Lisa était allongée sur son lit, à peine visible sous l'épaisseur de couette qui couvrait son corps. Elle dormait. On pouvait entendre un léger ronflement qui parvenait de sa bouche entrouverte. Tout était paisible dans la pièce jusqu'à ce qu'arrive Ethan. Le jeune homme entra dans la chambre sans toquer ni prévenir de son entrée puis, par un geste qui sembla machinal, il se dirigea vers la fenêtre qu'il ouvrit. Il répéta l'opération avec les volets. Alors, un courant d'air froid ainsi qu'un rayon de soleil pénétrèrent dans la pièce, Lisa se retourna presque aussitôt dans son lit pour se couvrir entièrement avec la couverture.
- Allez, debout, ordonna Ethan d'une voix grave.
Lisa grogna.
- Lisa Alice Londubat, tu sais quelle heure il est ?
Ethan n'attendit pas la réponse et enchaîna :
- Midi moins le quart, il faut que tu ailles prendre la place de maman au bar.
- D'accord, j'arrive, répondit Lisa d'une voix endormie.
- Si tu n'es pas en bas dans cinq minutes, je remonte, prévint le jeune homme d'un ton autoritaire.
Dès que son frère eut quitté la chambre, Lisa se précipita sur la fenêtre pour la fermer. Puis, avec des gestes encore engourdis par le sommeil, elle s'habilla, s'attacha rapidement les cheveux et sortit de la pièce. Elle arriva dans un appartement mais ne s'y attarda pas. Lisa prit immédiatement un escalier qui aboutissait sur un couloir en parquet bordé par d'anciennes portes en bois. Au bout du couloir se trouvait un deuxième escalier qu'elle descendit également. Dans les marches, elle croisa son frère qui montait à toute vitesse. Arrivée en bas de l'escalier, Lisa posa le pied sur le sol d'une salle de bar. Les effluves de nourriture qui venaient de la cuisine lui rappelèrent qu'elle n'avait rien mangé depuis la veille au soir. Malgré sa faim, elle passa derrière le bar en bois pour rejoindre une femme approchant la cinquantaine, aux cheveux poivre et sel et les joues rouges, ainsi qu'une jeune fille d'à peu près son âge.
- Bonjour maman, bonjour Emily, salua Lisa.
- Et bien il était temps, je vais pouvoir aller manger, s'exclama Hannah Londubat.
La dame s’éclipsa pour laisser sa place à sa fille.
Elle se mit alors au travail. Pendant presque une heure, Emily et Lisa servirent les clients du Chaudron Baveur en silence. Lisa avait de plus en plus faim, elle voyait passer les tranches de saucisson, les marmites remplies de plats fumants à l'odeur alléchante et les pintes de Bièraubeurre qui lui filaient sous le nez pour aller atterrir dans les estomacs de vieux sorciers aux nez rouges d’alcooliques. La jeune fille commençait vraiment à en avoir marre quand elle entendit le pas chaloupé de son frère dans l'escalier.
Elle le suivit des yeux quand, tranquillement, Ethan traversa la foule de clients et monta agilement sur la table la plus au milieu du bar. Les sorciers qui étaient assis à cette table le montrèrent du doigt, ils se demandaient visiblement ce qu'il allait faire. Des habitués du pub s'approchèrent, avides de distraction. Ils savaient qu'il arrivait fréquemment qu'Ethan fasse des spectacles publics. Même Emily quitta son poste pour se rapprocher du jeune homme.
Quand tout les clients se furent rassemblés autour de lui, Ethan commença à chanter. Il chantait tout doucement, si doucement que l'on percevait à peine les paroles de sa chanson. Mais au fur et à mesure qu'il avançait dans la chanson, la voix chaude d'Ethan devenait de plus en plus forte. Au bout de quelques phrases, Lisa sembla reconnaître la chanson et se mit elle aussi à chanter. Elle était montée sur le comptoir pour mieux voir le spectacle et chantait maintenant à l'unisson avec son frère, elle semblait connaître par cœur les paroles. Ethan se retourna pour voir qui chantait avec lui et la repéra sur le comptoir, il descendit de la table pour la rejoindre. Lui debout et Lisa assise sur le bar, ils s'égosillaient à présent, le garçon se mit même à mimer les paroles.
If the sky that we look upon / Si le ciel que nous regardons d'en bas
Ethan montra du doigt une voûte céleste imaginaire.
Should tumble and fall / Pouvait dégringoler et tomber
Son visage changea et une expression horrifiée apparut sur ses traits. Comme pour protéger sa sœur d'une chute de pierre, il se pencha au-dessus d'elle.
