Chapitre 2 – Premiers pas
Les mains tremblantes, Narcissa attrapa le miroir d'argent posé face à elle. Assise à sa coiffeuse, elle attendait patiemment que Dilcey arrange ses cheveux.
Elle pinça les lèvres. Ses yeux étaient trop petits, ils n'avaient pas l'éclat de ceux de Bellatrix. Ses cheveux étaient d'un châtain commun, pas comme ceux d'Andromeda miroitant sans cesse à la lumière des bougies. Elle n'était que la petite dernière, une nouvelle fille sur la liste interminable des prétendants. Comment pourrait-on la remarquer après ses deux aînées si parfaites ? Depuis toujours elle n'était que Cissy, la petite Cissy, au caractère trop docile et effacé, la beauté pâle qui faisait tapisserie.
Narcissa reposa le miroir et regarda son reflet dans la coiffeuse. Dilcey faisait une fois encore des miracles. Elle avait tressé les cheveux trop lisses de sa jeune maîtresse. Ramenés ainsi de chaque côté de son visage, elle ressemblait au tableau exposé dans le salon. Sa mère lui avait promis son diadème. Narcissa n'était pas dupe, elle savait bien qu'il faudrait au moins des diamants pour que quelqu'un la remarque enfin.
Elle tripota nerveusement le velours bleu de sa robe. Son corset avait beau être serré au maximum, elle se trouvait énorme. Pourquoi avait-il fallu qu'elle hérite de son père et non de la taille fine de sa mère ? Que n'aurait-elle donné pour avoir la taille de guêpe de Bellatrix qui pouvait s'enfiler autant de tranches de bacon qu'elle le souhaitait au petit déjeuner ! Elle ferma les yeux, la gorge nouée. C'était censé être un des plus beaux jours de sa vie et pourtant elle était terrifiée à l'idée de sortir de sa chambre.
Narcissa voyait danser sous ses paupières les corps parfaits et le port digne de ses deux aînées. Andromeda avait certainement déjà enfilé sa robe rose délicate comme une fleur à peine éclose et Bellatrix éblouirait chaque pièce par son port de reine des glaces. Elle les voyait d'ici. Malgré tous les efforts de Dilcey ou de Druella, elle ne s'était jamais sentie aussi hideusement bien habillée.
Peut-être pouvait-elle ne pas y aller ? Oui, c'était certainement la meilleure solution, personne ne lui en voudrait d'être malade. Elle pouvait simplement feindre une migraine et tout rentrerait dans l'ordre. Oublié le bal, oubliée la présentation, oubliés les bons partis : elle ne serait plus que Narcissa Black, bien au chaud dans son lit avec un livre et son pyjama douillet. Rien que d'y songer, le sourire lui revenait.
« Vous êtes magnifique maîtresse ! »
Narcissa sursauta. C'est vrai que la jeune fille qui lui rendait un sourire éblouissant face à elle était mignonne. Des dents un petit peu de travers, des lèvres fines et des fossettes adorables, ses yeux brillaient légèrement. Elle soupira. Jamais ses parents ne lui pardonneraient d'avoir failli à ses obligations. Elle qui rêvait depuis toute petite de cette soirée, voulait-elle vraiment se gâcher sa propre fête ? Elle avait tant attendu ce moment. Elle avait passé des nuits blanches à pouffer avec ses amies dans le dortoir des Serpentard en imaginant les tenues les plus sophistiquées qu’elle porterait, se rêvant chaque nuit la reine de la soirée.
Narcissa redressa la tête et carra les épaules. Elle allait prendre son courage à deux mains et montrer à tout le monde qu'elle n'était pas qu'un pâle reflet de ses sœurs. Elle était Narcissa Black ! Elle remercia Dilcey d'un signe de tête et se leva. Arrivée au centre de la pièce elle se retourna vers le miroir. D'une main encore tremblante, elle lissa l'avant de sa robe. Elle frissonna en pensant à ses épaules découvertes. Faites que ce soit bien chauffé ! Elle se précipita vers la fenêtre et poussa légèrement le rideau.
