« Une fois arrivé par Portoloin, allez dans l'impasse du Sphynx, où se trouve le portail pour le quartier sorcier. Une fois passé du côté sorcier, rendez-vous à la succursale de la Banque. Vous vous présenterez à l'accueil puis rejoindrez votre chef d'équipe qui vous indiquera votre première mission pour nous. »
Voilà les instructions que le jeune homme avait reçu de la part d'Alguff, le gobelin référent de Gringotts pour les travaux étrangers, avant de poser sa main sur une tasse ébréchée qui l'avait fait tournoyer puis atterrir brutalement sur du sable. Du sable fin, brûlant.
Du sable d'Egypte, s'était enthousiasmé Bill, avant de se relever et d'épousseter ses vêtements. Il semblait avoir atterri à l'extérieur de la ville, dans un coin peu fréquenté.
Suivant les directives données, il avait ensuite ramassé son sac en bandoulière et s'était faufilé dans les ruelles. La chaleur qui régnait dans ce pays lui changeait agréablement du climat d'Angleterre. Sentir ses cheveux coller ainsi à sa nuque, voir ce soleil qui éclairait les bâtiments de couleur crème, entendre les personnes aux alentours converser entre les étals colorés, tout ceci lui rappelait à quel point il était désormais loin de chez lui.
Des bruits de klaxon le firent se décaler sur le côté avant de s'engager dans des rues plus piétonnes.
Une chose le tracassait tout de même. Les gens le dévisageaient. Beaucoup. Etait-ce parce qu'il était roux ? Qu'il tenait une carte dans sa main ? Ou parce qu'il ne portait pas les mêmes habits qu'eux ? Bill n'en savait trop rien. Sa veste en cuir lui sembla tout à coup un peu trop voyante, un peu trop décalée face à ces gens vêtus de longues robes en lin. Au mieux, il passait pour un touriste moldu. Au pire, pour un farfelu. Et qu'est-ce qu'il avait chaud, vêtu ainsi !
Pourquoi le gobelin de Londres ne l'avait-il pas prévenu qu'il risquait de détonner dans cet accoutrement ? pesta-t-il.
Décidé à ne pas se soucier de tels détails, Bill reprit la lecture de sa carte, sur laquelle on pouvait voir ses pas se rapprocher de l'impasse du Sphynx. Un virage à droite plus tard, il était arrivé dans la fameuse ruelle.
Autour de lui, impossible de distinguer les moldus des sorciers. Vingt mètres plus loin, il se trouva face à un mur de pierres où l'on distinguait les traits d'un Sphynx en bas-relief. Il était au bon endroit.
Mais comment passer ce portail ?
Encore une fois, le jeune homme maudit Alguff qui ne lui avait pas donné assez d'informations.
Personne ne semblait se diriger dans la même direction que lui. Soit il n'y avait pas de sorciers dans les environs à cette heure-ci, soit ceux-ci craignaient qu'il ne soit un moldu curieux et ne tenaient pas à se trahir devant lui.
« Réfléchis, Bill ! Tu es un Briseur de sorts, par Merlin ! Tu devrais pouvoir trouver la solution à ce problème. »
Serrant sa baguette dans son poing droit, il se pencha près du mur. Allohomora ? Trop évident. En plus, il n'y avait de poignée ici.
Nope, aucune porte. En fait, tout cela ressemblait plutôt à un passage secret.
« Dissendium. » souffla-t-il en faisant un léger moulinet du poignet.
Le bas-relief représentant le Sphynx s'enfonça dans le mur dans un bruit de frottement de pierres. Et, en moins de temps qu'il n'en faut pour dire Quidditch, le pan du mur devant lequel Bill se trouvait se mit à tourner sur lui-même, emportant le jeune homme avec lui de l'autre côté.
Etonné, le jeune Weasley tâta avec précaution le mur de pierre qu'il venait de franchir. Le Sphynx sculpté était toujours présent, mais les briques des portions murales adjacentes étaient recouvertes d'une peinture rouge qu'il n'avait pas vu du côté moldu. Il avait donc bien réussi à traverser le passage ! Mais comment ? Inspectant le sol, il comprit alors que la dalle sur laquelle il se tenait était circulaire et se mouvait lorsqu'on prononçait la formule magique.
Un sourire franchit les lèvres du Gryffondor quand il fit face au quartier sorcier. Semblable au Caire moldu, il s'agissait de commerces dont les articles étaient présentés à l'air libre. Néanmoins, on y retrouvait le même type de boutiques que sur le Chemin de Traverse, nota-t-il en parcourant l'allée. Un apothicairerie, une librairie, une couturière, une boutique de balais et accesoires de Quidditch...
Passant devant l'animalerie, Bill fut surpris de n'y voir qu'une espèce d'oiseau. Et il ne s'agissait ni de hibou ni de chouette. Il s'arrêta quelques secondes pour observer l'animal. Des pattes élancées, un plumage où se mêlent les couleurs charbonnée et crème, et surtout un long bec recourbé. Comment ce volatile pouvait-il servir à transporter les parchemins ? Les lettres devaient se déchirer durant le trajet !
