Bonjour à tous ! Me revoilà pour une nouvelle fanfiction qui sera plus courte que la précédente mais tout aussi intense (mdr). Il y aura 9 chapitres :) Bonne lecture !
Il venait de quitter Ron et Hermione qui étaient restés au chevet de Bill avec Fleur et les autres. Harry essaya de ne pas penser aux blessures de Bill et de ne pas se sentir coupable. En vain. La seule chose qui l’empêchait de sombrer était de se dire qu’aucun de ses amis n’était mort.
- Monsieur Potter ? demanda une voix.
Harry sursauta. Le professeur McGonagall le fixait avec inquiétude. Elle avait employé un ton adouci qui ne lui était pas habituel et qui parut insupportable à Harry. Il se força néanmoins à lever les yeux pour la regarder. Elle était debout devant lui, à la place de Dumbledore. Elle n’avait toutefois pas osé s’asseoir sur son siège…
Derrière lui, Harry pouvait sentir la présence rassurante de madame Weasley et de Remus Lupin qui attendaient la suite patiemment. Harry aurait bien aimé sortir d’ici en courant et s’enfuir avec eux, retourner au Terrier et faire comme si les événements de la nuit n’avaient pas eu lieu.
- Que s’est-il passé avec Drago Malefoy ? demanda à nouveau le professeur McGonagall.
Il y eut un moment de silence. Harry n’avait pas envie de répondre à cette question, il n’avait même pas envie d’y réfléchir.
- Je me suis rendu.
C’était la première fois que Drago parlait depuis qu’ils étaient entrés dans le bureau et Harry se tourna enfin vers lui. Il était assis sur la deuxième chaise qui faisait face au bureau, à côté de lui et paraissait encore plus pâle que sa chemise. Harry pensa que la voix de Drago n’était pas la même que d’habitude, elle était étouffée et plus basse. Beaucoup moins trainante.
- Malefoy s’est rendu, déclara inutilement Harry. C’est lui a fait entrer les Mangemorts dans l’école, il a essayé de tuer le professeur Dumbledore mais il n’a pas réussi.
Harry se tut. Il aurait pu présenter les choses différemment pour ne pas avoir l’air d’accuser Drago mais il n’en avait pas envie. Il était trop en colère, trop désespéré et trop triste pour vouloir comprendre et défendre Drago Malefoy. Parce que même si on lui expliquait pendant des heures que les choses étaient plus compliquées qu’il n’y paraissait, rien ne pourrait lui ôter l’idée que tout cela était en grande partie à cause de Drago.
Le professeur McGonagall se tourna vers l’élève de Serpentard et le fixa durement. Il ne sembla pas s’en apercevoir.
- Il m’a dit que si je ne le faisais pas, il me tuerait, murmura Drago en regardant le sol.
Madame Weasley échangea un regard dégoûté avec le professeur McGonagall.
- Comment peut-on demander cela à un enfant ? demanda Molly à voix basse. C’est révoltant !
- Je suis d’accord avec vous. Les méthodes de Vous-Savez-Qui ont toujours été viles, lâches et cruelles.
Tandis qu’elles parlaient, Harry laissa ses pensées revenir vers Dumbledore. Il avait pu voir la détresse sur le visage de Drago lorsque celui-ci s’était retrouvé seul face à ce sorcier si puissant qu’on lui avait demandé d’assassiner. Il était évident que Drago n’aurait jamais osé le faire. Il avait toujours été méprisable, hautain, cruel et méchant mais ce n’était pas un meurtrier. Malgré tout cela, Harry se sentit incapable de compatir avec les problèmes de Drago Malefoy. D’ailleurs, peut-être ne pourrait-il plus compatir avec qui que ce soit.
- S’il vous plait, dit Drago, ne m’obligez pas à y retourner.
Harry avait assisté, impuissant, à l’assassinat de Dumbledore. Il avait espéré, pendant quelques minutes, que Rogue le sauverait mais il avait eu tort. Rogue n’avait sauvé personne, il s’était simplement assuré que la mission soit accomplie. Il avait lui-même lancé le sortilège mortel. Jamais Harry n’avait autant détesté quelqu’un que Rogue durant cette nuit-là. Même Voldemort ne faisait pas naître en lui une telle rage.
Ce qui était insupportable pour Harry, c’était qu’il avait toujours su que Rogue était un Mangemort et qu’il les trahirait un jour. Il avait toujours su que Rogue le détestait et ferait tout pour lui nuire. Pourquoi Dumbledore ne l’avait-il pas compris lui aussi ? Quant à Malefoy, Harry ne cessait de répéter depuis des mois qu’il complotait quelque chose de grave. Et personne ne l’avait écouté ! Harry était entouré de gens qui ne voulaient pas entendre ce qu’il avait à dire. Cela le mettait hors de lui, lui donnait envie de hurler, de frapper quelqu’un, de tuer quelqu’un même. Harry se sentait capable de tuer Rogue.
Alors il lui avait couru après dans le parc, en lui criant de se battre et de l’affronter. Quand il avait été évident qu'il ne pourrait pas vaincre Rogue, il lui avait demandé de le tuer, parce que plus rien n’avait d’importance et que, d’une certaine manière, cela aurait été un soulagement que tout s’arrête ici, avec Dumbledore. Mais Rogue ne lui avait pas accordé ce plaisir et s’était contenté de fuir, emportant avec lui la fureur et le désespoir de Harry. Alors qu’il se relevait péniblement et cherchait sa baguette dans l’herbe, il avait vu Drago Malefoy courir vers lui. Pendant un instant, il avait pensé à le tuer lui aussi, à lui lancer à nouveau le sortilège du Sectum Sempra et à le regarder se vider de son sang. Mais Harry n’était pas assez cruel pour faire une telle chose. Il avait donc regardé Malefoy courir et entendu les cris de Rogue.
- Drago ! Revenez ! criait Rogue d’une voix tendue.
Mais pour une raison qui échappait à Harry, Malefoy ne s’était pas arrêté. Au contraire, il s’était mis à courir plus rapidement encore, comme s’il avait craint que Rogue ne le rattrape. Celui-ci avait hésité un instant puis leur avait tourné le dos pour s’enfuir dans la forêt avant de s’immobiliser à nouveau et de regarder dans leur direction. Visiblement, il ne savait pas quoi faire.
Malefoy avait cessé sa course devant Harry et l’avait regardé en respirant avec difficulté, essoufflé par sa fuite.
- Potter… Je me rends !
- Quoi ? avait demandé Harry, trop sonné pour vraiment comprendre ce que voulait l’autre.
- Je me rends ! Potter, ramène-moi à Poudlard, je me rends.
Il avait levé les mains en signe de bonne foi et Harry l’avait fixé avec de la haine.
