Chapitre 1 : On va partir en voyage…
La brochure était tout ce qu'il y a de plus aguicheuse. Un soleil étincelant surplombait une mer bleue turquoise. Au premier plan, des coquillages avaient été déposés sur le sable fin de la plage, juste à côté d'un transat. Un peu plus loin, on apercevait un bar en bambou sous un parasol blanc. Des cocotiers lourds de fruits et un hamac venaient compléter ce tableau idyllique. En dessous de la photo, dans une typographie dorée les mots s'étalaient, tentateurs : Pour des vacances en toute sérénité, choisissez BEWITCHING HOLIDAYS !
Harry reposa la brochure avec un soupir de frustration. Il rêvait de pouvoir lézarder sur cette plage, plutôt que de gérer les dossiers qui s'empilaient sur son bureau depuis le début de la journée. Partir loin et oublier le stress quotidien de son boulot ne lui aurait pas fait de mal, songea t-il avec lassitude.
Il était fatigué et sur les nerfs ces derniers temps… Il avait tendance à oublier ses affaires un peu partout et à zapper des rendez-vous importants. L'autre jour, il avait même crié sur un suspect sans aucune raison. Il faut dire qu'Harry avait pris très peu de vacances depuis qu'il avait commencé à travailler en tant qu'Auror trois ans plus tôt. Ses congés se résumaient à une semaine à Noël et quelques jours en août. Il avait toujours l'impression qu'il ne pouvait pas s'arrêter sans se mettre en retard dans ce qu'il avait à faire.
Ron et Hermione lui avaient pourtant déjà proposé d'aller avec eux dans les Caraïbes. Il avait décliné parce qu'il avait vraiment trop de travail. Ses problèmes de couple avec Ginny n'avaient pas aidé non plus. Il n'avait pas spécialement envie de partir en vacances avec elle alors qu'ils passaient le plus clair de leur temps à se disputer. Mais maintenant qu'ils étaient séparés, songea t-il, il était peut-être temps qu'il s'accorde une pause bien méritée. Il jeta un nouveau coup d'oeil à la brochure. Peut-être que c'était un signe… Peut-être que…
« Qu'est-ce que tu regardes ? intervint alors une voix familière dans son dos, coupant court à ses rêves de voyage.
Ron Weasley travaillait dans la même division qu'Harry, aux affaires criminelles. Ils passaient ainsi le plus clair de leur temps ensemble. Harry ne s'en plaignait pas, bien au contraire. Travailler avec son meilleur ami avait tendance à rendre ses journées beaucoup plus supportables.
- Rien, s'empressa t-il de répondre, rangeant la brochure sous sa pile de dossiers.
- J'ai reçu la même, tu sais, pas la peine de la cacher ! s'amusa le rouquin en s'asseyant à côté de lui. Hermione dit que c'est un peu cher, mais, d'après une de ses amies, ça vaut vraiment le coup. Qu'est-ce que tu en penses ?
- Tu sais très bien que je n'ai pas le temps de prendre des vacances, rétorqua Harry en se saisissant du premier dossier de la pile. Regarde tout ce qui s'empile, je ne peux pas faire une pause !
Ron laissa échapper un petit rire.
- Mais, Harry, tout le monde y arrive ! Même le boss, même moi (et je te rappelle que j'ai exactement le même poste que toi) et même Hermione ! Tu ne vas pas me dire que tu es plus un bourreau de travail qu'elle, quand même ?
Harry devait admettre que c'était un argument valable. Travailler plus qu'Hermione Granger ne pouvait pas être bon pour sa santé. Quand ils étaient à Poudlard, Ron et lui devaient souvent la forcer à sortir le week-end, et il se souvient s'être souvent fait du soucis en voyant les énormes cernes sous ses yeux.
Il poussa un long soupir avant de répondre :
- Tu as sans doute raison… J'aurais bien besoin d'une pause, fit-il en se passant la main sur le visage. Seamus et Terry seront largement capables de gérer tous les dossiers en notre absence... En plus, elles ont l'air bien, ces vacances.
