Mais la porte s'ouvrit sur les deux autres maraudeurs. Il se retourna vers eux, agacé par leur arrivée. Ils ne devaient pas finir leur devoir ?
Peter se dirigea vers son coin, posant son sac et sa cape. James observa le lycanthrope, puis sa table de nuit, où les tiroirs avaient été mal refermés. Remus abandonna sa recherche, retournant sur son lit, énervé. James lui jeta un coup d'œil, perplexe.
- Tu cherches la carte ?
Le préfet cilla, feignant l'étonnement.
- Non pas du tout, pourquoi ?
Son regard se posa sur les tiroirs de la table de nuit de James, mal refermés. Mince... Il aurait dû être plus discret.
- Parce que c'est Sirius qui l'a.
- Pourquoi il l’a ?
- Il en avait besoin.
- Pourquoi ?
Remus s’agaçait vraiment. Sirius avait la carte ? Mais dans quel but ?
Le capitaine haussa les épaules, sans répondre et posa son sac sur son bureau et celui de Sirius sur le sien. Peter était assis sur son lit, se tortillant les mains. Il jetait des petits coups d'œil à sa montre.
- Ça va Pet' ?
L'animagus rat leva son regard sur lui, perturbé.
- Oui ... Enfin ... Je ... - Un autre coup d'œil furtif à sa montre. - J'ai...
James haussa un sourcil.
- Ponds ton œuf de dragon ! On n'a pas toute la nuit.
Peter déglutit, mal à l'aise.
- J'ai un rendez-vous !
Un sourire se dessina sur les lèvres du brun.
- Ah oui ? Avec la jolie poufsouffle ?
Une couleur rouge cramoisie s'empara des joues du petit animagus, qui hocha simplement de la tête.
- Eh bien, va-y, racontes.
L’animagus rat jeta un autre coup d'œil à sa montre. Plus le temps passait, plus il était stressé.
- Je lui ai juste proposé d'aller boire un chocolat chaud dans les cuisines. Elle ne sait pas si rendre. Vous vous rendez compte ... Alors qu'elle est chez les poufsouffles.
Leur salle commune était juste à côté des cuisines. Mais l'accès à celles-ci était très compliqué.
James sourit, en coin.
- Tant mieux, tu pourras lui montrer que Poudlard n'a aucun secret pour toi et lui expliquer comment tu les as découverts.
Peter inspira et expira, enchanté par l'idée. Car oui ! C'était lui qui les avait découvertes en première année. Il avait eu une telle fringale en pleine nuit. Il était un peu grassouillet, rondouillard. Il aimait bien manger et ça se voyait. Les repas étaient ses moments préférés de la journée. Alors, suite à une conversation avec Andromeda Black, il avait fait des recherches, pour savoir d'où venait la nourriture, et l'avait découvert dans l'histoire de Poudlard. Il avait lu le bouquin, jusqu'au précieux passage. Mais dans la version qu'il raconterait à la jeune fille, il aurait lu le livre en entier et testé tout ce qu'il disait.
- Vous pensez que je pourrais lui montrer un ou deux passages secrets ?
Son regard passa de l’un à l’autre de ses deux amis, mais Remus ne semblait pas du tout s’intéresser à la conversation, il se concentra sur le capitaine de Quidditch.
Ce dernier prit le temps de la réflexion.
- Oui. Montre lui celui qui mène du rez-de-chaussée au septième. C’est le plus utile dans notre scolarité et il ne mène pas à l’extérieur de l’école. Le moins dangereux à faire découvrir. Mais pas au premier rendez-vous. Tu le lui montreras si ça devient sérieux avec elle, si elle devient réellement ta petite amie.
Peter sourit à cette perceptive. Il n'avait jamais eu de petite amie. Julia serait la première.
- Oui... Ne pas trop en dévoiler du premier coup.
- Va te prendre une bonne douche – L’animagus releva les yeux sur son ami – ça te fera du bien. Il faut toujours être au mieux de sa forme pour un rendez-vous. Une bonne douche, des vêtements propres, brossage de dent et coiffure impeccable. Les règles de base pour tout rendez-vous. Surtout si tu en veux un second.
Peter acquiesça de la tête et se dirigea vers la salle de bain. Pourquoi n'y avait-il pas pensé lui-même ? Comme ça, il mettait toutes ses chances de son côté, surtout qu’il espérait un premier baiser. Son haleine devait être bien fraîche.
