James voulait percer ce mystère et il savait qu'il ne servait à rien d'aller parler au lycanthrope.
Du coup, il avait improvisé une balade dans le froid, loin des autres élèves. Et il connaissait assez bien son frère pour savoir que même par temps de pluie, le jeune homme ne refuserait jamais d'aller prendre l'air. Une conséquence néfaste des deux mois d'été qu'il passait enfermé dans la noble et très ancienne maison des Black.
- Ça va ?
Sirius grogna légèrement, ce qui montrait que non, ça n'allait pas.
- Qu'est-ce qui vous arrive ?
Son ami lui jeta un regard, faisant mine de ne pas comprendre.
- Remus et toi. Vous vous faites la gueule ?
Sirius reposa les yeux sur le lac, sans répondre. Il n'avait pas envie d'en parler. Mais si James lançait le sujet, il savait qu'il finirait par se confier. C'était toujours comme ça, entre eux. Aucun secret ! Rien à cacher, car on acceptait ses frères comme ils étaient, sans préjugé, sans contrepartie. Un réel lien fraternel s'était créé entre les deux amis, de même âge et de même caractère. Ils s'étaient bien trouvés, dès le premier jour, dans le wagon du Poudlard Express.
- Raconte ! Il se passe quoi ?
Les deux amis s'approchaient de la forêt interdite, longeant le lac noir.
- Rien, je te dis. On s'est juste un peu embrouillé.
James fronça des sourcils. Un peu embrouillé ? Pour qu'il y ait de l'orage entre le chien et le loup de la bande, ça devait être bien plus qu'une simple embrouille.
- À propos de quoi ?
Sirius jeta un regard derrière lui. Le château s'éloignait de plus en plus et le silence devenait maître des lieux, juste brisé par le bruit du vent dans les arbres et sur l'eau du lac noir. Rares étaient les élèves qui s'aventuraient jusqu'ici. Voir aucun, à part les maraudeurs.
Sirius posa les yeux sur un arbre immense, dont les grosses racines ressortaient de la terre. Il s'y installa, posant les yeux sur le lac. James l'imita, attendant que son frère se décide enfin à parler. Et il savait très bien qu'il ne servait à rien de brusquer Sirius.
- L'autre jour, on s'est retrouvé enfermé dans la réserve de Potion, pendant environ deux heures. Alors, pour palier l'attente, je lui ai proposé de jouer à un jeu. Une bouteille de vin, deux bocaux vides, une pièce de monnaie. Tu vois le genre ?
James acquiesça de la tête, laissant son frère continuer.
- À un moment, je lui ai proposé de répondre à une question, plutôt que de boire. Une question des plus banales, elle n'avait rien de choquant. Mais il s'est énervé sans raison. Il s'est vexé. Je n'ai absolument rien compris. Mais alors rien du tout. Et pour finir, je suis qu'un imbécile avec des questions stupides.
Sirius soupira, essayant de revivre la scène, pour savoir ce qu'il avait pu dire. Ça faisait maintenant deux jours qu'il essayait de comprendre en vain. La réaction de Remus était totalement incompréhensible. Et ça commençait sérieusement à lui prendre la tête. Un nouveau soupire s'échappa de ses lèvres, une pointe d'amertume et de colère assombrissant son regard.
- On aurait dit que je l'avais insulté, ou frappé.
James détacha son regard du lac pour le poser sur son frère, sans comprendre non plus. Remus était plutôt lunatique, mais en période de pleine lune. Elle tombait le vingt. La précédente était tombée une semaine avant Halloween et tout s'était bien passé. Depuis qu'ils tenaient compagnie au loup, celui-ci ne se mutilait plus, épargnant l'humain. C'était surtout les longues balades en forêt qui calmait la fureur de l'animal.
Le capitaine fronça les sourcils, septique. Remus n'avait aucune raison de s'emballer comme ça... Mais alors aucune. Enfin, d'un autre côté, tout dépendait d'un point bien précis.
- Tu lui as posé quoi au juste comme question ?
Sirius haussa les épaules, ne s'en souvennt même pas. Pour lui, ce n'était qu'un détail.
