La tension qui planait dans les vestiaires était palpable. Du dehors leur parvenait les bruits de pas des dizaines de spectateurs qui prenaient place. Les conversations ne faisaient qu’ajouter au vacarme ambiant. Avec le soleil qui avait refait son apparition, les visiteurs extérieurs se faisaient de plus en plus nombreux et les places se faisaient de plus en plus rares.
Pour la plupart français, ils venaient surtout des villages environnants, même si certains se déplaçaient depuis l’autre bout du pays. Quoiqu’il en soit, ils étaient tous présents pour encourager la seule équipe française du tournoi. Les Tapesouafles de Quiberon avaient eu droit à un soutien incroyable lors de leur match quelques jours plus tôt. Les cris d’encouragement du public avaient plutôt bien fonctionné car ils n’avaient perdu que de vingt points contre les Canons de Chudley, leurs adversaires les plus sérieux dans leur groupe de qualification.
Nerveux, Olivier épiait le commencement imminent du match, un oeil sur sa montre et l’oreille tendue. Il n’avait jamais été aussi anxieux avant une rencontre. Le trac, il connaissait, mais ça avait toujours été un bon trac, pas cette énorme boule de stress coincée dans sa gorge.
Ce match allait être un carnage, il le sentait.
Il jeta un oeil presque angoissé sur les vestiaires silencieux.
Aiden, distrait, avait interverti ses gants de gardien. Millie était assise avec plus de rigidité qu’un cadavre, des envies de meurtre et une folle inquiétude au fond des yeux. Edmund épiait Selina du coin de l’oeil, qui l’ignorait avec une froide résolution. Les vagues de colère qui émanaient d’elle ne semblaient pas décourager le Batteur, qui tentait d’attirer son attention à voix basse, sans succès.
De l’autre côté, Roseann évitait le regard de Jonathan avec une gêne manifeste. Celui-ci était si plongé dans ses pensées qu’il le remarquait à peine. Quant à Drew, il n’avait jamais eu autant la tête ailleurs. Olivier n’était même pas sûr qu’il puisse attraper le Vif d’Or s’il se trouvait juste sous son nez.
C’était la première fois qu’il les voyait tous si absents. Ils n’étaient pas dans la compétition, trop occupés à se détester mutuellement, s’ignorer ou à se concentrer sur leurs problèmes personnels. La rencontre allait être une catastrophe, mais il ne savait pas comment améliorer la situation.
Il aurait bien aimé faire un de ses discours plein d’encouragement, leur communiquer sa motivation et son soutien. Malheureusement, sa dispute avec Katie était encore trop fraîche. Ses paroles ne cessaient de tourner en boucle dans sa tête, ce qui ne faisait qu’accroître ses incertitudes.
— Sur le terrain dans trois minutes, lança-t-il d’une voix rauque.
Il ne reçut en retour que des marmonnements peu enthousiastes. Il se tourna plein d’espoir vers Jonathan, mais son Capitaine enfilait sa cape le regard perdu dans le vide. Désespéré, Olivier alla jusqu’à regarder Cory, le suppliant du regard de dire quelque chose.
— N’hésite pas à leur dire quelques mots d’encouragement, chuchota-t-il.
— Moi ?
Son assistant rougit jusqu’à la racine de ses cheveux et remonta ses lunettes sur son nez d’un geste nerveux. Lorsqu’Olivier hocha le menton pour lui confirmer qu’il l’autorisait à prendre la parole, il s’éclaircit la gorge.
— Hum et bien… Courage tout le monde ! Vous allez les avoir ! Vous n’allez faire qu’une bouchée de ces Cerfs-Volants !
Son enthousiasme forcé tira quelques sourires un peu gênés chez Drew et Roseann. Selina, elle, le toisa du regard et ouvrit la bouche, sans aucun doute prête à le rabrouer.
— En piste, se hâta de dire à Olivier. N’oubliez pas toutes les techniques que nous avons pratiqué ces dernières semaines. Bon courage !