Or the mountain /Ou si les montagnes
Il dessina du doigt les pics acérés des montagnes.
Should crumble to the sea / Pouvaient s'écrouler dans la mer
Ethan mima la nage et protégea Lisa de son corps une seconde fois.
I won't cry, I won't cry / Je ne pleurerai pas, je ne pleurerai pas
Lisa semblait avoir du mal à se retenir de rire et imita son frère qui retenait des larmes fictives de tout son cœur.
No, I won't shed a tear / Non, je ne verserai pas une larme
Le frère et la sœur ne pleuraient toujours pas.
Just as long as you stand, stand by me / Tant que tu restes, restes contre moi
Le jeune homme attrapa sa sœur et ne la lâcha pas de toute la chanson.
Quand retentit la dernière note, les sorciers dans le bar applaudirent à tout rompre puis se dispersèrent rapidement pour reprendre leurs activités habituelles. Lisa et Ethan quant à eux, sautèrent du bar pour retourner vaquer à leurs occupations, le jeune homme commença à partir mais sa sœur lui retint le bras.
- Dis, pourquoi tu t'es mis à chanter une chanson d'amour comme ça d'un coup ? demanda Lisa.
- Quatorze février, sœurette, répondit-il simplement.
Lisa eut un air ahuri.
- La Saint Valentin ? Aujourd'hui ?
Son frère hocha la tête.
- Oui, et au fait, il y a une lettre qui est arrivée pour toi, tout à l'heure, dit-il avant d'ajouter, devançant la question de sa sœur, je l'ai laissée en haut.
- Pour moi ? Tu es sûr ?
- Il n'y pas vingt-cinq mille Lisa Londubat dans cette maison, je te signale.
Maintenant Lisa était deux fois plus impatiente que quelqu'un vienne prendre sa place derrière le comptoir. À la faim s'était rajoutée l'envie de lire la lettre. Ce fut seulement à quinze heures, avec une demi-heure de retard, que son frère se décida enfin à la relever. Elle le regarda prendre place aux côté d'Emily avec un regard noir avant de filer.
L'enveloppe était posée sur la table de la salle à manger, elle n'était visiblement pas encore décachetée. Ethan n'y avait apparemment pas touché. Lisa eut envie de l'ouvrir immédiatement mais la faim l'emporta. Elle attrapa un morceau de pain pour s'en faire un sandwich et s'assit ensuite avec la lettre et son repas sur le canapé. Elle croqua dans son déjeuner et ouvrit l'enveloppe. À l'intérieur, un seul petit mot griffonné rapidement sur un vieux morceau de parchemin. La déception se lut sur le visage de Lisa, elle s'attendait visiblement à quelque chose de plus grandiose. Mais elle lut quand même le mot.
Lisa,
Je passerai ce soir au Chaudron Baveur vers dix-neuf heures.
Tiens-toi prête
James P.
Lisa changea immédiatement d'humeur. De la déception, elle passa à l'euphorie. James, son ex, qui l'avait larguée sans état d'âme pour une petite brune du nom de Valentine, lui proposait un rendez-vous le soir de la Saint Valentin. Tous les films, même les plus improbables, défilèrent ensuite dans sa tête. Valentine avait quitté James ou alors, il s'était rendu compte qu'il l'aimait encore, il voulait l'emmener dîner ou encore...
- Alors ? Elle dit quoi cette lettre ?
Ethan avait déjà fini son service au bar. Il avait rapidement été remplacé.
- Ce ne sont pas tes affaires Ethan, laisse-moi, ordonna Lisa.
Mais Ethan ne sortit pas. Ce fut donc Lisa qui quitta le salon pour aller dans sa chambre. Comme une adolescente amoureuse, elle relut trois fois la lettre puis fouilla dans son armoire et sa coiffeuse pour savoir comment elle allait pouvoir s'habiller et se maquiller. Elle y passa le reste de son après-midi sans voir le temps passer. Quand il fut dix-huit heures, elle commença à vraiment se préparer. Rouge à lèvres, fard à paupières, robe et escarpins, elle avait bien l'attention d'être la plus belle pour ce soir. À dix-neuf heures tapantes, Lisa descendit pour la deuxième fois de la journée les escaliers de bois et attendit une dizaine de minutes dans la salle du bar, où elle eut le temps de se faire aborder par un petit pervers. Un peu énervée, elle préféra alors sortir et patienter dehors.
Ce fut James qui arriva quelques minutes plus tard, mais pas seul. James et Valentine. Ainsi qu'Arthur Weasley. Au même moment, Adam débarqua par l'autre côté de la rue.
