Cela faisait maintenant trois jours qu'ils étaient arrivés au Mali. Ils avaient pu s'installer tranquillement et prendre leurs marques, même si c'était un bien grand mot dans un lieu à l'architecture changeante comme l'Institut Kèdjougou. En effet, le chemin de leurs appartements au réfectoire de la partie universitaire n'était pas toujours le même, ce qui avait failli signer la fin du séjour africain de Ron : comment rester dans un lieu où l'on ne pouvait être sûr de pouvoir participer au repas ? Heureusement, les étudiants qui connaissaient l'établissement n'hésitaient pas à les aider, et la nourriture étant délicieuse Ron était finalement revenu à de meilleurs sentiments.
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Ce jour-là, Hermione assistait à son premier cours, un préambule à l'ensemble de ses matières de Droit, partagé entre plusieurs enseignants. Le premier professeur, un Africain très enjoué, leur parla pendant près d'une heure des raisons pour lesquelles des lois à propos des animaux et créatures étaient nécessaires :
– Et je suis sûr que vous avez déjà tous abordé le Focifère en cours ! Non ? Enfin, cet oiseau magnifique que vous voyez en photo derrière moi, personne ne le connaît ?
– J'en ai vu sur le marché, en arrivant, très jolis mais bien silencieux ! intervint une étudiante installée au fond de la salle.
– Vous faites erreur, jeune fille, ils sont au contraire très bruyants si on les laisse s'exprimer. Mais cette possibilité doit leur être retirée si on ne veut pas finir comme Ulric le Follingue. C'est là où je voulais en venir : si la production, la vente et la possession de Focifères n'étaient pas correctement encadrées, on courrait un véritable danger !
Il continua sur sa lancée un long moment, au grand dam d'Hermione qui ne le trouvait pas très intéressant, avant de laisser sa place à une vieille Amérindienne beaucoup plus posée. Celle-ci intervenait à propos des Êtres et des droits qu'il convenait, ou non, de leur accorder. Elle s'attacha notamment à différencier ce qui pouvait être fait de ce qui devait l'être, en tenant compte à la fois des volontés des deux parties mais aussi de l'acceptation de la société :
- Comme l'a dit un écrivain moldu très connu, « plus nos lois tendront à une impossible égalité, plus nous nous en écarterons par les mœurs ». Dans notre contexte, nous pouvons comprendre ça comme « plus on donne de droit à des Non-Humains, plus ils ont de risque d'être rejetés ». C'est pourquoi toute avancée dans leurs droits doit être mûrement réfléchie, afin de ne pas faire plus de mal que de bien.
À cette phrase, Hermione s'empourpra : n'était-ce pas exactement ce qu'elle avait tenté avec la S.A.L.E, faire avancer la condition des elfes à tout prix sans réfléchir aux conséquences ? Elle se jura de prêter la plus grande attention à l'enseignement de cette dame, qui promettait d'être particulièrement intéressant.
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Ron, en attendant sa petite amie, commençait à avoir faim. Il hésita un peu à aller seul au réfectoire, certain de ne trouver aucun étudiant dans les couloirs à cette heure, mais la faim finit par l'emporter sur la prudence.
Il partit dans la direction qu'ils avaient empruntée le matin même, espérant que l'école n'aurait pas eu le temps ou l'envie de changer. Cependant, au bout d'une dizaine de minutes, il dut se rendre à l'évidence : il était perdu. Inquiet à l'idée de ne pas retrouver son chemin, il décida d'ouvrir une des portes qu'il voyait autour de lui dans l'espoir de trouver des gens à qui demander de l'aide.
Mal lui en prit.
Il se retrouva face à une créature monstrueuse, dotée de huit pattes velues et de multiples yeux jaunes. Il se mit à hurler et s'apprêta à refermer violemment la porte, terrorisé, mais c'était sans compter la célérité de son vis-à-vis. La porte se rouvrit, il se sentit tiré vers l'intérieur, tout près de l'objet de sa terreur, et la porte se referma dans un claquement sec. Les poils de la créature le chatouillaient, accentuant sa panique
– C'est ainsi que l'on salue les inconnus là d'où tu viens, petit Homme ? demanda la créature d'un air... pincé, du moins Ron l'interpréta ainsi. Il était cependant trop terrifié pour répondre.
– Et bien, petit Homme, tu ne parles pas ?
– S... si, bien sûr, répondit-il difficilement.
– Et c'est là ta notion du respect, partir en courant et en me déchirant les oreilles sans même t'excuser après avoir pénétré sans prévenir dans mon antre ? Ce sont là les coutumes de ton peuple ?
– N... non, mais euh... je ne m'attendais pas... vous êtes...
– Je t'ai fait peur, peut-être ? Ron aurait juré que la créature le raillait.
– Et bien oui, vous ressemblez tellement à une araignée.
– Et si j'en avais été une ? Est-ce que ç'aurait été une raison pour me déranger de la sorte sans t'excuser petit Homme ?
Ron rougit jusqu'à la racine des cheveux. Pour lui, la présence d'une araignée aurait justifié n'importe quelle réaction de fuite, mais il sentait bien que cette réponse ne satisferait pas son vis-à-vis. D'ailleurs, en y réfléchissant, il se doutait qu'Hermione aurait été d'accord avec ce dernier, justifiant que tout être vivant avait droit au respect. Mortifié, il se rendit compte que ce qui ressemblait à une monstrueuse araignée était en train de lui infliger une sévère leçon de savoir vivre.
Faisant ce qui semblait le plus sage il s'excusa donc platement, avant de demander son chemin comme il l'avait initialement prévu. Dès qu'il eut repris un ton plus respectueux, la créature s'amadoua et fut prompte à l'aider. Le réfectoire étant vide en dehors des repas, elle alla même jusqu'à lui indiquer l'entrée des cuisines, afin qu'il puisse réellement se restaurer. Il ne se fit pas prier pour suivre ses indications, cette discussion singulière lui ayant d'autant plus ouvert l'appétit.
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En arrivant près des cuisines, Ron huma l'air, heureux de sentir qu'il se rapprochait de son but. C'est alors qu'il eut un déclic : contrairement à ce qu'on aurait pu attendre, le monstre qu'il venait de rencontrer ne sentait pas mauvais. Il avait au contraire une odeur délicate, agréable, printanière même. Voilà qui remettait d'autant plus en cause les certitudes de l'Anglais !
Il s'installa à la table désignée par les cuisinières – la cuisine n'était pas faite par des elfes ici mais par des femmes tout à fait humaines – et commença son encas, composé de beignets savoureux, épicés juste à son goût et d'une boisson très fraîche, qui piquait le nez mais caressait les papilles.
Malgré son estomac plein, Ron ressassait toujours sa rencontre avec l'"Autre". Certes, la créature l'avait attrapé violemment, mais c'était suite à sa propre intrusion. Au final, celui qui s'était montré le plus civilisé des deux n'était peut-être pas celui qu'on aurait imaginé.
Décidément, Ron ne se sentait pas à l'aise avec cette histoire, il avait bien trop l'impression d'avoir appris une cuisante leçon de la part d'un monstre pour y repenser sans honte.