Du haut de ses sept ans, Susan adorait sa tante. Amélia Bones était intelligente, forte, respectée et juste. Elle représentait tout ce que Susan voulait devenir. Et puis, c'était encore plus précieux aux yeux de la petite fille, elle l'aimait.
Il ne se passait pas une semaine sans qu'elle ne passe la voir pour lui apprendre de nouvelles choses. En réalité, depuis un peu plus d'un an, Susan avait le droit de l'accompagner au ministère de la magie. Le lien qui unissait nièce et tante s'en était vu renforcé de plus belle.
Amélia Bones était certes la cheffe du département de la justice magique, mais elle prenait toujours le temps pour Susan et c'était pour cela qu'elle l'admirait. C'était vers sa tante qu'elle se tournait lorsqu'elle avait du mal à comprendre une phrase dans ses livres, c'était avec elle qu'elle discutait des histoires qu'elle lisait, c'était avec elle qu'elle élaborait des blagues à jouer aux autres adultes. C'était sa tante, à qui elle montra sa première dent de lait tombée et c'était Amélia, à qui elle parlait de sa hâte d'aller à Poudlard.
Oh, Susan aimait ses parents, beaucoup même. Mais ils travaillaient tout autant que sa tante et ne pouvaient pas l'emmener. Alors ils demandaient à Amélia de garder leur fille et Susan adorait le temps qu'elle passait dans le bureau de la directrice de la Justice magique.
Mais si Susan était une enfant sage qui pouvait observer sans faire un procès, elle était également très timide. Elle n'avait pas de frère ou sœur et elle n'avait jamais eu d'amis de son âge - comment en aurait-elle rencontrés ? Au ministère elle ne devait pas déranger les employés et les adultes l'impressionnaient. En réalité, elle parlait surtout à sa tante et à ses parents quand ils venaient l'embrasser le soir avant qu'elle ne dorme.
Cependant, un jour, sa tante Amélia lui confia un rouleau de parchemin et lui dit gentiment :
- Apporte cela à Rufus au bureau des aurors et ramène-moi la réponse, s'il-te-plaît.
Susan se tendit et leva des yeux pleins de peine vers sa tante. Mais devant le regard encourageant de celle-ci, elle n'osa pas lui avouer que les aurors lui faisaient peur plus encore que les adultes normaux. Après tout, elle ne lui aurait pas demandé si ce n’était pas important, non ? Elle hocha la tête et se glissa par la porte du bureau.
Les aurors avaient leur quartier général juste au bout du couloir. Elle en avait vu un bon nombre dans le bureau de sa tante Amélia. Elle les connaissait. Elle pouvait y aller. Mais elle avait quand même les jambes qui tremblaient et les mains un peu moites. D’un pas hésitant, elle se rapprocha de l’imposante porte en bois, même si en fait c’était une porte tout à fait normale, en tout point identique à celle du bureau de sa tante.
Est-ce qu’il fallait qu’elle toquât ou pouvait-elle entrer directement ? Elle essaya de se rappeler ce qu’elle savait sur le bureau des aurors. Pas beaucoup en réalité. Ils avaient chacun leur table pour la partie papier des enquêtes et le chef avait un bureau comme celui de sa tante. En moins ordonné. Donc elle pouvait entrer comme ça.
Elle avança une main tremblante vers la porte et appuya légèrement sur la poignée joliment ouvragée en forme de loup. Elle poussa doucement. Et trébucha lorsque la porte fut ouverte avec élan depuis l’intérieur.
- Oui, faites comme cela, Alastor, Casimir. Bon courage.
La petite fille recula d’un bond en voyant les trois grands hommes qui s’apprêtaient à sortir du quartier général. Elle se blottit contre le mur. Un grand homme musclé et noir quitta la pièce, marchant d’un pas rapide qui faisait trembler les murs du couloir. Il était suivi par un auror dont elle connaissait bien le nom puisqu’Amélia avait déjà eu pas mal de problèmes avec lui. Fol’ œil était encore plus impressionnant lorsqu’on était proche de lui. Susan avait une magnifique vue sur la partie manquante de son nez et sur l’œil magique qui tournoyait dans son orbe. C’était effrayant ! Heureusement les deux sorciers passèrent à côté d’elle en l’ignorant complètement. Susan n’était pas tout à fait certaine qu’elle aurait survécu à la rencontre avec l’auror qui avait causé le plus de mort pendant la dernière guerre. Quand il venait dans le bureau d’Amélia, elle avait l’habitude de se cacher derrière un livre.
- Alors, Susan, tu nous rends enfin visite ?
La jeune Bones sursauta. Elle avait complètement oublié le dernier auror. Elle leva un regard effrayé vers l’abondante chevelure fauve et les nombreuses cicatrices qui parcouraient le visage de l’homme.
- Oncle Rufus ! Susan sauta dans ses bras écartés, toute peur oubliée. Je ne savais plus que tu étais auror !
Rufus Scrimgeour éclata d’un rire chaleureux en lui passant la main dans les cheveux.
- Je suis même le chef des aurors, ma petite Susan. Viens donc par ici, pourquoi est-ce que tu es venue ? Certainement pas pour croiser Maugrey ! Il ne t’a pas trop fait peur ?
Susan se mordit sur les lèvres, un peu honteuse maintenant. Puis elle secoua la tête d’un air décidé. Elle n’allait quand même pas avouer qu’elle avait été terrifiée ! Rufus plia les genoux pour se mettre à la même hauteur qu’elle et posa ses grandes mains sur ses épaules. Ses yeux jaunes étaient ancrés dans les bruns de la petite fille. Susan essaya de les garder grand ouvert.
- Tu sais, Susan, il est important d’avoir peur et de se l’avouer. C’est même la seule façon de faire preuve de courage. Parce que le courage n’est pas l’absence de peur, c’est réaliser qu’on est terrifié et quand même faire ce que l’on doit. Même si on préfèrerait se cacher sous le lit, on affronte sa peur et c’est alors qu’on est courageux.
Susan Bones hocha sérieusement la tête et se promit d’aller parler aux grandes personnes. Ils avaient tellement à lui apprendre ! Et puis, même s’ils lui faisaient peur, elle pouvait être courageuse.