Hermione était restée figée pendant de longues minutes à regarder le parchemin. Si bien que Ginny avait dû lui flanquer deux claques pour lui remettre les idées en ordre. Elle s'était alors réfugiée dans sa chambre. Elle avait enfilé la tenue la plus classe qu'elle avait dans sa penderie, avait séché ses cheveux d'un coup de baguette et était sortie de l'appartement sans dire un mot.
Elle attendait devant une demeure cossue du sud de l'Angleterre que quelqu'un la remarque enfin. Un elfe de maison reçut finalement l'ordre de la recevoir et lui demanda d'une petite voix :
« Je peux vous aider Miss ?
— Hermione Granger. Je dois voir Draco Malfoy. Je sais qu'il est ici. »
L'elfe, surpris par cette annonce peu commune, s'inclina et fila sur ses petites jambes transmettre le message. Hermione ne voyait qu'une partie de la réception de derrière le portail. L'immense haie lui cachait le reste. Les éclats de voix étaient magiquement étouffés et rien ne filtrait hormis un brouhaha incompréhensible.
Elle attendit de longues minutes jusqu'à ce qu'un jeune homme blond en costume de cérémonie vienne jusqu'à elle. Il ouvrit le portail et lança un sourire narquois.
« Granger, quelle surprise ! Je ne m'attendais pas à ce que tu débarques ainsi au milieu d'un repas entre amis. C'est fou ce que tu peux être zélée ! D'ailleurs, comment savais-tu où j'étais ?
— Simple déduction logique pour un peu qu'on suive l'agenda des réceptions mondaines.
— Impressionnant ! Je ne savais pas que ça t'intéressait !
— C'est mon boulot de savoir ce genre de choses, Malfoy. »
Draco eut du mal à cacher son sourire impressionné.
« Je pensais que tu débarquerais demain matin comme une furie dans mon bureau pour me remonter les bretelles, tu me prends de cours.
— Il faut qu'on parle.
— Excuse-moi mais j'ai une réception en ce moment. »
Il allait refermer le portail quand Hermione l'arrêta d'une main.
« Pourquoi crois-tu que je me sois habillée en croque-mort un dimanche matin au lieu de regarder des séries avec un bol de céréales ? »
Draco la détailla du regard. Décidément, Granger était terriblement imprévisible.
« Et donc ?
— Tu m'invites, on parle.
— Charmante idée. Comment vais-je justifier ta présence ?
— Tu n'as qu'à dire qu'on travaille sur un projet commun, soupira Hermione. Je n'en sais rien, invente !»
Draco pencha la tête, soudain intéressé.
« Un projet commun ? On peut faire ça sans être au gouvernement ?
— Évidemment ! Selon l'article 113 du...
— Vas-y entre. »
Il rouvrit le portail et la laissa passer.
« Je ne te propose pas mon bras, j'imagine qu'avec les trucs que tu as aux pieds tu réussiras à mettre un pas devant l'autre sans mon aide.
— Ce sont des ballerines, c'est parfaitement adapté pour une réception en plein air.
— Et parfaitement contraire à l'étiquette également.
— Quelle étiquette ? s'indigna Hermione.
— L'étiquette du monde Sang-Pur. Pour te citer, selon l'article 24 de ce protocole, toute dame invitée à une réception de plein air durant l'hiver se doit de porter une tenue sombre et des escarpins. »
Il lui jeta à nouveau un regard froid.
« Passe pour la tenue sombre, il te manque les escarpins.
— C'est ridicule. Comment veux-tu marcher dans l'herbe avec des talons aiguille ?
— C'est à ça que servent les cavaliers. »
Les rumeurs de conversations s'arrêtèrent presque immédiatement quand Hermione passa le coin de la haie. Draco semblait amusé par la situation.
« Suis-moi, que je te présente.
— Je n'ai pas besoin de...
— Suis-moi et arrête de parler pour une fois. »
Comprenant que c'était dans son intérêt, Hermione avança, la tête basse et suivit son guide improvisé. Il l'amena jusqu'à un couple paré de plus de bijoux qu'Hermione n'en avait !
