Le ciel est blanc depuis quelques jours maintenant. Les températures ont encore chuté de plusieurs degrés également. On dirait que la neige menace de tomber. Ce ne serait pas une mauvaise chose, cela n'arrive pas souvent un Noël sous la neige.
Noël. Ce Noël serait le premier vrai Noël que je passerai en famille. Une famille un peu reconstituée mais une famille quand même. Jamais cela n'a été le cas du vivant de mon père. Noël n'a jamais existé avec lui ou mes grand-parents, qu'importe la branche de la famille.
Aujourd'hui, nous sommes le 2 décembre 1998. Sept mois sont passés depuis la Bataille de Poudlard.
J'ai été jugée pour complicité de meurtre, de torture et d’association avec le terrible mage noir : Lord Voldemort. Autrement dit, soupçonnée d'avoir été une Mangemort.
De plus, faire parti de la maison Serpentard n'a pas arrangé mes affaires.
Mon procès a été riche en émotion. Il a soulevé, pour le Magenmagot, un lourd dilemme, concernant mon allégeance dans cette guerre, ce qui a fait les choux gras de la Gazette du Sorcier et ce bien avant ledit procès.
Pour le tribunal, j'étais déjà condamnée, mais un témoignage surprise convint la majorité d'abandonner les charges. Ce fut l'arrivée d'Andromeda Tonks. Elle ramenait avec elle, le flacon de souvenir d'Albus Dumbledore. Souvenir que j'avais moi-même oublié.
Tout d'abord, le tribunal était indécis face à cette « preuve » mais le discours d'Andromeda les décidèrent à tout de même y prêter attention. Quand tout le monde vit le souvenir, un doute persista mais je fus tout de même libérée.
Ma mère, ainsi que mes grand-parents Piece et Carter furent également interrogés pour connaître leur implication dans cette guerre. Bien qu'ils se pensent tous supérieurs aux Sang-Mêlés, aux né-Moldus et aux Moldus, ils ont regardé les événements de loin, trop lâches pour agir réellement. A part ma mère, ils ont nié avoir eu connaissance des activités de mon père. Les enquêteurs n'ayant aucune preuve contre eux pour l'une ou l'autre version, ont abandonné les poursuites.
Malheureusement, ma mère eut plus de problèmes. Elle fut jugée coupable de complicité de meurtre, de dissimulation et de tromperie contre la société magique, pour ne pas avoir dénoncé son mari. Heureusement, le tribunal a tenu compte des circonstances atténuantes. La maltraitance morale, parfois physique de mon paternel et ses menaces de me faire du mal si elle n'obéissait pas, allégèrent sa peine. Elle reçut une très lourde amende qui vida de moitié du coffre familiale des Piece à Gringotts, ainsi qu'une assignation à résidence sous surveillance pour plusieurs mois.
Depuis la fin de la Bataille de Poudlard, j'ai découvert la véritable vie de ma mère. Elle m'a toujours protégée le plus possible de mon père, tout en cachant son affection pour moi. Au début, je peinais à la croire car son comportement avait toujours été si froid et indifférent à mon égard. Pour essayer de me faire comprendre sa position, elle décida de me faire partager ses souvenirs. Beaucoup m'ont choqués, et d'autres m'ont profondément bouleversés car ils me montraient le vrai visage de ma mère.
Flash-back
« Siohban Piece s'avance doucement dans la faible lumière de son Lumos, jusqu'à la porte, à ce moment entrebâillée, où son mari enferme sa fille depuis le début de l'été (1996). Il lui avait interdit de descendre la voir mais son inquiétude est telle qu'elle ne peut obéir. Des éclats de voix se font entendre mais rien de compréhensible. Un cri résonne soudain entre les murs, un cri de souffrance extrême, suivit d'un autre, et d'un autre...
Des larmes s'écoulent de ses yeux. Elle regarde à ce moment dans l’entrebâillement et aperçoit sa fille inconsciente au sol.
- Tu n'es qu'une bonne à rien, Chrystal. Tu as intérêt à te reprendre sinon il t'en coûtera bien plus qu'aujourd'hui.