- Je ne te ramènerai nulle part, casse-toi Malefoy ! Va retrouver ta famille et tes nouveaux amis !
- Non… Non, je ne peux pas ! Je ne veux pas y retourner.
- Mais je me fous de ce que tu veux ! C’est ta faute si Dumbledore est mort ! Va-t’en avant que je te fasse mal !
Pour une fois, Malefoy n’avait pas son éternel air méprisant et supérieur sur le visage. Il avait l’air terrifié et étonnamment déterminé. Il avait secoué la tête, doucement et fait un autre pas vers Harry.
- Non, avait-il répété. Je veux rentrer avec toi, Potter. Allons voir McGonagall, dis-lui ce que j’ai fait, enfermez-moi, je m’en fiche mais je ne veux pas y retourner.
Il avait semblé si pitoyable que Harry n’avait plus su quoi faire. Sans doute pour mettre fin à cette discussion déplaisante et pour retourner à Poudlard plus rapidement, Harry avait arraché sa baguette à Malefoy et lui avait tourné le dos pour regagner l’école. Sans rien dire, Malefoy l’avait suivi jusqu’à la cour. Harry s’était agenouillé devant le corps de Dumbledore puis avait été trainé à l’infirmerie et il avait oublié Drago. Et maintenant, ils se retrouvaient à nouveau côte à côte, dans le bureau de Dumbledore. Voilà ce qui s’était passé. En y repensant, Harry aurait dû planter Drago dans le parc et le laisser se débrouiller avec Rogue. C’était tout ce qu’il méritait.
Le professeur McGonagall avait écouté le récit de Harry sans rien dire et hochait à présent la tête comme si elle acquiesçait à ses propres paroles. Elle échangea un regard avec Molly Weasley puis se tourna vers Drago Malefoy.
- Vous savez ce que cela signifie, Malefoy ? demanda-t-elle doucement.
Harry fut presque jaloux qu’elle emploie ce ton avec Drago, comme elle l’avait fait avec lui quelques minutes plus tôt. Et il ne comprenait pas la question du professeur McGonagall.
- On ne quitte pas Vous-Savez-Qui aussi facilement, continua-t-elle. Il ne vous laissera pas partir.
- Je sais… souffla Drago.
- S’il apprend que vous vous êtes rendu de votre plein gré, il cherchera à vous punir pour votre trahison.
- Je sais ! s’écria Drago d’une voix désespérée.
Brusquement, sans vraiment l’avoir voulu, Harry ressentit de la pitié pour lui. Il savait par expérience que Voldemort n’était pas particulièrement clément envers les Mangemorts qui lui désobéissaient… Le professeur McGonagall avait raison, il chercherait à retrouver Drago et à se venger. Peut-être s’en prendrait-il à ses parents, sans doute même… Harry cessa de regarder Malefoy pour ne pas se laisser contaminer par son angoisse.
- Nous allons vous cacher et nous assurer que vous ne risquez rien.
Molly Weasley et Remus hochèrent la tête pour dire qu’ils étaient d’accord. Harry lui-même admit que ce serait cruel de laisser Drago sans protection.
- Vous n’avez plus la Trace sur vous, ce qui est un avantage, déclara McGonagall en s’adressant à Drago. Mais nous devons nous montrer vigilants… Vous êtes un de mes élèves, je ne permettrai pas qu’il vous arrive quelque chose.
Visiblement, le professeur McGonagall était touchée par la détresse de Drago et par sa situation tragique. Peut-être que si Harry n’était pas aussi anéanti, il parviendrait à être touché lui aussi, qui sait ?
- Je ne vois qu’un seul endroit où vous seriez en sécurité, dit-elle d’un ton brusque. Un endroit où Vous-Savez-Qui ne pensera pas à venir vous chercher et où votre présence ne mettra pas en danger les membres de l’Ordre.
Drago Malefoy leva la tête et fixa le professeur McGonagall avec l’expression de quelqu’un qui attend le verdict de sa condamnation. Malgré cela, il semblait résigné et prêt à aller partout où elle le lui ordonnerait.
- Chez les Dursley, avec Harry, asséna-t-elle.
Harry sursauta violemment et crut un instant avoir mal entendu. Il espérait que ce soit une blague bien que de telles pratiques ne soient pas vraiment dans les habitudes de McGonagall.
- Pardon ? dit-il. Chez les Dursley, avec moi ? C’est impossible !
- Et pourquoi donc ? demanda sèchement le professeur McGonagall.
- Mais parce que… parce que…
Harry bredouilla et se tourna vers Malefoy. Il avait l’espoir qu’il protesterait également devant une telle énormité mais celui-ci se contentait de fixer le sol sans rien dire. Harry se sentit complètement seul et incompris.
- Mais parce que je le déteste ! s’écria-t-il. Enfin, vous devez bien savoir, on ne peut pas se supporter ! Hors de question que je passe deux mois avec lui chez mon oncle et ma tante.
- Ce ne serait que pour un mois et il va falloir faire un effort dans ce cas, répondit le professeur McGonagall. A Privet Drive vous êtes protégé par la magie de votre mère et Vous-Savez-Qui sait parfaitement qu’il ne peut rien contre vous. Il ne pensera donc pas à venir chercher Drago Malefoy ici. Et quant à lui, dans le monde Moldu, il ne pourra contacter personne et n’aura accès à aucune information.
Malefoy releva la tête et la regarda avec sidération.
- Vous pensez que je suis un espion ?
- On n’est jamais trop prudent… rétorqua Remus Lupin.
- Si vous pensez que c’est un espion, alors pourquoi voulez-vous qu’il vienne avec moi ? s’indigna Harry.
- Justement parce qu’avec toi, il ne pourra rien faire, expliqua Remus en souriant légèrement. Tu sais ce qu’on dit, garde tes amis près de toi mais tes ennemis encore plus…
Malefoy rougit. Il ne pouvait pas voir Lupin qui était debout derrière lui mais s’il l’avait fait, il l’aurait foudroyé du regard. Harry essaya de calmer sa colère et de réfléchir à ce que Lupin venait de lui dire. D’une certaine manière, Drago pourrait peut-être lui être utile, peut-être savait-il des choses qui pourraient l’aider, notamment au sujet des Horcruxes. Après tout, Drago n’avait-il pas approché Voldemort de près ? Ne faisait-il pas partie de la famille qui le servait avec le plus de fidélité ? Peut-être qu’en y réfléchissant bien, Harry pourrait tirer avantage de cette situation désastreuse.