En passant, il donna une petite tape encourageante sur l’épaule de Jonathan, qui peina à lui retourner un rictus tordu. Il gagna sa cabine d’entraîneur d’un pas rapide, empruntant les escaliers étroits qui serpentaient derrière les gradins pour éviter la foule qui envahissait les bancs. Les rires et les conversations fusaient dans un brouhaha presque pénible. Le coeur étreint dans un étau, Olivier prit place dans sa loge, Cory à ses côtés.
Son regard fut attiré presque par automatisme quelques rangs plus bas, vers les rares supporters du Club de Flaquemare. Katie s’y trouvait, bannière à la main malgré leur récente dispute. Si cette vue l’apaisa, celle de son voisin l’irrita de nouveau. Il ne faisait aucune confiance à Terence Higgs.
— Ça va commencer, souffla Cory en se penchant en avant.
Sans y faire attention, Olivier l’imita, inquiet. En face de lui, dans la loge adverse, se trouvait l’entraîneur norvégien, qui paraissait bien plus calme et serein que lui. Cela ne lui disait rien qui vaille.
— Bienvenue à tous ! s’exclama le commentateur, sa voix augmentée d’un Sonorus se répercutant dans le stade sonore. Faisons bon accueil aux premiers joueurs de cette rencontre : les Cerfs-Volants de Karasjok, qui nous viennent de cette bonne vieille Norvège !
Olivier ferma un instant les yeux pour se ressaisir. Il ne pouvait pas se laisser dévorer par son trac. Il devait le maîtriser, le transformer en énergie positive. Et encourager ses joueurs du mieux possible, depuis sa loge de fortune.
Lorsqu’il souleva de nouveaux les paupières, les sept silhouettes bleues marines venaient d’entrer sur le terrain.
Alors que leur entraîneur se rongeait les sangs dans sa cabine, les joueurs du Club s’étaient rassemblés près de leur porte d’entrée sur le stade, leurs balais sur l’épaule. Avec un effort incommensurable, Jonathan chassa de son esprit ses soucis personnels, le temps de donner un bref discours d’encouragement.
— N’oubliez pas que si nous remportons ce match, nous avons une place assurée en huitièmes de finale, leur rappela-t-il.
— Quelle bonne nouvelle, marmonna Selina d’une voix sombre.
— On peut savoir ce que ça veut dire ? l’interrogea Roseann avec une certaine agressivité.
— Que rentrer à la maison serait tout aussi bien, répondit Millie à la place de sa coéquipière avec calme.
— Mais bien sûr, ricana Edmund. Ça fait des années qu’on bosse comme des malades pour une place en Coupe d’Europe et on arrêterait maintenant parce que certains ont des scrupules. Ridicule.
Son rire s’évanouit lorsqu’il vit les visages graves qui l’entouraient, la plupart de ses coéquipiers évitant son regard.
— Vous n’êtes pas sérieux ? s’effara le Batteur, incrédule. Depuis combien de temps est-ce qu’on rêve d’une telle opportunité, tous ? De se faire un nom, un joli palmarès, de remporter cette Coupe ? Et vous voulez tout jeter aux orties pour vos petits soucis personnels ?
— Tu ne peux pas comprendre, répliqua sèchement Aiden. Tu n’as personne qui t’attend chez toi.
— Et toi alors ? Si tu parles de la petite conne qui te mène par le bout du nez depuis plusieurs mois, laisse-moi te dire que…
Edmund n’a pas le temps de terminer sa phrase que son coéquipier le plaque contre le mur, une main sur son sternum et son regard dangereux planté dans le sien.
— Répète un peu ?
— Arrêtez de faire les idiots !
Roseann saisit fermement le poignet d’Aiden, qui ne semblait pas vouloir lâcher prise. Il fallut que Jonathan et Drew le tire en arrière pour qu’il accepte de lâcher Edmund du regard.
— C’est bon, c’est bon, s’agaça-t-il. Lâchez-moi.
— Écoutez, s’agaça Jonathan, les Flèches d’Appleby se sont faites écraser par les Catapultes de Caerphilly la semaine dernière à cause d’une mauvaise cohésion d’équipe. Alors on va mettre cette discussion de côté et on y reviendra après le match.
