, murmura Tonks d'un ton plein de rancune.
Personne ne leur répondit, hormis, de nouveau, le regard mystérieux du même homme. Charlie parut réaliser quelque chose:
« Mais oui ! La crapule... c'est évident ! C'est sous nos yeux Tonks ! Enfin pour toi quel est le plus choquant du tableau ? Qui est le personnage que tu ne t'attends pas à trouver ? »
Tonks observa intensément le tableau. Il y avait toujours cinq personnages... et....
« ONK ONK ! »
L'otarie !
« Tu veux me faire croire que la crapule.... c'est l'otarie ? »
A ses mots, chacun des personnages du tableau émirent un son menaçant, suivi de regards venimeux vers la joyeuse otarie.
« Mais... pourquoi ?
- Les peintres sont fous, répondit simplement Charlie.
- Mais ça ne nous dit pas qui est l’élu...
- C'est là que tu te trompes. L'otarie ne cesse de fixer quelqu'un depuis hier. Regarde bien. »
Tonks fixa l'otarie et ne reçut effectivement aucun regard en retour de sa part, puisqu'elle était trop occupée à fixer l'homme de plus tôt.
« C'est...c'est vous l'élu ? demanda-t-elle d'un ton stupéfait. »
Aucune réponse, à part son sourire.
« Quel est votre nom ? demanda Charlie. »
Il resta silencieux.
« Viens, il ne va rien nous répondre, ça se voit. »
Tonks entraîna Charlie avec elle, une idée en tête.
« En cas de doute, tu sais qui il faut aller voir ? »
Son ami la regarda sans comprendre.
« DUMBLEDORE ! réalisa-t-il.
-... Perdu. Le prof d'Histoire de la Magie. Je pense qu'il doit s'y connaître là-dessus, non ?
- Tu es prête à aller voir Binns ?
- Envers et contre tout.
- Qui êtes-vous et qu'avez-vous fait de Nymphadora ?
-Charliiiiie... râla-t-elle.
Il prit un air taquin.
« Très bien... Toooonks, alors. »
Ils réussirent le lendemain à rester en cours d'Histoire un peu plus longtemps, et allèrent voir leur professeur.
« Monsieur, on aurait une question.... qui est représenté dans le Tableau Elu par cette Crapule ? »
Binns mit du temps à leur répondre, mais ils obtinrent finalement gain de cause. Ils retournèrent aussitôt au tableau.
« On sait qui vous êtes ! s'exclamèrent-ils.
- Vous êtes le Comte Geoffroy d'Albion !
- Qu'est-ce qui vous fait dire cela ? les interrogea l'homme avec un vague sourire.
- Vous n'êtes que deux hommes, et on a deviné qu'Albert..hum... n'était pas vous. Et puis si ce n'est pas l'un, c'est l'autre, répondit Tonks.
Soudain, sous leurs yeux, le tableau s'ouvrit. Tous deux sursautèrent légèrement, ne s'y attendant pas.
« Qu'est-ce que.... ?
- Vous avez résolu une partie du mystère : celui du titre. Vous ne savez toujours pas pourquoi nous sommes coincés ici, mais vous tenez la moitié. Pour vous récompenser, nous vous offrons un passage libre vers la Forêt Interdite, que vous seuls connaîtrez. Profitez-en bien. »
Tonks et Charlie échangèrent un sourire excité. C'était parti pour les aventures !