— Comment ça, Rose a disparu ? s’époumona Neville.
C’était bien une idée à la Potter ça, de proposer à Flitwick d’emmener les élèves de septième année visiter une école étrangère afin de renforcer les relations internationales – et Granger de l’approuver. Comme si aucun d’entre eux n’avait conscience d’à quel point leurs enfants étaient ingérables ! Mais bien sûr, ça n’était pas à eux de veiller sur les intrépides durant le voyage. C’était lui – en tant que directeur de Gryffondor notamment – qui en avait la charge. Et Merlin savait combien leurs descendants étaient aussi terribles que ses amis l’avaient été en leur temps, sinon plus.
Ils auraient pu se rendre à Beauxbâtons, ou encore Durmstrang. Ces bâtisses avaient de bons rapports avec Poudlard, depuis des années. Mais non. Pour ne rien arranger, il avait également fallu que Flitwick décide de partir pour Uagadou, en Ouganda, au fin fond de l’Afrique. « Ce sera bon pour mes rhumatismes », avait-il dit. Et sa santé d’esprit à lui ? Qui s’en souciait ?
Cela faisait à peine trois jours qu’ils étaient sur place. L’école était située en haut d’une montagne, au cœur de la jungle. Celle-ci recelait de nombreux animaux et végétaux tropicaux, inconnus aux occidentaux qu’ils étaient – ce qui avait eu le mérite de mettre du baume au coeur de Neville. Ils avaient dû marcher deux heures, accompagnés de leur guide, avant d’arriver au mécanisme d’entrée. L’ensemble des élèves de Poudlard avait d’un coup été heureux de leur journée de train et des barques sur le lac. Au bout du périple, il suffisait finalement de s’installer sur une chaise sculptée à même la pierre et de tirer sur une liane pour être immédiatement transplané à l’accueil.
Ils avaient été accueillis par la directrice, Farah Onaedo, une femme à la peau noire, perchée sur de hauts escarpins, vêtue d’une longue robe fleurie. Elle leur avait offert un sourire charmeur qui en avait fait perdre son chapeau à Flitwick et leur avait fait visiter l’établissement. Celui-ci était plus grand que Poudlard. Bien plus grand. Des panneaux et des plans étaient d’ailleurs positionnés à des points stratégiques afin que les visiteurs et les plus jeunes ne s'égarent pas. Taillée dans la roche de la montagne, l’école était un dédale de galeries, de salles et de recoins. Des ponts tressés permettaient de rejoindre la cime des arbres où certaines classes avaient lieu.
Fichu Potter, pesta intérieurement Neville.
Trois petits jours. Il ne leur avait fallu que trois petits jours pour trouver une sortie cachée à quelques pas du dortoir des filles et ainsi s’octroyer le luxe d’une virée dans la forêt. Ils les cherchaient depuis deux heures, Lucas et lui, lorsqu’ils les avaient tous vu débouler au détour d’un couloir. Enfin « tous ». Pas tout à fait.
— Y’avait une vieille sorcière… commença Élisabeth Parkinson
— Avec une sale tête ! releva Scorpius Malefoy
— Non, mais ça on s’en fou ! protesta Roxanne Weasley
— Elle a fait un truc à Rose et elle… continua la première, ignorant les deux autres.
— Rose a disparu ! répéta Albus
Il vit Lucas se pincer l’arête du nez. Chaque fois qu’il faisait ça, Neville ne pouvait s’empêcher de penser à un certain Maître des Potions. C’était un tic qu’ils avaient en commun et qui n'indiquait, en règle générale, rien de bon.
— Silence ! Miss de la Croix, vous étiez présente ?
— Oui, professeur Wayne, répondit alors Kara, ouvrant la bouche pour la première fois depuis qu’ils étaient rentrés.
Elle baissa la tête, honteuse. Le regard que lui jetait son professeur était un crève-cœur pour elle.
— Racontez-nous, ordonna-t-il.
La jeune femme déglutit difficilement, et commença son récit.