- Le truc bateau, sur l'amour. S'il y croyait, ou un truc dans Le genre. Mais rien qui ne justifie qu'il s'énerve.
Sirius campait sur sa position. Il n'avait rien fait de mal. Mais sa réponse ne semblait pas satisfaire le fils Potter.
- Quoi?
- Tu lui as demandé quoi au juste ? Réfléchis ! Ça doit venir de ta question. Remus n'est pas lunatique - Sirius sourit, ironique, James levant les yeux au ciel – Oui, bon... Il ne l'est pas "encore". Ça ne tombe que le vingt, ce mois-ci. Alors, tu lui as demandé quoi ? Réfléchis ! Fait marcher tes neurones.
Car oui, Remus John Lupin était légèrement irritable la veille de la pleine lune. Comme si l'astre rond agissait sur lui. Rien n'était prouvé, aucune étude scientifique avait réellement mis en évidence l'influence de la lune sur le sorcier au-delà de la transformation, mais pourtant, dernièrement, Remus était réellement intolérant, irritable, agacé... bref lunatique, la veille de la pleine lune.
Sirius reposa les yeux sur le lac, pensif. Ça venait de sa question ? Sans doute. Mais il n'avait rien demandé de mal.
- Hum... S'il croyait en l'amour, ou s'il avait déjà été amoureux, ou... S'il avait des vues sur quelqu'un. Un truc du genre, pour lancer le sujet.
James cilla, posant son regard sur celui de Sirius. Le jeune homme semblait profondément déçu. L'animagus cerf entrouvrit les lèvres, comprenant pourquoi son ami était si vexé.
- Tu voulais... lui parler ?
Sirius fourra ses mains dans les poches de sa cape, d'un geste vraiment agacé.
- Tu ne m'y reprendras plus. Il peut rêver pour que je me confie à lui.
- Sirius, ne le prends pas comme ça. Je suis sûr que Remus ne voulait pas te vexer. Je doute qu'il se soit rendu compte de... euh... - Comment dire les choses ? Quels mots prononcer ? – De l'importance que cela avait pour toi.
Sirius haussa les épaules, le regard toujours rivé sur le lac. James ne le quitta pas des yeux, repensant aux questions que son ami pensait avoir posé. Là aussi, il comprenait un peu mieux. Surtout si Sirius avait posé la dernière, voir l'avant-dernière. Il était persuadé que le lycanthrope était amoureux du boudeur, à côté de lui. Alors, si cette question était totalement anodine pour Sirius, pour Remus, elle avait dû représenter la fin du monde. Car le lycanthrope ne savait pas mentir. C'était un fait qu'ils avaient vite appris. Ils savaient quand il mentait car il avait toujours les mêmes petites manies. Alors, le lycan avait dû préférer s'énerver plutôt que de mentir. C'était une technique comme une autre.
La position de James n'était pas si évidente. Il aurait été facile, pour lui, de tout dire à Sirius. De lui parler de ces doutes sur Remus. Mais il aurait l'impression de poignarder leur ami dans le dos. Il aurait pu tout dire et faciliter la situation entre les deux jeunes gens. Mais ce n'était pas son rôle. Remus ne voulait sans doute pas que Sirius l'apprenne, et surtout pas comme ça. Il était partagé. Mais en amour, il avait appris, de part son expérience, que la solution de facilité était loin d'être la meilleure.
- Patmol, écoute, Remus n'a pas voulu te vexer. Mais tes questions... Tu le connais. Tu sais bien comment il est. Tu peux comprendre.
Sirius tourna la tête vers son frère.
- Bah non ! Justement. Je ne comprends pas. Tu te rends compte... Il se croit laid.
James cilla, face aux paroles de son frère. Remus se croyait laid ? Mais pourquoi ?
- Il dit que l'amour n'est pas pour lui. Que jamais personne ne pourra voir en lui autre chose que ses cicatrices et son corps mutilé.
Le regard de James se posa sur la cape de Sirius, la voyant trembler. Son ami serrait les poings de rage.