Le marchand s'avança près de lui et commença à converser, sans doute car il avait remarqué son intérêt pour les ibis. Son ton était très jovial et il parlait beaucoup avec ses mains. Nul doute qu'il espérait pouvoir faire affaire avec ce jeune voyageur.
Heureusement que le gobelin de Londres avait ensorcelé Bill avant son départ pour qu'il puisse comprendre et parler avec les locaux. Au moins une chose qui avait été correcte avant son arrivée ici, pensa-t-il.
« Comment transportent-ils leurs messages ? » questionna alors le jeune Weasley en indiquant les oiseaux de son index.
Le regard interloqué que lui lança son vis-à-vis fit soupirer Bill. Il s'inquiéta, car le commerçant avait dû prendre sa question comme une forme de mépris, et il fronçait désormais les sourcils d'un air contrarié.
Le sort du gobelin ne marchait peut-être pas si bien que ça, tout compte fait.
Bill avait désormais la désagréable impression d'avoir atterri dans un monde inconnu. Et, à ce moment, il songea que ce n'était peut-être pas la bonne idée de s'être aventuré seul dans un pays si différent du sien.
Secouant la tête, il quitta le commerçant sans répondre à ses invectives et reprit sa route vers Gringotts. Bien loin de l'éclat immaculé de la banque londonienne, le bâtiment dans lequel il pénétra était quant à lui construit en briques de couleur ocre.
Les quelques gobelins présents dans le hall le scrutèrent avec mépris alors qu'il s'avançait vers le comptoir du fond. Au moins quelque chose qui ne changeait pas, songea-t-il avec une pointe d'ironie.
« La raison de votre venue ? lui demanda la petite créature perchée sur un haut siège, d'une voix sévère.
- Bonjour. Je m'appelle Bill Weasley, je suis le nouveau Briseur de Sorts. Je viens de Londres. »
Sans plus de cérémonie, le gobelin leva les yeux de son parchemin, pointa son pouce crochu vers sa gauche. Bill ne se fit pas prier et se dirigea vers la porte où on pouvait lire en lettres dorées « Personnel ».
Poussant la porte, il fut surpris de se retrouver dans une pièce très bruyante par rapport à l'ambiance feutrée du hall, où conversaient trois jeunes adultes, ainsi qu'un autre gobelin.
« Eh bien, ce n'est pas trop ! s'exclama un jeune homme au teint mat. Nous t'avons attendu toute la journée, l'Anglais !
- Mais il n'est que 11 heures du matin, protesta Bill en sortant sa montre à gousset de sa poche.
- Il me semble que mon collègue de Londres vous a fait voyager par le Portoloin qui est arrivé à neuf heures quarante-cinq, souleva le gobelin sur un ton sévère. Vous êtes vous perdu en chemin ? Ou avez-vous flâné dans les rues au lieu de suivre les consignes ?
- Je n'aurai pas osé, refusa d'admettre Bill. La ville est tout simplement vaste, surtout pour un étranger, c'est tout.
- Et attends de voir les catacombes, mon pote ! On va en faire des kilomètres ! s'enthousiasma le jeune homme à la peau sombre assis près d'une boîte en bois qui intrigua Bill par son aspect extérieur.
- Excusez-moi, mais il serait peut-être temps de faire les présentations, vous ne croyez pas, Fronak ? interrompit la jeune fille sur un ton ennuyé à l'adresse du gobelin.
- Moi c'est Omar Mabrouk ! intervint le jeune homme qui était excité à l'idée d'explorer les catacombes. Mon oncle était Briseur de sorts ici avant d'être transféré en Amazonie il y a quelques années.
- On a pas besoin de connaître toute ton ascendance, cousin ! se moqua son voisin. Je m'appelle Tarek Okkacha.
- Et moi, c'est Farah Dahmoune.
- Je m'appelle Bill Weasley, se présenta à son tour le Gryffondor. Excusez-moi, mais on m'avait dit que je serai incorporé à une équipe de Briseurs de sorts expérimentés, et, sans vouloir vous offenser, vous semblez tous, sauf vous, fit-il en désignant le gobelin de la main, être des novices comme moi dans ce métier.
- C'est parce qu'une des équipes n'est pas revenue de sa dernière fouille. Ils ont dû tomber sur des Inferi ou sur une malédiction trop puissante pour eux, lui répondit Tarek d'une voix sombre.
- Ce sont les risques du métier, acquiesça Omar avec fatalisme. Je suis donc d'avis qu'on reste éloignés du temple d'Amon jusqu'à ce que l'équipe de sauvetage n'en ait fait le tour. Je ne voudrais pas qu'on tombe sur la même créature ou le même sortilège qu'eux, ajouta-t-il avec de l'inquiétude dans les yeux.