Lorsque le directeur avait annoncé que les septième années étaient invités à l’accompagner en Afrique afin de rendre une visite amicale à la plus grande école sorcière du monde, Rose en avait sauté de joie. Elle avait immédiatement regardé Élisabeth et avait su qu’ils s'inscriraient tous. Ils avaient préparé leur valise le soir même. Albus avait bougonné un peu – l’année des Aspics ce n’était tout de même pas raisonnable –, mais Scorpius lui avait dit qu’il n’était qu’un briseur d'ivresse et son ami s’était tu. Ç’avait été le voyage en Portoloin le plus long de leur vie, malgré leur halte à Madrid dans le sud du continent. Ils n’y étaient restés que quelques minutes, le temps de se remettre avant de prendre le second.
La traversée d’une partie de la jungle avait bien sûr donné des idées au petit groupe, mais il leur avait fallu trois jours avant de trouver comment sortir sans se faire repérer. C’était l’une des camarades de chambre des filles qui avait craché le morceau. Rose l’avait pousséé dans ses retranchements, en bonne Serpentard qu’elle était, argumentant que les élèves de Poudlard étaient bien plus courageux que ceux de Uagadou. L’autre s’était aussitôt sentie agressée et les avait mis au défi d'emprunter le passage secret qui menait directement dans la forêt, leur révélant du même coup l’entrée du fameux corridor.
Kara ferma les yeux en repensant à la joie de son amie, alors qu’elle gambadait sur la mousse nu-pieds. Il n’y avait que Rose pour faire ce genre de chose. Elle était l'extravagance incarnée. Peut-être une conséquence des terribles évènements qui avaient marqué sa vie. Aussi, lorsqu’une femme très âgée était soudainement apparue devant eux, elle avait été la seule à lui demander qui elle était. Celle-ci n’avait pas répondu, s’était contentée de se transformer en panthère et avait sauté de branche en branche. Le groupe, sous l’impulsion de Rose, l’avait suivie jusqu’à une cahute en bois, tapie au cœur de la jungle, entre les arbres ancestraux. Alors, elle leur avait proposé d’aller à la poursuite de leur destin, ses prunelles rivées dans celles de Rose.
— Qu’a-t-elle fait ?
— Elle a donné une potion à boire à Rose, révéla Albus après une hésitation de Kara.
— Et elle l’a avalée ? s’étrangla le professeur Wayne.
— Bien sûr qu’elle l’a bue ! Et encore, nous pouvons nous estimer chanceux que son crétin de cousin James n’ait pas été là, sinon nous aurions deux victimes sur les bras, se lamenta Neville.
— On peut savoir ce qui vous fait rire, mademoiselle Weasley ?
— Rien… c’est juste que Rose serait tellement heureuse de vous entendre traiter James de crétin ! ricana Roxanne.
Wayne se pinça à nouveau l’arête du nez, soupirant. Finalement, il choisit d’ignorer la remarque.
— Bon. Et quand vous dites qu’elle a disparu, cela signifie…
— Qu’elle a disparu ! Elle a bu le verre de potion cul sec et la seconde d’après elle n’était plus là.
— Au début on a pensé qu’elle nous faisait une mauvaise blague. Mais comme la vieille citrouille n’avait pas l’air plus surpris que ça et qu’elle commençait déjà à s’éloigner, on s’est dit que c’était l’effet escompté dès le départ. Du coup…
— On a couru après. Mais elle s’est retransformée et nous a semés.
Les deux professeurs se regardèrent, tombant d’accord sur le fait qu’il leur fallait mettre la main sur cette fameuse sorcière s’ils souhaitaient avoir une chance de retrouver leur élève. Ils renvoyèrent ceux qu’ils avaient en face d’eux à leur couchette et décidèrent de n’annoncer la nouvelle aux parents que le lendemain – surtout que connaissant Hermione, Neville ne s’attendait pas à ce qu’elle leur pardonne facilement la disparition de sa fille. Ils ne connaissaient pas assez la forêt pour envisager des recherches seuls, aussi ils allèrent trouver Farah espérant qu’elle pourrait leur en dire plus.