DANS LA LETTRE
Ce n'était pas souvent que le professeur Sinistra recevait une lettre d'un de ses anciens élèves. Après tout, elle n'enseignait à Poudlard que depuis trois ans. Elle décacheta la missive et chercha avant toute chose l'identité de interlocuteur. Un sourire fleurit sur ses lèvres mais elle craignait qu'il ne fut suivi d'un mal de tête conséquent. Elle se souvenait de cette écriture penchée et recroquevillée, celle d'un rouquin bavard et curieux.
Cher Professeur Sinistra,
Je tenais à vous envoyer ce courrier le plus rapidement possible. J'imagine que vous avez su ? Les Moldus ont envoyé un homme marcher sur la lune pas plus tard qu'hier ! Je me suis achetée une vélétision moldue et leurs gourmettes d'informations ne diffusent plus que cette image d'un américain qui plante son drapeau au-dessus de nos têtes. Je retiens de cet émouvant moment que le sol pâle est cerné par l'obscurité absolue. J'imagine que cette découverte va bouleverser nombre de connaissances dans votre domaine.
Pour tout vous dire, je suis assez curieux de savoir pourquoi les sorciers ne se sont pas encore lancés à la conquête de l'espace. Mais j'ai bien l'impression que ce n'est pas un sujet qui préoccupe aucun de nos ministères. Peut être serait-il possible d'étudier l'une de ces fusées que les moldus utilisent et de les améliorer. En tout cas, je suis vivement intéressé par certaines prouesses de leur artisanat. Je possède, comme vous l'avez deviné, plusieurs objets qu'ils ont construit. Ce qui m'amène d'ailleurs au sujet de ma lettre.
J'ai récupéré un télescope assez compliqué qui est bien dissemblable à ceux que nous avions à Poudlard. Peut être seriez-vous à même de m'aiguiller sur son fonctionnement ? Je serai heureux d'avoir de vos nouvelles, et Molly Prewett, qui est une bonne amie et qui apprécie beaucoup vos cours, me fait dire de vous donner son bonjour.
J'ai par ailleurs été pris à l'essai dans le Département des Accidents et des Catastrophes Magiques. J'aurais préféré travailler directement au contact des moldus, mais je ne suis sorti de l'école que depuis deux ans et ils ne peuvent pas risquer les bévues d'un novice, ce que je comprends. Aussi, si vous deviez me contacter, il serait sans doute plus prudent de passer par le Ministère. Par ces temps qui s'assombrissent, je ne me fie que guère au réseau de cheminette.
Très Cordialement,
Arthur Weasley.
Aurora reposa le courrier, un pli amusé au coin des lèvres. D'une dizaine d'années plus jeune qu'elle, le prétendant de son élève favorite avait été l'un de ses premiers étudiants. Il ne l'avait connue qu'un an, et pourtant, il avait participé à son cours par une foule de questions et tout autant de théories et hypothèses empruntées au monde moldu. Il l'avait même mise en difficulté à plusieurs reprises.
Jusque ici, malgré l'envoi de satellites dans l'espace intersidéral, les moldus étaient à peu près au même stade que les sorciers de leur connaissance du ciel. Un long soupir jaillit d'elle. Elle allait devoir retravailler ses cours. Et surtout, elle allait suggérer une nouvelle approche de travail à certains de ses collègues qui partagent un savoir commun avec les moldus. Peut-être avait-elle moyen de proposer un projet en partenariat avec son homologue d’Étude des Moldus. De toute évidence, elle devrait lui toucher deux mots sur ce sujet sensible. Se saisissant d'un parchemin neuf, elle fit crisser sa plume de corbeau sur la fibre grumeleuse.
Cher Arthur...