Alistair Despambount tenait fermement son parapluie, à deux mains et devant lui. La toile tendue tressautait à chaque nouvel impact.
« Mais je vous assure, ma chère madame, que vous ne rencontrerez que des avantages à changer d’aspirateur pour le modèle sorcello presto. Plus de sacs à changer et une force d’aspiration quasi magique. »
Un hululement gargouillant répondit à sa phrase. Passablement perplexe devant ce son, Alistair jeta précautionneusement un œil par dessus son parapluie. Le visage allongé, non étiré, émacié et sec de sa cliente lui faisait face. Le trou béant qui avait laissé échapper l’étrange borborygme s’était figé. Les globes oculaires saillaient dans les orbites et Alistair crut un moment que la jeune femme s’apprêtait à faire feu de ses yeux. Un éclat orange passa au ras de sa chevelure et il se replia prudemment derrière la toile tendue.
« Sortez… Allée… Jamais… jardin… Pas revenez... Du balai. »
La voix étranglée de la jeune femme avait presque grincé de fureur sa suite incohérente de mots. Alistair ne comprenait absolument pas la réaction de sa cliente. Mais il était démarcheur à domicile depuis de longues années et il ne se laissait plus impressionner par les agacements et mouvements d’exaspération de ses prospects. Il était là pour vendre et il allait vendre.
« De balai, madame, continua-t-il joyeusement, vous n’en n’aurez justement plus jamais besoin. Sorcello presto aspirera non seulement poussières, terre et autres déchets de table, mais grâce à son réservoir incorporé et sa fonction vapeur, vous permettra non pas seulement de laver les sols, mais de les récurer et plus encore de les désinfecter. Quelle satisfaction pour vous de voir votre belle maison retrouver ses couleurs pimpantes et d’offrir à votre si charmant enfant, un environnement sain et propre. Laisser aux sorcières de contes de fée leur moyen de transport préféré et opter pour sorcello presto l’aspirateur vapeur de demain.
– Sortez, » haleta la femme en frappant violemment le parapluie pour l’obliger à reculer.
Les yeux fixés sur les baleines, Alistair entendit la porte claquer. Il avait raté sa vente. L’homme referma son parapluie, considéra d’un air blasé les balles, carottes, cuillères de purée de citrouilles et autres babioles que le si charmant bambin avait copieusement fait pleuvoir sur lui. Et fit demi tour dans la petite allée qui avait singulièrement perdue de sa netteté depuis son arrivée. Arrivé à la clôture, il posa sa valise de présentation et resserra son nœud de cravate.
« Une vraie saleté ce môme, j’espère qu’elle va en baver, » lança-t-il avec un clin d’œil aguicheur au chat qui se tenait sur la clôture. Le félin, qui le fixait, détourna dédaigneusement la tête.
« Quel adorable quartier que Privet Drive, lança Alistaire au réverbère, même les chats y sont prétentieusement snobs. »