Le sac à dos qui pendait négligemment de son épaule était bien trop léger. Il avait sûrement oublier les choses les plus élémentaires, mais il avait rassemblé ses affaires en hâte, sans avoir vraiment le temps d'y réfléchir. Depuis qu'il avait reçu cette maudite lettre, Dean savait que ses jours étaient comptés. Il ne faisait pas bon ne pas connaitre sa généalogie par ces temps troublés.
Ne cessant de jeter des regards anxieux par dessus son épaule, il monta dans la rame de métro bruyante et couverte de grafitis, bien décidé à quitter Londres par des moyens moldus. Certes, il n'avait plus la trace, mais il gardait cette impression désagréable au creu de l'estomac que ces forcenés du Ministère pouvaient lui mettre la main dessus à n'importe quel moment. Il n'existait sûrement aucun endroit sûr pour les gens comme Dean, mais il ne pouvait se résoudre à attendre sagement chez lui qu'on vienne l'y chercher de force. Il avait le besoin maladif d'avoir l'impression de faire quelque chose, n'importe quoi, pour se sortir de ce pétrin.
Il descendit à Paddington Station d'un pas pressé, pénétra dans la gare et regarda un instant le tableau d'affichage d'un air interdit. Un train pour Oxford allait partir dans une minute, mais il avait encore le temps de prendre un billet pour Worcester. Le plus loin sera le mieux, pensa-t-il, tout en sachant que les distances n'étaient pas un obstacle pour les sorciers capables de transplanage.
Le train était déjà bondé à son entrée en gare, mais Dean finit par trouver une place dans l'un des grands compartiments. Il se laissa tomber sur le siège en plastique et essaya de se détendre. Mais c'était peine perdue. Le noeud qui lui liait les entrailles ne semblait pas vouloir se déserrer, ce qui le poussait à observer suspicieusement les moindres faits et gestes des autres passagers tandis que la locomotive se mettait en marche. Cet homme, là, qui glissait la main sous son sweatshirt, allait-il simplement se grater le nombril ou bien sortir une baguette magique et assomer tout le monde d'un coup ? Les doigts de Dean se crispèrent sur l'instrument de bois qui dépassait à peine de sa manche. S'il fallait se battre, il défendrait chèrement sa vie ! La main de l'homme réapparut, vide.
Dean poussa un profond soupir de soulagement. Malgré les circonstances, il était content d'avoir participé à l'Armée de Dumbledore pendant sa cinquième année à Poudlard. Même s'il était toujours plus difficile de réagir à temps dans la vraie vie, l'entrainement avec Harry lui permettait de se dire qu'il aurait ne serait-ce qu'une toute petite chance de survie, même minime. Tandis qu'il continuait de suivre des yeux les autres voyageurs, il se répétait en boucle les différents sortilèges qu'il pourrait être ammené à utiliser : Expelliarmus, Impedimenta, Stupefix, Spero Patronum. Oui, il avait une chance de s'en sortir.
L'Allée des Embrumes avait toujours été exquisement lugubre, mais depuis le retour du Seigneur des Ténèbres, elle était baignée d'une atmosphère glacée, qui semblait avoir la capacité de pénétrer la peau des passants et de s'incruster jusqu'au plus profond de leurs cœurs. Scabior aimait cette ruelle. Il s'y sentait bien. À vrai dire, il y avait passé la plupart de son temps depuis sa sortie de Poudlard, sans le moindre ASPIC en poche.
Il n'avait jamais été très à cheval sur la carrière. Les emplois de bureau, très peu pour lui, merci bien ! Il préférait de loin l'excitante sensation qu'il ressentait chaque fois qu'il subtilisait une bourse remplit de gallions à son propriétaire ou bien la poussée d'adrénaline lorsqu'il était à deux doigts de se faire appréhender avec de la marchandise illicite. Il était presque un peu déçu de pouvoir mener ses affaires au grand jour, le Chemin de Traverse étant devenu une ville fantôme que les gens bien cherchaient à éviter le plus possible.
Scabior laissa sa main courir le long d'un mur de pierre froid, savourant le contact poreux et humide sous ses doigts, puis poussa la porte du pub crasseux où il avait rendez-vous avec l'un de ses fournisseurs. Évidemment, celui-ci n'était pas encore arrivé. Scabior secoua la tête d'un air résigné et s'installa au comptoir.
-Un Whisky Pur Feu, commanda-t-il d'un ton sec.
Il observa la sorcière tenancière d'un air soupçonneux. Il l'avait toujours trouvé hideuse et se demandait si ce n'était pas une harpie. La femme fit glisser son verre sur le bois du comptoir et Scabior le saisit d'un geste habile.
-C'est une sorcière, murmurra une voix à sa droite, venant s'asseoir à côté de lui.
-Vraiment ? fit mine de s'étonner Scabior. Tu es allé vérifier ?
Son interlocuteur ne répondit pas, ce qui fit sourire le jeune homme.
-Tu as quelque chose d'intéressant pour moi ? demanda-t-il néanmoins d'un ton professionnel.
-Ça se pourrait bien, répondit l'homme.
En guise d'encouragements, Scabior se contenta de hausser les sourcils. L'homme sortit un morceau de parchemin de la poche de sa cape et le tendit à Scabior, qui le parcourrut des yeux d'un air à la fois sceptique et surpris.
-Qu'est-ce que tu veux que j'en fasse ? demanda-t-il enfin.
-Toi et moi, nous savons tous les deux que tu penses à changer de métier. Ce boulot, c'est ta chance. Il paraît que le salaire est correct.
Scabior relut le parchemin. Bien sûr, l'homme n'avait pas tort. C'était facile pour ce Legilimens de savoir ce que le jeune homme pouvait ressentir à cet instant. Scabior avait vraiment besoin d'un peu plus d'action. Cela faisait un moment qu'il s'ennuyait, sentant ses ressources sous-exploitées. Mais d'un autre côté, il s'était juré de ne jamais travailler pour le Ministère !
-L'institution a beaucoup changée depuis l'évincement de Scrimgeour, précisa l'homme.
-Je sais, répondit Scabior d'un air songeur.
Il voulait retrouver le goût de l'aventure. Devenir Rafleur n'était certainement pas la pire option. Mais aurait-il assez de cran pour traquer les Sang-de-Bourbe et les livrer sans merci aux Mangemorts ? Il fourra le parchemin dans la poche de sa robe et avala une longue gorgée de whisky. Bah ! Du moment que ça paie ...