Bouclés tes cheveux sont. Bouclés comme ceux de ta mère. Mais fille de ta mère tu n’es pas.
Bleus tes yeux sont. Bleus comme ceux de ton père. Mais fille de ton père tu n’es pas.
Rouges tes cheveux sont. Rouges comme ceux des Weasley. Mais Weasley tu n’es pas.
Tu l’as appris ce matin dans une coupure de journal.
Mais alors qui es-tu ?
« Je m’appelle Rose Weasley. »
Non.
« Je m’appelle Rose Weasley ! »
Toujours pas.
« JE M’APPELLE ROSE WEASLEY ! »
Le miroir explose sous la force de ton cri. Ça, c’est poétique. Ce qui l’est moins, c’est la réalité. Celle où ton poing dégouline de sang. Ton sang est rouge. Rouge comme Weasley. Mais Weasley tu n’es pas.
Alors qui es-tu ?
« Je ne suis personne. »
Enfin. Tu n’es personne, Rose. Tu n’es même pas Rose. Tu n’es même pas Weasley.
Rose Weasley est morte. Tu l’as appris ce matin dans une coupure de journal.
Sur la coupure de journal, il y avait ton visage en gros. Ton visage dont tu es si fière. Avec ton nom. Ton nom dont tu es si fière. Et ta toute dernière victoire.
« Rose Weasley, la Harpie de Holyhead : 18 ans de mensonges. »
Mais si tu n’es pas Rose Weasley, es-tu Harpie ?
Lève les yeux ! Regarde-toi. Es-tu Harpie ?
« Non. Je ne suis personne. »
A qui appartient ce corps ? A qui appartiennent ces cheveux ? A qui appartiennent ces yeux ?
« A Rose Weasley. »
Rose Weasley est morte il y a longtemps. Elle n’a jamais eu les cheveux longs. Elle n’est jamais montée sur un balai. Elle n’a jamais connu le poids de ses seins sur ses épaules. Ce poids qui fait d’une femme une femme. Ce corps appartient à une femme. Ce corps n’appartient pas à Rose Weasley.
Alors à qui appartiens ce corps ?
« Pas à moi. Je ne suis personne. »
Si tu n’es personne, tais-toi. Oublie-toi. Meurs. Il n’y aura même pas de nom sur ta tombe, parce que tu n’as pas de nom. Il n’y aura même pas de personne pour t’enterrer, parce que tu ne connais personne et personne ne te connait.
« Qui suis-je ? »
Personne, tu l’as dit toi-même.
Et qu’en dit ton père ?
« Je suis Suisse. »
Tu es Suisse. Peut-être…
Quand tu es descendue ce matin, ton père était debout face à la fenêtre. Il regardait par la fenêtre, les mains dans les poches de sa robe, l’air très pâle. Habituellement, il t’accueille toujours avec un énorme sourire. Il était fier de toi ton père. Et ta mère était toujours là elle-aussi. Mais ce matin-là, elle n’était pas descendue.
« Rose Weasley a toujours été la digne fille de ses parents. »
Rose Weasley l’était sans doute, oui. Hautaine au possible. Intelligente comme sa mère, douée au Quidditch comme son père. Gryffondor comme ses parents.
Tu es descendue, ton regard est tombé sur la coupure de journal. Tu as ri. Pas ton père.
« Il faut qu’on parle. Il est temps qu’on parle. »
Et là, tu as appris. Rose Weasley est morte. Et toi, qui es-tu ?
« Qui suis-je papa ?
- Tu étais une orpheline. Tu étais Suisse. Mais maintenant, tu es Rose Weasley, notre fille. »
Rose Weasley est morte. Tu porte le nom d’une morte. Tu as été élevée à la place d’une morte.
Qui es-tu ?
« Personne. Je ne suis personne. »
Alors, que fais-tu là ?