Une fois le gryffondor dans la salle de bain et que le verrou se fit entendre, James posa les yeux sur Remus. Il se leva, s'approchant de son ami, qui semblait ne pas aller très bien.
- Moony, est-ce que ça va ?
Le lycanthrope leva son regard sur lui. Il avait eu le temps de se calmer le temps de la conversation être les deux autres.
- Oui, pourquoi ?
James haussa les épaules, s'installant sur le lit de son ami.
- Je ne sais pas, tu as l'air très énervé ces temps-ci. Comme si quelque chose te tracassait au point de t’empêcher d’être heureux. Tu sais que tu peux tout me dire.
Le regard de Remus n'avait pas quitté celui de son ami, son cœur se serrant à ses paroles. Non, ça n'allait pas ! Oui, il était très énervé ! Non, il n’était pas heureux ! Ces temps-ci, il avait l'impression que ses sentiments pour Sirius étaient devenus insupportables à vivre. Déjà cette histoire de conquête de l'été précédent. Ensuite cette lettre, sa violation de la vie privée de son homme. Un comportement intolérable de sa part, une vraie trahison. Et maintenant ce jeune professeur sexy et Sirius qui se proposait de lui faire visiter l'école…
Le préfet baissa les yeux sur ses mains, meurtri. Ses cicatrices allaient jusqu'à ses poignets. Instinctivement il glissa ses mains sous son pull, les dérobant à la vue de tous.
- Non, rassures-toi, ça va bien.
Pouvait-il réellement tout dire à James ? Il en doutait fortement. Car une confidence de ce genre était loin de ce qu'un garçon était capable d'entendre, surtout venant d'un autre garçon. L'amour entre deux hommes, c'était totalement inacceptable dans leur monde.
- Tu es sûr ?
Le brun était vraiment inquiet pour lui. Le jeune homme était amoureux de Sirius. Il en était persuadé. Il n'avait plus aucun doute là-dessus. Et si cela l’amusait de le voir se décomposer à chaque fois que la vie amoureuse de Sirius était au centre des conversations ou que le comportement du jeune homme devenait légèrement déroutant, Remus semblait réellement souffrir, et il détestait ça.
Enfin là, Sirius n'avait rien fait de mal. Il ne faisait que rendre service à Dumbledore. Rien dans son comportement ne justifiait une telle réaction chez le lycanthrope. À ce niveau-là, ce n’était plus de la jalousie, ça en devenait de la possessivité ! Mais il serait bien le dernier à lui faire le reproche.
Si c'était un jeu pour James, pour Remus ça ressemblait à une vraie torture. Ce dernier acquiesça lentement de la tête, le regard meurtri. Il ne voulait pas en parler, surtout pas à James. Il ne pourrait pas le garder un tel secret pour lui. Et Sirius était la dernière personne qui devait savoir. Il sentit une main se poser sur sa cuisse, relevant alors les yeux sur son ami, croisant un doux regard.
- Dans tous les cas, si tu as besoin de parler, je suis là. Je serai toujours là et tout ce que tu me diras restera entre nous.
Remus inspira. Il aurait tant aimé céder à cette tentation. Tout lui dire, tout laisser sortir, laisser son cœur parler et se soulager de ce grand poids qui l'opprimait. Mais James n'avait aucune idée de ce qui le mettait dans cet état. Il détourna les yeux. Les mots de son ami… Entre nous ? Il garderait ce secret pour lui ? Mais il disait ça maintenant, car il n’avait pas conscience de la portée de ce secret.
- Je peux tout entendre sans juger, Moony. Nous te l’avons suffisamment prouvé pour que tu n’aies pas à avoir peur de te confier à nous.
Nous ? Les maraudeurs ? Mais il ne voulait pas que Sirius sache ! James pourrait-il réellement gardé ça pour lui ? Pouvait-il vraiment lui dire ? James ne le jugerait pas, mais avait-il seulement de quoi il s’agissait ? Ce regard qu’il avait eu en lui tendant la plume… Avait-il deviné ? Non !
- Je sais mais…
Il se tut, il n’arrivait pas à prononcer ces mots… Une fin de non-retour !
- Mais quoi Rem ? Qu’est-ce qu’il y a ?
Le châtain entrouvrit les lèvres. Il avait tant envie de se confier. Même s’il avait Lily à qui parler, elle n’était pas proche de Sirius. Peut-être que l’avis de James pourrait l’aider à mieux comprendre et gérer la situation.