Harry avait du mal à croire que Malefoy puisse être un espion. Il ne savait pas aussi bien jouer la comédie… Et puis, il avait été incapable de tuer Dumbledore, il tremblait comme une feuille face à lui et il paraissait effrayé par Greyback et Bellatrix. Alors aurait-il le courage de se livrer ainsi pour espionner, risquant le courroux des deux camps ? C’était fort peu probable. En revanche, Harry ne doutait pas que Malefoy le détestait et cela pourrait être problématique.
- Et s’il essaie de me faire du mal ? demanda Harry avec sérieux. Nous savons tous qu’il me déteste aussi et nous savons que les choses ont tendance à dégénérer quand nous sommes tous les deux…
Harry n’en dit pas plus, peu désireux de rappeler à tout le monde qu’il avait failli tuer Drago peu de temps auparavant en lui jetant un sortilège mortel. Drago, lui, se le rappelait parfaitement.
- C’est plutôt toi qui vas me faire du mal, Potter ! dit-il en se tournant vers Harry pour la première fois.
- J’ai déjà dit que je ne l’avais pas fait exprès. Jamais je n’aurais délibérément jeté ce sort si j’avais su…
- Ça suffit ! ordonna le professeur McGonagall d’un ton sec. Je ne pense pas que Malefoy soit une véritable menace mais Harry a raison, nous devons veiller à ce qu’il ne se passe rien de grave. Monsieur Malefoy, donnez-moi votre baguette.
Harry avait rendu sa baguette à Drago quand il était entré dans l’infirmerie pour voir Bill. Elle l’encombrait et il était certain que le Serpentard ne ferait rien. Qu’aurait-il pu faire de toute manière ?
Malefoy avait tressailli quand le professeur McGonagall avait tendu la main vers lui pour lui réclamer sa baguette et il leva vers elle un regard suppliant.
- Non, s’il vous plait, ne me la prenez pas, dit-il d’un ton pitoyable.
- Donnez-la-moi. Vous vous êtes rendu, vous êtes donc notre prisonnier en quelque sorte, alors donnez-moi votre baguette !
Malefoy jeta un coup d’œil vers Harry qui l’ignora.
- Je ne lui ferai aucun mal, promit-il d’une voix désespérée.
- Je ne prendrai pas ce risque ! Donnez-moi votre baguette.
D’un geste lent, il tendit sa baguette vers le professeur McGonagall. Quand elle voulut s’en saisir, il résista et elle la lui arracha des mains. Harry pouvait deviner sans peine ce que Malefoy ressentait. Pour un sorcier, un Sang Pur de surcroit, qui se croit supérieur à cause de ses pouvoirs, être privé de baguette était la pire chose qui pouvait arriver. Sans baguette, ils n’étaient rien, la magie leur échappait, ils perdaient presque leur identité. Harry éprouva à nouveau de la compassion pour Malefoy mais il était trop soulagé de le savoir sans baguette pour dire quoi que ce soit.
- Très bien, annonça le professeur McGonagall. Vous irez donc chez les Dursley avec Harry. Vous partirez ensemble après l’enterrement de…
Elle se tut, la voix serrée, puis se reprit. Pendant qu’elle parlait, Harry regardait Drago. Il avait l’air de quelqu’un qui avait été condamné à mort et qui espérait naïvement qu’on vienne le sauver. Harry savait que personne ne viendrait. Il se demanda vaguement ce qui rendait Malefoy aussi anéanti, si c’était sa culpabilité ou bien sa peur de la punition que Voldemort lui infligerait qu’il le retrouvait. Harry était cependant trop englué dans son propre désespoir pour faire réellement attention aux sentiments de Drago.
Son regard s’arrêta sur la main gauche de Malefoy qui tenait fermement l’accoudoir du dossier. Il le serrait tellement fort que ses phalanges en devenaient blanches et Harry remarqua soudain que son bras tremblait. Il releva les yeux pour regarder le visage de Drago et constata qu’il avait l’air de souffrir. Le professeur McGonagall le remarqua également.
- Vous allez bien ? demanda-t-elle brusquement.
- Oui, souffla Drago.
Mais il était évident qu’il n’allait pas bien. C’est seulement quand Malefoy posa sa main droite sur son bras gauche que Harry comprit ce qui le faisait souffrir. Il l’avait dit à Ron et Hermione mais personne ne l’avait écouté. Maintenant, Harry avait la confirmation qu’il avait raison depuis le début.
- Il veut que tu rentres, dit Harry d’un ton presque nonchalant.
- La ferme, murmura Drago.
- Monsieur Malefoy, votre langage ! s’indigna le professeur McGonagall. De quoi parlez-vous Potter ?
- C’est sa Marque qui le brûle ! Voldemort veut qu’il revienne et il s’impatiente.
Drago avait sursauté en entendant le nom de Voldemort et détourna immédiatement les yeux du professeur McGonagall. Il semblait avoir honte. Derrière eux, Molly et Remus posèrent sur Drago un regard passablement dégoûté, non pas par lui mais par l’idée que Voldemort l’avait marqué aussi jeune.
C’est quand il vit que Malefoy souffrait parce que Voldemort l’appelait et qu’il refusait de le rejoindre, que Harry se résigna à l’accueillir chez son oncle et sa tante. Ce ne serait que pour le mois de juillet, avait dit Remus. Mais un mois avec Drago Malefoy, cela paraissait bien long à Harry. Un mois entier entouré de Vernon, Pétunia, Dudley et Drago. Un véritable enfer. Malgré cela, Harry décida d’accepter, parce que sa compassion pour Malefoy venait compenser tout le reste. Il ne pouvait laisser Voldemort retrouver Drago et le tuer, il ne se le pardonnerait jamais.
- Vous avez des vêtements ? demanda le professeur McGonagall.
- Uniquement mes uniformes de Poudlard, souffla Drago.
- Eh bien vous devrez vous en contenter. Nous devons encore régler deux ou trois petites choses… Personne ne doit savoir que vous vous rendez chez les Dursley donc personne ne doit vous voir dans le train et à la gare. Remus, vous savez comment faire ?
- Ma cape… murmura Harry.
- Pardon ?
- Ma cape d’invisibilité.
Cela le répugnait franchement que Malefoy utilise la cape qui lui venait de son père mais c’était la solution la plus facile. Tout le monde accepta immédiatement l’idée et on régla les derniers détails. Il en restait un cependant, dont Harry n’avait pas osé parler mais qui demeurait le plus important.
- Mon oncle et ma tante ne voudront jamais, déclara-t-il.
- Je me charge d’eux, rétorqua le professeur McGonagall. Ils accepteront.
Elle semblait sure d’elle et Harry n’insista pas. Il l’imaginait tout à fait les menacer de les métamorphoser s’ils refusaient et cette pensée l’amusa quelques secondes. Pendant une minute, il tenta d’imaginer la rencontre entre Malefoy et les Dursley. On ne pouvait être plus différents… Puis il se sentit angoissé à l’idée que son oncle et sa tante l’humilient devant Malefoy et que celui-ci réalise à quel point il était mal traité.
