On lui avait toujours dit que la normalité était la seule et unique façon de vivre sa vie. Que ce qui sortait de l'ordinaire ne devait en aucun cas être accepté. La magie en est un bon exemple. La magie est abjecte. La magie ne devrait pas exister. Ceux qui la pratiquent sont des monstres à éviter à tout prix. Et pourtant… La magie avait été dans sa maison quasiment toute sa vie, même si au début, Dudley l'ignorait. Et la magie l'avait protégé par l'intermédiaire de son cousin. Son cousin, cette bizarrerie de la nature qu’il n'avait jamais été vraiment capable de mépriser ou détester. Son père, lui, le haïssait, tandis que sa mère le craignait. Simplement parce que Harry était différent. Parce que Harry était un sorcier.
Il les avait faits protéger. Ils ne le méritaient pourtant pas. Pendant un an, ils s’étaient cachés de l'ennemi, Lord Machin pour Harry, Tu-Sais-Qui pour les sorciers. Dudley et ses parents avaient été mis sous protection rapprochée pour qu’on ne puisse pas atteindre Harry à travers eux. Les sorciers qui avaient veillés sur eux étaient sympas. Pourtant, son père ne leur avait pas facilité la tâche, mais quoiqu'il ait essayé de faire, il n’était pas de taille face à des sorciers aguerris et un peu revanchards (ils n'avaient pas du tout apprécié son attitude envers Harry). Puis un jour, un autre sorcier était venu ; il était euphorique. Lord Machin était tombé, la guerre était finie. Ils pouvaient rentrer chez eux.
Une fois à la maison, Dudley avait demandé où était Harry. Son père et sa mère l'avaient regardé avec des yeux ronds. Puis son père s’était mis à rire comme un fou bienheureux :
« Cette abomination ne reviendra plus ici ! Nous en sommes enfin débarrassé ! Tu entends Duddy ! Nous allons avoir la vie normale dont nous avons toujours rêvé ! »
Il regarda sa mère. Elle ne lui semblait pas si heureuse que ça. Soulagée, mais pas heureuse.
Son père partit pour remettre de l'ordre dans ses affaires et vociférer gaiement sur ses employés. Il redevenait le maître incontesté de son monde : c'était lui le chef de famille et le patron d'entreprise. Plus personne ne lui dicterait sa conduite, et encore moins ces monstres qui étaient enfin sortis de sa vie à jamais. Vernon Dursley reprenait enfin le cours de sa vie en main. Quant à sa mère, elle se mit à briquer, ranger, faire à manger telle une abeille ouvrière qui doit travailler plutôt que penser. C'était bien ce qu'elle faisait: elle s'occupait pour ne pas penser. Fut un temps où il ne l'aurait même pas remarqué, mais il n'était plus le même ; sa rencontre avec le détraqueur lui avait au moins apporté cela : penser par lui-même et faire attention à ce qui l'entourait. Quand il avait vu Harry se battre pour lui, et qu’il avait pu réfléchir à tout ça par la suite, il s’était demandé si, à sa place, il aurait agi de la même façon… non, lui, il aurait fui, laissant son cousin à son triste sort. Sa réponse lui était venu si facilement qu’il en avait vomi de dégoût. Si Harry était un monstre, alors lui, qu'est-ce qu’il était ?
Il laissa sa mère à ses états d'âmes et se réfugia dans sa chambre .
Au cours des deux années qui suivirent (forcément, il avait redoublé sa première), Dudley s’était éloigné de ceux qu’il avait appelés ses « amis » ; eux voulaient continuer d'être la bande de brutes de Big D, celle qui s'en prenait aux plus faibles pour s'amuser, tandis que Dudley, lui, désirait devenir quelqu'un. Quelqu'un qui n'aurait pas honte de faire face à Harry. Il se plongea alors dans les études et le sport. Ce ne fut pas facile. Pour le dire franchement, ce fut un véritable enfer : les études lui donnaient mal à la tête et le sport le laissait sans force et à bout de souffle. Combien de fois avait-il voulu abandonner ? Seul le souvenir de Harry combattant le détraqueur le poussait à avancer. Et ses efforts avaient fini par payer. Quand ils avaient compris que Dudley travaillait enfin sérieusement et qu’il voulait s'en sortir, ses professeurs l'avaient aidé à rattraper son retard en lui donnant des devoirs supplémentaires ou en prenant le temps de lui réexpliquer certaines notions. Ses notes furent alors en constante augmentation. Dans son club de boxe aussi, son entraîneur avait également remarqué un changement, une nouvelle volonté de vaincre, et lui avait concocté un programme intensif visant à lui faire perdre sa graisse au profit de ses muscles. Il crût mourir. Son corps se révoltait contre ce traitement draconien, mais il s'y était tenu. Entre son entraînement et son régime, il fondit comme neige au soleil tout en se taillant une silhouette. Au départ, ses parents s’étaient inquiétés, surtout sa mère. Ils étaient même allés au Smelting College pour parler des « maltraitances » que l'école lui infligeait ; ses professeurs, son entraîneur et l'infirmière de l'établissement trouvèrent les mots pour les rassurer : « votre fils a eu un déclic », « il veut devenir un Homme », « il veut devenir quelqu'un »,… Son père était fier comme Artaban. Il lui donna trois grosses tapes dans le dos en déclarant qu'il était bien son fils et lui faisait confiance. Et comme de bien entendu, sa mère éclata en sanglots en disant que son Duddy avait bien grandi et en lui demandant de ne pas trop en faire. À la fin de sa scolarité, Dudley reçut de la part du College la médaille du mérite pour son travail acharné qui lui avait ouvert les portes de l'école de commerce de Londres.