- Eh bien je…
À ce moment-là, le verrou de la salle de bain se débloqua, laissant apparaître le troisième occupant des lieux, tout propre. Remus soupira, soulagé que la conversation prenne fin. Il était à deux doigts de craquer, à deux doigts de tout changer dans le groupe et surtout de tout briser. Son regard se voila alors et son cœur se ferma.
- Je vais bien je t’assure.
James tiqua, déçu par l’intervention de Peter. Trop tôt ! Mais il capitula, sachant que Remus avait revêtu cette armure qui s’était légèrement brisée. Il n’obtiendrait plus rien du petit loup. Il se releva, regagnant son lit, Peter rejoignant sa belle.
Quelques heures plus tard, la porte du dortoir s'ouvrit sur le brun aux yeux gris. Celui-ci entra dans l'antre des maraudeurs, un sourire aux lèvres.
- Me revoilà.
James leva son regard sur lui, Remus aussi, mais pour le reposer aussitôt sur son livre de métamorphose.
- Alors, cette visite ? Ça s'est bien passé ? questionna le capitaine.
Sirius acquiesça de la tête.
- Oui. Très bien. Et tu pourras rassurer Evans. Je me suis comporté comme un vrai guide. Bon, on n'a visité que les étages et l’extérieur, mais ça a était fait avec professionnalisme.
James rigola légèrement. Pourquoi ça ne l'étonnait pas que la visite de Sirius ne l’ait pas mené dans les cachots ? D'un autre côté, il aurait fait pareil.
Remus n'écoutait pas. Du moins il aurait bien aimé ne pas écouter. Mais une question lui brûlait les lèvres. Il y avait des choses qu'il ne comprenait pas. Pourquoi ce professeur avait fait semblant de ne pas le connaître, alors qu'il lui avait écrit ? Il releva les yeux sur son ami, qui piochait dans ses affaires, pour en sortir un jogging, présage qu'il allait prendre une douche.
- Tu le connaissais ?
Sirius cilla, son regard posant sur ses pulls et en saisit un. Il se tourna vers Remus, perplexe.
- Comment ça ?
- Avant que Dumbledore ne nous le présente, tu le connaissais déjà ?
Il vit Sirius blêmir légèrement, mais se ressaisir aussitôt. Il se pinça alors les lèvres.
- Euh... Non.
Cette fois, c'est Remus qui blêmit face au mensonge du jeune homme. Car il savait que c'était un mensonge, il avait vu la lettre, son expéditeur. Sirius l'ignorait, mais lui, il savait. Et il doutait fortement que l’expéditeur de la lettre et le jeune professeur soit deux personnes distinctes. James les observa tour à tour, sentant sans peine le malaise qui venait de s’installer dans le dortoir. Il reposa les yeux sur son livre.
- Je vais à la douche.
Sirius passa aussitôt dans la salle de bain. Remus resta dans ses pensées, se sentant profondément trahi par le mensonge de son ami. Pourquoi ? Il aurait pu lui dire qu'ils s'étaient déjà rencontrés. Mais dans ce cas-là, pourquoi ce professeur avait feint de ne pas le connaître ? Pourtant, c'était lui qui était entré en contact avec Sirius. Ou alors, il avait écrit à Sirius sans le connaître ? Non, ça n’expliquait pas la réaction de James face à cette lettre. James en connaissait l’expéditeur, il en était sûr.
Mais il ne voyait aucune raison qui pourrait expliquer que son ami lui ait menti. Mais une phrase de Dumbledore lui revint en mémoire :
- « Monsieur Black pourra même répondre à quelques-unes de vos questions. »
Remus souffla, c'était vraiment tiré par les cheveux. Il replongea le nez dans son bouquin, le cœur lourd, sans rien comprendre. Sirius qui lui mentait... James qui savait qu’il mentait, mais qui ne réagissait pas. Il y avait un strangulot dans le tiroir et il découvrirait pourquoi.
Au cœur de la nuit…
Le jeune homme était dans son lit, les yeux grands ouverts. Il n'arrivait pas à fermer l'œil. Trop d'idées lui passaient par la tête, trop de choses qu'il ne comprenait pas. L'arrivée de ce professeur avait fait naître en lui beaucoup d'interrogations sur son homme. Il s'était toujours persuadé que Sirius ne pouvait qu'être hétéro. Pour lui, c'était tellement une évidence ! Mais aujourd'hui ... Est-ce que ce professeur pouvait être la conquête de Sirius de l'été précédent ?
