Petit texte écrit dans le cadre du projet du fanclub "Weasley is our King!" pour l'anniversaire de Ron ce premier Mars!
L'idée est de raconter ce missing moment, quand Ron transplane à la chaumière aux coquillages après s'être engueulé avec Harry et Hermione.
Et je remercie Eejil pour sa correction et ses conseils
J’ai passé la nuit à pleurer autour de leur campement, à tourner autour sans jamais pouvoir ne serait-ce qu’apercevoir le moindre indice d’une présence humaine dans les alentours. Hermione connaît ses sorts. Moi je connais mes torts. Je ne l’ai réalisé qu’hier en partant, en franchissant les sortilèges qui nous gardaient dans cette bulle de galère. Un pas dehors. Le pas de non-retour. Le pas de la lâcheté. Et la voix d’Hermione qui résonne comme un écho avant de disparaitre. “Ron!” Puis le silence, aussi soudain qu’inattendu alors que je me retourne vers la clairière qui n’existe plus. Le vent dans les arbres faisant bruisser les feuilles. Les vagues du lac léchant mollement les roches qui l’entourent. Et le regret qui me percute avec la force d’un géant.
Les larmes me montent une nouvelle fois aux yeux, et je dois me retenir de transplaner à nouveau là où je les ai quittés. Ils sont partis, et je n’ai aucun moyen de savoir où. C’est fini, nous ne serons plus jamais trois dans ce bourbier. En une minute, j’ai construit un mur entre moi et mes meilleurs amis. Non. Entre moi, mon meilleur ami, et la fille que j’aime. Parce que même si miraculeusement nous sortons tous vivants de cette guerre, ils ne me pardonneront jamais ma désertion, comme moi je ne le leur aurais pas pardonné. Comment leur faire comprendre à quel point je regrette ? Et si je ne les revois jamais ? S’ils meurent capturés, torturés ? M’en remettrai-je ? Pourrais-je vivre avec cette culpabilité qui me ronge déjà ?
Mon regard se porte finalement sur la petite chaumière face à moi. Les embruns de la mer et le cri des mouettes me donnent presque l’impression d’être en vacances. C’est la première fois que je viens ici, et je ne peux m’empêcher d’envier mon frère en sécurité dans cet endroit magnifique. Comment prendra-t-il mon arrivée ? Me traîtera-t-il de lâche ? Il n’aurait pas tort… Essuyant les dernières traces de larmes sur mes joues, je prends une profonde inspiration et m’avance vers la porte d’entrée.
C’est Fleur qui ouvre. Toujours aussi belle, me faisant toujours autant perdre mes moyens. Mais l’image d’Hermione en pleurs s’incruste sur mes rétines et la beauté de Fleur semble s’évaporer comme de la neige sur un chaudron trop chaud.
- Ron ? m’accueille-t-elle, abasourdie.
- Salut Fleur…
Ma voix est plus enrouée que ce que je voudrais. J’ai l’impression d’être redevenu un enfant incapable de retenir ses larmes.
- Bill est là ?
Elle a un moment d’hésitation, fait un pas de côté pour me laisser entrer, mais se replace finalement dans l’encadrement de la porte, me barrant le passage. Je vois que les couleurs ont quitté ses joues pâles, et dans un mouvement peu discret, elle porte la main à la poche de sa robe, là où se trouve sa baguette.
- Qui es-tu? Ron Weasley est dans son lit, rongé par l’éclabouille.
Malgré la gravité de la situation, je ne peux m’empêcher d’admirer Fleur, mais pas pour son physique cette fois. J’oublie souvent que ma belle-soeur n’est pas que belle, c’est aussi une puissante sorcière, choisie pour concourir à un des tournois les plus dangereux qui existent. Et surtout, c’est une excellente stratège.
- La goule du grenier me remplace, c’est un leurre, je réponds, sachant pertinemment qu’elle est dans la confidence.
Un soupir de soulagement s’échappe de ses lèvres et elle s’efface enfin pour me laisser passer.
- Ron, que fais-tu ici ? Je vais chercher Bill… Je croyais que… Arry va bien ? Et Ermione ?
Elle semble à la fois paniquée et contente de me voir, et je me force à sourire pour la rassurer.
