Hermione n'avait pas hésité un instant. Quand elle avait appris que la spécialité qu'elle recherchait n'était pas proposée à l'Université Sorcière de Grande-Bretagne, elle avait contacté toutes les écoles du monde sorcier jusqu'à trouver son bonheur. Mi-août, elle partirait donc pour l'Université Sorcière Malienne, ou USM, installée dans les mêmes locaux que l'Institut Kèdjougou, afin d'y suivre des études de droit avec une spécialisation en Législation Appliquée aux Créatures Magiques.
Ron avait beaucoup hésité. Certes, il aimait Hermione et se disait prêt à la suivre jusqu'au bout du monde, mais il pensait que ça resterait au sens figuré. Il n'était pas vraiment emballé à l'idée de partir au fin fond de l'Afrique pour plusieurs années au lieu de suivre des études d'Auror à Londres avec son meilleur ami.
Après de nombreuses heures de discussion, ils étaient finalement arrivés à un compromis : le cursus de Ron ne commençant que fin septembre, il accompagnerait sa dulcinée au Mali pour quelques semaines avant de décider s'il s'inscrivait lui aussi à l'USM ou s'il retournait en Angleterre.
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La première chose qui les frappa à l'arrivée du portoloin fut la chaleur. Ils avaient heureusement été prévenus et portaient des vêtements adaptés, mais ils eurent quand même l'impression d'étouffer en sortant de l'aire d'arrivée. Le contraste était d'autant plus saisissant que cet été 1999 avait été particulièrement frais.
La deuxième fut l'ambiance. Ils se trouvaient sur l'équivalent local du Chemin de Traverse, mais ne voyaient pas beaucoup de points communs entre les deux artères commerçantes. Oubliés la grisaille londonienne, l'alignement ordonné des boutiques, la foule tranquille. Ici, tout était bariolé, coloré, bruyant, désordonné. En plus des magasins qui la bordaient, la rue était encombrée d'étals qui prenaient parfois toute la place, obligeant les passants à les contourner en se collant aux murs. Certaines échoppes diffusaient une forte odeur de nourriture, d'animaux ou de potions. Des fumées colorées s'échappaient de divers chaudrons, masquant partiellement la vue. Des créatures toutes plus exotiques les unes que les autres voletaient, marchaient ou rampaient à la suite de leur propriétaire. Certaines personnes se déplaçaient dans la foule en balai ou en tapis volant. Et tout ça dans une cacophonie de cris d'animaux, de sifflements, de bourdonnements, et d'appels dans plusieurs langues.
Hermione et Ron restèrent un long moment bouche bée devant ce spectacle, avant de se mêler à la foule pour essayer de trouver un moyen de rejoindre l'Institut. Ils se firent bousculer à de nombreuses reprises, manquèrent de se faire renverser par un tapis volant qu'ils n'avaient pas vu arriver, reçurent des plumes dans le visage quand deux perroquets décidèrent de se battre au-dessus d'eux, mais n'arrivèrent absolument pas à trouver ce qu'ils cherchaient. Les instructions reçues par Hermione semblaient pourtant simples : ils devaient aller à la « Boutique des Transp-eau-rts » rencontrer un certain Aasim Dayo, qui les aiderait à atteindre leur but. Mais une fois sur place, elles devenaient beaucoup moins claires : ils avaient bien rencontré plusieurs vendeurs de moyens de transport mais aucun ne s'appelait Aasim, et aucune enseigne n'était visible pour les aider.
Finalement, la patience de Ron atteignit ses limites. Avisant un banc presque libre, en-dehors d'un homme qui lisait son journal, il s'assit dessus et refusa d'en bouger, ce qui énerva prodigieusement Hermione.
– Ron, arrête de faire l'enfant, on doit continuer à chercher ! À moins bien sûr que tu ne préfères passer la nuit dehors ?
– Mais tu vois bien que ça ne sert à rien, ça fait deux heurs qu'on tourne en rond ! Je meurs de chaud, j'ai faim, je suis fatigué, et on n'a pas avancé d'un iota, alors si tu veux continuer, ce sera sans moi, point barre.
– Bon, d'accord, mais on s'arrête juste cinq minutes, soupira Hermione. Il faudra bien qu'on reprenne les recherches ensuite.
– Ou alors, on retourne là d'où on vient et on utilise la cheminée pour demander l'adresse, comme je l'ai proposé il y a une heure.
– Mais combien de fois faudra-t-il te le dire ? IL-N'Y-A-PAS-DE-CHEMINÉE-À-KÈDJOUGOU ! On n'a aucun moyen de les contacter si on ne trouve pas cet Aasim.
– Pays de fous, marmonna Ron. C'est pourtant pas compliqué d'avoir une cheminée.
– C'est vrai que par cette chaleur, c'est indispensable, ironisa Hermione. Bon, réfléchissons calmement, est-ce que tu vois où pourrait être la Boutique des Transp-eau-rts ? On pourrait essayer de la chercher d'en haut, si quelqu'un accepte de nous prêter un tapis volant.
– Mais comment tu veux qu'on distingue quoi que ce soit dans ce bazar ! s'énerva Ron. Il faut te faire une raison, on ne trouvera jamais ta foutue boutique et ton satané Aasim Dayo, on n'a qu'à rentrer à Londres et...