« Lord et Lady Greengrass, laissez-moi vous présenter Hermione Granger, elle va se joindre à nous pour quelques heures.
— Enchantée, murmura Hermione, un peu gênée.
— Que fabriquez-vous ici ? Je ne me souviens pas vous avoir invitée.
— Nous avons une affaire en commun, éluda Draco. Projet en lien avec le Ministère.
— Je me souviens maintenant, comprit le Lord en plissant les yeux. Vous êtes l'assistante du Ministre, c'est ça ?
— Tout à fait, Monsieur.
— Intéressant !
— Excusez-nous, il faut que nous discutions d'un point problématique, » minauda Malfoy avant de pousser Hermione dans le bas du dos.
Il la dirigea jusqu'à un coin tranquille, à l'abris de regards. Une fois certaine que personne ne les regardait, Hermione repoussa vivement le jeune homme.
« Bas les pattes, Malfoy. Je ne te permets pas.
— Granger, j'essaie de sauver les apparences, là.
— Tu viens de me présenter comme une collègue de travail, tes mains qui s'égarent sont tout sauf professionnelles.
— Bien, quel est le problème au juste ? Pourquoi t'es là ?
— Tu as reçu la lettre du Ministère ?
— Celle pour l'audience de demain ? Évidemment ! Ça fait au moins quinze fois que je confirme au greffier que mon client sera là. Si maintenant il faut que tu passes en personne le dimanche pour me demander de confirmer oralement sa présence, on n'a pas fini !
— Pas celle-là, imbécile ! Que veux-tu que ça me fasse que tu aies confirmé ton audience ou pas ? Tes petites magouilles d'avocat véreux ne m'intéressent pas, Malfoy.
— De quoi tu parles dans ce cas ?
— De la lettre du Ministère suite au projet de loi qui a été voté vendredi.
— Celui sur les attributions ? Je n'ai reçu.
— C'est arrivé ce matin.
— Ah ! Dans ce cas, elle doit être chez moi. J'avoue que j'étais un peu pressé. Et donc ? Tu veux les conseils d'un avocat véreux pour te débarrasser de ton futur mari ? ricana-t-il.
— J'aimerais beaucoup !
— Sache que le poison ça fait mauvais genre, tu serais grillée tout de suite.
— Pourquoi ?
— Si tu avais étudié comme moi l'histoire du droit, les plus grandes affaires de meurtres par empoisonnement ont toutes été commises par des femmes. Et dans la majorité des cas, l'épouse ou l'amante était en cause.
— Ça me laisse donc une porte de sortie.
— Laquelle ?
— L'amante.
— Vous n'êtes pas encore marié et il a déjà une maîtresse ? J'adore ce type ! Je le connais ?
— Oh que oui ! C'est toi Malfoy. »
Draco resta bouche bée et blêmit si fortement qu'Hermione l'attrapa par les épaules pour l'empêcher de tomber.
« Malfoy ! Ça va ? Dis quelque chose bon sang ! Oh ! Tu ne vas pas t'évanouir maintenant ? »
Elle le secoua comme un prunier jusqu'à ce qu'elle l'entende prendre une grande inspiration et tousser.
« Bon sang, tu m'as fait peur ! J'ai cru que tu avais fait une crise cardiaque !»
Malfoy était maintenant plié en deux, un bras sur le tronc de l'arbre sous lequel ils s'étaient réfugiés, un autre sur son estomac. Il semblait sur le point de rendre son petit déjeuner.
« Malfoy ? Dis quelque chose !
— Une minute... Juste une... minute... »
Hermione croisa les bras et compta nerveusement jusqu'à soixante. Le jeune homme se redressa, le visage encore un peu pâle et des gouttes de sueurs perlant le long de ses tempes.
« Granger, j'ai mal entendu, c'est ça ?
— Tu m'as très bien entendue.
— Je croyais que les tests du Département des Mystères étaient aux points ?
— C'est aussi ce qu'on m'avait dit.