Les lèvres de Ron s'étirèrent en un grand sourire joyeux, comme s'il s'attendait à cette réponse de la part de son meilleur ami. Il posa sa main sur l'épaule d'Harry.
- Eh bien, ça tombe à pic ! s'exclama t-il. Hermione a déjà réservé trois places pour une île paradisiaque dans le Pacifique.
- Q-quoi ? fit Harry, totalement pris au dépourvu. Mais… Pourquoi trois places ?
- Bah… Hermione, toi et moi. Comme au bon vieux temps ! s'amusa Ron avant de consulter sa montre. Bon, je retourne travailler sinon le boss va me tuer. Il est tellement à cheval sur la durée des pauses…
Il ouvrit la porte du bureau d'Harry, prêt à retourner interroger le témoin du braquage de la nuit dernière.
- Mais, mais… Comment vous pouviez savoir que j'allais vouloir partir en vacances ? insista le brun.
Ron s'arrêta sur le seuil.
- Hermione a dit qu'on t'emmènerait de gré ou de force, fit-il avec un haussement d'épaules.
- Quoi ? Mais… Pourquoi ?
- Elle trouve que tu te surmènes… Et moi aussi d'ailleurs. Au fait, tu poseras tes congés sur les deux dernières semaines du mois prochain. Pour le reste, on s'occupe de tout !
Puis il disparut dans le couloir. Harry poussa un soupir. C'était tellement typique d'Hermione de se faire trop de souci pour lui ! Mais, pour une fois, il n'allait pas se plaindre : il partait enfin en vacances !
Blaise contempla son dixième café de la journée avec circonspection. Il n'était que deux heures de l'après-midi, mais il avait l'impression d'être resté debout trois jours de suite. Depuis quand son boulot était-il devenu un tel enfer ?
Il profita de cet instant de répit pour consulter son téléphone portable. Pansy avait envoyé douze messages sur la conversation avec Drago. Depuis qu'elle avait acheté un portable pour communiquer avec eux, elle ne le lâchait plus, constata Blaise avec amusement. Et dire qu'au départ, elle criait à qui voulait l'entendre que la mode des objets électroniques moldus était totalement ridicule...
Pansy : Hey les gars, vous êtes là ?
Pansy : Vite, c'est important.
Elle avait envoyé la photo d'un magnifique soleil couchant sur une mer sans vague.
Pansy : Il y a des promos sur les vacances sorcières ! Répondeeeeeez !
Avec un sourire amusé, Blaise cliqua sur le lien que lui avait envoyé son amie. Il s'agissait d'une agence sorcière qui proposait des voyages un peu partout dans le monde, réservés aux membres de la communauté magique. Bewitching Holidays… Pas terrible comme nom, songea Blaise. Mais leurs séjours, en revanche, avaient l'air incroyables, se dit-il en parcourant la brochure.
Drago : Laisse-nous bosser.
Pansy : :( :(
Pansy : Quel rabat-joie, celui-là… Et toi Blaisou ? Quelque chose qui te tente ?
Pansy : Y'a un séjour dans une île du Pacifique qui l'air trop bien ! Allez, svp les gars ! J'en ai trop marre de mon boulot ! Je vais tuer Granger si ça continue !
Blaise savait qu'il aurait été plus raisonnable ne pas répondre. Pansy se lassait vite quand on ne réagissait pas à ses idées farfelues. Et il devait se remettre au travail, de toute façon.
Et puis, ce n'est pas comme s'il avait vraiment besoin de se prendre des vacances… Il n'était pas le genre à avoir besoin de se reposer. La preuve, il tenait très bien avec ses dix doses de caféine !
Pourtant, il ne pu s'empêcher de jeter un oeil au séjour que Pansy proposait. Hôtel quatre étoiles avec plage, piscine, sauna, salon de massage et terrain de Quidditch… On pouvait difficilement trouver plus tentant.
Pansy : Il y a même des cours de plongée… De ski nautique… De surf…
Blaise se pinça la lèvre. Il adorait par-dessus tout ce genre d'activités aquatiques.
Drago : Pansy, je suis avec un client ! Arrête d'envoyer des messages ! Et de toute façon il est hors de question que je parte en vacances à l'improviste !
