Harry Potter n’avait plus rien à voir avec l’adolescent fluet et maigrichon qu’il était à dix-sept ans, lorsqu’il avait sauvé le monde sorcier de la prise des ténèbres par Lord Voldemort. Andy trouvait même qu’il n’avait plus rien à voir avec la photo le représentant sur les cartes de Chocogrenouille -cartes qu’elle collectionnait depuis qu’elle avait découvert le monde de la magie.
Non, définitivement, Monsieur Potter n’était plus cet homme.
Andy avait toujours été impressionnée par sa prestance, par son visage dur, froid et inexpressif. Depuis qu’il venait dispenser de quelques cours supplémentaires en Défenses Contre les Forces du Mal à Poudlard, elle avait toujours été terrorisée par ce grand héros de guerre adulé et respecté de tous.
A présent, assise devant lui, à son bureau, elle frissonnait de peur. Ses joues étaient colorées d’une douce nuance rosée et elle tortillait ses petites mains frêles contre son ventre tandis qu’il grattait frénétiquement sa plume contre un morceau de parchemin sans même relever les yeux vers elle. La jeune fille déglutit, observant son professeur d’un peu plus près.
Harry Potter dégageait un certain magnétisme qu’elle ne saurait jamais expliquer. Tout chez lui traduisait les épreuves de la vie qu’il avait enduré. Nul doute que son passé n’était pas des plus joyeux. Nul doute qu’il avait souffert… Comme en traduisait sa paume carrée aux veines apparentes qui emprisonnait avec vigueur sa plume. Comme ses avants-bras, fragmentés par diverses écorchures produites par des maléfices. Comme cette cicatrice, en forme d’éclair qui lui balayait le front. Combien de blessures étaient encore visibles sur son corps ?
Et alors que Andy observait son professeur, ce dernier releva brusquement la tête. Son cœur manqua un battement dès qu’il posa ses yeux sur elle. Finalement, il n’y avait que ses yeux qui étaient doux et qui contrastaient avec l’homme animal, froid et viril qu’il était. Il plissa les yeux, la détaillant attentivement tout en passant une main sur sa barbe noire drue et mal rasée.
-Je suis à vous dans deux minutes, marmonna-t-il avant de baisser à nouveau la tête sur son morceau de parchemin.
Andy papillonna des yeux tandis que son cœur s’accélérait dans sa poitrine. Sa voix rauque, vive et bestiale résonnait encore dans ses tympans. Elle fixa finalement la jupe de son uniforme, ramenant ses fines cuisses l’unes contre l’autre et tapant nerveusement du pied contre le sol. Est-ce qu’il savait à quel point elle était terrorisée devant lui ?
Finalement, Monsieur Potter se leva de son siège. Il roula son morceau de parchemin qu’il tendit à un harfang perché non loin de son bureau. Elle le vit lui donner une douce caresse sur son pelage blanc avant qu’il ne s’envole puis se retourna d’un mouvement brusque et considéra Andy de sa hauteur.
La jeune fille déglutit douloureusement.
Il était grand. Il était élancé, sèchement musclé et ses épaules relativement développées. Ses yeux verts perçants la détaillaient avec attention tandis qu’il retirait sa cape noire de sorcier pour venir la déposer sur le dossier de son siège. Il enfonça ses mains dans les poches de son pantalon gris foncé de costume, où une simple chemise blanche sans cravate et déboutonnée était rentrée dedans, laissant apercevoir la boucle argentée de sa ceinture de cuir noir. Ses derbies, également d’un cuir sombre, résonnaient sur le sol froid de la salle de classe de Défense Contre Les Forces du Mal.
-Alors, Miss Dawson, avez-vous réfléchis à ma proposition de la dernière fois ? dit-il promptement tout en relevant le pan de sa chemise pour vérifier l’heure, dévoilant par la même occasion le doux pelage noir de ses avants-bras.
-Euh...je, oui professeur, répondit la jeune fille en se clarifiant la voix. Mais je ne pense pas que je puisse accepter. J’en suis vraiment navrée.
Harry fronça des sourcils et observa son étudiante avec étonnement.