- C'est n'importe quoi ! ajouta l'animagus chien.
James secoua la tête, avant de poser sa main sur l'épaule du jeune homme.
- Non... Pas tant que ça.
Sirius tourna la tête vers lui et il put lire une profonde indignation dans son regard gris argenté.
- Je sais, Sirius. Je ne cautionne pas, loin de là. Mais, mets-toi deux secondes à sa place. Depuis tout petit, les gens n'ont posé sur lui que des regards pleins d'horreur et de peur. Depuis tout petit, les gens l'ont détesté parce qu'ils ne comprenaient pas ce qu'il était, ce qui se passait et encore moins ses cicatrices. Les Lupins sont partis vivre en forêt. Imagine un peu !
Sirius baissa les yeux, écoutant sans l'interrompre, les mots de son ami.
- Obliger de s'exiler loin des humains pour protéger leur enfant. Je ne veux même pas imaginer ce que Remus a pu vivre pour qu'ils en arrivent à cette extrémité.
James soupira. Il ne voulait même pas penser à ça. Les êtres humains pouvaient être si cruels envers les plus faibles. Et un enfant de quatre ans, lycanthrope ! Rien ne devait faire plus peur.
- Rappelles-toi comme on a eu du mal à l’approcher en première année. Il nous parlait à peine, il n’était jamais dans le dortoir. Aujourd’hui, je peux le comparer à un animal sauvage. Il a été mordu à quatre ans, il n’a réellement aucun souvenir de sa vie d’avant. Il n’avait jamais eu d’amis. On sait aujourd’hui qu’il a fait un gros travail sur lui-même pour se lier d’amitié avec nous. Ça lui a pris du temps, il a mis du temps à nous faire confiance. Et en amour… Dans la mesure où il accepte un jour de s’ouvrir à ce sentiment, il va devoir faire bien plus. Patmol, quand Moony regarde son reflet dans le miroir, il ne voit que les regards que les gens lui renvoient depuis toujours. La terreur, la peur ! Il ne voit rien d'autre. Alors, ne t’étonnes pas, que quand on lui parle de tomber amoureux, il le prenne mal. Même s'il l'était, même s'il avait quelqu'un en vue, pour lui, ça ne resterait que lettre morte. Ne lui en veut pas.
Sirius acquiesça lentement de la tête. Il devait reconnaître que son frère avait raison. Même si lui, il n'était pas du tout d'accord ! Remus n'était pas laid ! Bien au contraire. Mais si c'était comme ça que le jeune homme se voyait, alors il pouvait comprendre.
- Tu as sans doute raison. Sûrement même.
- Laisse-lui une chance de connaître cette partie de ta vie.
L'animagus chien inspira, décidant d'arrêter de bouder. Il sourit.
- Tu es devenu bien sage toi, en ce qui concerne l'amour.
James lui adressa un grand sourire.
- J'avoue. Mais là, on parle d'amitié, pas d'amour. Aller ! Viens, on rentre.
Ils regagnèrent le château.
Dans une des tours du château, au niveau du sixième étage, un feu brûlait dans l'âtre de la cheminée. Trois personnes occupaient le dortoir.
James et Sirius étaient lancés dans une partie de bataille explosive, sous le regard admiratif de Peter. James gagnait ! Ce qui agaçait un peu Sirius. Mais ce qui agaçait surtout le brun aux yeux gris, c'était Peter et ses exclamations de joie au moindre coup gagné par son adversaire. Comme si son ami était attrapeur dans leur équipe et qu'il saisissait le vif d'or à chaque fois.
- Et gagné !
- Bravo ! Peter applaudit, un regard empli de fierté, posé sur son ami.
- Ça va Quedver, il n'est pas devenu ministre de la magie.
James envoya un petit clin d’œil vers son frère, qui se leva, agacé, mauvais perdant.
- Je laisse ma place.
Peter avait cessé d'applaudir à la remarque de Sirius. Il n'aimait pas ces remarques. Il savait que Sirius lui reprochait de trop se comporter comme une groupie envers James. Mais le capitaine de Quidditch était l'élève le plus doué de l'école, non ? Il méritait tous les égards, tous les regards.