Pansy : Rrrr… T'es vraiment pas drôle !
Drago : Je m'en fous. Cdlt, Drago Malefoy.
Pansy : Ne me Cdlt pas !
Drago : Je te Cdlt quand je veux.
Blaise : Ok pour les vacances.
Le message s'était presque envoyé tout seul. Blaise l'avait tapé sans réfléchir. Mais, à la réflexion, il ne regrettait pas vraiment.
L'explosion de joie de son amie ne se fit pas attendre.
Pansy : C'est vrai ?
Pansy : Yeeeeesss. Je commence à faire mes bagages TOUT DE SUITE !
Pansy : Quoique… Je ne suis pas sûre que ma boss sera d'accord pour m'accorder des congés dès la semaine prochaine. Qu'est-ce que vous pensez de la fin du mois de juin ? Ca nous laisse le temps de prévenir nos patrons.
Blaise : Ouep, pas de problème.
Drago : Whaaat ? Mais qu'est-ce que vous racontez encore ?
Le plus dur maintenant allait être de convaincre Drago, songea Blaise. Mais pour cela, il faisait amplement confiance à Pansy.
Drago fixa son écran de portable avec consternation. Pansy et Blaise allaient vraiment le rendre fou.
« J'en peux plus d'eux… grommela t-il dans sa barbe.
- Tu n'en peux plus de qui ? intervint la voix malicieuse de sa collègue de bureau, Astoria Greengrass. Si c'est encore les Brown, je te rassure, ils…
- Non, non, la coupa Drago. Je ne te parle pas de clients, mais de mes amis. Ils sont juste insupportables en ce moment.
Astoria leva un sourcil ironique. Rêvait-elle ou les amis de Drago lui avaient encore joué un mauvais tour ?
- Qu'ont-ils fait de si terrible cette fois ? La semaine dernière, si je me rappelle bien, ils avaient osé acheter de nouveaux chaussons à sa majesté sans la consulter, railla t-elle.
- C'était des putains de chaussons licornes ! s'énerva Drago en tapant du poing sur son bureau. Franchement, c'est quoi ce genre de blagues pas drôles ? J'ai été obligé de les ramener au magasin, sous les yeux consternés des autres clients...
Astoria se pinça la lèvre pour se retenir d'éclater de rire. Blaise et Pansy avaient vraiment une imagination débordante… Et surtout une capacité hors du commun à énerver Drago.
- Et de toute façon, cette fois-ci, c'est bien pire, se plaignit le jeune avocat.
- Ils t'ont acheté une chemise qui ne va pas avec ton teint ? s'amusa sa collègue.
Drago la fusilla du regard.
- Ils ont décidé de réserver des vacances sans mon autorisation ! Sérieusement, c'est quoi leur problème ?
Cette fois-ci Astoria laissa échapper un gloussement moqueur.
- Eh bien, ça ne te fera pas de mal, conclut-elle en se levant pour sa pause jus de citrouille. Tu es trop tendu en ce moment, de toute façon.
Drago poussa un soupir résigné. Il avait vraiment l'impression que jamais personne ne le comprenait ! Il avait une montagne d'affaires à gérer en ce moment, il était hors de question qu'il parte en vacances, que cela plaise à Pansy et Blaise ou non !
« Donc vous prendrez trois gorgées de potion anti-rhume le soir avant de vous coucher, et une goutte de bave de crapaud au réveil… récita Théodore sans aucune conviction.
- Oh nooon, je déteste la bave de crapaud ! protesta sa patiente. S'il-vous-plaît docteur, est-ce que vous pouvez me mettre quelque chose de plus agréable ?
Elle ponctua son propos d'un battement de cils qu'elle pensait sans doute ravageur, sous sa demi couche de maquillage renforcée par un usage abusif du sort glamour. Théodore soupira intérieurement : il n'en pouvait plus de ces patientes qui pensaient qu'elles pouvaient draguer leur médecin en toute impunité ! Vivement qu'il soit embauché à Sainte Mangouste en tant que Médicomage d'intervention. Il n'en pouvait plus d'exercer dans son petit cabinet. Déjà, il ne faisait que soigner des rhumes ou des dragoncelles, et en plus ses patients se croyaient tout permis !