-Vraiment ? Vous êtes sûre ? Une occasion comme celle-ci ne se représentera pas deux fois, vous en êtes consciente ? insista-t-il en se rasseyant à son bureau, détaillant la frêle étudiante qui se trouvait devant lui.
Elle était jeune, belle, naïve, innocente et surtout, elle était orpheline. Comme lui. Comme lui, elle avait grandi chez des moldus qui la détestaient pour ce qu’elle était, une sorcière. Elle avait été trimballée de maisons d’accueils en maisons d’accueils pour les divers évènements magiques inexpliqués qui se produisaient lorsqu’elle était jeune. Pris de peur et la croyant maudite, ses parents adoptifs l’abandonnaient jusqu’à ce qu’elle soit recueillie par un autre couple de moldus qui souhaitaient toucher les subventions de l’Etat. Une fois acceptée à Poudlard, cela avait été une délivrance pour elle. Comme pour lui, Poudlard était sa maison.
-Vous savez, vous avez eu dix-sept ans le mois dernier, c’est l’âge légalement majeur dans le monde sorcier, vous n’êtes plus…
-Dans le monde sorcier, oui, coupa Andy. Pas chez les moldus. Mes tuteurs ont encore l’obligation de m’accueillir jusqu’à mes dix-huit ans. Et de toute façon, je n’ai pas d’argent pour aller ailleurs. C’est justement pour cette raison que je ne peux pas accepter votre offre au Ministère, Professeur. Il me faut de l’argent pour partir. Et vous… vous ne m’en proposez pas.
Harry considéra longuement la petite brune qui lui faisait face. Ses yeux bleus polaires contrastaient avec son teint immaculé de porcelaine. Elle paraissait si fragile, si douce, si pure avec son regard d’ange, sa petite bouche charnue rosée et son petit nez en trompette. Rencontrer son regard était une exquise torture, il avait l’impression qu’elle allait pleurer à tout moment, ce qui lui serrait le cœur. Pourtant, depuis qu’elle était son élève, il n’avait jamais vu une seule larme sur son visage angélique et elle était de loin, la meilleure et la plus coriace de son cours de Défense Contre les Forces du Mal.
C’était d’ailleurs pour cette raison qu’il lui avait proposé de venir s’imprégner du métier d’Aurors cet été, à ses côtés, pendant les vacances qui séparaient sa sixième de sa septième année.
-Je vois, souffla Harry. C’est dommage… vous avez vraiment un très beau potentiel. Vous auriez beaucoup à apprendre. D’autant plus que vous ne savez toujours pas si vous voulez embrasser une carrière d’Aurors ou non. Ca aurait été l’occasion parfaite.
-J’en suis consciente, avoua-t-elle, en gesticulant sur sa chaise et se mordillant la lèvre inférieure d’embarras. Mais comme je vous l’ai expliqué…
-Vous avez besoin d’argent, oui, coupa Harry.
Un silence s’imposa et Harry observa son élève avec le même visage impassible. Ses traits étaient tirés et il réfléchissait. Elle cachait du mieux qu’elle pouvait sa peur. Elle faisait craquer silencieusement ses doigts contre son ventre, baissant la tête et attendant qu’il lui donne l’autorisation de partir.
Harry était quelqu’un de conciliant. Il aimait être protecteur et aider son prochain. Sous ses airs brusques et intransigeants, il restait toujours et malgré tout le fidèle preu chevalier. Et cette jeune Andy Dawson avait besoin de son aide. Elle était trop fière pour l’exprimer à voix haute mais il l’avait compris.
-Malheureusement, le Ministère ne paie pas ses stagiaires, déclara Harry dans un soupir, en passant une main dans ses cheveux noirs ébouriffés.
-Je sais, répondit-elle en relevant la tête.
-Si ça ne tenait qu’à moi, je vous aurais payé, poursuivit le jeune professeur.
A travers ses lunettes rondes, Andy perçut un soupçon de douceur dans les yeux de l’Auror, une lueur qu’elle n’avait jamais relevé avant et qui la perturba au plus haut point. Les palpitations de son cœur s’étaient enflammées et elle n’arrivait plus à se défaire de son regard d’émeraude. Elle ne voyait plus que ses deux grands yeux brillants qui la détaillaient avec insistance, lui donnant la sensation de suffoquer.