– Excusez-moi, vous cherchez Aasim Dayo ? l'interrompit son voisin, levant la tête de son journal.
– Vous le connaissez ?
– Bien sûr, tout le monde ici connaît le grand Aasim, seigneur des eaux et des passages.
Il avait dit cela avec une certaine emphase, dévisageant les deux jeunes gens comme s'il se demandait qui pouvait ne pas connaître une telle personnalité.
– Et vous pourriez nous conduire à lui ?
– Sa boutique est juste au coin, là-bas, celle avec le crocodile sur la devanture. Vous la voyez ?
Les deux Anglais tournèrent la tête, leur regard tombant immédiatement sur un crocodile en bois grandeur nature accroché en haut d'une vitrine, à peine dix mètres plus loin. Hermione se retourna vers Ron, l'air excédé :
– Tu vois, si tu n'avais pas fait l'idiot on serait déjà arrivés à la Boutique.
– Ou plutôt on serait passés devant sans la voir et on aurait marché beaucoup plus, alors tu devrais plutôt me remercier.
Hermione soupira à nouveau devant l'air suffisant de son petit ami. Renonçant à lui faire la leçon elle remercia leur sauveur, qui les regardait toujours avec curiosité, et se dirigea vers la fameuse Boutique des Transp-eau-rts.
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L'intérieur de la Boutique était encore plus dépaysant que la rue. Les étagères regorgeaient de poupées de chiffon de toutes les tailles mais toutes identiques, grisâtres, sans cheveux et sans vêtements, ce qui ne manqua pas d'étonner nos voyageurs. Des milliers d'aiguilles, dont le manche montrait au contraire une diversité impressionnante de formes et de couleurs, s'étalaient dans des présentoirs répartis dans la salle. Il y avait aussi de nombreux bocaux d'ingrédients tous plus étranges les uns que les autres, et dont il valait mieux ne pas connaître le contenu exact. Ron jurerait même plus tard à Harry qu'il avait aperçu des têtes humaines miniatures pendues au plafond – mais à vrai dire il avait détourné le regard bien trop rapidement pour pouvoir en être certain.
Même sans tenir compte des produits présentés, le lieu valait le coup d'œil : si de l'extérieur on aurait dit un magasin comme les autres, plus on s'avançait à l'intérieur et plus le décor changeait. En fait, ils eurent rapidement l'impression d'être dans une grotte. Au point d'ailleurs qu'ils remarquèrent une rivière qui coulait au fond de la salle.
Mais le plus étonnant était Aasim Dayo lui-même. En effet, alors qu'ils se pensaient seuls dans la boutique, leur attention fut attirée par un bruit venant de la rivière. Ébahis, ils virent alors un crocodile se dresser face à eux depuis le milieu de l'eau, avant de leur demander du haut de ses cinq mètres ce qu'ils attendaient de lui. Voyant qu'ils ne lui répondaient pas, il insista :
– Bienvenue dans ma boutique. Je suis Aasim Dayo, seigneur des eaux et des passages, que puis-je pour vous ?
Hermione reprit ses esprits la première.
– Vous êtes Aasim Dayo ? Celui qui peut nous conduire à l'Institut Kèdjougou ?
Aasim acquiesça d'un air mystérieux.
Il sortit de l'eau, récupéra deux poupées de taille moyenne et les modifia d'un sort informulé afin qu'elles prennent l'apparence de ses visiteurs. Il choisit ensuite soigneusement deux aiguilles, qui portaient ce qui ressemblait à de petits arbres, et les planta chacune dans le front d'une des poupées. Les deux Anglais le regardaient faire, intrigués, sans comprendre comment ceci pourrait les aider. Hermione ne perdait pas une miette du rituel qui se déroulait sous ses yeux, enchantée de découvrir de nouvelles pratiques magiques, tandis que Ron commençait à perdre patience. Il s'apprêtait à interrompre le crocodile quand une brusque sensation de froid les prit au niveau du front avant de s'étendre à tout leur corps. Quand la sensation s'estompa, ils regardèrent autour d'eux et découvrirent, stupéfaits, qu'ils avaient quitté la grotte et se trouvaient maintenant dans un bureau circulaire semblant creusé dans un arbre. Une très belle femme à la peau cuivrée les regardait, amusée de leur surprise, puis elle leur lança :
– Bienvenue à l'Institut Kèdjougou, la seule école de magie où l'on pénètre grâce au vaudou ! Je vous conseille d'ailleurs de faire attention aux poupées qui se promènent dans l'école. Elle ne vous feront aucun mal, elles font juste partie du mécanisme de défense de l'école, mais elles adorent faire des blagues aux nouveaux venus
Hermione était ravie, en faisant ses études dans un pays si différent du sien elle allait probablement découvrir encore plein de magies qu'elle ne connaissait pas, comme celle qu'ils venaient d'expérimenter ou ces poupées de défense.
Ron était loin de partager son enthousiasme. La perspective de subir quotidiennement des magies nouvelles à l'effet inconnu ou de se faire importuner par des morceaux de chiffon animés ne l'enchantait absolument pas. Par la barbe de Dumbledore, mais dans quoi s'était-il donc laissé entraîner ?