- Ils vont bien… Ils allaient bien quand je suis parti.
Ma voix s’éteint. Elle me lance un bref regard inquiet mais ne relève pas. Elle me plante dans la cuisine et revient à peine quelques secondes plus tard avec mon frère aîné complètement incrédule.
- Ron qu’est-ce que…
Mais sa voix meurt dans sa gorge lorsque je fonds en larmes. Je me sens tellement idiot ! Un grand gaillard de 17 ans, pleurant comme un enfant devant son grand frère. La colère contre Harry qui ne sait rien, le regret de les avoir quittés, la jalousie de voir Hermione rester avec lui, cette angoisse qui ne me lâche pas depuis qu’on s’est mis à porter le médaillon tour à tour, et cette haine que je ressens envers moi, tout ça me retombe dessus d’un seul coup lorsque mon frère apparaît. Comme si son regard abasourdi était un miroir vers ma propre trahison.
Il se précipite vers moi et m’entoure de ses bras, comme il le faisait quand j’avais huit ans et lui dix-neuf, après une chute de balais ou une mauvaise blague de Fred et George. Il ne dit rien, il se contente de m’enlacer. J’entends Fleur qui s’active dans la cuisine et lorsque je me calme enfin et que Bill me libère, elle me propose une tasse de thé.
- Désolé, dis-je d’une voix un peu trop penaude à mon goût lorsque nous sommes tous attablés autour d’une tasse de thé fumant.
- Qu’est-ce qu'il se passe Ron ? me demande Bill.
Il n’y a aucune pitié dans sa voix, juste une pointe de curiosité et d’inquiétude. Mon frère aîné n’a jamais eu pitié de moi. Fred et George, Charlie, et même Ginny de temps en temps, oui. Mais jamais Bill.
- Je suis parti… je lâche finalement, les yeux rivés sur ma tasse fumante.
Je sens qu’il échange un regard avec Fleur.
- Pourquoi ?
- Parce que…
Je retiens in extremis les mots qui ont failli franchir mes lèvres. En plus d’abandonner mes amis, voilà que je manque de tromper leur confiance.
- Je me suis engueulé avec Harry et… je crois que je pensais que ce serait plus facile…
Un silence nous entoure un court instant. Puis Bill prend une inspiration.
- Que quoi serait plus facile Ron ?
Je relève les yeux sur les deux jeunes mariés.
- La guerre, je réponds finalement.
Bill soupire, mais j’enchaîne avant qu’il ne puisse dire quoi que ce soit.
- Je ne peux plus retourner avec eux.
- Pourquoi pas ? demande Fleur, légèrement plus sèche qu’avant.
- Harry est l’indésirable numéro 1, si Volde…
- NON !
Le cri de Bill et de Fleur me fait sursauter et je renverse la moitié de ma tasse sur la table. Fleur s’est levée d’un bon, ses deux élégantes mains couvrant sa bouche, livide. Bill bondit également, baguette sortie et se précipite sur la porte, examinant l’extérieur du cottage par la petite fenêtre.
- Il n’y a personne, dit-il finalement, rangeant sa baguette et revenant s’asseoir.
Je remarque que ses mains tremblent légèrement, et devant mon regard perdu, il finit par m’expliquer le Tabou du nom de Voldemort. Une étrange sensation m’envahit. Pourquoi ai-je failli prononcer son nom alors que pendant toutes ces semaines j’ai empêché mes deux amis de le faire, leur demandant même – Merlin me pardonne – de lui montrer du respect ? Une lumière se fait dans mon esprit : je viens de comprendre comment Dolohov et Rowle nous ont retrouvés sur Tottenham Court Road. Mais Harry et Hermione ne sont pas au courant du Tabou. Je sens la panique envahir mes muscles. Ils ne sont pas au courant, et sans moi pour jouer les ronchons et leur demander de respecter Voldemort, ils risquent fort de le prononcer.
- Harry et Hermione… dis-je sans vraiment m’en rendre compte.
Je me lève d’un bond.