Cela expliquerait la lueur qui s'était allumée dans les yeux de Sirius en découvrant le nom de l'expéditeur de la lettre et ce sourire qui s'était formé sur les lèvres de James.
Les mots de Lily tournaient aussi en boucle dans sa tête :
- « Excuse-moi, mais l'orientation sexuelle d'une personne ne se lit pas sur son visage. Et cette totale indifférence que les filles provoquent en lui, moi j'ai de sacrés doutes. »
Et ce mensonge... Pourquoi lui avoir menti ? C'était absurde. Mais la plus grande absurdité, c'était que le mensonge avait commencé avec ce professeur. Il n'avait rien dit, rien laissé paraître sur le fait qu'il connaissait déjà Sirius. Pourquoi ? Pourquoi ne pas l'avoir dit ? Qu'est-ce que ça pouvait faire ? Où était le secret ? Où était le mal dans le fait de connaitre quelques élèves de Poudlard ?
Non... Sirius ne pouvait pas être gay. C'était impossible. Son ami ne pouvait pas être attiré par les hommes ! Il ne le supporterait jamais !
S'il s'était résigné à le voir un jour vivre sa vie, tomber amoureux, se marier et fonder une famille, jamais il n'avait envisagé qu'il pourrait être gay...
Et ça, il ne pourrait jamais l'accepter. De le voir avec un autre homme, dans les bras virils d'un type comme ce professeur Cooper… Un charmant garçon. Jamais il ne pourrait supporter de voir l'amour de sa vie, dans les bras d'un autre homme que lui.
Remus se leva, las de ses interrogations et se dirigea vers la salle de bain. Il s'y enferma et se rinça le visage à l'eau froide. Une eau bien fraîche pour essayer de chasser ses idées. Il inspira et releva les yeux sur le reflet dans la glace.
Un regard qui marqua aussitôt le dégoût que lui inspirait son reflet. Un air malade et fatigué. Il n'arrivait pas à réellement récupérer entre deux pleines lunes. Et ces trois énormes griffures qui parcouraient son visage, l'une d'elles entrecoupant ses lèvres en deux. À part son regard ambré, virant sur l'or liquide au soleil, il était laid. Avant, il avait des yeux bleus cristallins, aussi clair que l'azur…
Il avait une photo de lui d'avant, avec ses parents. Il ressemblait alors à un petit garçon tout à fait normal, heureux, entre ses deux parents... un adorable petit garçon.
Remus attrapa une serviette et s’essuya le visage, avant de repasser dans la chambre. Il posa naturellement les yeux sur le lit de Sirius, mais il cilla... incrédule. Le lit de son ami était vide. Où pouvait-il être passé ? Il vit la carte sur la table de nuit de son ami, repassant dans la salle de bain, sa baguette en main. Il activa le parchemin.
- Je jure solennellement que mes intentions sont mauvaises.
La réplique pour l'activer avait fait l'objet de nombreuses controverses, chacun ayant ses préférences. Ils avaient envisagé :
"Gryffondor un jour, Gryffondor toujours..."
"À mort Serpentard..."
"Servilus va te laver'... et pleines d'autres.
La carte s'activa, dessinant, dans une encre fine et légère le plan de Poudlard. La magie avait dessiné la carte, on aurait dit un vrai chef-d’œuvre. Remus se positionna sur le dortoir des Gryffondors et chercha le nom de son ami. Il n'eut aucun mal à le trouver. Sirius était dans leur salle commune.
Le préfet referma la carte, en prononçant la formule pour la désactiver « Méfait accompli ». Celle-là avait été très facilement trouvé, toutes leurs maraudes finissant par cette belle réplique.
Il attrapa sa robe de chambre, quittant le dortoir. Même s'il en voulait à son ami, il était comme un papillon attiré par une lumière. Il ne pouvait s'empêcher d'aller voir pourquoi il n'allait pas bien. C'était contre sa nature d'ignorer le jeune homme.
Et puis, il ne pouvait pas ignorer non plus sa part de responsabilité. Il n'était nullement censé savoir que ce professeur avait pris contact avec lui. Sirius ne lui avait pas montré la lettre, il avait fouillé dans ses affaires, violant sa vie privée !
