Tout alla très vite désormais. Alors que les parents de Hermione ne commençaient à songer à la rentrée qu’en août habituellement, ils se précipitèrent sur la liste des fournitures scolaires dès le 5 juillet.
McGonagall avait prévenu. Rien ne pouvait être acheté dans le monde moldu, il fallait aller dans un endroit caché, le Chemin de Traverse, dont le nom plaisait beaucoup à Hermione.
Arrivés devant le pub qui cachait le Chemin d’après le professeur, ils y entrèrent. Un homme taciturne, assis derrière le comptoir les regarda d’un œil vide.
-Bonjour ! Pouvez vous nous indiquer le Chemin de Traverse s’il vous plait ? demanda M. Granger.
-Vous, vous êtes un moldu.
-Euh… Oui… En quelque sorte… J’imagine que c’est comme cela que vous nous appelez.
-Vous êtes moldus et votre fille est une sorcière s’apprêtant à faire ses premiers pas à Poudlard c’est ça ?
-Exactement ! Hermione Granger ! s’exclama sa mère, et l’intéressée rougit de honte.
-Et bien pour entrer, il faut une baguette magique. Je peux ouvrir à votre fille, mais vous, vous restez là. C’est interdit aux moldus.
Ce fut à ses parents de rougir cette fois. Eux, dentistes, qui n’avaient jamais eu honte de quoi que se soit, se retrouvaient à être exclus d’une stupide rue sur le principe qu’ils n’arriveraient pas à y entrer tout seuls. Hermione eut à ce moment honte de ses origines, et elle se douta que ce ne serait que la première humiliation d’une longue liste. Mais elle oublia ça bien vite en entra sur le Chemin.
Une grande rue lui faisait face où défilaient toutes sortes de boutiques, vendant livres, balais, animaux de compagnie, ustensiles de cuisine, non c’est pour les potions, uniformes qui ressemblaient beaucoup à celui que portait McGonagall – Hermione se demanda d’ailleurs si les professeurs devaient eux aussi porter les mêmes tenues que les élèves, bien que cela paraisse très étonnant – et enfin une boutique de baguette magique, où elle acheta la sienne en dernier.
Le plaisir des achats s’accompagnait aussi du fait de les faire seule. Elle réalisa alors qu’elle devrait passer une année loin de ses parents, en ne rentrant qu’à Noël. L’excitation d’appartenir à une école de sorcellerie venait aussi du fait qu’il fallait se séparer de ses parents. Hermione les aimait… Mais rien ne valait l’annonce à un enfant qu’il partirait loin de ses parents dans une école remplie d’enfants de son âge !
Mais maintenant Hermione était un peu anxieuse. Elle allait se retrouver avec des enfants bien plus habitués à la magie qu’elle, bien plus expérimentés ; elle qui avait toujours été la plus forte de la classe, elle allait se retrouver être la plus nulle !
Tout en pensant à cette horrible idée, Hermione aperçut une petite famille faisant ses achats. Le garçon était entouré de ses deux parents, tous les deux sorciers donc. Ils semblaient heureux et très fières de leur fils, tout comme ses propres parents pensa t-elle. Tout irait bien, grâce à leur encouragement, tout irait bien… Mais ils seraient si loin.
Hermione se mit à pleurer, essayant de cacher ses larmes derrière ses doigts. Quelqu’un lui toucha le bras.
-Petite ? Qu’est ce qu’il y a ? Tu es perdue ?
-Non, non…
-Où sont tes parents ?
La gentille famille heureuse regardait maintenant Hermione, d’un air étonné. Le garçon s’approcha un peu.
-Mes parents sont dans le pub, ils m’attendent.
-Ils ne peuvent pas rentrer c’est ça ?
La mère du garçon tendit le bras vers son fils et le ramena près d’elle, il la regarda avec une pointe d’hésitation.
-Oui… Ils ne sont pas sorciers alors…
Le garçon sourit à sa mère et se retourna vers Hermione. Il allait lui sourire gentiment, la soutenir, mais le sourire pour sa mère n’était pas le même qu’il réservait à elle. C’était un sourire narquois, moqueur. Il savait. Il venait de comprendre pourquoi elle ne pouvait pas être elle aussi avec ses gentils parents aimants. Qu’elle était en train de pleurer devant tout le Chemin de Traverse, tous les futurs élèves qui seraient bientôt ses nouveaux camarades de classe. Elle fondit en larme, son nez coulant et ses doigts n’arrivant pas à retenir tout ce flot.
-Pas besoin de te mettre dans un état pareil, ils sont juste à coté, on va aller les retrouver.
On l’emmena, elle et toutes ses affaires que deux personnes l’aidaient à porter. Mais malgré cette gentillesse, elle n’arrivait pas à oublier ces regards médusés d’enfants accompagnés de leurs parents ; elle ne l’était pas, elle, accompagnée, et ne le serait pas quand elle rentrerait à Poudlard, dans ce monde inconnu. Tous ces élèves si surs d’eux… Elle serait la risée de toute l’école, bien plus que dans son école de moldus.
Ses parents ne purent faire grand chose. Ils étaient déjà dépassés par tout ce qu’il se passait, depuis l’instant où le professeur McGonagall était apparu devant leur porte, dans ses habits et son parler étranges. Ils avaient toujours été la banalité incarnée, donnant à Hermione une enfance heureuse, des dentistes habitant un quartier résidentiel tout ce qu’il y a de commode, refusant de prendre part à aucune chose dont ils connaissent la teneur (bien qu’ils votent, mais cela était parce que tout le monde le faisait). Ainsi, ils refusaient de s’engager dans quelque chose dont ils ne connaissaient pas entièrement le contenu. « Toujours vérifier avant de commencer quelque chose, Hermione. Réfléchie et apprend avant. Agis ensuite avec discernement. ». C’était leur coté scientifique, droit et logique, mais aussi une faiblesse. Leur propre fille était propulsée dans un monde qu’ils ne connaissaient pas, ne pouvant l’aider et devant la voir d’adapter.
Mais elle le ferait. Elle n’était pas totalement comme eux, elle pouvait agir, avait déjà des pensées, des idées, même si elle savait qu’elle n’était pas encore experte, trop jeune. Elle avait réfréné ce désir, tabou dans sa famille. Mais il pourrait s’épanouir à Poudlard, cela avait déjà commencé, douloureusement.
Le jour du départ était arrivé. Sur les conseils de ses parents, elle avait lu tous les livres achetés et cela, elle devait bien l’avouer, rassurée. Elle comprenait mieux ce monde et pouvait s’y glisser plus confortablement, du moins en évitant la casse elle l’espérait.
Ses parents la laissèrent devant le mur pour la voie 9¾, la façon de s’y rendre lui avait été expliquée par un livre, heureusement.
Le train apparut tout d’un coup dans un nuage de vapeur. Il était bien plus beau que ceux du monde moldu, mais la même pagaille régnait autour, des enfants piaillaient, pleurant dans leur bras de leurs parents, tandis que leurs frères et sœurs adolescents les regardaient d’un air narquois avant de monter dignement dans le train.
Imiter. C’était la clé pour passer inaperçue, le plus normal possible.
Alors Hermione s’avança vers la porte d’un wagon, hissant sa lourde valise sur les marches, un premier pied posé vers ce monde nouveau.