Siohban entend les pas de son mari venant vers elle. Elle éteint sa baguette et se désillusionne rapidement. A peine invisible, son mari passe la porte et s'éloigne d'un pas pressé. Elle attend quelques secondes puis entre dans la pièce.
La vue de sa fille inconsciente lui donne le haut-le-cœur. Elle s'approche rapidement, posant sa main sur sa tête, se lamentant de la laisser aux mains de cet homme cruel. Elle remarque soudain ses vêtements tachés de sang et commence à la guérir. Mais le pire fut quand elle découvrit l'état de son dos...
- Ma petite fille, sanglote-t-elle. Ma pauvre petite fille...
Elle lève sa baguette et murmure des sorts au dessus de son dos. Ils n'ont malheureusement que peu d'effets »
Fin Flash-back
Nous avons beaucoup discuté avec ma mère, de ce que mon père lui avait imposé, de ce qu'elle avait toujours voulu me dire, et surtout, on a parlé de Remus. Elle m'a racontée leur vie scolaire ensemble et comment elle a dû le quitter. Je me rends compte maintenant qu'elle n'avait jamais cessé de l'aimer.
Je me rends compte également à quel point elle a souffert elle aussi, et depuis bien plus longtemps que moi. Mon père avait ravagé ma vie mais il avait également ravagé la sienne.
Sachant à présent tout cela, nous avons décidé de prendre un nouveau départ, de reconstruire notre relation. Les débuts ont été durs. Ma mère a commencé à me montrer des marques d'affection que je n'avais jamais reçues avant et m'y habituer totalement me prend du temps.
Aujourd'hui, nos procès sont derrière nous et pourtant, malgré avoir été graciées, lavées de tout soupçon, la situation est plus que désespérante. Notre nom est entaché par les actes ignobles de mon père et par le remue-ménage qu'entraîna nos procès, au point qu'il est sûrement connu de toute l'Angleterre.
- La maîtresse est sûre de ne pas laisser Uma prendre un sac ? Uma peut tous les porter, maîtresse.
- Ça ne me dérange pas et puis ça fait bien trop de sacs pour toi.
- Comme la maîtresse voudra, couina la vieille elfe de maison.
Aujourd'hui, nous sommes allées sur le Chemin de Traverse pour faire des courses. Nous n'avons fait que trois boutiques et à chaque fois j'ai été accueillie par un silence glacial et méprisant. Ils m'ont à chaque fois reconnue et j'ai été quasiment mise dehors à chaque fois.
Nous arrivons au manoir par transplanage.
- Les courses se sont bien passées ? me demande maman, quand nous arrivons dans la cuisine.
- Ouais...
Le ton sec de ma voix arrête ma mère dans la préparation de son plat et se tourne vers moi. Au même moment, Berlioz saute sur mes genoux, et se frotte contre moi.
- Aurais-tu faim, saleté de chat-volant ? Ce n'est sûrement pas pour moi que tu es rentré si rapidement.
Il me mord la main pour seule réponse.
- Aie ! Si on ne peut plus rigoler.
Il m'adresse un miaulement avant de s'installer en boule sur mes cuisses, les ailes repliées.
- Vous êtes adorables tous les deux.
Je lève la tête et croise le regard de ma mère.
- Berlioz est bien plus intelligent qu'on le croit et il est d'une fidélité sans faille.
- Il est aussi très attaché à toi, ajoute-t-elle. Ça devait être un réconfort pour toi de l'avoir à tes cotés ces dernières années.
- Oui, ça a été le cas.
Distraitement, je caresse son dos aux poils soyeux et le regarde se reposer paisiblement.
- Chrystal ?
- Hum.
- Qu'est-ce qui se passe ? Tu as l'air contrariée...
- C'est bien plus compliqué que ça, maman.
- Alors, explique moi.
Je lève la tête vers elle, mon regard au niveau du sien, avant de lâcher un long soupir. Elle n'a vraiment aucune idée de ce qu'il se passe.
