-Avada Kedavra !
Le corps de Dumbledore fut projeté par dessus le rempart de la tour d'astronomie dans un mouvement qui sembla durer une éternité. Harry avait beau être délivré du sortilège du Saucisson dont il avait été victime, l'horreur de la scène à laquelle il venait d'assister continuait néanmoins de le paralyser. Severus Rogue, l'antipathique professeur de Potions, l'agent-double de l'Ordre du Phénix, celui en qui Dumbledore avait tellement confiance, venait d'assassiner le directeur de sang-froid, alors que celui-ci l'avait supplié de lui venir en aide.
Reprenant soudain ses esprits, Harry pétrifia le dernier Mangemort encore présent au sommet de la tour et dévala les escaliers à la poursuite de Rogue. Celui-ci avait fui les lieux du crimes en poussant Drago Malefoy devant lui. Harry déboula dans un couloir sombre, dont le plafond s'était écroulé.
-Harry, qu'est-ce qu'il se passe ? demanda Lupin.
Mais Harry ne lui répondit pas. Il ne devait pas laisser Rogue s'échapper. Empruntant un raccourci, il finit par le rattrapper dans l'obscurité du parc. Malheureusement pour lui, Amycus et Alecto Carrow étaient toujours sur ses talons et le firent trébucher la tête la première sur la pelouse. Il se releva, prêt au combat, lorsqu'il remarqua que Rogue et Drago avaient quasiment atteint le portail. Ils ne devaient en aucun cas réussir à passer la barrière invisible qui empêchait quiconque de transplaner dans l'enceinte de Poudlard.
-Stupefix ! hurla Harry en pointant sa baguette vers le Maître des Potions.
Le sort râta de peu la tête de Rogue, et celui-ci se retourna avec fureur, après avoir sommé Drago de prendre la fuite.
Contemplant le visage blafard qu'il haïssait tant, Harry fut prit d'un accès de rage et leva à nouveau sa baguette :
-Endol... commença-t-il.
Rogue dévia le sort. Pendant ce temps, la cabane de Hagrid avait pris feu. Harry essayait encore et encore de jeter des maléfices à Rogue, mais ce dernier les bloquait les uns après les autres, d'un air presque las :
-Paré, encore et toujours, jusqu'à ce que vous appreniez à vous taire et à fermer votre esprit, Potter ! rugit-il.
Il ordonna au dernier Mangemort présent de le suivre avant que les Aurors ne débarquent. Mais celui-ci ne l'entendait pas de cette oreille, et jugea qu'il pouvait encore s'amuser un peu à torturer Harry avant que la situation ne devienne critique.
-Non ! cria Rogue. Potter appartient au Seigneur des Ténèbres !
Ils allaient prendre la fuite lorsque Harry se releva et visa à l'aveuglette :
-Sectum ... ! commença-t-il avait d'être à nouveau contré par Rogue.
Harry fut projeté plusieurs mètres en arrière par l'onde de choc et sa baguette lui glissa des doigts.
-Vous osez m'attaquer avec mes propres sortilèges, Potter ? rugit Rogue, mortifié. C'est moi qui les ai inventés – moi, le Prince de Sang-Mêlé !
Harry plongea sur sa baguette, mais Rogue l'expulsa encore quelques mètres plus loin.
-Alors, tuez-moi, dit Harry dans un souffle.
Rogue s'approcha de Harry, un sourire mauvais s'étirant sur son visage.
-Te tuer, Potter ? répéta-t-il d'une voix doucereuse. Je ne crois pas.
Il marqua une pause, et se redressa pour dominer Harry de toute sa hauteur :
-Je suis ton père ! déclara-t-il enfin d'un ton théâtral.
Il y eu un instant de silence, pendant lequel le cerveau de Harry tourna au ralenti.
-Non ! hurla-t-il finalement. C'est impossible !
-Et pourtant, c'est la vérité, railla Rogue.
Il semblait ravi du coup que la nouvelle portait à ce jeune homme qu'il détestait tant aimer.
-Ça ne peut pas être vrai ! insista Harry, pris au dépourvu.
Pourquoi le Maître des Potions, qui le haïssait depuis son premier jour à Poudlard, prendrait-il la peine d'inventer de tels mensonges, alors qu'il n'avait jamais caché avoir toujours détesté son père ?
-Tout le monde n'arrête pas de me répéter que je ressemble à James Potter ! s'exclama Harry, désespéré.
-Ah, s'écria Rogue, l'argument que j'attendais ! Croyez-moi bien, Potter, que je ne me réjouis en aucun cas de notre lien fillial. Jamais je n'aurais cru que je pourrais donner naissance à un être aussi médiocre que vous l'êtes !
Il marqua une pause.
-Vous ressemblez à James, répondit-il enfin, parce que le Polynectar est une potion extrêmement efficace.
Harry lui lança un regard incrédule. Il n'était pas sûr de comprendre.
-C'était la guerre, poursuivit Rogue, qui faisait les cent pas en tournant autour de Harry. Je n'avais plus revu Lily depuis des mois. J'étais un Mangemort et elle, une Sang-de-Bourbe. Je n'avais pas le droit d'entrer en contact avec elle, sauf pour la tuer. Mais elle me manquait tellement que je n'ai pas pu m'en empêcher. J'ai attiré Potter hors de la maison, lui faisant croire que les Mangemorts préparaient une attaque contre des Moldus. Mon plan a parfaitement fonctionné grâce à son héroïsme ridicule. J'ai dû me faire passer pour lui, pour que personne ne sache que j'enfreignais les règles du Seigneur des Ténèbres.
Il marqua une pause. Son regard se perdit dans l'intensité de ses souvenirs.
-Je n'avais pas prévu que ça aille aussi loin, poursuivit-il d'une voix saccadée. J'ai essayé de la repousser, je lui ai même dit qui j'étais … Mais elle ne m'a pas cru. Bien sûr, elle a fini par se rendre compte du stratagème lorsque j'ai oublié de reprendre une dose de potion. Elle m'en a voulu, oh ça oui, elle m'a jeté dehors tout nu sous la pluie d'octobre. Mais elle n'a jamais rien dit à son imbécile de mari, car dans le cas contraire, il aurait sûrement passé sa vie à vouloir se venger. Et neuf mois plus tard, jour pour jour, tu es venu au monde.
-Harry ! Harry, réveille-toi !
Il se redressa brusquement, le front baigné de sueur. Ginny le regardait d'un air inquiet.
-Tu as fait un cauchemar, le rassura-t-elle. Tout va bien maintenant.
Harry eut besoin de plusieurs minutes pour se remémorer ce rêve tellement étrange et se demanda d'où son subconscient avait-il pu tirer une conclusion pareille. Il avait oublié que se trouvait posé sur sa table de nuit le lourd volume que Hermione lui avait offert à la fin de la guerre : Les Brumes d'Avalon (1).