- Une partie, Pet' ?
L'animagus rat s'empressa d'accepter. Sa vie à Poudlard, il ne se l'aurait jamais imaginée ainsi. Déjà, être à Gryffondor. Lui, que toute sa famille et tous ses proches prédestinaient à devenir Poufsouffle, non ! Il était à Gryffondor.
Il avait aussi un peu supplié le choixpeau, mais pas pour ne pas finir dans la maison des noirs et jaunes, qu'il trouvait la moins cool des quatre, non. Il avait supplié le choixpeau pour ne pas finir à Serpentard. La maison des verts et argents, des mages noirs, des futurs mangemorts ! Cela n'avait rien de cool, c'était même effrayant, terrifiant.
Et lui, à onze ans déjà, il voulait juste être cool ! Et aujourd'hui, il faisait partie du groupe le plus populaire de l'école. Il avait une quasi-petite amie... poufsouffle... mais si jolie qu'il lui pardonnait ce tout petit défaut. Et Julia était quand même assez populaire dans son genre. Et, cerise sur le gâteau, il était un animagus non-déclaré. Bon, son animagus n'était pas des plus spectaculaires, un petit rat... c'était loin d'être cool... Mais il était le seul à pouvoir se faufiler sous le Saule Cogneur pour l'endormir et laisser passer les deux autres et ça, c'était cool !
Donc, aujourd'hui, Peter Pettigrow avait atteint son but : être cool et populaire. Alors, peut-être qu'il agissait un peu trop comme une groupie de James. Mais il jugeait que c'était de son devoir, pour remercier le destin qui lui avait offert des années d'études aussi magnifiques.
- On en est où dans les comptes ? demanda alors le petit rat.
Sirius posa les yeux sur eux.
- Pettigrow 49 - Poudlard 0
- Bien, Pettigrow 50 dans quelques minutes.
Car oui, il était imbattable à ce jeu et les élèves de l'école, qui s’était donné le défi de le battre, n'y étaient pas encore parvenus.
Sirius se laissa tomber sur le lit de James, observant la carte et les deux petites étiquettes qui s'y déplaçaient. Ils prenaient leur temps aujourd'hui. Les petits pas de Lily Evans et Remus Lupin étaient maintenant au niveau de la tour d'astronomie et ils prenaient vraiment leur temps. Ils devaient discuter. Mais de quoi ?
Sirius se tourna vers ses deux amis, son regard se posant sur Peter qui gagnait déjà. Il observa la partie, attendant le retour du lycanthrope. Son regard se posa sur James, leur précédente conversation lui revenant en mémoire. Le jeune homme avait été de sages conseils. Mais ça, c'était depuis toujours.
Depuis six ans, le jeune homme était devenu plus qu'un ami pour lui, une âme sœur amicale, un vrai frère de cœur, son reflet dans le miroir. Et il lui avait encore prouvé l'été précédent, en l'acceptant dans sa famille, après sa fuite du Square Grimmaud.
L'été avait été magique, le meilleur de tous. Deux mois de vacances chez les Potter. Que demander de plus ? Les parents de James étaient des gens adorables. Dès son premier séjour chez eux, en troisième année, il s'était senti comme un dragon dans son nid. Il avait eu l'impression d'être un second fils dans cette maison. Le paradoxe était qu'il était plus âgé que James, d'un mois. Mais Fleamont et Euphemia Potter l'avaient accueilli comme leur enfant. Et c'était déjà beaucoup. La position de cadet lui suffisait amplement.
Pour les Potter, James était un miracle de la nature, un cadeau des dieux. Alors, le jeune homme avait été gâté. Surprotéger ? Non, pas vraiment, mais pourri et gâté, oui ! Il était l'opposé de Sirius sur ce point.
Chez les Black, l'ambiance était froide, les marques d'amour étaient plus rares que les têtes décapitées d'elfes de maison exposées dans l'entrée du Square Grimmaud. Alors, la rencontre avec madame Potter avait été un vrai choc culturel pour Sirius.
