Cet OS a été écrit pendant la Nuit du 28 juillet 2018, sur le thème "Falaise", et sur la musique "Final Duel", composée par Ennio Morricone, pour le film For a Few Dollars More.
Bonne lecture :)
Et six ans plus tard, Lavande est là, au bord d’une falaise, le vent dans les cheveux, le visage couvert d’embruns. Mais curieusement, pour la première fois depuis bien longtemps, elle n’est pas attirée par le vide. Il y a encore quelques mois, c’est la première pensée qui lui serait venue. Se laisser tomber en avant, fermer les yeux, et attendre l’impact. Rapide, efficace, probablement presque indolore ou simplement quelques secondes, le temps que le corps réalise qu’il vient de passer un point de non-retour, avant que tous les signaux vitaux ne s’éteignent définitivement.
Elle rouvre les yeux et recule d’un pas, par précaution. Une main trouve la sienne, juste à sa droite, et elle serre fort ses doigts entre les siens.
— Tu es belle, dit-il tout simplement.
D’un geste machinal, Lavande ramène une mèche devant ses abominables cicatrices, mais le vent la lui dérobe aussitôt.
— Tu vois, même lui le sait, ajoute-t-il avec un rire dans la voix.
Elle ne peut s’empêcher de sourire et se tourne vers lui, non sans une légère réticence qu’elle ne parvient toujours pas à contrôler. Ce n’est pas comme si Olivier ne lui avait pas prouvé plus d’une fois sa sincérité, mais lorsqu’il lui fait ce genre de compliment, elle hésite toujours à lui montrer son visage, comme s’il allait aussitôt revenir sur ses paroles, se rappelant à quel point elle est effrayante, défigurée, repoussante…
Un craquement se fait entendre derrière eux, et ils se tournent aussitôt vers sa provenance, juste devant la porte du cottage. Dans la lumière de fin de journée, la Chaumière aux Coquillages prend des teintes doucement orangées, et paraît encore plus chaleureuse qu’à l’accoutumée. Lavande inspire un grand coup, le cœur soudain battant.
— On peut repartir si tu veux, lui dit doucement Olivier, entrelaçant ses doigts aux siens. Ils ne se vexeront pas.
Lavande secoue la tête. Si elle se défile encore cette fois, il n’y en aura pas de prochaine. Elle sait qu’elle aurait dû venir il y a bien longtemps, il y a des années de cela, mais elle ne l’a jamais fait. Elle sait parfaitement pourquoi, même si cela lui coûte de l’admettre. Elle refusait de reconnaître qu’on puisse vivre heureux avec des stigmates comme les siens. Elle ne voulait pas admettre que ce qu’elle vivait n’était pas indéfiniment insurmontable. Elle ne voulait pas constater son propre manque de courage.
La chevelure argentée de Fleur est la première chose que l’on voit d’elle, lorsqu’elle apparaît. Elle scintille au soleil, quel que soit le moment de la journée, et ses reflets changent selon l’intensité de la lumière. À cet instant, lorsqu’elle ouvre la fenêtre pour leur faire signe de venir, ses cheveux tendent vers un doré très doux, une teinte presque apaisante. Sans lâcher la main d’Olivier, Lavande s’éloigne de la falaise et se dirige vers le cottage.
La cuisine est décorée avec un goût certain, et elle se sent aussitôt chez elle dans cet environnement de bord de mer. Des coquillages, des maquettes de bateau, un vieux gouvernail en bois accroché au mur… On se croirait presque dans un navire. Cela vient peut-être du furieux tournis qui la prend, au moment où Bill Weasley se dirige vers elle.
Lavande reste figée face à lui. Elle devrait tendre une main, le saluer, lui sourire, mais rien ne lui vient. Ses yeux restent rivés sur les longues cicatrices qui barrent le beau visage de l’aîné des Weasley. Il a des cheveux longs lui aussi – pas autant qu’elle – mais il ne les utilise pas pour se cacher. Il les a coiffés en catogan, attachés avec un lacet de cuir. Quelques mèches s’en échappent, ce qui lui donne un air aventurier, sans doute renforcé par le crochet de serpent qu’il porte en boucle d’oreille.
— Tu dois être Lavande, dit-il d’une voix douce. Je suis ravi de te rencontrer enfin. Salut Olivier, content de te revoir !
Olivier lui serre la main, sans hésiter, un grand sourire aux lèvres. Ils se sont côtoyés quelques années à Poudlard, même si Olivier connaissait davantage Charlie, pour avoir joué dans la même équipe de Quidditch à Gryffondor.