La rue était calme à cette heure-là. Quelques étudiants rentraient chez eux après s'être bruyamment salués près de la bibliothèque. Les livres sous le bras, la plupart du temps à vélo, leurs uniformes volaient au vent. Certains avaient l'air soucieux. Certainement un devoir à rendre qui ne se passait pas comme prévu. Ou l’épicier du coin qui n'allait pas tarder à fermer ses portes. Narcissa les enviait ces moldus qui n'avaient qu'à se soucier de leurs études et pas de leur carnet d'adresses.
« Tu es prête ? »
Andromeda se tenait sur le seuil de la porte. Elle sourit en voyant sa petite sœur à nouveau à la fenêtre.
« Tu es inquiète. »
Narcissa comprit au ton que ce n'était pas une question, elle pouvait lire en elle comme dans un grimoire ouvert et elle détestait ça. Andromeda regarda dans le miroir de la coiffeuse si son maquillage n'avait pas coulé. Elle rajusta sa baguette coincée dans un repli de tissu et dit calmement :
« Tu n'as pas à t'inquiéter Cissy, ils vont t'adorer. Comme toujours.»
Narcissa ricana sombrement.
« Tout le monde n'a toujours d'yeux que pour toi Andromeda. Et Bellatrix les fascine par sa force de caractère. Comment pourrait-on me remarquer à vos côtés ?
— C'est fou ce que tu peux être bornée. Tu es une Black et ils ne te connaissent pas encore. Évidemment qu'ils vont s'intéresser à toi ! grogna-t-elle. La première soirée est la plus simple, c'est de garder leur attention qui est compliquée.»
Narcissa ouvrit des yeux ronds. Elle n'avait jamais vu le problème sous cet angle.
« Donne-leur l'image d'une ravissante poupée de porcelaine et tu t'en sortiras à merveille.
— Et les hommes ? s'inquiéta Narcissa.
— C'est la partie délicate de l'histoire », reconnut Andromeda en quittant la pièce.
Narcissa se précipita à sa suite. Sa robe bruissait avec le frottement des couches d'étoffes.
« Comment ça "délicate" ? s'écria-t-elle. Qu'est-ce que tu veux dire ? »
Sa sœur soupira et ne répondit pas.
« Andromeda ! cria-t-elle.
— Bon sang, Cissy, ne nous casse pas les oreilles ! la rabroua Bellatrix. »
Narcissa ne s'était pas trompée : Bellatrix était sublime en beauté froide cintrée dans sa robe de bal émeraude.
« C'est quoi le problème avec les hommes ?
— Oh, c'est juste ça..., coupa Bellatrix en regardant ses deux sœurs d'un air dédaigneux. Tu veux un conseil ? Tiens-les à l'écart.
— Mais pourquoi ? Je croyais qu'il fallait attirer l'attention !
— Écoute Bellatrix, point. Allez, on y va. »
Furieuse d'être maintenue une nouvelle fois dans l’ignorance, Narcissa leur emboitant le pas en serrant les poings. À quelques minutes à peine de son entrée dans l'arène, elles continuaient avec leurs secrets. Elles faisaient ça depuis des années et ça la mettait en rogne ! Elle attrapa le bras que lui tendait son aînée et se prépara à subir le transplanage brutal de Bellatrix. Les yeux fermés, elle pria pour que cette soirée soit parfaite.
« Oh ! La petite Narcissa ! Qu'elle est ravissante ! »
Lady Albert était certes une hôtesse appréciée mais son visage allongé et son regard qui la déshabillait déplu fortement à Narcissa. Elle n'était plus une gamine de quatre ans qui s'extasiait quand on lui donnait une chocogrenouille !