Au grand dam de sa mère qui souhaitait qu’il rentre à la maison tous les soirs, Dudley choisit de vivre en colocation avec trois autre étudiants de l'école qu’il avait rencontrés lors de la réunion d'information des nouveaux élèves. Contrairement à son College, personne ne connaissait Big D ; il n'y avait donc aucun a priori et il pût entamer de nouvelles relations sans être jugé pour ce qu’il avait été. Il s'inscrivit au club de boxe le plus proche et courait dans le parc en bas de chez lui tous les matins. Il suivait tous ses cours avec assiduité et s'obligeait à aller régulièrement à la bibliothèque. En résumé, il s'installait sereinement dans sa nouvelle vie. Il n'y eut rien de notable au cours de ses deux premières années d'études. La troisième, cependant, fut pour Dudley un nouveau tournant dans sa vie : il revit pour la première fois en plus de cinq ans, Harry.
Il avait changé, mûri ; il était plus sûr de lui. Et il discutait avec le Premier Ministre ! Habillé d'un costume trois pièces, il ressemblait à n'importe quel homme politique lambda. Tout en discutant, le Premier Ministre donna une enveloppe à son cousin qui l'ouvrit et vérifia son contenu. Harry acquiesça à une question de son interlocuteur puis tendit la main. L'homme politique la prit, la serra tout en souriant, puis monta dans sa voiture et s'en alla. Harry se tourna alors vers Dudley sans le voir, fit quelques pas et s'arrêta quand il l’aperçut. Dudley lui fit un petit sourire avant de s'avancer vers lui.
« - Bonjour Harry.
- Bonjour Dud.
- Comment vas-tu ?
- Je vais bien. Et toi, quoi de neuf ?
- Je sors de la bibliothèque et… Ah ! Ah ! Ah ! Harry ! Si tu voyais ta tête en ce
moment ! C'est à mourir de rire !
- Ouais, j'imagine, dit-il en souriant. La bibliothèque ?! Sérieusement ?! C'est pas des blagues ?
- Que veux-tu ! Je ne pouvais pas rester un sale morveux ignorant toute ma vie !
- Dud…
- Ne t'inquiète pas ! Je sais très bien ce que j'étais autrefois. C'est parce que je ne voulais pas rester cette raclure que j'ai fait les efforts nécessaires pour changer… À ce propos, Harry, je voulais te dire… je… je suis désolé pour tout. Je comprendrais, bien sûr, si tu ne pouvais pas me pardonner, mais j'espère que tu acceptes au moins mes excuses. Elles arrivent sur le tard c'est vrai, mais... »
Harry le regarda en silence. Dudley se sentait nerveux et au moment où il pensait que son cousin allait l'envoyer paître, il lui demanda s’il avait du temps devant lui. Dudley hocha à l'affirmative. Harry l'invita donc à venir chez lui, ce qu’il accepta. Arrivés au square Grimmaurd, son cousin lui donna l'adresse pour qu’il puisse passer les protections de la maison ; Dudley ne comprit pas trop ses explications, mais lui fit confiance. Il découvrit alors une maison chaleureuse et tranquille. Harry le fit passer au salon où se tenait une jeune femme. Il la lui présenta comme étant sa femme, la sœur de son meilleur ami Ron : Ginny. Au début froide (normal!), elle s'adoucit en entendant ce que Dudley avait à dire : ses excuses, pourquoi il avait changé… Harry et sa femme l'écoutèrent jusqu'au bout sans l'interrompre, puis, après un silence, lui demandèrent s’il restait dîner. Le soulagement d'avoir été entendu et de recevoir un gage de réconciliation furent pour lui une libération : il avait sa seconde chance. Au cours du dîner, il leur raconta ses efforts, ses études, la boxe et la vie qu’il menait. Quant à eux, ils lui apprirent qu'ils s’étaient mariés il y a quelques mois, que Ginny était une joueuse professionnelle de Quidditch, le sport préféré des sorciers, et Harry un auror, une sorte de flic bossant à la criminelle. Son cousin lui expliqua aussi qu'il faisait le relais entre le monde des sorciers et le monde moldu par l'intermédiaire du Premier Ministre Moldu. Il lui raconta également une partie ce qu'il avait fait l'année où la famille Dursley se cachait ; son récit glaça son cousin d'effroi. Harry était un héros mais à quel prix. Le détraqueur de Dudley, à côté, faisait pâle figure. Pour alléger l’atmosphère devenue plus pesante, Dudley leur narra de manière cocasse la cohabitation entre ses parents et les sorciers ; même si l'intolérance de son père n'était pas sujet à plaisanter, les tentatives de fuites nombreuses et ridicules ne manquèrent pas de les faire rire. Et ce fut sur cette note positive qu’ils se séparèrent.
À partir de cette soirée-là, Dudley revit avec un plaisir toujours renouvelé Harry et Ginny. Il l'ignorait encore, mais ils allaient être d'un soutien inébranlable dans les épreuves que sa vie lui réservait.
Mon histoire commence après son mariage avec Amy. Elle répondait à tous les vœux de ses parents : une jeune femme normale, belle et distinguée. Une jeune femme qui n'accepterait en aucun cas que son monde soit bousculé. Parce que Dudley l'aimait, jamais il ne lui parla du côté magique de sa famille. Et il n'y avait aucun risque à ce qu'elle apprenne l'existence de Harry : ses parents ne parlaient jamais de son cousin ; pour eux, c'était comme s'il n'avait jamais existé. Mais revenons au commencement de mon histoire : Amy donna à Dudley deux adorables jumelles qu’ils nommèrent Abigaël et Adélaïde.