- Tu ne le vois sûrement pas parce que tu es encore assignée à cette maison mais dehors les sorciers n'ont pas changé d'opinion malgré les résultats de nos procès. Nous sommes et nous resterons à jamais pour eux des Mangemorts ! Pas plus tard que tout à l'heure sur le Chemin de Traverse, ils m'ont tous dédaignée et ne m'ont quasiment pas adressée la parole et m'ont presque jetée de leur magasin !
- Je sais très bien l'opinion des gens sur nous, Chrystal, mais ça ne durera pas. Ces gens finiront par comprendre.
- Quand, maman ? Quand ? Ces gens sont étroit d'esprit et intolérant ! Ils ne nous laissent même pas une chance. Pour eux, nous avons choisi cette vie alors que ce n'est pas vrai.
- Je sais, Chrystal. Je sais.
- Je n'en peux plus, maman. Nous n'avons pas méritées d'être traitées ainsi. Tu es bloquée ici. Notre coffre de Gringotts également et je n'arrive pas à trouver de travail... Si ça continue nous allons devenir impotentes et je ne le tolérerai pas.
- Calme-toi, Chrystal. On va se débrouiller. Il ne reste qu'un mois avant que je puisse accéder au coffre de Gringotts et d'ici là, il existe quelques sortilèges bien pratiques comme celui la. Duplica.
Elle dirige sa baguette vers une salade que je viens d'acheter et une nouvelle apparaît aux cotés de la première.
- Ce sort a ses limites bien sûr, mais c'est mieux que rien, sourit-elle.
Je fixe ma mère, légèrement surprise.
- Comment tu fais pour rester calme comme ça ? Tu n'as l'air nullement préoccupée ?
- Je me préoccuperai quand les problèmes seront là.
Elle m'impressionne et ce n'est sûrement pas la dernière fois. Malgré les mois passés, j'apprends encore à connaître ma mère.
- Tu n'es pas passée voir George ? me demande-t-elle tout à coup.
- J'ai voulu y aller mais sa boutique était pleine de monde. Je crois que les gens s'approvisionne chez lui pour les cadeaux de Noël.
- Certains ou certaines risquent de recevoir des cadeaux pour le moins particuliers, rigole-t-elle. Molly m'a beaucoup parlée de leur boutique. Je pense qu'elle est très fière de ce que ses fils ont accomplis. Et j'ai l'impression qu'il y a de quoi si la boutique est si populaire.
Depuis que nous passons du temps à nous voir avec George, sans pour autant nous afficher devant tout le monde, sa famille, ses amis, ainsi que ma mère ont bien compris que nous étions ensemble.
Molly vient régulièrement nous rendre visite, tout comme Andromeda à qui je rends moi-même visite. Teddy grandit tellement vite, il commence à babiller de plus en plus, ses dents commencent à apparaître et de vrais mots sortent parfois de sa bouche. Je l'aime tellement ce bonhomme.
- Chrystal ?
- Hein ! Quoi, maman ?
- Tu n'as pas écoutée un seul mot de ce que je viens de dire, me reproche-t-elle.
- Excuse-moi, tu disais quoi ?
- Je parlais d'Uma. La pauvre commence vraiment à être fatiguée et elle n'est plus toute jeune. Il serait peut-être temps de t'acheter une nouvelle baguette. Uma ne pourra pas toujours t'accompagner dans tes déplacements après tout.
- Maman, on en a déjà parlé. On ne va pas remettre ça sur le tapis. Acheter une baguette coûte plusieurs Galions, je ne veux pas gâcher le peu d'argent qu'il nous reste pour ça. Tu l'as dit toi-même il ne reste qu'un mois à tenir.
- Tu es une sorcière, Chrystal. Posséder une baguette fait parti de ton identité. Et puis tu n'as pas à utiliser ton propre argent pour la nourriture. C'est mon rôle de m'en préoccuper.
- Je te promets d'y penser, je soupire, ça te va ?
- Tu as de la chance que je ne puisse pas t'y forcer à y aller, soupire-t-elle à son tour.