Les Potter étaient assez âgés. Ils avaient longtemps essayé d'avoir un enfant, en vain. Et il y a dix-sept ans, alors qu'ils avaient abandonné tout espoir, Euphemia était tombée enceinte. Leur miracle de la nature était né en très bonne santé et avait grandi heureux à Godric's Hollow, entouré de ses parents.
Sirius n'était pas un miracle de la nature pour sa famille. Il avait dû l’être les huit premières années de sa vie. Mais après… Il était devenu la pire erreur de celle-ci, remettant en cause les idéaux de ses parents, pensant par lui-même. Mais c'était sa fierté à lui, sa blessure où il puisait la force dont il avait besoin pour avancer. Il avait fait de ce défaut ce qui l'avait construit.
Ensuite, il avait passé le relais aux bons soins de Fleamont et Euphemia : des petits gâteaux, des sourires et des conseils, volant, sous nez de son frère, l’amour des parents Potter.
Pour James ? Il n'avait jamais ressenti une once de jalousie envers son meilleur ami. Au contraire ! Sirius était un pilier dans sa vie, la personne dont il cherchait l'admiration et le respect. Car son frère était sans doute le plus difficile à impressionner. Sirius était aussi son garde-fou, celui qui le faisait redescendre sur terre quand il exagérait. Et sans doute, la seule personne qu'il écoutait vraiment. Alors, quand il avait débarqué chez lui comme un second fils, James s'était empressé de lui faire une place dans ses armoires. Après tout, il avait toujours voulu avoir un frère et le choix de ses parents s'était porté sur la seule personne qu'il considérait déjà comme tel. Enfin comme...
Sirius était son frère. Il y avait eu très tôt une certaine séduction fraternelle entre eux, à savoir qui était le plus doué, le plus fort. Ils s’entraînaient mutuellement vers le haut, se poussant hors de leur capacité, repoussant la peur et les limites du tolérable. L'un sans l'autre, ils n'auraient jamais réussi à devenir des animagi.
Sirius reposa les yeux sur la carte. Les pas se dirigeaient maintenant vers la salle commune. Remus allait arriver. Il l'effaça, levant les yeux sur Peter.
- Encore gagné ! Pettigrow 50 !
James blêmit, mais capitula sans honte. Sirius se leva, tombant sur son lit, les yeux posés dans le vide. James lui avait demandé de se confier à Remus, de le laisser apprendre à connaître cette partie de sa vie. Mais ça le terrorisait réellement. Il redoutait le jugement du lycanthrope. Il redoutait le jugement des autres en fait, dans la généralité. Quoique les autres... Ils pouvaient dire ce qu'ils voulaient, ça lui était égal. Mais là, c'était Remus.
Si James savait, c'était parce que le jeune homme lui avait posé la question de but en blanc, comme ça. Limite sur le ton du : " tu peux me passer le beurre ?"
Il en avait été choqué. Comme si pour son frère, ce n'était qu'un détail parmi d'autres. Pourtant, c'était loin d'être un détail. Cet été avait été réellement magique. Il avait vécu bien plus en deux mois que tous les étés précédents. Il faut dire que les étés précédents, il ne vivait que de la terreur, de la haine et de la colère, enfermé dans sa chambre, ne réapparaissant que pour assister aux repas interminables, sans toucher à son assiette, n'ayant aucun appétit, aucune envie de vivre dans ce lieu. Ce n'était pas une grève de la faim, non, juste une envie de rien.
La porte du dortoir s'ouvrit et le regard de Sirius se posa sur le nouvel arrivant, un sourire aux lèvres. Le jeune homme avait l'air fatigué.
- Salut ! Ça s'est bien passé ?
Le préfet croisa le regard de son ami, étonné. Depuis deux jours, depuis l'épisode de la réserve de Potion, le jeune homme était fâché. Mais a priori ça lui était passé. C'était souvent comme ça, avec Sirius. Il boudait, puis une petite voix dans sa tête le raisonnait, Remus se doutant bien la petite voix était celle de James.