Harry se sentit étouffer et se leva brusquement. Il avait envie de fuir cette pièce, de fuir Malefoy et de retrouver Ginny et ses amis.
- Est-ce que je peux partir ? demanda-t-il précipitamment.
- Oui, allez-y Potter, vous pouvez vous en aller, assura le professeur McGonagall.
Sans un regard pour Drago, Harry sortit rapidement du bureau et se mit à courir dans les couloirs.
***
Quand il raconta à Hermione, Ron et Ginny qu’il allait passer un mois avec Drago Malefoy, ils le fixèrent tous avec atterrement et compassion. Ron s’insurgea contre cette idée qu’il jugeait complètement stupide et Hermione tenta patiemment de le convaincre que le professeur McGonagall devait avoir de bonnes raisons d’agir ainsi. Ginny, quant à elle, se contenta de se serrer contre lui et de lui caresser tendrement la joue.
Dans les jours qui suivirent, Harry ne croisa pas Drago. On avait dû l’enfermer quelque part où il ne pourrait rien faire de repréhensible et où personne ne pourrait s’en prendre à lui. Harry l’avait donc chassé de ses pensées, toutes tournées vers l’enterrement de Dumbledore qui aurait lieu de lendemain. Quoi qu’il fasse, il était envahi par les mêmes idées sombres, fixes et destructrices. Dumbledore était mort, ils n’avaient pas trouvé le Horcruxe, ils avaient fait tout cela pour rien, Rogue les avait trahis, et Harry savait qu’il devrait maintenant se débrouiller seul. Autour de lui, tout n’était que souffrance, peur et abattement. Il ressentait de la colère également, et de la haine. Envers Rogue, envers Voldemort et envers Dumbledore lui-même qui aurait dû se défendre au lieu de se laisser ainsi désarmer par Malefoy. Vraiment, où que regarde Harry, rien n’allait.
Harry faisait des cauchemars dans lesquels il voyait Voldemort et Rogue rire devant la dépouille du professeur Dumbledore. C’était insupportable et Harry se réveillait avec l’envie de hurler. Il avait l’impression désagréable d’être la victime d’une vaste supercherie au cours de laquelle le destin s’amuserait à lui faire vivre le plus d’épreuves possibles et à briser tout ce qu’il essayait de construire. Il s’était rarement senti aussi seul que durant ces derniers jours. Même la présence de Ginny, Ron et Hermione ne l’aidait pas réellement.
L’enterrement de Dumbledore fut un moment pénible et déchirant. Il avait été incapable de pleurer bien que de longs sanglots refoulés déchirent sa poitrine. Il se demanda vaguement s’il y aurait une cérémonie similaire s’il venait à mourir, lui, en combattant Voldemort… Ces questions l’angoissèrent terriblement et il se concentra sur l’hommage du peuple de l’eau.
Quand tout fut terminé, il prit son courage à deux mains pour annoncer à Ginny qu’ils ne pouvaient plus être ensemble et Harry eut le sentiment qu’il venait de briser son âme en plusieurs morceaux. Comme un Horcruxe, songea-t-il. Quitter Ginny fut assurément l’une des choses les plus difficiles qu’il eut à faire de sa vie mais, une fois n’est pas coutume, il savait exactement pourquoi il le faisait et il ne le regrettait pas. Si elle mourait elle aussi, Harry ne s’en remettrait jamais.
Ensuite, il avait envoyé le Ministre sur les roses, parce qu’il en avait vraiment assez de toutes ces simagrées et de toute cette hypocrisie. Et puis franchement, plus le temps passait et plus Harry avait le Ministère en horreur. Il méprisait leur politique, leur façon de vouloir tout contrôler et d’essayer de s’approprier tous les événements positifs qui arrivaient. Non, Harry ne montrerait pas publiquement son soutien au Ministère, non il ne dirait pas ce qu’il faisait avec Dumbledore le soir de sa mort, non il ne révèlerait rien au sujet de la prophétie. Qu’ils aillent tous au diable !
Après l’enterrement et le départ des invités, les élèves étaient remontés dans leurs dortoirs pour faire leurs valises. Jamais Harry ne l’avait faite avec une telle tristesse. Il savait qu’il ne reviendrait pas à Poudlard avant longtemps, peut-être même n’y reviendrait-il jamais et cette idée lui brisait le cœur. Cette nuit-là, il dormit mal, luttant contre l’insomnie et les cauchemars qui l’envahissaient dès qu’il parvenait à s’endormir quelques minutes. Il finit par renoncer à trouver le sommeil et se leva à cinq heures du matin. Il prit son temps, resta quinze minutes sous la douche, s’habilla puis s’assit sur son lit et parcourut distraitement un livre sur le Quidditch. Quand Ron se réveilla, Harry était toujours assis à lire et lui adressa un sourire crispé.
Comme convenu, il se rendit dans le bureau du directeur, un peu à contre-cœur. Non seulement ce bureau le déprimait mais en plus, ce qu’il avait à y faire ne l’enchantait pas spécialement. Il fut presque surpris de trouver Malefoy aux côtés du professeur McGonagall comme s’il avait espéré jusqu’au dernier moment que cette mauvaise blague prendrait fin.
Malefoy était pâle et n’avait guère l’air plus enchanté que lui. Il portait un petit sac, sans doute ensorcelé pour pouvoir contenir toutes ses affaires et évitait soigneusement le regard de Harry. C’était à la fois un soulagement et un agacement.
- Je suis allée voir votre oncle et votre tante, annonça le professeur McGonagall. Ils n’étaient pas très enthousiastes à l’idée d’accueillir un deuxième sorcier sous leur toit.
Les lèvres du professeur McGonagall se pincèrent légèrement comme si elle retenait une remarque désagréable qu’elle n’osa pas faire devant Harry puis continua :
- Je leur ai expliqué que le professeur Dumbledore avait toujours fait preuve d’une indulgence surprenante envers eux et la façon dont ils vous avaient traité mais que maintenant, c’est à moi qu’ils devraient rendre des comptes. Et moi, je suis beaucoup moins indulgente. Donc, ils ont accepté que Malefoy vienne passer un mois chez eux.
Harry fut partagé. D’un côté, il trouvait très satisfaisante l’idée que le professeur McGonagall soit allée menacer les Dursley mais d’un autre côté, il aurait aimé qu’ils refusent d’accueillir Drago.
- Je compte sur vous deux pour que cette cohabitation se passe bien, ordonna-t-elle sèchement en posant sur eux des yeux sévères.
- Oui… souffla Malefoy.