Nous nous observons un moment avant de pouffer de rire.
- Viens m'aider, m'ordonne-t-elle gentiment, tu as encore tes mains si je ne m'abuse.
- Très drôle, hilarant même.
J'attrape un couteau et commence à couper les pommes de terre pour le ragoût pendant que maman recommence à s'occuper de la viande.
Depuis quatre mois, je me suis habituée à ne pas utiliser de magie. Au début c'était bizarre puis c'est devenu une routine. Bien sûr, ça me manque de ne plus avoir de baguette magique mais je trouve que c'est reposant après tout ce qui s'est passé ces dernières années.
Mais, maman a sûrement raison, il faut que je retourne voir Ollivander.
***
Plusieurs jours plus tard, je me prépare à retourner sur le Chemin de Traverse.
- Chrystal, m'appelle ma mère. Tu as de la visite !
- J'arrive !
J'attrape ma cape d'hiver ainsi qu'une écharpe. J'arrive au hall d'entrée, avec la surprise d'y voir Andromeda.
- Andromeda, m'écriais-je. Je suis contente de te voir. Et comment va mon filleul ?, demandais-je au bambin blond dans ses bras. Aurais-tu décidé de rester blond à présent ?
- Cri, s'écrit-il, l'air content de me voir.
- Il hésite toujours entre le blond et le bleu. Ça ne m'étonnerait pas qu'il soit comme sa maman. Nymphadora adorait porter du rose vif, qu'il choisisse le bleu ne serait qu'une suite logique quelque part, sourit-elle.
- Vous voulez boire quelque chose, Andromeda ?
- Non merci Siohban. Je passais juste vous dire bonjour. Je dois emmener ce petit bout à Ste Mangouste.
- Il est malade, je m'inquiète de suite.
- Non, non, c'est juste une visite de contrôle. Il y en a plusieurs la première année qui suit la naissance d'un bébé. C'est tout à fait normal.
- Ah ouf, je préfère ça.
- Tu t'apprêtais à sortir, remarque-t-elle.
- Oui, je vais chez Ollivander.
- Ah, tu vas enfin te chercher une nouvelle baguette.
Je lève les yeux au ciel. Tout le monde est vraiment contre moi dans cette histoire, même George trouvait ça bizarre que j'attende autant.
- J'espère qu'il voudra bien me recevoir. Les commerçants du Chemin de Traverse sont vraiment peu accueillant.
Andromeda sourit tristement, comprenant très bien la situation.
- Tu ne dois pas abandonner, Chrystal. Tu es forte. Tu dois leur montrer qu'ils se trompent.
Je souris, mais le manque de conviction doit se sentir.
- Je vais y aller. A bientôt.
J'embrasse le front de Teddy avant de passer la porte et de transplaner pour le Chemin de Traverse.
Je l'avoue. J'ai fui la conversation mais je ne peux pas y faire autrement. Pour moi, ce sujet est sans solution. J'aurais beau montrer le meilleur de moi, ils me traiteront toujours de la même façon. Comme une Mangemort.
L'animation du Chemin de Traverse est devenue très forte notamment avec la fin de l'année qui approche à grand pas. Les vitrines sont somptueusement décorées et j'entends une chorale de Noël au loin, entonnant le célèbre « Joy to the World ».
Beaucoup de monde se promène des présents plein les bras, un sourire joyeux aux lèvres. Ils sont emportés par la joie que véhicule Noël.
Je finis par atteindre la célèbre boutique d'Ollivander. J'inspire un bon coup et passe la porte. La sonnette m'annonce. Quelques instants plus tard, Garrick Ollivander apparaît derrière son comptoir poussiéreux.
- Miss Piece, m'accueille-t-il. Je ne m'attendais pas à vous voir, ajoute-t-il lentement. Il vous faut une nouvelle baguette je suppose.
J'opine de la tête.
- Comment s'est cassée votre ancienne baguette si ce n'est pas indiscret ?
Il se dirige vers ses étagères tout aussi poussiéreux que son comptoir.