- Ils ne sont pas au courant Bill… Ils ne savent pas…
- Mais vous ne l’avez pas prononcé jusqu’à maintenant…
- Parce que je ne voulais pas qu’ils le fassent ! je m’énerve en me tournant vers mon frère. Mais on l’a fait une fois, et deux mangemorts nous sont tombés dessus. Et maintenant que je ne suis plus avec eux… Tu connais Harry, à appliquer toutes les idées de Dumbledore à la lettre : la peur d’un nom c’est attiser la peur de la personne ou je sais pas quoi ! Maintenant que je ne suis plus là il va reprendre ses vieilles habitudes, et si les mangemorts leur tombent dessus, s’ils se font…
Fleur m’observe, effarée, alors que je n’arrive pas à prononcer le dernier mot. L’idée m’écœure, me tue.
- Ce sera de ma faute Bill… Il faut qu’on les prévienne, d’une manière ou d’une autre, il faut qu’on leur dise.
- Tu sais où ils sont ?
- Non, sinon je ne serais pas là.
- On ne peut pas envoyer de messages à quelqu’un dont on ignore la position…
- Mais Papa l’a fait ! Le soir de votre mariage, quand on est parti, il nous a envoyé un patronus et…
- Il se doutait que vous alliez aller au square Grimmaurd Ron, mais il n’avait aucune certitude. Jusqu’à aujourd’hui, on ignorait que vous aviez bien reçu le message.
Il n’y a donc pas de solution… Mes poings se serrent d’impuissance.
- Je suis revenu pour vous, dis-je dans un demi murmure. J’étais trop inquiet pour vous, ça me bouffait, et j’avais l’impression que Harry ne l’était pas assez. Mais même si vous vous battez, vous n’avez pas à vous cacher. Pas encore. Mais eux…
La culpabilité me serre la gorge à nouveau. Bill m'observe. Au fond de son regard brille le reflet de ma propre déception. Fleur ne prend pas la peine de cacher la pitié qui déforme les traits de son visage et je me sens une nouvelle fois idiot. Idiot et égoïste. Mon frère se lève et entreprend de laver nos tasses vides. Il me dit qu'il va envoyer un message à nos parents, mais je refuse. Je ne veux pas que qui que ce soit d'autre qu'eux soient au courant de ma trahison.
- Ce n'est pas une trahison, il me dit.
Je les ai abandonnés, j'ai dit des choses à Harry qui ont dépassées ma pensée, je les ai laissé se débrouiller avec des problèmes qui nous dépassaient déjà à trois. Je ne suis pas le plus intelligent d'entre nous, ni le plus rusé, ni le plus doué en sorts, potions ou tout autres compétence magique. Mon truc à moi c'est l'humour et la dérision. C'est de ça que nous avions besoin, de quelqu'un pour détendre cette atmosphère pesante et j'ai échoué. Je suis parti, parce que j'avais l'impression d'être de trop. D'être inutile au milieu du fameux Harry Potter et de la puissante Hermione Granger. Cette angoisse qui m'enserre les tripes de temps en temps depuis que je les connais vient reprendre sa place au milieu de mes entrailles. Cette impression d'être moins bien qu'eux, moins valeureux, d'être le Peter Pettigrew de notre bande, le gamin impopulaire et nul suivant les deux meilleurs élèves de l'école. Enfin, la meilleure élève et la légende. Et voilà que je les trahis à mon tour.
- Ron… Je ne te dirais pas que tu as bien fait de partir. Mais de temps en temps, il faut prendre du recul pour se rendre compte de ce qui ne va pas. C'est ce que tu as fait, ne te blâme pas trop.
Bill me sourit et je me rends compte que Fleur a quitté la pièce lorsqu'elle réapparaît au pied de l'escalier.
- J'ai préparé la chambre du milieu Ron, tu devrais aller te reposer, tu as un air horrible.
Bill hoche la tête et je fais pareil. Je n'ai pas dormi de la nuit, peut-être qu'un peu de sommeil m'aidera à y voire plus claire et à dénouer ce nœud qui me donne envie de vomir. Demain, j'essaierais de trouve un moyen pour les retrouver. Je ne déferai pas mon sac. Je ne veux pas rester longtemps. Ma place n'est pas ici. Elle ne l'a jamais été. Elle est avec eux. Elle l'a toujours été.
Merci d'avoir lu, n'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez, et surtout à aller lire les autres textes pour l'anniversaire de Ron !