— Il a raison, approuva Roseann en prenant une profonde inspiration. D’abord le match. Ensuite on pensera à tout le reste.
Son Capitaine lui adressa un sourire reconnaissant qu’elle ignora. Aiden, toujours en colère et blessé dans son ego, s’éloigna de quelques pas, la mâchoire serrée. Millie ne répondit pas et pinça les lèvres, clairement en désaccord. Drew approuva vaguement du menton et Selina leva les yeux au ciel, épuisée par toutes ces bêtises.
— C’est à nous, lança-t-elle sèchement.
Et effectivement, le commentateur annonçait le nom de l’équipe d’une voix joyeuse. Sans un mot de plus, ils enfourchèrent leurs balais et décollèrent sans attendre. Dès l’instant où ils arrivèrent sur le stade, le niveau sonore augmenta considérablement, noyant presque la voix qui énumérait leurs noms. Quelques secondes plus tard, le Vif d’or était lâché, les Cognards aussi, et le Souafle était lancé.
Selina s’empara aussitôt du ballon rouge et slaloma entre les Poursuiveurs adverses qui fonçaient vers elle. Elle évita un Cognard et fit une passe à Millie, qui volait juste en-dessous d’elle. Cependant, avant qu’il n’ait pu atterrir dans ses bras grands ouverts, un des norvégiens s’en saisit, filant aussitôt vers les poteaux. Roseann tenta de lui barrer la route d’un Cognard, mais il l’évita habilement, feinta Aiden et marqua le premier but de la rencontre.
— Dix à zéro pour les Cerfs-Volants ! lança le commentateur. Le Club est en possession du Souafle.
C’était Jonathan qui avait repris le ballon, mais il le reperdit en quelques poignées de secondes. Alors qu’il tenta de feinter un des Poursuiveurs norvégiens sur la gauche, celui-ci sembla lire dans ses pensées et se dirigea immédiatement vers la droite, récupérant le Souafle à l’instant où il tenta de faire une passe à Selina. Il ne tarda pas à marquer un nouveau but, creusant l’écart. Jonathan jura et vola jusqu’à Millie, alors que le public applaudissait.
— On oublie les tactiques de ces dernières semaines, lui cria-t-il.
— Mais Olivier a dit que…
— Je me fiche de ce qu’à dit Olivier ! On dirait qu’ils lisent dans nos pensées, il faut qu’on soit plus imprévisibles.
Millie hocha le menton d’un geste sec et alla transmettre le mot à Selina.
Pourtant, leur changement de tactique ne fut pas des plus efficaces. Quels que soient les schémas de jeux qu’ils tentaient d’appliquer, même ceux de leurs vieux entraînements d’avant la compétition, les norvégiens semblaient déjà les connaître. Leur défense était imparable, leurs Poursuiveurs rapides et précis, leurs Batteurs redoutables. Plus les minutes passaient, et plus l’équipe était au supplice.
— Trouve-nous ce putain de Vif d’Or, Drew ! hurla Selina alors qu’elle passait à côté de lui.
— Et toi concentre-toi sur ton jeu, la réprimanda Jonathan avant que Drew n’ait pu répliquer.
Il n’osa pas ajouter à l’encontre de son Attrapeur qu’il ferait mieux d’être plus attentif. Il voyait bien son regard se faire vague parfois, alors même qu’il planait en cercles au-dessus des autres depuis le début du match.
Au bout d’à peine trente minutes de jeu, les norvégiens menaient le score cent-cinquante à quatre-vingts. Jonathan n’osait même pas regarder la cabine de l’entraîneur, où il savait qu’Olivier devait se liquéfier. Jamais ils n’avaient été en aussi mauvaise posture, même lors de leurs difficultés des précédents matchs.
— Bien joué ma belle ! lança Edmund à Selina, qui venait de marquer un but particulièrement serré.
— Reste loin de moi, lui cracha la jeune femme en passant, venimeuse.
— Edmund, derrière toi ! le prévint Jonathan, la panique affleurant dans sa voix.