- Bois de pommier et crin de licorne, n'est-ce pas ?
- Oui, c'était sa composition. Je l'ai cassée volontairement.
- Pourquoi cela ? demande-t-il surpris.
- Parce que j'étais en train de me vider de mon sang et que je pensais mourir. Et que même sans ça, je ne voyais pas l'intérêt d'une baguette si ils m'enfermaient à Azkaban.
Ollivander me fixe et je vois dans ses yeux les interrogations qu'il se pose, mais il n'ajoute rien et se tourne vers ses étagères. Il en sort une boite.
- Commençons par celle-ci. Bois de hêtre et ventricule de dragon, vingt-neuf virgule huit centimètres, rigide.
J'attrape la baguette entre mes mains, et amorce un geste avec celle-ci. La pile de parchemin sur le comptoir s'envole.
- Apparemment non. Essayons celle-ci, bois d'érable et crin de licorne, vingt-sept centimètres, flexible.
Deux secondes après l'avoir eu en main la vitre se brise.
- Toujours pas. Attendez-moi un instant.
Il disparaît dans ce que je pense être sa réserve. Il en revient avec une nouvelle baguette.
- J''ai le sentiment que celle-ci pourrait vous convenir. Elle est composée de bois de cerisier et d'une plume d'hippogriffe, vingt-huit virgule cinq centimètres, légèrement flexible.
Quand la baguette entre en contact avec ma main, une douce chaleur l'envahit. C'est la bonne, je pense aussitôt. Je lance un sort pour réparer et ranger la bazar que j'ai causé, qui confirme mon impression.
- C'est un franc succès, il me semble.
- Oui, elle obéit comme la première.
- La baguette choisit son sorcier, il ne peut en être autrement.
Je remarque la lueur triste dans les yeux du fabriquant de baguette.
- Quel que chose ne va pas, Monsieur Ollivander ?
- Eh bien pour tout vous dire, oui. Voyez-vous Miss, toutes les baguettes que je fabrique sont importantes à mes yeux mais celle-ci est vraiment particulière. Je l'ai fabriquée, il y a bien des années avec un ami très cher, aussi passionné que moi par le monde des baguettes. Malheureusement, ça fait bien longtemps que je n'ai plus de ses nouvelles. Pourtant, cette collaboration restera un de mes meilleurs souvenirs. Prenez-en grand soin Miss, c'est une baguette vraiment unique qui vous a choisi. Je pense d'ailleurs que ce n'est pas un hasard.
- Qu'est-ce qui vous fait dire cela ?
- Contrairement à d'autres Miss Piece, j'ai vu votre père à l’œuvre et je peux affirmer que vous êtes complètement différente de lui. Malheureusement notre société est bien trop meurtrie pour se rendre compte qu'elle se trompe sur vous. Cette baguette vous aidera à construire votre voie.
Je le fixe, abasourdie et sans voix. C'est la première personne en dehors de mes proches qui me tient un discours aussi encourageant.
- Je vous remercie Monsieur. Vous êtes bien le seul à penser cela.
- Le temps arrange tous les maux. Ne perdez pas espoir.
Sur ses paroles, je règle mon achat et ressort de la boutique.
Je continue de descendre la rue en direction de la boutique de farces et attrapes pour sorciers facétieux. J'aperçois déjà la devanture, avec le grand automate magicien qui fait disparaître et apparaître un lapin avec son chapeau.
J'arrive à la porte de la boutique où un écriteau est affiché.
Fermeture exceptionnelle cette après-midi
pour cause d'inventaire.
Je frappe tout de même à la porte. J'entends qu'on s'approche. Et ce n'est pas George.
- Il est occupé. Tu ne sais pas lire.
- Toujours aussi accueillant, Weasley. Est-ce que je peux entrer ? Je ne vous dérangerais pas longtemps.
- Est-ce que j'ai le choix ? George m'en voudrait si je ne le faisais pas.
Il se décale pour me laisser passer et referme la porte. Il me guide jusqu'à George qui d'après les rires que j'entends n'est pas seul.
