Depuis qu’elle était toute petite, le film préféré d’Hermione était La Belle au Bois dormant de Disney. Alors ses parents n’avaient pas été surpris du tout quand elle avait demandé, pour la fête costumée de son école primaire, à avoir la robe de bal de la princesse Aurore.
À la fin de sa journée de travail, quelques jours avant la date fatidique, Warren Granger s’était donc arrêté dans une boutique de costumes. La robe en question s’y trouvait bien, dans la taille de l’enfant, en deux versions : bleue et rose. Hermione n’avait pas précisé celle qu’elle préférait, alors Warren hésita quelques secondes avant de saisir la rose. Toutes les petites filles aimaient le rose, pas vrai ?
Ce soir-là, quand Hermione et sa mère rentrèrent à la maison, Warren les attendait avec un grand sourire.
— Va dans la cuisine, je crois qu’il y a quelque chose pour toi.
Avec un petit cri d’excitation, la fillette courut vers la cuisine. Warren et Miranda la suivirent plus lentement, main dans la main, et poussèrent la porte au moment où Hermione tirait du sac la robe rose qu’avait achetée son père. Cependant, plutôt que la réaction de joie à laquelle il s’était attendu, Warren vit le visage de sa fille se décomposer et ses yeux s’emplir de larmes.
— Oh, ma chérie, qu’est-ce qu’il y a ? s’exclama Miranda en accourant vers elle pour l’enlacer.
— Je… voulais… la… bleuuuuuuuuuuuuuuuuuue ! hoqueta Hermione.
Warren et Miranda s’échangèrent un regard consterné par-dessus sa tête.
— Mais la rose est jolie aussi, tu ne trouves pas ? Une vraie couleur de princesse !
Mais Hermione était inconsolable. Ses parents finirent donc par ranger la robe malheureuse au haut de son armoire et décidèrent d’un commun accord de ne plus en parler de la semaine.
Hermione, elle, n’arrivait pas à oublier ce qui l’attendait, ce vendredi-là, à l’école. Paloma, sa camarade de classe que tout le monde adorait – élèves comme professeurs –, avait déjà annoncé à tous que ses parents lui avaient acheté une magnifique robe de princesse rose. Si Hermione arrivait vêtue de la même couleur, tout le monde se moquerait d’elle encore plus que d’habitude.
Le vendredi marin, en se préparant pour l’école, ce fut donc le cœur dans les talons qu’Hermione tira sa chaise de bureau vers son armoire pour y récupérer son costume de la journée. Elle posa le sac sur son lit, en sortit la robe, et…
— Papa ! cria-t-elle. Maman ! Venez voir !
Warren, le menton recouvert de crème à raser, et Miranda, sa chemise déboutonnée, accoururent et entrèrent dans la chambre de leur fille. Hermione, tout sourire, tenait contre sa poitrine sa robe de princesse.
Bleue.
— C’est de la magie ! s’exclama Hermione en se contemplant dans le miroir. Les fées-marraines d’Aurore ont dû changer la couleur pendant que je dormais !
Après un instant de surprise, ils se tournèrent l’un vers l’autre.
— Tu es retourné la changer au magasin ? demanda Miranda.
— Non, répondit son mari. Toi ?
Miranda secoua la tête.
Mais aucun des deux ne crut tout à fait l’autre. Jusqu’au soir du 17 juillet 1991.