- Potter ? C’est principalement à vous que je m’adresse. Promettez-moi de ne rien faire de stupide !
- Comme par exemple ? demanda Harry avec une insolence qu’il ne maitrisa pas.
- Vous le savez très bien.
« Parfait », songea Harry avec amertume, « j’essaierai de ne pas tuer Malefoy. » Bien sûr, il ne le dit pas à voix haute et se contenta de promettre vaguement. Le professeur McGonagall eut l’air de s’en satisfaire et n’insista pas davantage. Ils se turent un instant, mal à l’aise, puis elle fit un geste vers Harry.
- Il va être l’heure de partir, dit-elle. Potter, donnez votre cape à monsieur Malefoy et allez rejoindre le train.
Avec beaucoup de regret et peu d’enthousiasme, Harry sortit la cape d’invisibilité de sa poche et la tendit à Drago. Il se rendit compte que l’expression figée sur son visage devait ressembler à l’expression de dégoût qu’arborait Malefoy quand il croisait des Nés-Moldus. Drago le comprit parfaitement car il hésita à prendre la cape et Harry la lui lança d’un geste un peu méprisant. Tandis que Malefoy s’en couvrait et disparaissait du bureau, Harry se réprimanda sévèrement. S’il voulait avoir la moindre chance de passer un mois ne serait-ce que correct chez les Dursley, il faudrait vraiment qu’il parvienne à être plus aimable avec Malefoy.
- Allez-y maintenant, ordonna doucement le professeur McGonagall. Et bonne chance…
Elle ne savait rien des Horcruxes, bien sûr, mais Harry aurait parié qu’elle avait deviné qu’elle ne le reverrait pas avant un moment…
Dans les couloirs, Harry pouvait sentir la présence de Malefoy à côté de lui. Il trouvait néanmoins très agaçant de ne pas le voir. Ici, leurs pas résonnaient sur les dalles et il pouvait être certain que l’autre le suivait. Mais que se passerait-il quand ils auraient atteint le parc ou qu’ils seraient montés dans le train ? Car pour être honnête, Harry n’avait pas spécialement envie de Drago s’échappe. D’une certaine manière, ce serait un soulagement, il en serait débarrassé. Mais l’idée lui déplaisait. Il ne pouvait s’empêcher de considérer que Drago était, en quelque sorte, son prisonnier.
Dans le hall, Ron et Hermione l’attendaient et ils prirent ensemble leur valise pour quitter l’école, entourés de nombreux autres élèves. Aucun d’eux ne parla, sans doute parce que la présence de Malefoy les rendait mal à l’aise. De temps en temps, Harry effleurait la cape de son père du bout des doigts, pour s’assurer que l’autre était toujours là.
L’ambiance se détendit légèrement lorsque Luna et Neville les rejoignirent et se mirent à bavarder comme si de rien n’était. Ils n’étaient bien sûr pas au courant de la reddition de Drago et des conséquences déplaisantes qu’elle avait sur Harry, ce qui leur permettait une liberté que les autres n’avait pas. Neville tenait, serrée contre lui, une plante laide dont Harry oublia le nom dès que son ami l’eut prononcé. Il leur expliqua, avec un enthousiasme modéré, qu’il avait pour mission de s’occuper de cette plante tout l’été et de la garder en vie. Il semblait croire qu’il n’y parviendrait pas et Luna l’encouragea gentiment. Elle lui conseilla de nombreux soins tous plus absurdes les uns que les autres et Hermione supplia Neville de ne pas l’écouter. Harry entendit Malefoy pousser un soupir agacé sous la cape mais ne dit rien.
Quand Neville voulut rapprocher sa plante de Harry pour la lui montrer de plus près, celui-ci s’écarta vivement et percuta Malefoy. Sans trop savoir ce qu’il tenait, Harry s’accrocha à lui pour reprendre son équilibre.
- J’ai trébuché sur un caillou, expliqua-t-il à Neville qui le regardait avec surprise.
Et parce qu’il sentait que Malefoy essayait de se dégager de son emprise, il serra encore plus fort ce qu’il pensait être son bras, au point de lui faire mal. Il le lâcha enfin et la conversation reprit normalement. Harry était sûr que Drago était furieux mais il s’en moquait. Il n’avait qu’à pas marcher à côté de lui, caché sous sa cape ! Harry jugea ces pensées totalement puériles et fut heureux d’arriver sur le quai de Pré-au-Lard.
Dans le train, ils trouvèrent un compartiment vide et réussirent à se débarrasser gentiment de Neville et Luna qui suivirent Ginny un peu plus loin. Harry ouvrit la porte et s’écarta pour laisser passer Malefoy.
- Va t’asseoir près de la fenêtre, ordonna-t-il. Comme ça, nous saurons où tu es.
Le Serpentard obéit sans rien dire. Harry s’installa à côté de lui, prenant soin de laisser une distance raisonnable entre eux. Enfin, du moins l’espérait-il car il ne pouvait pas voir exactement où se trouvait Drago et cette situation était vraiment pénible. Pour se changer les idées, il regarda Ron et Hermione s’asseoir en face de lui et leur sourit.
Ils bavardèrent de tout et de rien, des cours qui s’étaient brusquement terminés, de Bill et de Fleur, qu’il faudrait encore supporter tout l’été, même si cette perspective ne semblait pas déranger particulièrement Ron. Hermione leur annonça qu’elle partirait quelques semaines avec ses parents au bord de la mer et promit de leur écrire.
- Je t’écrirai souvent, ne t’inquiète pas Harry, dit-elle en jetant un coup d’œil à la place vide qu’occupait Malefoy. Et s’il se passe la moindre chose, n’hésite pas à m’envoyer Hedwige…
- Oui mon vieux, n’hésite pas à m’écrire si tes vacances se passent mal.
Harry sentit que Malefoy poussait un nouveau soupir d’agacement mais n’osait pas parler. C’était plutôt une bonne chose. Il eut soudain envie de faire quelque chose d’un peu cruel et ne put s’en empêcher.
- Vous savez ce qui est bien ? demanda-t-il à ses deux amis. C’est que cette année, Malefoy ne viendra pas nous faire chier dans le train.
Hermione se crispa mais Ron laissa échapper un petit rire incrédule. Il hésita un instant puis sourit à Harry.
- C’est surtout bien pour lui, puisqu’à chaque fois il finissait dans un état assez pitoyable. Comme l’année dernière, vous vous souvenez ?
- La ferme, murmura Drago sous la cape.
Ron se tourna vers Hermione et sourit davantage.
- Tu as entendu quelque chose Hermione ? J’ai cru qu’on avait essayé de me parler…
- Arrête Ron, dit-elle, ce n’est pas gentil.