- C'est pour toi, George, annonce Weasley, en entrant dans la pièce.
- Vraiment, répond celui-ci, encore en pleine hilarité.
J'entre à la suite de Weasley. George est dos à moi, les mains dans un carton. A ses cotés, une jeune femme à la peau métisse. Elle pose son regard sur moi et son sourire disparaît automatiquement. C'est bizarre, j'ai l'impression de l'avoir déjà vu quelque part.
- Je suis désolée de vous déranger mais...
- Chrystal, s'écrie George soudainement, en se retournant vers moi.
Il s'avance et me serre étroitement contre lui avant de me relâcher quelque secondes plus tard.
- Tu sais très bien que tu peux venir quand tu veux, je te l'ai dit des centaines de fois.
- Oui, mais c'est ton travail. Je ne vais pas m'inviter tous les jours.
- Heureusement.
Merci à Weasley pour cette délicate intervention.
- Ne fais pas attention à Ron, soupire George. Tu ne connais pas Angelina. C'est une amie et camarade de promotion qui vient nous donner un coup de main de temps en temps. Angelina, voici Chrystal, ma petite amie.
- Enchantée de te rencontrer enfin, dit celle-ci en s'avançant.
- De même, je réponds. On s'est déjà vues avant, non ?
- On s'est sûrement croisées durant nos années communes à Poudlard, répond-t-elle simplement.
Elle sourit, poliment mais un brin forcé quand même. Encore une personne à rajouter dans la liste de ceux qui me peuvent pas m'encadrer.
- Continuez un peu sans moi, intervient brusquement George. Je vais montrer un peu la boutique à Chrystal. Il ne reste de toute façon que ces trois cartons et à remettre en ordre le rayon des objets moldus.
Ignorant les protestations de son frère, il me pousse hors de la réserve et m'entraîne au premier étage de sa boutique.
- Je voudrais te montrer mon rayon préféré mais avant...
Il se penche soudain vers moi et m'embrasse passionnément. Je réponds à son baiser avec la même ferveur. Il m'a manqué ces derniers temps. Avec les fêtes qui arrivent, il a beaucoup de travail et je ne peux guère lui en vouloir pour ça.
Nous nous embrassons encore, avant nous regarder dans les yeux, le sourire aux lèvres.
- Je voudrais pouvoir t'embrasser chaque jour. Je me déteste d'avoir autant de travail.
- N'importe quoi idiot ! Cette boutique, c'est le rêve de ta vie. Tu ne vas pas le sacrifier pour moi.
Il me lâche et s'éloigne de plusieurs pas.
- Tu ne dirais pas ça si tu savais tout.
- Que veux-tu dire ?
Il commence à marcher à travers l'étage et finit par tourner au détour d'une étagère.
- Ici, dans ces étagères, commence-t-il, sans répondre à ma question. Il y a toutes nos premières inventions. Tout ce que nous avions crée durant nos années à Poudlard. C'est toujours moi qui m'occupe de ce rayon depuis la réouverture.
C'est sûrement le rayon qu'il préfère comme il l'a dit plus tôt mais il est également devenu lourd de souvenirs. Je pose mes yeux sur les étagères en question et commence à en lire les écriteaux. Boîtes à Flemme, Pastilles de Gerbe, Feuxfous Fuseboum, chaudrons farceurs, tasses mordeuses...
- Je me souviens de celles-ci, rigolai-je. J'ai failli y laisser ma main ce jour là.
- Oui, je me souviens, mais il y avait une chance sur mille pour que ça tombe sur toi. On avait bien rigolé, se souvient-il, son sourire disparaissant de son visage.
- Qu'est qui se passe, George ?
Il inspire et souffle un bon coup avant de reprendre la parole.
- Ron, ma mère, mon père me disent que c'est normal pour le moment car le chagrin est encore trop fort et que je n'ai pas encore appris à vivre avec et que je recommencerai comme avant mais rien ne sera comme avant. Les idées étaient de Fred et moi. Je ne pense pas que de nouvelles viendront. Je n'en ai plus envie... pas sans lui...