— On va prendre l’air ? propose alors Bill, le regard braqué sur Lavande, toujours immobile.
— Victoire voudrait s’essayer au Quidditch, je lui ai promis qu’elle pourrait te demander des conseils, ajoute aussitôt Fleur à l’attention d’Olivier. Si tu as quelques minutes…
Sans qu’elle sache réellement comment, Lavande se retrouve à nouveau dehors, les cheveux dans le vent, tâchant tant bien que mal de maintenir sa mèche en place tout en marchant au côté de Bill, qui lui jette quelques regards sans pour autant se montrer insistant.
— Il t’a bien amochée, toi aussi, finit-il par dire, d’une voix étrangement neutre. Il y a combien de temps ?
— Six ans, répond-elle d’une toute petite voix, comme une fillette face à un professeur.
— Sept pour moi.
Elle s’arrête de marcher, et lève les yeux vers lui. La lumière qui baisse renforce les ombres sur son visage, mais ne dissimule pas le relief des cicatrices.
— Comment tu as fait ? demande-t-elle de but en blanc. Comment tu as fait pour… recommencer ? Oublier ce moment où… ça s’est passé ? Oublier qu’elles sont la première chose que les gens voient, oublier…
— Je n’ai rien oublié, la coupe-t-il, calmement. Tout est gravé dans ma tête, et tu peux demander à Fleur, il y a des moments dans le mois où elle fait rarement une nuit complète, entre les réveils en sursaut et les cauchemars… Mais elle m’a toujours interdit d’aller dormir ailleurs ces nuits-là, je crois qu’elle a peur pour la porcelaine de sa grand-mère…
Lavande étouffe un petit rire. Le ton désinvolte de Bill est déstabilisant, mais il lui fait du bien.
— C’est bien d’avoir quelqu’un sur qui compter dans ces moments-là, répond-elle.
— Sans elle je ne m’en serais jamais sorti. Tu sais Lavande, ce n’est pas un manque de courage que d’avoir besoin de quelqu’un pour refaire surface. Ca ne fait pas de toi quelqu’un de faible, de lâche, ou d’égoïste.
— C’est comme n’avoir aucune autonomie, redevenir une enfant…
— C’est être humaine, tout simplement.
Sa voix est douce, elle se sent en confiance avec lui, et pour la première fois depuis qu’ils sont sortis, elle laisse tomber sa main, et aussitôt le vent s’engouffre dans ses cheveux, dévoilant son visage dans la lumière du couchant.
— Je me sens tellement superficielle de me focaliser sur mon apparence comme ça…
Bill pose une main sur son épaule, et la presse gentiment.
— Il ne se passe pas un jour sans que j’évite au moins un miroir quand je le peux, lui dit-il. Je m’y ferai probablement un jour, mais ça demande du temps. Et du courage, beaucoup de courage.
— J’aurais dû venir te voir plus tôt.
— J’aurais été ravi que tu le fasses, mais je ne t’y aurais jamais forcée. Le fait que tu sois là, aujourd’hui, c’est déjà un grand pas en avant tu ne crois pas ?
Un grand pas oui. Elle a l’impression d’avoir franchi un immense précipice d’un seul bond. Elle se sent épuisée, comme si cette simple décision lui avait demandé de fournir une énergie considérable. Comme si elle avait enfin décidé de faire la paix avec cette partie d’elle-même qu’elle combat depuis tant d’année. Jeter sa baguette au sol, tendre une main amicale.
Et avancer.
Ah, depuis le temps que je voulais faire interagir ces deux personnages, c'est chose faite ! :D Et comme j'aurais voulu écrire beaucoup plus sur leur rencontre, leurs discussions, mais que 1h, c'est trop court pour développer tout ça, eh bien je pense que cet OS aura des suites ♥
Juste une précision, concernant "le manque de courage" de Lavande, je me rends compte en le relisant que j'ai mal explicité cet aspect : je voulais faire en sorte que Lavande soit dure avec elle-même, qu'elle s'inflige son propre jugement, mais surtout pas énoncer une vérité générale hein^^ C'est pas un texte à morale façon "Si vous êtes complexé-e, et que vous n'arrivez pas à surmonter ça, c'est parce que vous n'avez pas de courage", pas du tout ;
Merci d'avoir lu, n'hésitez pas à laisser une petite trace de votre passage, ça me ferait très plaisir :)