« Il faut absolument que je vous présente mon neveu. C'est un jeune homme charmant. »
Visiblement, les chocogrenouilles avaient une autre tête à leur âge. Elle allongea le bras et agrippa d'une main autoritaire le garçon qui discutait derrière elle. Il était grand, au physique avantageux, l'air sûr de lui qui mis instantanément la jeune fille mal à l’aise.
« Rigel, je te présente à la petite Black. Narcissa. N'est-elle pas à croquer ? »
C'était elle qu'elle allait manger si elle n'arrêtait pas tout de suite de la comparer avec le teckel de la maison.
« Délicieuse, susurra-t-il. Puis-je vous offrir un verre ? » offrit-il en lui prenant le bras pour la traîner vers le centre de la pièce.
Ne sachant quoi faire, Narcissa jeta un regard affolé vers ses sœurs qui haussèrent les épaules, fatalistes. Devait-elle accepter la coupe de champagne qu'on lui tendait ? Elle tourna la tête dans l'espoir de glaner une information sur sa conduite à tenir. La voix de mère résonnait en boucle dans sa tête.
« La première qualité d'une dame de haute lignée... La deuxième qualité... La troisième... »
Quelle était donc la consigne sur l'alcool lors d'une soirée ? Pouvait-elle boire avant la première danse ? Ou était-ce la seconde ? Devait-elle décliner l'offre au risque de froisser le neveu de son hôtesse ? Elle se tordait les doigts, en proie à la panique. Pourquoi ses sœurs ne lui disaient-elles pas quoi faire ? Elle aperçut Bellatrix, de marbre, face à un groupe en grande discussion, visiblement fasciné par la froideur effrayante de la belle. Andromeda souriait sagement à une jeune fille parée d'un diadème, certainement une autre débutante. Tout le monde semblait à l'aise, des habitués des lieux. Tous sauf elle, perdue au milieu de la piste de danse, un verre plein à la main, sans qu'elle ne sache si elle devait ou non le porter à ses lèvres.
« Ainsi vous êtes une Black ?
— Oui, répondit-elle prudemment.
— J'ai entendu tellement de choses sur votre famille !
— On raconte un peu trop de choses sur ma famille.
— Votre arrière-grand-père était directeur à Poudlard.
— Quelque chose comme ça, éluda-t-elle.
— Vous faites parties de ces illustres familles qui ont le droit à leur propre coffre extrêmement bien sécurisé à Gringotts.
— Peut-être.
— Vous l'ignoriez ? Tout le monde sait que votre famille fait partie des plus influentes. D'ailleurs si j'en étais membre, assurément je... »
Narcissa ne sut jamais ce que ferait ce beau parleur qui commençait un peu à l'agacer puisqu'une main se referma avec autorité sur son avant-bras et la tira à l'écart. Un vague "Je vous emprunte ma sœur", coupa simplement la conversation.
« Mais qu'as-tu donc dans la tête ? siffla Andromeda. De l'alcool, à cette heure ? Tu n'as donc rien retenu des leçons de maman ? Jamais avant le repas !
— J’avais un doute ! se défendit-elle. C'est le neveu de notre hôtesse et...
— Et un sacré arriviste si tu veux mon avis. Ne parle jamais de notre patrimoine, de Gringotts, d'argent ou de quoi que ce soit qui concerne la famille. Tu m'as comprise ? Jamais !
— Mais pour la conversation...
— Jamais ! Si quelqu'un te lance sur le sujet, dévie sur la tenue de la personne derrière ton interlocuteur ou simule une quinte de toux. N'importe quoi ! Et en cas de dernier recours, tu as l'évanouissement. Terriblement efficace en cas de gros problème, ça te tire d'un très mauvais pas quand tu le souhaites. Tiens-t’en aux cancans et aux mondanités, est-ce que c'est clair ?
— Oui.
— Bien. Viens que je te présente à quelques jeunes filles de bonne famille avant que tu ne nous fasses honte.
— Andromeda, je peux te poser une question ?
— Mmh.
— Comment sais-tu qui sont les prétendants qui sont respectables ? »
Andromeda soupira et dit :
« Allez, viens. »