On m’a souvent dit qu’enfant j’étais trop sensible, et c’est vrai, je l’étais.
Lorsque j’étais petite, bien avant que je n’entre à Poudlard, j’étais la première à pleurer quand, chutant de mes premiers balais, je m’écorchais les genoux. Mes grands-parents disaient que c’était parce que j’étais fille unique, et que mes parents m’avaient trop protégée.
Puis j’avais commencé mes études à Poudlard. Pour la Cérémonie de répartition j’avais retenu mes larmes en enfonçant mes ongles dans les coudes, les bras irrémédiablement croisés. Mes parents avaient été tous les deux Serdaigle. Que se passerait-il si le Choixpeau décidait que je n’étais pas assez intelligente ou pas assez sage pour en faire partie ?
Les premiers mois à Poudlard avaient été difficiles, je parlais à très peu de personnes et je passais mon temps plongée dans les livres ou à regarder fixement les montagnes à travers les vitres de mon dortoir. J’appréhendais chaque examen : toujours cette peur de ne pas être à la hauteur de ma Maison. On faisait rarement attention à moi, mais lorsqu’on repérait mes yeux humides avant une interrogation écrite, j’entendais quelques rires railleurs derrière mon dos. On se moquait que je sois plus guidée par mon cœur que par mon cerveau. Un comble pour une Serdaigle.
Heureusement, il y avait les cours de vols. C’était l’un des cours, avec la Botanique et les Sortilèges, où je me sentais confiante. J’avais passé mon enfance à jouer au Quidditch et j’adorais notamment impressionner mes petits cousins de Chine en y jouant pendant les vacances. Prendre de la hauteur me faisait me sentir bien et mettre au point des stratégies de jeu me passionnait.
Un beau jour d’avril, alors que nous abordions la stabilisation en vol, Mme Bibine nous avait répartis en deux groupes : les plus à l’aise et les vrais débutants, ces derniers surtout constitués de Nés-Moldus ou d’élèves atteints de vertige. Je m’étais retrouvée rapidement éloignée des camarades de ma maison parmi un groupe de Poufsouffle, avec qui nous partagions les leçons. Beaucoup d’entre eux avaient été gentils avec moi tout au long de l’année au point où je me demandais si je n’étais pas plus Poufsouffle que Serdaigle...
Et puis, il y avait eu ce garçon de Poufsouffle qui m’avait approchée. Un deuxième année venu repérer de possibles recrues pour son équipe de Quidditch. Cédric Diggory. Les cheveux bruns un peu ébouriffés par le vent, les yeux gris emplis d’empathie plantés dans les miens, il m’avait complimentée sur mon aisance de vol. « Tu es vraiment douée pour voler, Cho. Un bon sens de l’équilibre, légère et rapide. Un vrai papillon ». Lui-même s’amusait à faire slalomer son balai puis à se stabiliser par à-coups, usant de son équilibre à la perfection. Puis Cédric s’en était retourné vers ses compères, non sans ajouter avec un petit clin d’œil : « Dommage que l’on devienne adversaire l’an prochain, petit papillon bleu ».
Au début, je n’avais pas trop saisi ce qu’il avait voulu dire par « devenir adversaire ». Ensuite j’avais compris : Cédric Diggory, le garçon de Deuxième année le plus populaire et le plus doué de sa maison l’estimait capable d’accéder au poste d’attrapeur, au même titre que lui. Peu à peu, cette idée avait envahi tout mon esprit. J’y pensais tout le temps : et si c’était possible ? Et si j’étais capable, moi, Cho Chang, de devenir quelqu’un de fort ?
J’étais rentrée de ma première année à Poudlard bien déterminée : finie la Cho Chang timide et faible. J’allais reprendre les choses en main. J’allais passer les qualifications pour entrer dans l’équipe de Quidditch de Serdaigle, postuler en tant que nouvelle attrapeuse.
Pour les qualifications, j’étais arrivée en tenue de Quidditch bleu foncé, mes longs cheveux noirs attachés haut par une élégante queue de cheval, la détermination même peinte sur mon visage. Je surpassai tout le monde, rattrapant tous les souafles avec agilité et rapidité, saisissant le vif d’or en quelques secondes seulement. Lorsque j’avais reposé le pied à terre après ma session, j’avais senti posés sur moi les regards ébahis des autres Serdaigle.
Voilà comment, en début de deuxième année, je commençai à devenir populaire. Tout le monde sembla oublier l’adolescente émotive que j’avais été. Je m’entourai d’amies, partageant mes plus grands secrets avec elles, commençant à rire des garçons dans les couloirs de l’école.
Dorénavant je me sentais aimée et grandie. Et à ma grande surprise, j’étais complètement à l’aise avec ma nouvelle vie. Je pensais avoir vaincu ma sensibilité et avoir prouvé aux yeux de tous que j’étais une véritable Serdaigle. Mon cœur n’était pas qu’une éponge, et la réflexion ainsi que la sagesse guidaient mes pas. J’étais devenue plus forte. En tout cas, c’était ce que j’espérais.
C’était la première fois que j’osais m’affirmer à ce point. Il m’avait fallu bien du courage pour tenir tête aux moqueries dont j’étais sujette. Laissez-moi vous raconter la suite de mon histoire, là, sur le quai 9 ¾, où je ne suis pas revenue depuis tant d’années. Six autres faits qui ont fait de moi celle que je suis aujourd’hui.