Je m'approche de lui et l'enserre délicatement dans mes bras.
- Ne te mets pas la pression pour ça. Tu as été capable de rouvrir la boutique c'est déjà un grand pas de fait.
- C'est grâce à toi.
- Mais non ! Je n'ai rien fait. C'est toi tout seul. Pour toi et en souvenir de ton frère.
- Je t'assure que si. Tu ne le sais pas mais j'ai rouvert la boutique la semaine juste après ton procès.
Sans m'en rendre compte, je relâche mon étreinte.
- Non, tu ne me l'avais pas dit.
Il prend mon visage entre ses mains et pose son front contre le mien.
- Quand nous nous sommes vus durant la Bataille, la mort de Fred avait fait disparaître toutes mes sentiments excepté une profonde déchirure en moi comme si on m'avait coupé en deux. Je n'avais plus conscience de rien. Ce n'est que plus tard quand j'ai vu le corps de Harry mort que j'ai repris conscience et que je me suis mis à te chercher partout... mais je n'y arrivais pas.
Ses yeux s'ouvrent soudain, et ils brillent tellement fort.
- J'ai continué à te chercher, après la fin de la Bataille et j'ai entendu ta mère crier ton nom. Quand je t'ai vu sur le sol en train de te vider de ton sang, j'ai cru devenir fou.
- Tout va bien, George. Je suis là, j'essaye de le calmer, à la vue des larmes qui commence à couler de ses yeux.
- Je suis venue te voir quasiment tous les jours à Ste Mangouste mais quand tu as repris connaissance ils t'ont directement emmenée à Azkaban. Ce jour-là, j'assistais à l'enterrement de Remus et de Tonks.
A mon tour, je sens mes yeux s'embuer de larmes.
- J'ai voulu y aller pour toi. Dire quelques mots...
- Merci, soufflai-je, ne pouvant plus retenir les larmes dans mes yeux.
- Puis j'ai essayé de venir à Azkaban mais tu étais interdite de visite. J'ai assisté au procès de ta mère, puis au tien. Mon cœur s'est envolé quand je t'ai vue mais il s'est aussi serré à cause de l'état dans lequel tu étais... tellement pâle, tellement maigre... J'ai voulu t'attendre avec Andromeda mais elle tenait à te voir seule d'abord. J'ai compris après que c'était pour Teddy. Il a vraiment de la chance de t'avoir...
- De la chance ? Tu trouves qu'il a de la chance d'avoir une marraine qui ne le voit même pas lui mais son père disparu ?
Il me caresse doucement les joues.
- Tu aimais Remus. Et il te manque. Tu aimeras Teddy tout autant.
- Je l'aime, là n'est pas la question mais je ne peux m'empêcher de voir son père et non lui. Je ne sais pas si tu arrives à comprendre ce que je veux dire.
- Si je comprends très bien. J'ai un bon exemple ici.
- De qui tu parles ? Angelina ?
- Oui. Fred était son petit ami. Elle vient ici pour m'aider mais quand elle me regarde je vois très bien qu'elle ne voit que Fred. Nous sommes des répliques exactes après tout.
- Non. Depuis notre première rencontre, j'ai toujours su vous différencier.
- C'est pas faux.
Délicatement, il dépose un baiser sur mes lèvres.
- Tout ça pour dire, que sans toi, je n'ai plus aucune raison d'exister. On m'a déjà pris une première moitié de moi, je survivrai pas sans la deuxième.
- Tu as une famille également ne l'oublie pas. Une grande et belle famille qui sera toujours là pour toi. Tout comme moi.
- Je t'aime.
- Je t'aime aussi. Tu crois d'ailleurs que ta famille m'en voudras si je te kidnappe ce soir, j'enchaîne aussitôt.
- J'ai juste à envoyer un hibou à ma mère pour la prévenir que ma Serpentard de petite-amie me kidnappe. Elle t'aime bien tu sais, donc je ne pense pas qu'elle dise quoi que ce soit. Pourquoi toutes ces questions ? Est-ce que notre destination est de mauvaise fréquentation ?
