F. W. 

D’un geste rageur, il froissa la petite feuille de note et s’étendit sur son lit d’un air pensif, fixant sans les voir les murs délavés de la petite chambre où il se trouvait. 

Chambre qui avait jadis appartenue  à son oncle Fred Weasley, dont il avait hérité le nom.

Pas que le nom, d’ailleurs, s’il en croyait ses parents. Sa ressemblance avec son défunt oncle, était, semblait-il, frappante: même physionomie, même voix, même caractère. 

Fred ne connaissait pas cet autre lui, ce souvenir toujours présent qui, des décennies après, hantait ses parents. 

Il ne l’avait jamais vu, mais l’ombre de l’autre lui tournait autour.Et lui était mû par un désir invisible de lui ressembler.

Fred Weasley. C’était un héros, d’après les dires de sa famille. Lors des fêtes, où tous se réunissaient, son absence pesait sur la mémoire des plus âgés, un vide que Fred ne pouvait pas, ne pourrait jamais combler.

Le jeune homme avait eu la bonne idée de venir au monde le jour de l’anniversaire de la mort de son oncle.

Bourgeon qui germe près d’une fleur fanée, petite fleur qui naît sur un cadavre froid, un Fred en avait remplacé un autre.

Mais avait-il vraiment réussi ? Sa naissance avait-elle comblé le vide lié à la mort du premier?

Non. Toute sa vie tenait dans ce non-ci. Il ne remplaçait pas et ne pouvait songer à remplacer l’autre. Jamais.

Il ne pouvait supporter l’espoir qui, l’espace d’une seconde, transparaissait dans les yeux de Georges lorsqu’on lui disait: “Fred est rentré!” et qu’il s’imaginait que son jumeau adoré franchissait gaiement le pas de la porte, avant de s’assombrir en comprenant que ce n’était que son fils.

Apparemment, sa propre mère, Angelina Weasley, avait aimé Fred, avant d’en épouser le jumeau.

Sans la mort de Fred, Fred ne serait pas né. 

Si l’un était en vie, l’autre serait mort.

L’autre. Fred Weasley.

Il l’appelait l’autre, mais, après tout, c’était l’original. Fred Weasley Senior. Le premier. 

Lui n’était qu’une pâle copie de ce souvenir, un vulgaire double qui tentait, en vain, de reproduire son modèle, échouant jour après jour, année après année, inlassablement.

L’autre,  finalement, c’était lui. Fred II Weasley.

Le numéro deux.