L’Attrapeur adverse fonçait vers le sol, et Drew était loin derrière, bien trop loin pour espérer le rattraper. Edmund, ébranlé par la réplique de Selina, se figea. Heureusement, Roseann fut plus rapide. Elle réagit avec célérité, envoyant un Cognard sur la trajectoire du norvégien. Celui-ci dû faire une embardée pour l’éviter et le Vif d’Or fut de nouveau perdu dans la nature.
Millie avait profité de l’inattention des Cerfs-Volants pour marquer deux nouveaux buts, réduisant un peu l’écart. Reprenant espoir, Jonathan cria quelques encouragements en passant à côté de ses joueurs. La plupart n’était pas dans le match à 100%, et lui non plus pour être tout à fait honnête, mais au moins ils se battaient.
Chaque équipe marqua une fois chacune, amenant le score à cent-soixante à cent-vingt. Les anglais commençaient à reprendre un peu espoir, même si les norvégiens semblaient toujours anticiper le moindre de leurs mouvements.
Jusqu’à ce que leurs souffles s’arrêtent en voyant de nouveau l’Attrapeur des Cerfs-Volants foncer vers un petit point doré avec résolution.
Jonathan sentit son coeur tomber dans sa poitrine. Drew était à l’autre bout du terrain. Jamais il ne serait assez rapide pour espérer attraper la petite balle dorée.
Et sans doute aucun, les doigts de leur adversaire se refermèrent sur le Vif d’Or, signant la fin du match. L’explosion sonore des gradins fut assourdissante. Le public scandait les noms des Cerfs-Volants avec enthousiasme. Il n’y avait pas à dire, ils avaient été brillants.
Vidés d’énergie, les membres du Club atterrirent sans même un tour d’honneur, tout engourdis. Ils reprirent le chemin des vestiaires les pieds traînants, où ils s’assirent sur les bancs en silence, chacun ressassant dans son coin.
— Et bien peut-être qu’il n’y aura pas sujet à débat bien longtemps, dit froidement Millie.
— Ne dis pas ça, murmura Roseann.
— Tu ne veux pas rentrer chez toi peut-être ? On en a tous par-dessus la tête de l’éloignement avec nos familles. Si la saison se terminait plus tôt…
— On ne peut pas lâcher comme ça, l’interrompit Jonathan. Je sais que je suis le premier à souffrir de la distance, mais Olivier a eu raison de nous faire rester.
— Ah oui ? lança Selina avec un ricanement désabusé. Et pour quel résultat ?
— Arrête donc d’être aussi condescendante, répliqua Edmund.
— Pourtant elle a raison, appuya Aiden d’un air sombre.
La porte s’ouvrit, les interrompant brusquement. Olivier entra dans la pièce et à la surprise de tout le monde, il ne paraissait ni désespéré ni furieux. Juste un peu dépité.
— Je ne vais pas vous mentir, je ne suis pas surpris du résultat de cette rencontre, soupira-t-il.
Cory, qui le suivait comme toujours à la trace, le regardait avec appréhension, ses yeux anxieux dérivant quelques fois du côté des joueurs maussades.
— Tout d’abord parce qu’il est totalement évident que quelqu’un cherche à nous nuire et que l’équipe adverse avait été renseignée sur tous nos schémas de jeux, continua calmement Olivier. Je pense que vous ne pouvez plus le nier.
— Effectivement, grommela Jonathan.
— Bien. Ce n’est pas le seul problème, malheureusement. Détrompez-moi si vous n’êtes pas d’accord, mais personne n’était réellement impliqué dans ce match. Y compris moi.
Un certain malaise s’empara de ses interlocuteurs. Ils n’étaient pas censés avoir été témoins de sa dispute avec Katie, mais ils avaient tout entendu de leur querelle à propos de Terence, juste avant le match.
— Quoiqu’il en soit, rien n’est perdu, affirma Olivier. Il nous reste encore un match et nous pouvons toujours espérer d’aller en huitième de finale si nous le gagnons. Heureusement que nous sommes dans un groupe de cinq, trois équipes seront qualifiées donc nous avons encore toutes nos chances.