- Pour ma famille, oui. Un restaurant moldu, c'est d'un malfamé.
- Tu vas du coté moldu toi ?
- Oui depuis que je ne suis plus la bienvenue ici. Enfin pas partout, souris-je. J'ai eu une belle surprise tout à l'heure.
Je sors ma baguette de ma poche.
- Tu en as enfin acheté une nouvelle, se réjouit-il.
- Oui. Monsieur Ollivander a été... surprenant.
- Comment ça ?
- Il est le seul en dehors de toi dans les commerçants du Chemin de Traverse à me souhaiter du courage dans cette nouvelle société et qu'il est persuadé que je suis quelqu'un de bien.
- C'est quelqu'un d'intelligent, j'en étais persuadé, sourit mon rouquin de petit ami. On se retrouve au Chaudron Baveur à 20h ?
- C'est bon pour moi. J'ai découvert un endroit qui devrait de plaire, avec de la magie moldue.
- Ça à l'air intéressant, dit-il avant de m'embrasser.
- Bon, George, tu viens ?
Weasley apparaît soudain à l'autre bout du rayon, les bras croisés sur la poitrine.
- Tu as oublié qu'on avait également les commandes à faire. Les réserves de poudre d'Obscurité Instantanée du Pérou ne vont pas se faire toutes seules.
Comprenant qu'il ne bougerait pas, je m'éloigne de George.
- Je vais te laisser. On se retrouve après de toute façon.
- J'y compte bien. A toute suite, Chrys.
Il s'éloigne et me lâche au dernier moment. Je les suis de loin puis après un dernier signe de main, je me dirige vers la sortie.
La rue est beaucoup moins peuplée que tout à l'heure. La jour commence à décliner et les premiers réverbères s'allument pour éclairer les derniers passants.
Soudain, quelque chose d'humide me touche la joue. Je lève la tête et d'autres m'arrivent sur le visage. C'est de la neige. De beaux flocons ronds et blancs qui tournoient ici et là pour parfaire cette fin d'année.
Sans raison particulière ou logique, ils apaisent mon esprit. L'impression d'être continuellement sous pression et sous le regard lourd de jugement de tout ceux qui ont le malheur de reconnaître mon visage et de continuer à croire ce que je n'ai jamais été, est quasi permanente.
Je ne sais que faire pour me faire accepter. Mais est-ce qu'il y a vraiment espoir que j'y arrive un jour ? Et est-ce que j'en ai vraiment envie ?
J'ai essayé de travailler et aucun sorcier n'a voulu de moi. J'ai essayé chez les Moldus mais mes connaissances, ou plutôt mon absence de connaissances sur ce monde ont très vite été un frein. Je les ai beaucoup observé durant ces derniers mois mais il y a encore beaucoup de choses que je ne comprends pas.
Tout en marchant, je passe devant la vitrine de la boutique de balais volants. Je n'ai jamais pu parler aux parents d'Alex depuis la mort de mon amie, et tout leur expliquer. Ils ont quitté le pays et je n'ai aucune idée de l'endroit où ils ont pu aller. D'après ce que George m'a dit, la boutique a été vendue durant l'été, à un couple d'irlandais, d'Irlande du Nord. Eux non plus non pas vu les Whiteraven avant d'acheter, tout s'est fait par hibou.
Quoi qu'il en soit, je n'ai plus aucune chance de les revoir un jour. Alex doit tellement leur manquer. A moi aussi elle me manque. Je suis sûr qu'elle aurait su me conseiller en cet instant. Elle a toujours été de bon conseil. Je donnerais cher pour qu'elle soit toujours de ce monde.
Je refoule la nouvelle montée de larmes qui menace de couler et transplane pour retourner chez moi.
Je m'écroule sur mon lit de tout mon long et ferme les yeux. Respirant profondément, j'essaye de me calmer.
Ils ne reviendront pas, je me répète intérieurement. Il va vraiment falloir l'accepter.