Et disant cela, elle se tourna vers la fenêtre. Harry était certain qu’elle souriait. A nouveau, il s’en voulut d’avoir cherché à blesser Malefoy mais il ne pouvait pas s’en empêcher, c’était plus fort que lui. Ils se détestaient depuis trop longtemps pour que les choses changent.
Hermione détourna la conversation vers autre chose et tout rentra dans l’ordre. Pendant deux heures, ils n’entendirent plus Malefoy et Harry se demanda vaguement s’il dormait ou non. Faisant mine de renouer ses lacets, il bougea et posa la main sur la banquette pour vérifier que la cape soit toujours là. Elle y était bien. Il se détourna du Serpentard quand la sorcière qui travaillait dans le train vint leur proposer des bonbons et Harry dépensa tout son argent pour faire plaisir à Ron. Ils se goinfrèrent tous les deux sous le regard réprobateur de Hermione et rirent des goûts qu’ils découvraient. Cela donnait à Harry l’impression d’être un adolescent normal qui ne venait pas de perdre tous les adultes importants de sa vie et qui ne se préparait pas à un combat mortel avec le mage noir le plus puissant qui ait jamais existé.
- Dudley est encore au régime ? demanda Hermione.
- Bon sang ! s’exclama Harry avec une expression de douleur sur le visage. J’avais oublié !
- Nous t’enverrons des choses à grignoter, assura Ron.
Harry savait par expérience que cela ne suffirait pas à le maintenir en vie pendant un mois. En plus, la nourriture finissait par moisir à cause de la chaleur et Harry ne parvenait pas à la conserver suffisamment longtemps. Il se tourna vers la place vide de Drago.
- Malefoy ? dit-il à voix basse.
Il ne savait pas si l’autre dormait ou était éveillé.
- Quoi ? répondit le Serpentard après quelques secondes d’hésitation.
- As-tu de l’argent sur toi ?
Harry entendit Malefoy se redresser et se tourner vers lui. Heureusement, il ne pouvait pas voir l’expression de son visage.
- Pourquoi ?
- Parce qu’on va en avoir besoin. Si tu ne veux pas mourir de faim pendant un mois, donne-moi l’argent que tu as.
- Tu peux toujours rêver ! rétorqua Drago d’un ton agressif. Et c’est quoi cette histoire ? Pourquoi est-ce qu’on mourrait de faim ?
Harry prit une profonde inspiration pour répondre le plus aimablement possible et de pas s’énerver.
- Dudley est au régime et…
- Qui est Dudley ?
- Mon cousin ! Il est gros, énorme et ma tante l’oblige à faire un régime. Pour le soutenir, nous devons tous suivre le régime aussi et donc on ne mange presque rien. Alors si tu veux qu’on achète des choses en douce pour pouvoir survivre, j’aurai besoin de ton argent.
Un long silence suivit l’explication de Harry qui se demanda si Drago avait compris ce qu’il avait raconté ou non. Puis, venue du néant, une bourse vint se poser sur les genoux de Harry.
- C’est tout ce que j’ai, déclara Malefoy, visiblement contrarié.
Harry ouvrit la bourse et compta les Gallions. Il y en avait beaucoup trop, ils n’avaient pas besoin d’autant d’argent. Sentant le regard envieux de Ron, Harry saisit un tiers de la bourse et rendit le reste à Malefoy en le remerciant. Puis il se tourna vers Hermione et lui tendit les pièces d’or.
- Tu peux me l’échanger avec ton argent ? On doit en avoir pour attends… 50 pounds je pense !
- D’accord.
Elle prit son porte-monnaie, sortit deux billets qu’elle tendit à Harry et lui sourit avec encouragement. Quand Harry laissa tomber les Gallions dans la main de Hermione, il sentit que Malefoy se tendait légèrement à ses côtés. Tant pis, songea Harry avec mépris. Il ne devait pas être très heureux qu’une Née Moldue hérite de son précieux argent mais Harry n’en avait rien à faire.
- On ira acheter des choses à manger quand on arrivera, annonça Harry.
Malefoy ne répondit pas et Harry le soupçonna de faire la tête. Il jugea cette attitude ridicule.
Au bout d’un moment, Hermione annonça avec un peu de regret qu’elle devait sortir avec Ron pour aller jeter un coup d’œil aux autres élèves et remplir leur rôle de préfets. Ils ne pouvaient pas laisser les première année faire n’importe quoi et il était de leur devoir d’aller les surveiller. Harry hocha la tête et les regarda partir. Il se retrouva seul, ou plutôt, seul avec Malefoy. Est-ce que le Serpentard le regardait ? Observait-il le paysage par la fenêtre ? C’était contrariant de ne pas le savoir.
Harry ferma les yeux et laissa ses pensées s’envoler vers Privet Drive. Il n’avait bien sûr aucune envie d’y rentrer, pas plus qu’il n’avait envie de revoir son oncle ou sa tante. Cette perspective l’angoissait comme s’il était encore un enfant. C’était ridicule et pourtant… Il y avait des blessures qui ne partaient pas avec le temps. Harry sursauta quand des pas s’arrêtèrent devant son compartiment et ouvrit les yeux. En parlant de blessures, Ginny se tenait là et le fixait avec hésitation.
- Hermione n’est pas là ? demanda-t-elle en évitant le regard de Harry.
- Non, elle est partie faire un tour avec Ron, puisqu’ils sont préfets…
- Ah oui, je vois… Tant pis…
Elle resta immobile quelques secondes puis se détourna de lui. Harry se leva brusquement de la banquette et l’attrapa par le poignet. Il la tira dans le compartiment et lui jeta un regard désolé.
- Attends, dit-il à voix basse. Quand le Poudlard Express arrivera à Londres, on devra se dire au revoir mais je veux… je veux qu’on fasse ça bien, pas devant tout le monde.
- Harry, je croyais qu’on avait dit que c’était fini…
- Je sais mais… je ne vais pas te voir pendant des semaines.
Harry baissa les stores du compartiment pour que personne ne puisse les voir et attira Ginny contre lui. Elle passa immédiatement ses bras autour de son cou et l’embrassa passionnément. Harry l’embrassa avec le même désespoir et se serra davantage contre elle. Il espérait que la chaleur de son corps pourrait atténuer le froid qui s’emparait de son cœur mais les choses ne fonctionnaient pas ainsi.
Ginny s’éloigna de lui lentement et lui adressa un triste sourire.
- Au revoir Harry, murmura-t-elle.
- Au revoir Ginny.
Elle remonta les stores et posa une main sur la poignée de la porte. Au moment de l’ouvrir, elle se figea et se retourna vivement pour fixer Harry.
- Où est-il ? demanda-t-elle précipitamment.