Il se tut un instant pour balayer du regard sa petite troupe découragée. Il ne savait pas comment les remotiver et les voir avec un moral aussi bas était plus que frustrant.
— Vous avez sept semaines avant notre prochaine rencontre, souffla-t-il d’une voix apaisante. Je pense que nous avons tous besoin de ce temps pour rentrer chez nous, nous reposer, retrouver nos proches et recharger nos batteries. Peu importe la défaite, on reviendra tous d’attaque pour arracher une victoire.
Cette dernière phrase arracha quelques sourires à certains.
Aiden, distrait, ne pensait qu’à Jade et son ultimatum. Il ne savait pas vraiment s’il était heureux de rentrer ou non. La perspective d’une maison vide le terrifiait.
Millie ne songeait à rien d’autre que Robb, son petit Robb qu’on menaçait de lui arracher. Greta avait dû le ramener en France suite à la plainte de Lynn qui avait aboutie. Le Magenmagot avait tranché, et la menace d’un procès planait dangereusement au-dessus de sa tête. Si la garde de Robb lui était retirée… Elle ne voulait même pas y penser.
Quant à Selina, elle n’éprouvait que soulagement. Se rapprocher de Nawell ne pouvait lui faire que du bien. Elle lui manquait affreusement et cela calmerait sans aucun doute sa culpabilité grandissante. S’éloigner d’Edmund quelques temps ne pourrait être que bénéfique.
Ce dernier était sûrement le seul à ne pas être enchanté à l’idée de rentrer chez lui. Non seulement il sentait que Selina lui échappait, mais en plus il allait devoir faire face à ses erreurs passées. Ses dettes de jeux s’accumulaient et il ne pourrait plus jouer à l’autruche bien longtemps.
Roseann, elle, n’attendait que l’occasion de s’éloigner de Jonathan. L’autre jour, alors qu’elle avait un peu abusé de la Bièraubeurre, elle lui avoué à demi-mots à quel point il l’obsédait. Depuis, elle l’évitait avec soin, affreusement gênée, même s’il ne devait même pas s’en être rendu compte. Pour lui, ce n’était que des paroles en l’air qu’il avait vite oubliées, des mots insignifiants.
D’ailleurs, la seule personne à laquelle il pensait en cet instant, c’était sa femme Mélissa. Il allait enfin pouvoir la serrer dans ses bras, la rassurer et lui chuchoter des mots doux. Au diable sa soeur et ses avocats, il allait profiter tranquillement de sa vie conjugale avant de se replonger dans cette querelle épuisante, et ce malgré son dernier coup bas. Laura avait osé aller jusqu’à impliquer leur vieille tante Moldue, atteinte d’une maladie neurologique et à qui elle n’avait pas adressé la parole depuis plus de dix ans.
Enfin, Drew était déjà en pleine réflexion pour savoir s’il devait profiter de ce temps pour aller voir sa grand-mère et lui dire tout ce qu’il avait sur le coeur. Ce serait peut-être la dernière fois qu’il la verrait, vu à quelle vitesse son état de santé se détériorait.
Olivier vit presque passer toutes ces pensées sur le visage de ses joueurs. Il les connaissait tous par coeur, et il savait à quel point ils étaient tourmentés en ce moment. Ils ne pouvaient pas se permettre de l’être en revenant.
— J’espère que vous réussirez tous à calmer vos démons intérieurs avant votre retour, conclut-il. Pour revenir à 200% dans cette compétition et remporter ce trophée qu’on attend depuis des années. Bonnes vacances à vous.
Il ne reçut en retour que des murmures, mais leurs visages plus apaisés étaient en soit une réponse. Olivier quitta les vestiaires le coeur plus léger, Cory sur ses talons.
— Qu’est-ce que tu prévois de faire pendant ces prochaines semaines ? lui demanda-t-il d’un ton distrait.
— Et bien, je vais sûrement rentrer chez mes parents, répondit son assistant en remontant ses lunettes de son geste habituel. Peut-être partir quelques jours en Écosse. Et puis bien sûr, je vais continuer à suivre les matchs dans la Gazette ! Essayer d’élaborer de nouvelles stratégies de jeux pour surprendre nos adversaires.