- Oui, comme d'habitude. Rien à signaler.
James se leva, s'approchant des deux garçons.
- Un coup d’œil sur la carte te l'aurait dit, sans que tu fasses toute cette marche.
Remus sourit, narquois, face à cet argument qui n'avait aucune raison d'être.
- Mais oui. Je me vois bien aller voir Lily et lui dire : Lily, ce n'est pas la peine de faire notre ronde. Tu sais, avec les garçons, on a créé une carte de Poudlard, qui grâce à un sortilège d'Homonculus, nous permet de savoir qui se balade dans le château, on peut savoir son nom, sa localisation et même le suivre, grâce à des petits pas tout mignon tout plein. Et là, tu vois, tout le monde est dans son dortoir ou dans sa salle commune.
Sirius rigola, Peter se désola pour son meilleur ami. Oui, James avait ce titre officiel même s'il ne l'avouerait jamais, puisque ce n'était pas réciproque.
James haussa les épaules, peu convaincu.
- Je suis sûr qu'elle aurait été ravie de ne pas avoir à faire sa ronde, et qu'elle aurait trouvé la carte tout simplement géniale.
Remus secoua la tête, retirant sa cape et se laissant tomber sur son lit. Sirius se leva, cédant à cette douce tentation. Il allongea à côté de son ami, prenant appui sur un coussin. Deux jours à bouder, deux jours sans quasiment lui parler et l’approcher. C’était long pour l’animagus chien. Il était en manque de son ami.
- Fatigué ?
Le lycanthrope acquiesça de la tête, fermant les yeux. Il avait mal aux articulations et il commençait à avoir une migraine. Il sentit alors une douce caresse dans ses cheveux et il entrouvrit les yeux, sentant les doigts de Sirius glisser dans sa chevelure châtain claire. Des caresses sublimes ! Chacune faisait naître en lui mille frissons, lui faisant aussitôt oublier son mal de tête.
Sirius commença à lui masser les tempes, un doux sourire aux lèvres. C'était lui qui était dévolu au soin du petit lycan, lui qui restait avec lui, le temps qu'il redevienne humain les soirs de pleine lune... lui qui le ramassait sur le sol froid de la cabane, pour aller l'allonger dans le lit et ne le quittait pas, le temps qu’il reprenne ses esprits.
Un rôle qui lui allait très bien et qu'il n'aurait délégué à personne. Remus posa son regard sur Sirius, se délectant cette proximité et de ses petites attentions. Deux jours sans lui, ça avait semblé une éternité.
- Je suis désolé pour l'autre soir, murmura-t-il. Je n'aurais jamais dû m'énerver comme ça, surtout pas contre toi.
Sirius haussa les épaules, croisant le regard du jeune homme.
- Y a pas mal. On oublie ça.
Même si oublier était un bien grand mot. Il n'était pas prêt à essayer de se confier à nouveau à son ami, sauf que maintenant, il avait une raison bien valable de ne pas le faire.
Le préfet ferma les yeux, savourant juste les massages de son homme. Non, il n'aurait pas dû s'énerver, mais Sirius avait frappé en plein cœur. Il était doué pour ça, sauf que là, c'était son cœur à lui.
James s'allongea sur son lit, prenant la carte dans ses mains et l'activa. Lily était dans son dortoir. Ils les avaient dessinés, mais sans les avoir jamais visités. Ce n’était pas faute d’avoir essayé. Mais le secret était très bien gardé.
- Rem', tu connais une recette de brownies ?
Trois paires d'yeux se posèrent sur James, étonnées.
- Des brownies ? - Le lycan se redressa, échappant malheureusement aux massages de Sirius - Bien sûr, pourquoi ?
James se releva, venant s'installer sur le même lit que ses deux amis.
- Il faudrait que je fasse les brownies les plus délicieux au monde. Fondant, moelleux, exquis.
Sirius haussa un sourcil. C'était quoi ce nouveau délire de son ami ?
- Tu sais que les elfes de maison savent très bien faire la cuisine et qu'il suffit de leur demander.
- Non, non, non !