- Si vous voulez guérir, il va falloir faire des efforts, rétorqua sèchement le jeune Médicomage avant d'aller ouvrir la porte du cabinet pour lui signifier que la conversation s'arrêtait là.
La jeune femme n'essaya pas d'insister d'avantage et sortit, une moue contrite sur le visage. Elle avait probablement compris que c'était peine perdue. Théodore n'était pas du genre à changer d'avis, et certainement pas à cause d'un décolleté plongeant.
Il allait appeler le patient suivant lorsqu'il reconnu son amie Tracey Davis, assise sur une des sièges de la salle d'attente. Il remarqua immédiatement qu'elle avait les yeux rouges, comme si elle venait de pleurer.
- Tracey ? fit-il, surpris, en se rapprochant d'elle. Il y a un problème ?
La jeune femme leva le nez dans sa direction.
- Théodore… souffla t-elle. Je… Je voulais te parler. Est-ce que tu as un moment ?
- Euh… J'ai cinq minutes à t'accorder si tu veux… Mais après je dois reprendre mes consultations.
Elle hocha la tête en signe de compréhension.
- Oui bien sûr, c'est normal. C'est juste que… J'avais besoin de te parler.
Inquiet de la voir dans cet état, il la conduisit dans son cabinet pour pouvoir discuter avec elle plus tranquillement.
- Quelque chose ne va pas avec Terence ? demanda t-il immédiatement.
Pour toute réponse, Tracey hocha la tête avant de s'asseoir sur une des chaises réservées aux patients.
Théodore poussa un soupir. Il avait redouté ce moment. Cela faisait des semaines que le couple de Tracey battait de l'aile.
- Il… Il est parti ce matin… souffla t-elle, au bord des larmes à nouveau. Je lui ai demandé de faire ses affaires.
Théodore ne pouvait pas dire qu'il allait regretter Terence. Il ne l'avait jamais beaucoup apprécié, mais ça lui faisait mal de voir Tracey aussi triste.
- Je n'en pouvais plus de cette situation Théodore… On arrêtait pas de se disputer. Et puis, il y avait cette fille à qui il envoyait des messages… Je suis sûre qu'il se passait quelque chose entre eux.
Elle s'effondra en sanglots. Désarçonné, Théodore resta planté quelques secondes à la regarder pleurer, avant de se ressaisir et de la prendre dans ses bras.
- Je l'aime pourtant ! gémit-elle. C'est trop dur. Il me manque déjà…
- Ca va aller… chuchota maladroitement Théodore en passant sa main dans le dos de son amie. Regarde-moi… Après ma rupture je n'étais pas bien du tout. Tu m'as bien vu. Et maintenant, ça va mieux... Tu vas t'en sortir Tracey, je te le jure.
Tracey hocha faiblement la tête.
- Le pire dans tout ça… soupira t-elle. C'est qu'on avait réservé des vacances ensemble. J'étais tellement excité à l'idée d'y aller ! Je ne sais pas comment je vais faire maintenant. Terrence dit qu'il s'en fout. Je devrais sans doute revendre les places mais...
Elle fit une pause de quelques secondes, paraissant réfléchir.
- Tu ne voudrais pas venir avec moi sinon ? demanda t-elle finalement, sa voix encore tremblante.
- Hein ? fit Théodore bêtement. Quoi ?
- Ce sont des super vacances dans le Pacifique. Je suis sûre que ça nous ferait du bien à tous les deux, d'y aller entre célibataires ! Qui sait, on pourrait se taper des beaux inconnus… s'enthousiasma t-elle soudain.
- Euh… Pourquoi pas… répondit Théodore, encore un peu surpris par la proposition de Tracey. Il faudra que je trouve un médicomage remplaçant, mais ça me parait possible…
Elle leva vers lui un visage encore inondé par les larmes, mais souriant.
- Oh, tu es le meilleur Théodore ! J'ai tellement hâte !