— Mais enfin, fais quelque chose ! C'est toi l'assistante du Ministre ! Tu diriges tout le gouvernement !
— Sauf cette loi. Je n'ai pas été consultée une seule seconde.
— Demande une dérogation.
— Déjà fait.
— Et alors ?
— Refusée. C'est soit je t'épouse, soit je gagne un billet gratuit pour Azkaban. »
Draco finit par s'asseoir dans l'herbe, ses jambes avaient du mal à le porter.
« C'est pas vrai...
— Moi non plus je ne suis pas ravie par la situation je te signale.
— Mais c'est pas vrai ! Qu'est-ce que j'ai fait par Merlin pour mériter ça ?
— Je me le demande aussi. »
Elle se laissa tomber à côté du jeune homme et restèrent en silence à regarder les enfants qui jouaient un peu plus loin. Au bout de longues minutes, Draco murmura :
« Qu'est-ce qu'on va faire Granger ? »
« Hermione, comment vas-tu ?
— Par pitié Kingsley, épargnez-moi les formules de politesse, je ne suis pas d'humeur.
— Le week-end a été difficile ?
— Difficile ? Difficile ! Il a été horrible ! Affreux ! Le pire de toute ma vie ! Même la bataille de Poudlard c'était du gâteau à côté de ça ! Le basilic et les dragons de Gringotts n'avaient qu'à se rhabiller ! Vous m'avez mise dans une bouse de dragon pas possible avec votre loi à deux noises !
— Allons, l'agitation va retomber, c'est le temps d'une semaine ou deux.
— Je ne suis pas certaine de réussir à digérer un jour que je vais épouser Draco Malfoy. Même avec toute la bonne volonté du monde. »
Kingsley lui fit une grimace contrite et lui tendit les missions du jour. Il devait reconnaître que son assistante n'avait pas tiré le gros lot...
« Le sortilège utilisé a été le même pour toi que pour les autres. Hermione, tu es le fer de lance de la reconstruction du monde sorcier. Pourquoi ne vois-tu pas cela comme une nouvelle chance de faire avancer les choses ? Tendre la main vers nos ennemis d'hier ? »
Nos ennemis d'hier... Hermione grommela en sortant du bureau. Elle ne trouverait aucun soutien auprès de Kingsley, elle le savait. L'attribution d'Hermione était un trop grand coup politique pour qu'il l'empêche. Elle devrait se débrouiller toute seule.
Elle poussa la porte de son bureau et lança la musique d'un coup de baguette. Du Tchaïkovski s'éleva avec force dans la pièce. Elle ne mettait de la musique classique que quand elle était furieuse. Automatiquement, ses collègues froncèrent les sourcils, se demandant ce qui avait pu mettre Hermione Granger hors d'elle.
Elle se lança dans un ménage de printemps et d'automne avancé dans l'espoir de se vider la tête. Son cœur se serra. Dans son grand bureau elle ne s'était jamais sentie aussi seule de toute sa vie. Une boule se forma dans sa gorge et les larmes lui montèrent aux yeux. Alors qu'elle s'apprêtait à récurer sa théière, on frappa à la porte, la faisant sursauter. D'un geste vif, elle essuya ses cils humides et répondit d'une voix croassante :
« Entrez ! »
Un jeune homme blond au regard d'acier franchit le seuil et dit d'une voix grave :
« Je crois qu'il faut qu'on parle Granger. »
Il referma sur les regards curieux des collègues d'Hermione et lança un sort.
« Inutile d'insonoriser, dit Hermione. J'ai besoin de prendre l'air.
— Parfait, moi aussi ! »
Hermione attrapa sa veste et verrouilla derrière eux.
Dans l'ascenseur puis dans le hall, elle sentait la colère sourde de Malfoy dans son dos. Elle allait passer un très mauvais quart d'heure, elle le savait. Autant qu'il y ait le moins de témoins possible à la dispute qui allait suivre. Arrivée à l'air de transplanage, elle dit :
« Une idée ? »
Pour toute réponse, Draco attrapa brusquement son bras et les fit tournoyer.