Prologue : Y a pas deux mois de préavis à observer avant ?
- Comment ça tu te barres ? Demanda Drago depuis son canapé sans daigner détourner son regard du magazine dans lequel il était plongé.
Blaise leva les yeux au ciel. Il tenait dans sa main droite une valisette de cuir noir et à son épaule gauche un sac de toile beige aux bords racornis par le temps.
- Y a pas deux mois de préavis à observer avant ça, ajouta Drago en lançant un regard surpris à son ami.
La main de Blaise serrait nerveusement la lanière de son sac, dans un geste mécanique.
- Deux mois de préavis ? Remarqua-t-il avec agacement. Mais enfin, Malefoy, j’ai signé notre accord de colocation sur une serviette en papier. Dans un bar. Dont je serais incapable de me souvenir du nom. Qu’est-ce que tu viens me parler de préavis. J’ai envie de partir, je pars, c’est tout.
Le regard de Drago se promena sur la pièce qui les entourait avec l’indifférence de l’habitude. Des murs gris, un plafond bas, deux minuscules fenêtres à l’autre bout de la pièce à cause desquelles ils dépensaient une fortune en cire de bougie. Un canapé qui abritait encore sans doute les restes du repas de la veille, une couette sans drap exilée sur son accoudoir gauche et deux oreillers traînant à côtés. Une petite table sur laquelle s’empilaient des montagnes d’assiettes en cartons, de verres vides et de boites en tout genre. Ce n’était pas franchement reluisant. Certes. Mais de là à vouloir quitter ce petit nid douillet pour aller remettre les pieds dans le monde extérieur, il y avait un gouffre que Drago ne pensait pas que Blaise était capable de franchir.
- Je veux dire, à ton boulot, se contenta de demander le blond, le regard retournant vers son ami.
D’un hochement d’épaule, Blaise lui fit savoir qu’il n’en avait rien à cirer. Il bossait dans un bar : son patron saurait bien se débrouiller sans lui. Il essayait d’arborer une moue parfaitement indifférente mais en réalité, Drago Malefoy était le dernier obstacle à franchir avant de pouvoir partir. Blaise avait annoncé à Pansy qu’il partait deux jours auparavant. Ça avait été un massacre. Il avait prévenu Daphné également. Elle l’avait regardé de ses grands yeux bleus sans un mot. Ça avait été peut être encore plus déchirant que les hurlements hystériques de Pansy. Mais sa décision était prise. Et s’il avait survécu à ses deux amies, il ferait face à Drago.
- Et tu pars où au juste ? Demanda Drago en baissant les yeux sur ses ongles.
Le blond était toujours affalé dans le canapé, l’air de n’en avoir rien à foutre de rien. Comme toujours. Mais Blaise sentait qu’il s’agaçait. Parce que la discussion ne prenait pas une tournure qui arrangeait le blond. Il n’aimait pas poser les questions. Il aimait avoir des réponses sans jamais avoir à rien faire. Et là, ce n’était pas ce qui se passait. Blaise le connaissait par cœur, Drago agissait toujours de la sorte. Il aimait à se prendre pour un homme très mystérieux. Peut-être l’était-il mais Blaise le connaissait trop bien pour que cela fonctionne sur lui.
- Seattle, aux Etats-Unis, remarqua laconiquement Blaise.
Un silence pesant s’installa. Blaise aurait voulu dire quelque chose de rassurant, qu’il ne partait pas pour toujours. Qu’il avait juste besoin d’air. Qu’il étouffait dans ce minuscule appartement de Londres. Que la fin de la guerre avait brisé quelque chose en lui et qu’il avait besoin de temps pour apprendre à se reconstruire. Que ce n’était pas de cette manière qu’il risquait d’y parvenir. Mais il savait que Drago se servirait de cette faiblesse pour le forcer à rester. Alors il ne dit rien, il se mordit l'intérieur de la joue et attendit. Drago avait déjà posé trop de questions. Par fierté, parce qu'on ne montre pas son attachement, il ne dirait rien d'autre. Blaise en était persuadé. Le blond soupira, se leva difficilement du canapé dans lequel il s’était embourbé et s’avança vers son ami. Il lui tendit une main franche et sincère.
- Alors bonne chance, mon vieux, et tiens moi au courant.
Blaise hocha la tête avec reconnaissance et serra la main de son ami. Peut-être que Drago comprenait pourquoi il avait besoin de ça en fin de compte. Se cramponnant davantage à ses bagages, Blaise lâcha la main de Drago et se dirigea vers la porte de leur petite colocation, il l’ouvrit et avant de partir, termina.
- Tu prendras soin des filles quand même.
Il n’attendit pas la réponse de Drago pour tourner les talons et refermer la porte. Ça voulait peut être bien dire tout un tas d'autres choses, ça. Impossible d’en être sûr. En secouant vivement la tête, Blaise chassa ses pensées, inspira fortement et descendit deux par deux la volée de marches jusqu’au rez-de-chaussée de leur immeuble. Une fois dehors, il ne prit même pas le temps d’admirer la grisaille Londonienne, et il transplana jusqu’au ministère. Avant d’entrer dans le lourd bâtiment, il prit une dernière inspiration, jeta malgré tout un coup d’œil au ciel noir de Londres. Il était temps d’y aller.