Il sourit timidement à l’ancien Gryffondor, cherchant comme d’habitude son approbation.
— C’est très bien tout ça, dit aussitôt Olivier. Bon programme !
— Et toi qu’est-ce que tu vas…
Cory n’eut pas le temps de finir sa phrase qu’une tornade brune se jeta au cou d’Olivier. Celui-ci dû se retenir au mur pour ne pas tomber, grimaçant à cause de son genou douloureux.
— Tout va bien ? demanda Katie, anxieuse. Comment tu te sens ? Et les autres ? Ils doivent être déprimés, pas vrai ? Vous avez toujours une chance vous savez, il ne faut pas baisser les bras !
Olivier laissa échapper un petit rire et s’écarta d’elle difficilement, s’échappant de son étreinte féroce.
— Calme-toi, dit-il avec un sourire amusé. Ils n’ont pas trop le moral, mais ça ira bientôt mieux. Ils vont rentrer chez eux pour un bout de temps, ça ne peut être que bénéfique.
— Tant mieux, soupira son amie. Je m’inquiétais vraiment, tu sais.
— Je sais. Écoute Katie, je suis vraiment désolé.
— Pour ? s’étonna-t-elle.
— Ce que je t’ai dit au début du match.
— Oh, ça. Laisse tomber, c’est déjà oublié, affirma-t-elle en agitant la main. On a tous les deux dit des choses qu’on ne pensait pas.
— Tu ne m’en veux pas ?
— Pas du tout. On rentre préparer nos affaires ? Il y a un Portoloin dans la soirée.
Étonné de s’en tirer à si bon compte, Olivier la suivit au-dehors, bras-dessus bras-dessous. Il se renfrogna aussitôt en voyant la silhouette de Terence qui patientait quelques dizaines de mètres plus loin.
— Qu’est-ce qu’il fait là ?
— Je t’en prie, ne sois pas si obtus, soupira Katie.
Cory, qui les avait suivi en silence, s’éclaircit la gorge, manifestement mal à l’aise.
— Je vais vous laisser, dit-il, gêné. À bientôt et bonnes vacances !
Il leur adressa un geste de main maladroit avant de tourner les talons, fuyant clairement la scène.
— C’est un Serpentard, lança alors Olivier, comme s’ils n’avaient pas été interrompus.
— Tu vas continuer longtemps avec cette rengaine ?
— Jusqu’à ce que Flint admette ce qu’il a fait.
— Écoute, je ne veux pas me disputer encore avec toi à ce sujet.
— Alors n’en parlons plus.
— Bien.
Katie s’éloigna un instant pour dire au revoir à Terence. Boudeur, Olivier jeta un coup d’oeil maussade sur Flint, qui attendait son ami un peu plus loin, en compagnie d’une jeune brune qui lui était totalement inconnue. Il l’avait vue plusieurs fois à ses côtés ces derniers temps, et cela éveillait sa curiosité. Il allait devoir se renseigner. Surtout si, comme il le soupçonnait, elle jouait un rôle dans cette histoire.
Lorsque Katie le rejoignit, elle fit comme si leur précédente discussion n’avait pas eu lieu, bien qu’un certain froid demeure entre eux. Elle ne comprenait pas pourquoi il ne voulait pas tourner la page sur des querelles vieilles de plus de vingt ans, et lui ne comprenait pas comment elle pouvait faire confiance aussi rapidement à des gens qui avaient tenté de ruiner leur scolarité. Autant éviter d’aborder le sujet.
L’équipe les rejoignit alors qu’ils arrivaient en vue de l’hôtel, dissipant le malaise entre eux. Olivier devait admettre qu’il partageait maintenant leur état d’esprit. Il n’avait plus aucune envie de perdre du temps et de l’énergie à enquêter sur le voleur qui mettait à mal leurs stratégies de jeux.
Il avait juste envie de rentrer chez lui et de se reposer. Cela ne pourrait leur faire que du bien, à tous.