- Qui donc ?
- Malefoy.
Harry rougit violemment. Quand il avait aperçu Ginny, il avait complètement oublié Drago. Il fallait dire que le fait qu’il soit invisible favorisait ce genre de malentendu… Manifestement, Ginny n’avait aucune envie que Malefoy ait assisté à ce moment et Harry lui sourit.
- Il est allé aux toilettes, assura-t-il.
- D’accord.
Elle tendit la main, effleura la joue de Harry du bout des doigts et inspira pour refouler les larmes qui menaçaient de couler.
- Je t’aime Harry Potter, dit-elle.
- Je t’aime aussi.
Rassurée, elle sourit une dernière fois et quitta le compartiment. Harry resta debout, immobile et désespéré, effaré d’avoir dit adieu à Ginny et de l’avoir embrassée de cette façon devant Drago Malefoy. Son cerveau était assailli par de trop nombreux sentiments pour qu’il puisse le supporter.
- Potter, dit la voix de Drago, surgie du néant.
- Merci, marmonna Harry. Merci de n’avoir rien dit…
- Potter, ne m’impose plus jamais un tel spectacle.
- Oh ça va, t’as dix-sept ans Malefoy, ne me dis pas que ça te choque de voir des gens s’embrasser !
- Ça ne me choque pas, ça me dégoûte.
- Va te faire foutre !
Harry sortit du compartiment pour jeter un coup d’œil dans le couloir, espérant que Ron et Hermione seraient bientôt de retour. Malheureusement, ils ne semblaient pas décidés à revenir et Harry retourna s’asseoir à sa place. Malefoy ne continua pas ses jérémiades et resombra dans un mutisme boudeur qui arrangeait parfaitement Harry. Il s’en voulait d’avoir laissé Malefoy assister à un moment aussi intime entre Ginny et lui. Il n’aurait jamais dû voir ça, il n’aurait jamais dû apercevoir le désir que Harry avait pour Ginny et il n’aurait jamais dû dégrader cela en parlant. Mais, d’un autre côté, Harry se dit que le mépris de Drago cachait peut-être de la jalousie et une petite partie de lui était heureuse qu’il l’ait vu embrasser Ginny. Parce que Harry était amoureux, lui et qu’il était aimé en retour, lui. Et qu’au lieu de se cacher dans un train, il embrassait une fille, lui.
Ron et Hermione revinrent et coupèrent ces réflexions peu charitables. Le reste du trajet se déroula sans heurts et quand ils atteignirent enfin la gare de King Cross, Harry eut l’impression qu’ils venaient à peine de partir. Ils arrivaient toujours trop tôt à Londres. Ils se levèrent lentement et descendirent leurs valises des porte-bagages. Hermione lui adressa un sourire qui se voulait rassurant et Ron lui jeta un coup d’œil désolé.
- Il faut y aller, dit-il.
- Malefoy ? demanda Harry. Tu es prêt ?
- Oui oui.
- Où es-tu ?
- Là !
Harry se tourna vers la voix et tendit la main. Il sentit la cape sous ses doigts et la saisit.
- Qu’est-ce que tu fais ? demanda Drago avec agacement.
- Je te tiens pour être certain de savoir où tu es.
- Lâche-moi !
- Non.
Une main sur la poignée de sa valise et une main sur la cape, il avança dans le couloir et entraina Malefoy avec lui. Ils descendirent sur le quai bondé de la gare et rejoignirent les Weasley qui leur faisaient de grands signes. Molly serra Harry dans ses bras et lui assura qu’il viendrait rapidement les retrouver au Terrier. Arthur Weasley lui conseilla de bien rester chez son oncle et sa tante et de ne rien tenter de stupide. Harry acquiesça en souriant. Puis il serra la main de Remus qui n’était venu que pour le voir et enfin, il laissa Ron et Hermione le prendre dans leurs bras. Il dit au revoir au moins trois fois, évita le regard de Ginny et s’éloigna enfin d’eux, le cœur lourd. Il n’avait pas lâché la cape de son père et sentait toujours Malefoy marcher à côté de lui. Il ne savait pas si cette présence était rassurante ou au contraire, était un fardeau supplémentaire.
Comme un condamné marchant vers l’échafaud, il se dirigea vers les trois personnes qui se tenaient en retrait sur le quai et l’observaient depuis dix minutes avec une antipathie à peine dissimulée.
- Salut, dit Harry sans les regarder.
- Tu en as mis du temps mon garçon ! s’écria Vernon d’un ton brusque. Tu crois peut-être que nous n’avons que cela à faire de t’attendre ici, dans cette gare remplie de gens de ton espèce ?
Harry poussa un profond soupir et ne prit pas peine de répondre. Pétunia ne lui adressa pas le moindre mot de bienvenue mais Dudley sourit timidement.
- Alors, demanda Vernon en rougissant. Où est l’autre ?
- Il est là…
- Où donc ?
- Là, il est caché sous une cape d’invisibilité.
La moustache de l’oncle Vernon frémit tandis que la tante Pétunia jeta des coups d’œil anxieux autour d’elle. Harry se dit que Malefoy devait les prendre pour des demeurés et eut honte.
- Une cape d’invisi… souffla Vernon sans oser aller jusqu’au bout.
- Allons-y, ordonna Harry. Il va nous suivre et il l’enlèvera dans la voiture.
Hésitants, ils finirent par obéir à Harry et ils sortirent tous de la gare. Vernon ouvrit le coffre pour que Harry puisse y déposer sa valise puis ils s’engouffrèrent dans la voiture. Harry se retrouva coincé entre Dudley et Malefoy et n’aurait su dire lequel lui était le plus pénible à supporter. Celui qui l’avait maltraité toute son enfance ou celui qui l’avait maltraité pendant toute sa scolarité à Poudlard. Choix difficile… Vernon démarra et ils s’éloignèrent de la gare.
- Il vaut peut-être mieux que tu gardes la cape jusqu’à la maison, dit Harry. Au cas où quelqu’un nous surveillerait.
- D’accord.
La famille Dursley au complet sursauta en entendant la voix de Malefoy retentir dans la voiture. Dans le rétroviseur, l’oncle Vernon ne cessait de jeter des regards en direction de la place vide à côté de Harry.
- Pourquoi doit-il se cacher ? demanda-t-il d’un ton méprisant.
- Voldemort veut le tuer, répondit Harry.
Dans le rétroviseur, il échangea un regard avec sa tante mais elle se détourna rapidement.
- Et alors, murmura-t-elle, devrions-nous accueillir tous ceux que Vol Machin veut tuer ?
Harry savait qu’elle connaissait parfaitement le nom de Voldemort mais qu’elle faisait exprès de prétendre le contraire. Il savait également qu’elle était inquiète, même si elle refusait de l’admettre.
