- Tu sais, Alfred, ce dîner ne m’inspire pas confiance. J’ai comme une drôle d’impression.
Mrs Mason, debout devant son miroir, ajustait sa coiffure et remettait nerveusement une mèche bouclée derrière son oreille pour la dixième fois.
- Pourquoi dis-tu cela ? Habituellement, tu aimes bien m’accompagner pour mes dîners d’affaires. Et puis, tu es très élégante, je suis sûre que tu leur feras une bonne impression.
- Oh ça je n’en doute pas, affirma Mrs Mason en suivant son mari vers la voiture. Je crains surtout l’inverse.
- Comment peux-tu dire cela ? Tu ne les connais même pas.
- Un simple pressentiment.
Quelques minutes plus tard, Mr et Mrs Mason arrivèrent au 4 Privet Drive à l’heure exacte de l’invitation.
- Cette maison est horriblement identique aux autres, grimaça Mrs Mason. C’est tout à fait impersonnel.
- Chérie, si …, commença Mr Mason.
Toutefois, le promoteur immobilier ne put terminer sa phrase. A peine avait-il appuyé sur la sonnette que déjà la porte s’ouvrit automatiquement.
- Puis-je vous débarrasser de vos manteaux, Mr et Mrs Mason ?*
Les invités furent tellement surpris par cet accueil soudain qu’ils restèrent un bref instant étourdis. Le jeune garçon qui se tenait devant eux était aussi rose et gras qu’un porc. Son sourire exagéré lui donnait une expression absolument pas naturelle.
Mr Mason adressa alors un regard à sa femme. Il commençait à saisir ses doutes. Lui aussi, maintenant pressentait que la soirée serait longue et pénible. Mais désormais, il était impossible de faire demi-tour.
Vernon Dursley arriva ensuite au bout du couloir accueillant ses invités les bras largement ouverts.
- Bienvenue, dit-il d’une voix exagérément forte.
En serrant la main potelée de son hôte, Mrs Mason eut la désagréable impression que les os de Vernon Dursley avaient disparu.
Une femme maigre au visage chevalin les attendait immobile au milieu du salon. Mr et Mrs Mason la saluèrent poliment puis suivirent son invitation à s’asseoir dans le canapé rose et fleuri, installé face à la large bow-window de la pièce.
Mrs Dursley prit également place dans le fauteuil à leur droite puis, figée sur son siège, elle se mit à fixer la pendule. Mrs Mason refroidie par l’attitude glaciale et inexpressive de la femme de maison adressa un regard d’inquiétude à son mari. Elle n’avait pas besoin de parler. Mr Mason observait lui aussi Pétunia Dursley avec un regard ahuri.
Vernon Dursley vint ensuite rompre le bref et pesant silence.
- Mr Mason, vous prendrez bien un verre de whisky ? brailla-t-il en apportant sa plus belle bouteille.
Alors que Vernon versait la boisson alcoolisée dans les deux verres, d’étranges cris perçants se firent entendre à l’étage. Mr et Mrs Mason levèrent instinctivement la tête, interloqués par ces bruits soudains, avant de surprendre un grimace sur le visage de chacun de leur hôte.
Mrs Mason qui s’inquiéta immédiatement de l’origine de ces bruits, était de moins en moins rassurée en constatant que personne ne semblait y prêter davantage attention. Ces personnes ne lui inspiraient aucune confiance. Elle savait que son mari cherchait de nouveaux investissements mais elle espérait sincèrement qu’il trouve une opportunité plus séduisante que ce douteux Vernon Dursley.
Ignorant les bruits étranges qui retentissaient dans sa maison, l’homme grand et gras continua son service.
- Monsieur Mason, il paraît que vous êtes un joueur de golf exceptionnel* ?
Avalant sa gorgée, Mr Mason répondit par un hochement de tête avant de vouloir prendre enfin la parole mais aussitôt le jeune fils l’interrompit.
- On avait une rédaction à faire à l’école sur notre héros préféré, Mr Mason, et c’est vous que j’ai choisi*…, récita-t-il d’une voix exagérément mielleuse qui rebuta immédiatement son interlocuteur.
Mr Mason se contenta alors d’adresser un sourire au jeune garçon ce qui sembla ravir ses parents. Petunia Dursley qui n’avait pas bougé ni parlé depuis leur arrivée se mit tout à coup à s’agiter quand la pendule indiqua huit heures quinze précises.
- Je vous apporte quelques toasts avec tout ça, s’effaroucha-t-elle soudainement.
Mais alors qu’elle posait un plateau de petits pain au saumon, des coups résonnèrent à nouveau en provenance de l’étage.
- Oh, ne faites pas attention. C’est le… le chat**, tenta de justifier maladroitement Vernon Dursley.
Mr et Mrs Mason de plus en plus choqués et perturbés par le déroulement improbable du dîner ouvrirent de grands yeux éberlués. Mrs Mason n’était pas spécialiste, mais ce qu’elle venait d’entendre n’avait rien à voir avec un cri de chat.