Il n'allait pas tricher. Pour Lily, il était prêt à mettre les mains dans la farine et le chocolat fondu.
- Je dois les faire moi-même. De mes petites mains.
- Pourquoi ?
Sirius n'y comprenait rien. James faire la cuisine ? Ça, c'était un petit miracle.
- C'est un gage que j'ai eu. Et je ne triche jamais.
Sirius inspira, agacé. James ne donnait les informations qu'au compte-gouttes.
- Qui t'a donné ce gage ?
James sourit, haussant un sourcil, énigmatique.
- Lily. Alors, il faut que mes brownies soient parfaits. Tu m'aideras, dit ?
Il adressa un regard suppliant envers l'expert en chocolat.
- Bien sûr. Je connais une délicieuse recette. J'en faisais souvent avec ma mère quand j'étais petit.
C'était son petit plaisir. Souvent le lendemain de pleine lune, quand il pouvait se remettre debout, il l'aidait à faire des brownies pour chasser ses malheurs. C'était un moment magique à deux, où il reprenait sa vie d'être humain. Aujourd'hui, il avait grandi et son rituel avait changé, mais il était tout aussi délicieux, si ce n'est plus.
Sirius se redressa, perplexe. Depuis quand Evans se prêtait aux jeux des maraudeurs, surtout avec James Potter ?
- Evans t'a donné pour gage de lui préparer des brownies ? Dans quelles circonstances ?
James sourit un peu plus.
- Ça, ça ne regarde que moi !
Il n'avait pas envie d'en parler. Pour une fois dans sa vie, il avait ce sentiment que ça n'appartenait qu’à lui. Ce moment magique, où ils s'étaient livrés l'un à l'autre, faisant réellement tomber les masques, il ne voulait pas le raconter. Non ! C'était dans le domaine du privé.
Remus et Sirius échangèrent un étrange regard. Depuis quand, quand ça concernait Lily Evans, James ne les bassinait-il pas pendant des jours ?
Remus sourit, comprenant son ami. Il savait que parfois, il y avait des souvenirs qui n'avaient de réelle force que parce qu'ils constituaient un secret entre deux personnes.
- On pourra aller les préparer demain, après les cours.
- Ça marche.
- James, tu en feras plus pour nous ? Peter s'était levé, s'approchant du groupe.
- Non ! Ils ne seront que pour Lily et personne d'autre.
Il posa alors son regard sur Sirius, lisant cette perplexité craintive dans ses yeux.
- Et soit content, j'ai réussi à négocier. Tu as failli être sur le banc des remplaçants au prochain match de Quidditch.
Remus sourit alors, amusé de l'air déconfit de Sirius.
- QUOI ? Tu es sérieux là ?!? Qu'est-ce que je viens faire dans vos histoires ?
James se posa sur son lit, prenant un cahier dans les mains.
- Elle ne t'aime pas, c'est tout ce que je sais.
L'animagus chien croisa le regard ambré du préfet, une moue délicieuse sur les lèvres.
- Je ne comprends pas, je suis pourtant adorable, non ?
Remus sourit, acquiesçant de la tête.
- Un vrai petit ange !
Le sourire de Sirius s'agrandit un peu plus, rivant son regard dans les abîmes dorés de son ami.
- Bon, alors si toi, tu m'aimes, mon monde est sauvé.
Remus détourna les yeux, un léger rouge lui prenant les joues. Si lui l'aimait... Son cœur se mit à battre sourdement. Bien sûr qu'il l'aimait, mais pas de la façon dont le jeune homme l'entendait. Non mais parfois, le préfet avait du mal à comprendre son homme. Cette phrase n'était en rien anodine, en rien amicale. Est-ce que Sirius s'en rendait-il simplement compte ?
- Et nous, on sent la bouse de dragon ?
Remus posa les yeux sur le capitaine de Quidditch, de plus en plus perplexe. En tout cas, ça ne choquait pas James.
- Mais toi, je sais déjà que tu m'aimes. Je ne me pose même pas la question. Alors, garde tes crises de jalousie pour Evans. Et va faire la cuisine. Elle n'a vraiment aucune imagination pour te demander de lui préparer des brownies en gage.