Le lycanthrope descendit les escaliers jusqu'à la porte menant à leur salle commune. Il le vit aussitôt, dans leur coin habituel. Un coin qui leur été réservé. Étrangement, le coin canapé face au feu était toujours libre. Un privilège du fait que James était capitaine de l'équipe de Quidditch, que Remus était préfet et que Sirius était dans l'équipe. Ou juste parce qu'il était les maraudeurs. Il ne le saurait sans doute jamais.
Remus s'introduisit dans la salle commune, en silence. Son ami semblait perdu dans de profondes pensées, le regard rivé sur le feu. Un regard captivant, envoûtant. Il était si beau, dans sa solitude. Un trait que Remus appréciait chaque jour un peu plus. Sirius pouvait s'enfermer dans des silences, mais sans en devenir oppressant.
Le jeune homme avait pris sa douche, vraiment mal à l'aise. Il s'était glissé sous le jet d'eau chaude. Une sensation bien agréable en ce début de mois de novembre. Le froid était définitivement installé sur Poudlard. Et s'il détestait le froid, il adorait l'hiver. Les flocons de neige, Noël, les repas de famille, la nouvelle année.
Mais là, ses pensées étaient toutes tournées vers son mensonge. Il avait menti à Remus. Jamais avant, ça ne lui était arrivé. Jamais il ne l'avait regardé droit dans les yeux en lui mentant !
Ce mensonge lui tirailla l'estomac tout le temps de sa douche, tout le temps du repas et tout le temps de la soirée. Et il en alla de même quand il fut couché dans son lit, n’arrivant pas à passer par-dessus, à zapper comme il savait si bien le faire avec les sujets qui l’ennuyaient.
Du coup, impossible pour lui de fermer l'œil. La scène n'arrêtait pas de passer dans sa tête : Remus lui posait une simple question et lui... Il avait été pris dans un mensonge qui n'avait même pas été le sien. Il n'avait pas su quoi répondre, quoi dire. Comment se justifiait ? Et la réponse la plus simple, celle qui amenait le moins d'explication était venue toute seule à ses lèvres.
- - Euh... Non.
Il s'en était aussitôt voulu, mais il ne s'y était vraiment pas attendu. Pourquoi Remus lui avait-il demandé s'il le connaissait avant ? Il s'était juste proposé pour faire faire une visite de l'école à un professeur étranger. Mais il n'avait pas dû être assez naturel face au jeune professeur Cooper. Par chance, Remus ignorait qu’ils correspondaient régulièrement. Autrement...
Sirius s'était levé, avait enfilé sa robe de chambre et ses chaussons. Il était descendu dans la salle commune, pour mieux réfléchir, et surtout moins s'énerver parce qu'il n'arrivait pas à s'endormir. Il était là depuis plus d'une heure, ressassant son erreur.
Il n'avait jamais discuté avec Remus. Du moins, jamais de ce sujet-là. C'était bien le seul qu'il n'avait jamais abordé avec le lycanthrope aux yeux d'or. Il faut dire que l'occasion ne s'était jamais vraiment présentée. Avant l'été précédent, il ne s'était, lui-même, jamais vraiment intéressé à la question, trouvant dans ses relations actuelles tout ce dont il avait besoin. L’amitié, il n’y avait que ça de vrai au fond. Et si James ne l'avait poussé un peu vers son destin, il en serait toujours au même point.
Ce n'était pas un secret non plus... Enfin si ! Il n'avait pas envie que l'école entière soit au courant. C'était sa vie privée et elle ne regardait que lui. Sauf que là, il avait franchi une limite. Une limite intolérable. Un simple mot, juste un tout petit mot. Trois lettres, le plus banal des mots, mais un mensonge quand même.
L’animagus ferma les yeux, inspira et expirant, soupirant. Il était las. Il n'arrivait pas à se pardonner. Pourtant, Remus ne savait pas. Et il ne risquait pas de savoir. Dans l'avenir, s'il recevait une autre lettre, il dirait juste qu'ils gardaient le contact. Mais encore un mensonge ...
C'était le problème avec les mensonges. On s'enfonçait dans un engrenage sans fin, à moins d’avouer son tort…
Dire la vérité ? Non. Il ne pouvait pas ! Pas tant qu'il n'aurait pas parlé avec Remus. Le moment venu, il pourrait lui dire. Mais le moment venu, dans deux ou trois ans, voir dix, peut-être quinze… ou jamais.
Il n’entendit pas la porte de la salle commune s'ouvrir. Il ne remarqua pas qu'un de ses camarades l'observait, tapis dans le noir, un sourire aux lèvres.