Lisa eut du mal à analyser la situation. Elle avait retrouvé James… Adam aussi. Adam, son petit copain, un petit copain qu'elle avait complètement oublié. L'invitation qu'il lui avait envoyée une semaine plus tôt lui revint alors en tête.
La honte remplaça tout sentiment en elle. Elle était maintenant prisonnière entre James et ses acolytes à gauche et Adam à droite. James s'approcha d'elle et la salua. Valentine et Mr Weasley firent de même.
- Bonsoir, répondit timidement Lisa.
Elle se tourna ensuite vers Adam et essaya de l'embrasser. Il recula et les lèvres de Lisa ne rencontrèrent que du vide.
- Qu'est-ce qu'il fait là ? C'est James, c'est ça, ton ex ?
Adam posait la question mais il connaissait très bien la réponse. Ils étaient ensemble à Poudlard.
- Lisa ? Tu m'expliques ?
La jeune fille aurait bien voulu expliquer la situation, si seulement elle avait compris ce qu'il se passait. Le fait que James soit là lui semblait totalement normal, par contre elle avait un peu plus de mal avec la présence de Valentine et d'Arthur Weasley. Elle interrogea James du regard. Le jeune homme réagit immédiatement.
- Je suis venu pour mon grand-père, il voulait rencontrer un Moldu de son âge ayant des rapports avec le monde magique, tu sais, pour ses recherches, commença-t-il.
Lisa savait très bien qu'Arthur s'était lancé dans des recherches sur le monde moldu mais arrêta James dans ses explications.
- C'est très bien tout ça, mais je ne vois pas trop où tu veux en venir.
- Et bien, tu as un grand-père moldu, non ? continua James.
- Oui et alors ?
Le grand-père de Lisa fit une rapide apparition dans sa tête, ce papy qui se plaignait continuellement de son arthrose inexistante. Ce grand-père chez qui il fallait faire le ménage si on ne voulait pas que sa maison sente aussi bon qu'une boule puante.
- Et bien Papy voudrait le rencontrer.
La jeune fille eut du mal à avaler la pilule.
- Non mais tu crois que je vais avaler ça. « Oh Lisa, je suis venu te demander un rendez-vous pour mon papy »
- Bah, oui, répondit James, perplexe.
- Tu penses que je ne vais pas voir le stratagème qu'il y a derrière, s'énerva t-elle.
- Quel stratagème...
James marqua une pause, le temps de réfléchir.
- Tu penses que je suis venu ici pour toi, pour te rendre jalouse.
- Et bien il y a de quoi penser ça, s'énerva Lisa, tu es quand même venu chez moi le soir de la Saint Valentin avec Valentine pour un prétexte complètement idiot.
- Et bien ce n'était pas un prétexte, intervint Arthur Weasley, je veux vraiment rencontrer Mr Abbot.
- Le soir de la Saint Valentin ? Hurla Lisa. Je vous signale que vous venez de gâcher votre soirée, celle de votre petit-fils et la mienne au passage.
- Ça n'était censé durer que quelques minutes, après nous serions reparti, se justifia Mr Weasley.
- D'ailleurs, c'est ce qu'on va faire parce que tu m’insupportes vraiment, annonça James en tournant les talons, immédiatement suivi par Valentine.
Lisa les regarda s'éloigner. Elle entendait à peine Adam qui s'énervait derrière elle, pourtant, il criait vraiment fort. Soudain, plus rien, plus de cris, alors, elle se retourna, juste à temps pour le voir partir.
- Adam ! cria t-elle pour essayer de le retenir.
Elle ne reçut aucune réponse, le jeune homme ne se retourna même pas.
- Vous venez vous-même de gâcher votre soirée, mademoiselle.
Lisa jeta un regard à Arthur, la seule personne qui n'était pas partie.
- Je ne vous le fait pas dire, murmura t-elle.
Elle toisa du regard le vieil homme qui était resté à ses côtés. Elle avait bien envie de le faire partir mais, en même temps, ce n'était pas vraiment lui le responsable de ce massacre, elle l'avait plutôt créé toute seule. Alors, d'un geste de la main, la jeune fille l'invita à entrer dans le pub.
- Venez, Mr Weasley, on va convenir de ce rendez-vous et puis vous allez rentrer chez vous pour éviter de gâcher la vôtre, de soirée.
- Euh... Vous êtes sûre ? interrogea prudemment Arthur.
- Oui, allez, venez, souffla Lisa en entrant dans le bar.