Les semaines s'étaient écoulées aussi lentement qu'un double cours de potion avec Rogue. Et pourtant, défiant tout pronostique, Dean ne s'était toujours pas fait prendre. Cela tenait du miracle ! Finalement, avoir du sang de Moldu ne tournait pas complètement à son désavantage. Il avait réussit à fuir loin de Londres et à se cacher dans une petite ville côtière du Pays de Galles.
Il occupait une chambre d'hôtel miteuse dans un quartier peu fréquentable, près des docks. Il ne sortait pratiquement jamais, seulement pour acheter de la nourriture à l'épicerie du coin. Il avait complètement cessé de pratiquer la magie, par peur d'être retrouvé, et s'occupait l'esprit aussi bien que les mains en s'adonnant à son autre talent : le dessin. Il dessinait surtout des visages, celui de sa mère, de ses sœurs, de ses amis, comme pour les graver à tout jamais dans sa mémoire. Dans la panique du départ, il n'avait pas pensé à emporter des photographies. Mais cela n'avait pas la moindre espèce d'importance.
C'est en tout cas ce dont il essayait de se persuader lui-même. La solitude le rongeait de l'intérieur, chaque seconde un peu plus, il ne pouvait plus le nier. Ces heures interminables à guetter le moindre son, le moindre mouvement inhabituel le rendaient tous les jours un peu plus paranoïaque. Mais plus que sa propre situation, c'était celle de sa mère qui l'inquiétait. Il l'avait forcée à quitter Newham pour aller rejoindre ses parents dans le Yorkshire et espérait de toutes ses forces qu'elle avait pu échapper à ses poursuivants.
Plusieurs fois, il avait été à deux doigts de lui téléphoner, mais avait toujours fini par renoncer. Le nouveau Ministère avait beau abhorer les Nés-Moldus, il était tout de même probable qu'ils surveillent les moyens de communication non-magiques. En tout cas, c'est ce que Dean aurait fait s'il avait été à leur place.
Mais ce qui le retenait surtout de passer ce coup de fil dans la cabine au coin de la rue, c'était la peur panique de découvrir que les Mangemorts avaient assasiné sa famille. Il sentait grandir en lui le sentiment d'avoir commis une innomable erreur en l'abandonnant, comme un arbuste se transformant en un vigoreux saule cogneur qui s'évertuerait à démolir ses entrailles de l'intérieur.
Dean posa son crayon et poussa un profond soupir. Oui, c'était lâche. Mais il ne pouvait se résoudre à affronter la vérité. Il n'en avait tout simplement pas la force.
Les années passées à Poudlard avaient été pour Scabior le pire des suplices, et cela, pas seulement à cause de ces cours inutiles dispensés par des professeurs aussi barbants qu'incapables. Il avait beau chercher, il ne pouvait se rappeler d'un seul moment de complète solitude, ni à part aux toilettes. Que ce soit dans les dortoirs, la salle commune, la Grande Salle ou même la bibliothèque ou dans le parc, pas moyen d'avoir une seconde à lui, rien que pour lui.
Il n'avait pas été de ces jeunes gens populaires qu'on suit à la trace et sollicite à longueur de journée, mais il n'avait pas trouvé un seul endroit dans tout le château où se retrouver seul, sans âme qui vive à perte de vue.
C'était aussi pour cette raison qu'il avait choisi la vie de contrebandier : il était libre de mener sa vie comme il l'entendait et sans rendre de compte à personne. Les seuls contacts qu'il avait étaient ses fournisseurs et ses clients. Et une fille de temps à autre.
Lui qui avait cru que tout cela n'était plus qu'un lointain et mauvais souvenir avait subit l'un des pires chocs de sa jeune existence en rejoignant les Rafleurs : il devait travailler en équipe. En équipe ! Oh, bien sûr, il avait bien essayé de faire comprendre à ces sous-fifres du Ministère qu'il serait plus efficace en se débrouillant tout seul. Qui savait avec quel genre de trolls il allait devoir collaborer ? Mais il avait très vite compris qu'il n'avait non seulement pas le choix, mais qu'il serait également bien imprudent de faire volte-face : la trahison était une notion sensible chez le pouvoir en place.
Il pleuvait depuis des jours déjà, et Dean avait perdu tout espoir de revoir un jour un coin de ciel bleu.
-Saleté d'estomac, tu ne pourrais pas te faire oublier un peu ? s'énerva-t-il entre ses dents.
N'ayant personne à qui parler, Dean se surprenait de plus en plus souvent à mener des conversations avec lui-même. Il ne savait pas si c'était sain, mais il se consolait en se disant qu'il fallait bien éviter que ses cordes vocales ne se figent pour de bon et deviennent à jamais inutilisables.
Son ventre laissa échapper un bruyant gargouilli, et Dean poussa un grognement avant de se lever tant bien que mal du lit où il était affalé. Il traina des pieds jusqu'à la table, où il avait amassé pêle-mêle ses maigres provisions. Ou plutôt, ce qu'il en restait : quelques miettes d'un sandwich au thon et de chips. La seule chose dont il ne manquait pas, c'était d'eau potable. Poussant un juron, Dean dut se rendre à l'évidence : il allait devoir sortir sous ce déluge. Résigné, il enfila ses baskets, attrapa son anorak et remonta le col jusque sous ses oreilles.
Seuls quelques piétons pressés parcouraient la rue aux contours grisâtres de saleté et de pluie. L'épicerie n'était qu'à une centaine de mètres, mais cela avait suffit à Dean pour se retrouver trempé jusqu'aux os. Ruisselant, il poussa la porte de l'échope et releva enfin la tête. Mais le spectacle qui s'offrait à lui glaça les entrailles.
Terrifié, il recula d'un pas et manqua de glisser sur la flaque qui s'était formée autour de lui. C'est alors que le Détraqueur se tourna vers lui.