Il ne leva les yeux que quand il vit une ombre se dessinait sur le mur, un petit froissement de pas se faisant entendre.
Sirius croisa un regard de miel, fascinant. Remus lui sourit.
- Tu sais que l'on a cours demain ?
Le brun sourit en retour, haussant un sourcil, légèrement ironique.
- Je te réplique la même chose. Tu ne dors pas ?
Le préfet prit place à ses côtés, sur le canapé confortable, aux couleurs rouges et ors.
- Je te mets un Optimal pour ton sens de l’observation. Non, je ne dors pas.
Il aimait cette salle commune, cette ambiance feutrée, douce, douillette. Le calme ne régnait pas souvent dans ce lieu en journée. La salle commune était pleine de vie, de bruit et de rire. Alors à ce moment-là, c’était un autre monde qu’elle offrait.
- J'ai du mal à m'endormir. Et comme j'ai vu que ton lit était déserté, j'ai pris la carte.
Il tourna son regard vers lui, croisant son opposé dans les métaux lourds. Sirius avait toujours un délicieux petit sourire aux lèvres. Le feu se reflétait dans les iris ambrés du lycan, les transformant en or liquide. Ils étaient tout simplement fascinants.
- Je suis dans le même cas. Morphée ne veut pas de moi, ce soir. J'ai failli m'arracher les cheveux.
Le châtain le regarda, fronçant légèrement les sourcils. Ça, c'était signe que Sirius était énervé ou agacé. Et que ça tournait à l'obsession. Son mensonge ? Pouvait-il y avoir un rapport ? Il sourit à la perceptive que ça compte autant pour l'animagus.
- Viens !
Il lui tendit la main. Sirius observa celle-ci et sourit, la prenant, sans se faire prier. Il s'allongea sur le dos, posant sa tête sur les cuisses du lycanthrope, fermant les yeux. La seconde d'après, il sentit les doigts de son ami se glisser dans ses cheveux et les caresser doucement. Des caresses divines. Sirius sentit comme un millier de frissons lui parcourir les corps, partant de sa tête, descendant lentement.
Remus avait des doigts de fée et il se délectait de ses petites attentions que le jeune homme avait toujours eues envers lui. Cela avait le don de le calmer, d'apaiser ses peines, ses angoisses. Lors de ses rentrées à Poudlard, les années précédentes, ça l'avait souvent ramené à la vie. Il était alors un homme défait, brisé par deux interminables mois, enfermé au Square Grimmaurd. Il revenait toujours avec une longue chevelure, un cœur lourd et aucune envie de rien. Les petites attentions du préfet, sa patience, sa dévotion même, finissaient toujours par lui rendre le sourire et lui faire oublier son enfer.
Cette année, tout avait été différent. Il avait fui de chez ses parents au début de l'été, trouvant refuge à Godric's Hollow. Une vraie libération pour lui. Il n'avait plus de compte à rendre à sa famille de sang. Désormais, il en avait une autre, de cœur, bien plus importante, une famille qu'il avait choisie. Et Remus faisait partie de cette famille.
Cette sensation était réellement agréable. Ça faisait longtemps qu'ils n'avaient pas eu un petit moment à deux, Un moment de complicité apaisant le cœur torturé de Sirius.
Il lui avait menti, mais ce n'était pas un gros mensonge non plus. Et au fond, Remus ne le savait pas. Et un jour, il lui dirait la vérité. Un jour…
Pour Remus aussi, c'était un moment magique. Une partie de lui en voulait à son ami. Mais il connaissait la vraie colère, la vraie rancœur. Celle qui vous donne une seule envie : vous arrachez cœur pour ne plus rien ressentir. Et là, au fond, ça ne le regardait pas. Ça l'avait blessé, mais il était tout aussi coupable. S'il n'avait pas mis son nez dans les affaires de son ami, jamais il n'aurait su. Et s'il n'avait pas posé la question, là encore, il n'aurait rien su.
Et puis c'était tellement plus simple de fermer les yeux. L'oubli était bien plus supportable que la vérité. Et le professeur était parti. Il était retourné d'où il venait.
Tout ce que Remus souhaitait, c'était de ne jamais plus entendre parler de lui. Il voulait retrouver son Sirius d'avant. Celui qui n'avait pas eu de conquête, celui qui n'avait jamais aimé.
Comme ça, il pourrait continuer à graviter dans son univers, invisible, mais toujours là.