- Nous ne craignons rien jusqu’au 31 juillet, dit Harry d’un ton qu’il voulait rassurant.
- Oui, c’est ce que cette vieille chouette a essayé de nous expliquer, asséna Vernon.
- Le professeur McGonagall, siffla Harry entre ses dents.
- Elle a vraiment de sales manières cette bonne femme ! Débarquer ainsi chez les gens pour les menacer et les forcer à accueillir un autre… un autre…
Le mot semblait trop horrible pour l’oncle Vernon qui ne put se résoudre à le prononcer.
- J’espère au moins qu’il sait se tenir ! conclut-il.
- Je sais parfaitement me tenir, monsieur, répondit Drago avec tellement de mépris que la moustache de l’oncle Vernon frémit à nouveau.
Plus aucune parole ne fut prononcée jusqu’à Privet Drive. Contre sa cuisse, Harry pouvait sentir celle de Malefoy et il était à peu près certain qu’elle tremblait de rage. Plusieurs fois, il eut l’impression que son camarade se tournait vers lui pour dire quelque chose mais se retenait au dernier moment. De toute manière, Harry n’avait aucune envie d’entendre ce que Malefoy avait à lui dire.
Ils arrivèrent enfin, déchargèrent la valise de Harry et pénétrèrent dans le vestibule. Là, avec un plaisir évident, Malefoy retira enfin la cape et apparut brusquement, arrachant un cri à la famille Dursley. Les trois regardèrent Malefoy qui les fixa avec la même indiscrétion. Cela ressemblait à un silencieux combat à mort.
- Voici Drago Malefoy, présenta Harry pour détendre l’atmosphère.
- Malefoy, répéta Pétunia en plissant les yeux.
Harry eut le sentiment qu’elle avait déjà entendu ce nom et qu’elle savait que les Malefoy étaient du côté de Voldemort. Peut-être Lily lui avait-elle parlé de Lucius à l’époque où ils étaient à Poudlard ensemble…
- Il déteste les Moldus à peu près autant que vous détestez les sorciers, précisa Harry avec satisfaction. Vous devriez bien vous entendre…
- Les Moldus ? s’indigna Vernon comme si c’était une insulte. Qu’est-ce que c’est ?
- Les gens de votre espèce, répondit Malefoy avec un rictus méprisant.
Si ce n’avait pas été Malefoy et si sa haine des Moldus n’avait pas paru aussi répugnante à Harry, il aurait pu savourer cet échange. Une partie de lui le savoura tout de même.
L’oncle Vernon observa Drago avec attention. Il parut se rendre compte que ce garçon, avec sa chemise d’un blanc immaculé, ses cheveux presque blancs et son air supérieur venait d’un milieu bien différent du sien, d’un milieu où il y avait de l’argent et du pouvoir. Aussi ne répliqua-t-il rien. Harry en profita pour poser la question qui lui brûlait les lèvres.
- Où va-t-il dormir ?
- Avec toi, répondit brusquement Pétunia comme si c’était évident.
- Impossible, il n’y a qu’un lit dans ma chambre. Un lit simple.
A cet instant, Harry fut très heureux d’avoir un lit minuscule qui rendait impossible que Malefoy dorme avec lui.
- Le professeur McGo-Je-ne sais-quoi en a ajouté un deuxième.
- Ouais, ajouta Dudley. Il est apparu comme par magie !
L’oncle Vernon et la tante Pétunia se tournèrent vers leur fils et le fixèrent comme s’il avait perdu la raison. Drago les observa à peu près de la même manière. Harry, quant à lui, semblait sur le point de faire une crise de nerfs. Il avait espéré, sans trop se l’avouer, que Malefoy dormirait loin de lui, pourquoi pas dans le placard sous les escaliers… D’un geste rageur, il attrapa sa valise et la traina jusqu’à l’étage.
- Viens, ordonna-t-il brusquement.
Malefoy le suivit sans rien dire, jetant des coups d’œil à la décoration de la maison. Quand Harry ouvrit la porte de sa chambre, il poussa presque un soupir douloureux. Il avait oublié à quel point elle était petite ! Et maintenant qu’il y avait un deuxième lit, c’était pire que tout. Celui de Harry avait été poussé contre la fenêtre et celui de Drago était si proche de l’armoire que Harry devrait se contorsionner pour attraper ses vêtements. Et entre les deux lits, il y avait juste la place de passer et certainement pas de se croiser. Harry eut envie de pleurer.
Il marcha jusqu’à son lit, laissa tomber sa valise par terre et posa la cage d’Hedwige sur le bureau. A contre-cœur, il se tourna vers Malefoy. Celui-ci n’avait toujours pas bougé et fixait lui aussi les deux lits avec ce qui ressemblait à de la souffrance. Harry vit que ses mains tremblaient légèrement et le soupçonna d’avoir envie de pleurer, lui aussi.
Sentant le regard de Harry sur lui, il posa son sac au pied de son lit et s’y allongea. Il fixa le plafond pendant un long moment puis tourna le dos à son camarade et se recroquevilla sur lui-même. Harry se demanda lequel des deux était le plus malheureux.
- Potter ? dit soudain la voix de Malefoy.
- Oui ?
- Tes Moldus, ils ne seraient pas complètement débiles par hasard ?
Harry eut envie de répondre que non, simplement pour déplaire à Malefoy et pour soutenir sa famille. C’était affligeant que les Dursley viennent prouver à Drago qu’il avait raison de se sentir supérieur aux Moldus. En même temps, Harry ne voyait pas vraiment comment les défendre.
- Si, répondit-il simplement.
- Ça explique bien des choses… murmura Malefoy avec cruauté.
- Quelles choses ? demanda vivement Harry.
- Eh bien, tu n’as jamais été une flèche Potter, si tu vois ce que je veux dire.
- Je ne m’abaisserai pas à te répondre.
Malefoy se permit un petit rire méprisant mais continua à lui tourner le dos. Harry ferma les yeux et essaya de penser à Ron et Hermione. Par Merlin, comme il aimerait qu’ils soient là ! Parce que maintenant qu’il était à Privet Drive, Harry prenait pleinement conscience de ce dans quoi il s’était engagé. Il avait accepté que Malefoy vienne passer un mois avec lui chez les Dursley. Un mois dans cette minuscule chambre, à se supporter continuellement, à subir les moqueries et les insultes de Malefoy, à le croiser sans arrêt. Harry savait déjà qu’il n’y parviendrait pas. Il avait juré au professeur McGonagall de ne rien faire de stupide mais pour être honnête, il savait qu’il ne pourrait pas tenir cette promesse. Un jour, il ferait quelque chose de stupide, c’était évident.