Debout face à la mer, Luna reste parfaitement immobile. Le vent violent s’enroule autour de sa silhouette fine et emmêle ses cheveux sales. Le sable lui pique les yeux et les mollets. Les embruns salés lui fouettent le visage. Mais elle ne bouge pas. Elle contemple en silence le gris métallique de l’océan, elle regarde les vagues furieuses effacer leurs traces de pas. Elle se sent vide. Elle n’arrive pas à ressentir une quelconque peine pour la mort de l’Elfe, ni même la joie d’être libre ou l’espoir d’avoir revu Harry et les autres.
Son esprit n’est qu’une page blanche.
Elle l’entend avant même qu’il ne signale sa présence. Plus grand qu’elle d’une tête, il la protège en partie des rafales de vent. Il s’immobilise légèrement en retrait et pose une paume chaude sur son épaule.
— C’est presque comme on se l’imaginait, hein ?
Elle sourit à cette question et hoche le menton. Dean laisse glisser sa main le long de son bras et mêle ses doigts aux siens.
— Il ne manque que le soleil, murmure Luna.
Alors, comme quand ils étaient dans le sous-sol sordide du manoir Malefoy, Dean approche sa bouche de son oreille et lui chuchote, dans un murmure qu’eux seuls peuvent entendre dans le vacarme du vent :
— Ferme les yeux et imagine.
Luna obéit et clôt ses paupières. Et là, dans l’étreinte rassurante des bras de Dean, elle arrive à oublier, au moins un petit peu. A occulter les cris, les morts, la souffrance, et à se projeter dans ce monde imaginaire qui n’appartient qu’à eux.
— Tu arrives à les voir ?
— C’est plus facile ici, chuchote-t-elle avec un sourire. Parle.
Et comme lors de ces longs instants dans ces cachots sordides, plus rien n’existe exceptée la voix douce et chaude de Dean, ses mots qui coulent sur sa peau et s’infiltrent dans sa tête pour dessiner leur image du paradis.
— Imagine le sable blanc entre tes doigts de pieds, le ciel bleu au-dessus de ta tête dépourvu du moindre nuage, le bruit lointain des vagues qui s’écrase sur la plage. Imagine le soleil qui brûle, qui te caresse la peau et illumine d’or tes cheveux blonds. Imagine le calme, la paix, d’un après-midi passé en solitaire, sous ce parasol bleu. On est assis juste en dessous, dans deux chaises en toile, et quand on lève la tête, on peut voir les dessins que j’y ai peints et que tu as animés.
— L’eau est bleu, le sable chaud, la mer calme, poursuit Luna dans un murmure. Tout est si tranquille.
— Il n’y a que nous deux. Nous face à la mer, sans baguette, sans cris, sans menaces.
Un sourire rêveur se dessine sur le visage de Luna. Elle se sent à la fois ancrée dans la réalité et en même temps très loin, détachée. C’est si étrange comme sensation. Elle entend toujours le fracas du vent, bien qu’assourdi, et elle s’agrippe aux bras forts de Dean qui l’entourent. Mais elle est aussi perdue dans leur utopie, avec le soleil qui lui caresse le visage et emplie de la sérénité d’une après-midi paisible à la plage.
Ils restent là longtemps. Loin de la douleur et de la souffrance de la guerre, dans la petite bulle qu’ils se sont imaginés lors de ces longues heures passées dans le noir.
Deux silhouettes enlacées au sommet d’une dune, perdues dans une illusion plus agréable que la réalité.