Elle s’humecta doucement les lèvres et resta silencieuse, attendant qu’il continue. Il prit alors une profonde inspiration.
-Avec mes nouvelles fonctions de Chef des Aurors, je… je suis plutôt débordé en ce moment, avoua Harry Potter. Et ma femme… ma femme qui a commencé son nouveau poste à la Gazette du Sorcier, également.
Andy plissa les yeux. Elle ne comprenait pas où il voulait en venir ni pourquoi il lui apprenait tous ces détails de sa vie.
-Ce que je vous propose, reprit-il en se raclant la gorge. C’est que… vous vous occupiez les jours de semaines de… de mes enfants. Et le soir et les week-ends, je vous prends avec moi au Ministère.
Un long silence s’imposa une fois de plus. Andy papillonna des cils, se demandant si tout cela était une blague ou non.
-Hum… je, vous me proposez de, de garder vos enfants ? récapitula la jeune fille.
-Oui contre une rémunération… plutôt gracieuse, indiqua Harry en penchant la tête. Et une fois votre journée finie, vers dix-sept heures normalement c’est l’heure à laquelle ma femme rentre du travail, vous me rejoignez au Ministère pour que je vous forme au métier d’Aurors. Si ça vous intéresse évidemment.
-Mais je… quel âge ont vos enfants ? s’enquit la brunette en se mordillant la lèvre.
-James, l'aîné, a dix ans, Albus, le cadet, a huit ans et Lily, la dernière, en a cinq.
-Oh… Mais… je n’ai jamais gardé d’enfants de ma vie, balbutia-t-elle, prise de court. Et encore moins… vos enfants.
-Mes enfants ? répéta Harry avec une once d’amusement dans la voix. Ils sont comme tous les autres vous savez. Mais disons… que ça serait une solution pour vous et pour moi. Et je suis sûre que vous vous en sortirez.
-Donc, pendant toutes les vacances ?
-Quasiment, je n’aurai pas de congés cet été de toute manière, j’ai trop à faire au Ministère, soupira Harry. Donc oui. Le plus simple c’est que vous veniez occuper la chambre d’ami, comme ça vous serez sur place. Et je présume que ça ne vous dérangera pas trop…
Son professeur faisait évidemment référence aux moldus qui avaient sa garde et chez qui Andy était obligée de retourner tous les étés.
-Non, effectivement, souffla-t-elle.
-Très bien alors nous ferons comme cela, conclut Harry en se levant de sa chaise. Je vous enverrai un hibou d’ici là mais disons que nous fixerons votre rémunération à 20 Gallions de l’heure. Ca vous va ?
-20 Gallions de l’heure ? répéta Andy, en tombant des nues.
-Oui.
-Ca me va, oui, sourit-elle en se levant.
-Très bien, je compte sur vous dans ce cas, conclut son professeur.
Il vint se planter devant elle, lui tendit la main. Elle l’observa dubitativement avant de la lui serrer.
Sa petite main frêle se fondit dans son immense paume chaude qu’il serra vigoureusement tout en ancrant ses yeux verts dans les siens. Son cœur manqua un battement alors qu’une suffocante vague de chaleur s’éveilla en elle à l’instant même où elle rencontra la douceur de sa peau. Une nuance rosée colora ses petites joues rebondies alors qu’il la surplombait de plusieurs centimètres de hauteur.
-A très bientôt Andrea, termina-t-il avec un très léger sourire en coin qui fit perdre à la jeune fille tous ses moyens.
-Hum, je. Oui. A bientôt Professeur, balbutia-t-elle tout en reprenant sa main dans une infime caresse, déstabilisée qu’il l’appelle par son prénom.
Elle fuit son regard, ramassa à la va-vite son sac de cours posé aux pieds de sa chaise puis s’enfuit à toute vitesse du bureau de son professeur, sans même lui adresser un dernier regard, le cœur battant la chamade et le souffle court.
Et ses aventures venaient à peine de commencer....