- Du fait de leur disparition, tu l'auras compris, expliqua Farah, nos candidatures ont été redirigées ici.
- Trêve de bavardage, s'imposa le gobelin. Comme l'a dit Farah, je m'appelle Fronak, et je suis le chef d'équipe. C'est donc moi qui vous fournirais vos plans, vos objectifs, et je suis celui à qui vous devrez rendre des comptes. Tout retard ou absentéisme sera déduit de votre salaire. Mr Weasley, je vous informe d'ores et déjà que vous avez perdu quinze Mornilles et vingt-trois Noises sur votre première rémunération du fait de l'attente occasionnée par vos flâneries matinales. Maintenant, au travail, jeunes gens !
- Attendez ! s'exclama Farah. Il faut qu'on protège l'Anglais avant de partir !
Tous les regards se focalisèrent de nouveau sur lui, et Bill fit de son mieux pour conserver son impassibilité. De quel genre de protection parlait cette fille ? Et quand cesserait-on de l'appeler l'Anglais ?
- T'es pas venu sans protection, quand même, Weasley ? » lui demanda son collègue à la peau foncée.
Pris de court par cette question, Bill ne sut que répondre et se contenta de hausser les épaules. Au moins, Omar l'avait appelé par son nom de famille, c'était déjà ça.
« Je ne vois pas de quoi vous parlez...
- Allez, suis moi ! ordonna Farah, avant de l'entraîner à sa suite, dans une des petites pièces adjacentes.
- Qu'est-ce que tu fais ? »
Sans répondre, la jeune femme lui fit signe de se taire en posant son index sur sa bouche. Ne voulant pas créer de conflit avec sa collègue dès le premier jour, Bill l'observa manipuler un large bout de parchemin. C'était un bout de papyrus, se corrigea-t-il ensuite. Intrigué, il s'assit face à elle, et la regarda tremper avec minutie son roseau fendu dans la palette à pigments puis dans le pot d'eau, avant de dessiner. Plusieurs couleurs s'épanouirent sur le papyrus.
« Comment s'appelle ta mère ? demanda-t-elle enfin, après avoir tracé des figures de divinités égyptiennes.
- Molly. »
Hochant la tête, Farah reprit son travail, s'attelant cette fois à l'écriture. Puis, après avoir reposé son outil, elle s'appliqua à plier le papyrus jusqu'à ce qu'il atteigne la taille d'un pouce.
Elle bascula ensuite de sa chaise sous l'oeil médusé du jeune Anglais, et fouilla dans un tiroir duquel elle tira une fine cordelette en lin. Elle utilisa ensuite sa baguette pour réaliser sept nœuds avec la corde. Puis elle souda la cordelette au bout de papyrus. Elle approcha alors le papyrus de sa bouche et chuchota une formule magique que Bill ne parvint pas à identifier.
« Tiens. Garde ça autour du cou pendant ton séjour. Maintenant tu es protégé.
- Protégé de quoi, exactement ?
- De tous les morts, de tous les esprits néfastes hommes ou femmes qui tu pourrais rencontrer. Les êtres cités peuvent entrer dans ton corps et y déclencher la maladie. Mais grâce à ce talisman, par lequel j'ai invoqué Râ et d'autres dieux, tu es préservé de cela.
- Où as-tu appris ça ? »
Farah eut un petit rire moqueur avant de lui répondre :
« Tout le monde sait ça, ici. C'est une des seules choses que Khomâroûyah Ibn Toûloûn a transmis à ses élèves avant que l'Académie ne soit perdue.
- Perdue ? Comment ça ?
- Ils ne vous éduquent pas en Grande-Bretagne ? soupira la jeune fille. Khomâroûyah Ibn Toûloûn avait fondé une Académie ici, en Egypte, un peu comme votre Poudlard. Mais il détenait tellement de savoirs qu'il a suscité l'envie d'un sorcier maléfique. Ce dernier l'a capturé pour accéder à la connaissance et gagner en pouvoir. Toûloûn n'a jamais rien dit. Il est mort, et avec lui l'emplacement de l'Académie. Les restes de son savoir ont été rédigés par d'anciens élèves sur des papyrus, mais ils n'étaient pas assez brillants pour tout restituer. »
L'esprit de Bill bourdonnait à l'entente de cette histoire. Il voulait en savoir plus. Comment se faisait-il que les élèves n'aient pas pu retrouver leur Académie alors qu'il y avaient vécu ? Y avait-il donc eu un sorcier plus dangereux que Voldemort ? Et un, aussi puissant que Dumbledore ?
Malheureusement, la porte du petit bureau où ils se trouvaient s'ouvrit brusquement, laissant apparaître un Franok à l'expression lugubre.
« Je vous enjoins vivement à suivre le reste votre équipe si vous ne souhaitez pas avoir une retenue de salaire. Certains de vous risqueraient de se trouver endettés d'ici la fin du mois, si vous continuez sur cette lancée...
- Allons-y, s'exclama Farah, prenant Bill par la main. »