James secoua la tête, amusé. C'est vrai que c'était plutôt sage comme gage. Mais le sien aussi. Une balade en balai. Il n'avait pas voulu aller trop vite et trop loin. Il reposa son regard sur son frère.
- Tout le monde n'a pas un esprit aussi tordu que toi, Patmol.
- Du genre ?
- La fois où tu m'as demandé de sauter de la tour d’astronomie avec mon balai pour voir si je survivrai ?
Une lueur d'envie alluma les iris de l'animagus chien à ce souvenir, avant de s'éteindre. Il riva son regard sur le préfet, mécontent.
- Tu as été un vrai Rabat-joie sur ce coup !
- Je lui ai sauvé la vie, rectifia Remus.
En effet, en quatrième année, il était réellement intervenu pour leur interdire ce jeu stupide. Il pouvait accepter beaucoup de choses de la part de ses amis, mais là, c'était réellement trop dangereux à son goût.
- J'aurais parfaitement réussi ! s'offusqua James, sous l'acquiescement de Sirius et Peter.
- Rabat-joie. Déjà à l'époque, il avait une âme de préfet... ajouta Sirius, amusé.
Ledit Préfet sourit alors.
- Peut-être, mais en tout cas, vous êtes tous les deux vivants et toujours élèves à Poudlard. J'ai rempli ma mission jusqu'à présent.
Sirius le regarda, étonné.
- Ta mission est que l'on termine nos études en vie et sans se faire renvoyer ?
Le préfet acquiesça de la tête.
- Et moi ? Quelle est ma mission ? Avant, c'était de déshonorer la famille Black...
- Mission parfaitement remplie, précisa le capitaine de Quidditch.
- Il m'en faut une autre... Et toi ? C'est quoi ta mission ? Il riva son regard sur son frère.
- Ma mission était de venir au monde et maintenant de profiter de la vie.
Sirius et Remus échangèrent un regard perplexe.
- C'est ce que l'on appelle avoir de l'ambition... ajouta le préfet, sous l'acquiescement du capitaine.
- Vous imaginez pas à quel point c'est dur d'être moi et à la hauteur de moi, tout le temps. J'en suis épuisé.
Sirius et Remus se regardèrent, amusés, s'entendant tacitement sur la marche à suivre. Et James reçut deux coussins en pleine figure, lancés violemment de la part de deux autres garçons, accompagné de quelques éclats de rire.
Remus posa les les yeux sur le quatrième membre des maraudeurs.
- Et toi Peter, tu as une mission ?
Peter... Le plus effacé. Au début de leur amitié, en première année, le jeune homme avait eu du mal à se faire une place parmi eux et encore aujourd'hui, il était souvent en retrait. Mais, si Sirius et James n'avaient que faire de le laisser de côté dans leur délire, ne l'appréciant que moyennement, à l'époque, Remus, lui, avait tout fait pour l'inclure dans le groupe. Il savait ce que s'était d'être seul, sans ami. Et le petit Peter lui avait fait de la peine, n'osant pas trop aller vers eux.
- Ma première mission était d'être réparti à Gryffondor !
- Tu as beaucoup supplié le choixpeau magique pour cela ? demanda Sirius, méchamment.
- Surement autant que toi, se défendit le petit animagus rat.
Même s'il est vrai que le choixpeau avait longuement hésité entre Serpentard et Gryffondor. Un fait qu'il n'avait jamais avoué à ses amis. Que le choixpeau ait pu envisager de faire de lui un serpentard, c'était à se faire exclure à vie de leur groupe. Même si Sirius avait eu droit au même débat, lui, n'était pas logé à la même enseigne. Heureusement que tout ce que disait le choixpeau n'était entendu que d'eux.
- Et un à zéro pour le rat, railla le capitaine de Quidditch.
Sirius haussa les épaules.
- Je ne l'ai pas si supplié que ça... bon peut-être un peu quand même. Mais Gryffondor un jour !
- Gryffondor toujours ! reprirent en cœur les trois autres.