Alors que Vernon occupait la parole avec des histoires de golfeurs, Mrs Mason se demandait de plus en plus dans quelle famille ils étaient arrivés. L’attitude de plus en plus étrange de ses hôtes devenait vraiment insupportable. Alors qu’au dessus d’eux, une créature captive semblait s’infliger de violentes blessures, Mr et Mrs Dursley s’évertuaient à servir leur toasts au saumon.
Mrs Mason, généralement friande de ce genre de dîner, avait étrangement perdu l’appétit. A côté d’elle, son mari semblait également mal à l’aise. La soirée serait longue, pensa Mrs Mason qui prit toutefois poliment un petit pain.
Entre les bruits sourds de l’étage, qui semblaient presque vibrer à travers le filtre à air de la maison, et les histoires assommantes de son hôte, Mrs Mason avait des difficultés à rester concentrée.
Tout à coup, de nouveaux cris interrompirent Vernon Dursley.
- Dudley a encore dû laisser sa télévision allumée, le garnement !* lança-t-il avant d’enfin se rendre à l’étage.
Mr et Mrs Mason, laissés seuls avec Petunia et Dudley échangèrent des regards d’incompréhension.
- Souhaitez-vous d’autres toasts avant de passer à table ? se sentit obligée de demander Petunia avec un sourire forcé.
Mrs Mason aurait donné n’importe quoi pour abréger au plus vite la soirée et refusa poliment. Quand Vernon revint dans le salon, il paraissait énervé et contrarié mais n’indiqua nullement l’origine des bruits. Cela ne rassura aucunement Mrs Mason qui s’imaginait encore le pire. Malgré ce dérangement, l’homme de la maison continua la fin de son histoire sur le golfeur japonais comme si de rien était.
Mrs Mason luttait. Elle n’avait qu’une seule envie : rentrer chez elle. Mais pour son mari, elle s’évertuait tant bien que mal de paraître intéressée et bienveillante. Les minutes paraissaient durer des heures. Ils finissaient à peine l’apéritif et elle aurait donné n’importe quoi pour en arriver au dessert.
Toujours debout planté au milieu du salon, Vernon jacassait maintenant à propos d’un plombier, quand tout à coup, une nouvelle fois, il s’interrompit. Le silence se fit. Plus aucun bruit ne résonnait à l’étage. Mrs Mason apprécia brièvement le calme quand tout à coup quelque chose de froid et gluant s’abattit sur sa tête. Une crème violette et sucrée recouvrait désormais son tailleur marron.
Impassible à l’extérieur, Mrs Mason bouillonnait à l’intérieur et soupira d’effarement.
- Oh je suis vraiment navré, c’est mon neveu. Il est très perturbé. Ça le rend nerveux de voir des inconnus. C’est pourquoi je l’avais laissé dans sa chambre**, couina alors Vernon Dursley, soudainement penaud.
- C’est inadmissible, s’emporta alors Mr Mason. Ma chérie, partons d’ici tout de suite. C’est scandaleux. Et sachez Monsieur Dursley qu’en aucune façon je ne pourrais agréer votre demande. Jamais, je n’investirai dans votre entreprise.
Mr Mason aida sa femme à se lever et sans même prendre le temps d’enlever la crème dégoulinante, ils quittèrent immédiatement le 4 Privet Drive.
- Ma chérie, je suis désolée par tout ça. Tu avais raison, cette soirée était horrible. Et puis ce gâteau qui te tombe dessus, c’est vraiment le comble de la grossièreté.
- Tu plaisantes ! Je ne sais pas par quelle magie ce gâteau a volé au-dessus de ma tête, mais il nous a sauvés. Je n’aurais pas pu tenir dix minutes de plus avec ces immondes personnes.
Note d'auteur :
Les contraintes du concours étaient :
★ Votre mission est d'écrire du point de vue d'un Moldu qui va croiser le chemin d'un fait magique.
★ Il faut qu'il y ait un détail qui fait qu'il va réaliser que la situation est pour des moins inhabituelle.
★ Ensuite, à vous de décider du sort de votre pauvre Moldu qui n'avait pourtant rien demandé
★ Quelques mots imposés à intégrer dans votre fic : automatiquement, agréer, bow-window, captif et filtre
★ Le Moldu en question peut-être un personnage d'HP (mais qui n'est donc pas au courant de l'existence de la magie) ou un OC...
★ Mais évidemment,le moment de la rencontre avec la magie doit être canon.
Note de chapitre:
La fin de la scène est inspirée du film mais les répliques sont à la fois issues du livre et du film :
* répliques issues des chapitres 1 et 2 du livre « Harry Potter et la chambre des secrets » de JK Rowling ( édition Folio Junior)
** répliques issues du film « Harry Potter et la chambre des secrets » de Chris Colombus.
Les descriptions sont plutôt inspirées du film.
Note de fin de chapitre :
Je n'ai pas proposé ce texte pour le concours parce que selon moi il n'y avait pas assez de magie visible (même si nous on sait que c'est Dobby qui est derrière tout ça, les Mason eux ne le voient pas)
Mais comme j'ai pris un certain plaisir à "critiquer" les Dursley du point de vue des Mason, j'avais quand même envie de poster ce texte. Et puis je suis assez curieuse aussi d'avoir des avis dessus, alors allez-y n'hésitez : qu'en avez vous pensé ?
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