- Tu es sûre de ce que tu veux faire ? s’interrogea Hannah Abbot en levant un regard inquiet vers sa meilleure amie. Ce n’est pas trop dangereux, tu crois ?
Susan Bones secoua la tête. Bien sûr que c’était dangereux, ils pouvaient même mourir ! Ce n’était pas comme s’il y avait un monstre indéfini qui pétrifiait les personnes dehors. Il y avait déjà quatre victimes, elle le savait. Mais Colin Crivey et Justin étaient nés-moldus, alors elle, elle ne risquait rien, n’est-ce pas ? De toute façon il n’y avait pas à discuter. Elle partirait chez elle le lendemain pour les vacances de Noël et elle voulait absolument voir Justin avant. Qu’est-ce qu’il dirait si on l’oubliait ? Lui aussi avait bravé les interdits pour lui rendre visite à l’infirmerie lorsque l’année dernière elle avait attrapé la grippe. Elle lui devait d’y aller.
Elle essayait d’expliquer cela à Hannah. Son air sceptique lui confirma que ce n’était pas un succès. Hannah était tout simplement beaucoup trop pragmatique pour comprendre. D’ailleurs son prochain argument le démontrait.
- Je ne pense pas que Justin voudrait que tu te mettes en danger pour lui.
Là-dessus la rouquine ne pouvait que lui donner raison. Mais en même temps elle était convaincue que Justin apprécierait le geste. Ils étaient amis, n’est-ce pas ? Et les amis, ça prenait des risques les uns pour les autres.
- Je vois que je ne peux pas t’en empêcher, constata Hannah en faisant une moue déçue.
- Non, acquiesça Susan. Je dois y aller.
- Dans ce cas je t’accompagne, conclut la Poufsouffle blonde.
Susan cligna des yeux. Alors là, elle ne s’y attendait pas. Son amie arrivait toujours à la surprendre. Elles mirent leurs capes et leurs écharpes puis sortirent de la salle commune des Poufsouffle.
Le couloir était glacial et noir. Les vieilles pierres grinçaient et il semblait à Susan qu’elle entendait des bruits de pas au-dessus de sa tête. Hannah lui prit le bras. Les deux filles se regardèrent et constatèrent qu’elles étaient l’une comme l’autre blanches de peur. Poudlard était terrifiant la nuit.
Les deux Poufsouffle avancèrent lentement, les mains fermement enlacées. Chaque pas était source de nouvelles craintes. N’était-ce vraiment que l’écho de leurs semelles qui leur revenait maintenant ou était-ce un professeur qui faisait sa ronde ? Peut-être même le redoutable maître des potions ? Susan avait entendu qu’il se transformait en sanguin vampire une fois la nuit tombée.
Maintenant elle se mettait déjà à voir des monstres et à resasser ces mythes et rumeurs de couloir qu’elle n’avait jamais considéré autrement que comme des histoires à dormir debout. Et s’ils étaient vrais finalement ? Personne ne pouvait le savoir après tout. Si ça se trouvait les fantômes reprenaient matière et se vengeaient de toutes leurs peines sur les élèves qui avaient le malheur de les croiser. Si ça se trouvait la professeure d’arithmancie était une harpie les nuits de nouvelle lune et dévorait les élèves ne sachant pas calculer l’air d’un triangle. Si ça se trouvait il y avait un basilic qui se promenait en liberté dans le château !
Non, définitivement, les rumeurs qui couraient n’étaient pas rassurantes pour deux mornilles. Susan se blottissait un peu plus contre son amie. Si seulement elle n’avait pas insisté pour sortir. Elle s’en voudrait terriblement si quelque chose arrivait à Hannah.
Une ombre blanche traversa le couloir une dizaine de mètres plus loin. Les deux filles étouffèrent un cri. Il fallait bien qu’elles s’attendent à croiser des fantômes. Tout allait bien, et les pas derrières elles n’étaient pas un troll affamé mais un professeur ou un préfet.
- Susan, Hannah ? les interpella la professeure Chourave. Que faites-vous dans les couloirs à cette heure-ci ?
Les yeux de son amie étaient écarquillés à la lumière de la baguette de leur professeure. Avec ses deux nattes blondes, Hannah ressemblait à un lapin prit dans la lanterne d’un balai. Susan savait qu’elle ne devait pas donner une meilleure image de son courage. Néanmoins elle prit sur elle. Au moins c’était leur responsable de maison et pas Rogue ou McGonagall. Ou pire un troll.
- Nous voulions aller à l’infirmerie, bredouilla-t-elle, la tête baissée. Demain on part pour les vacances et…
Une main se posa sur son épaule. Elle leva le regard vers le sourire compréhensif du professeur Chourave. Elle n’était pas très rassurée mais sentait qu’aucune punition ne se pointait.
- Je comprends, mes grandes, mais allez-y plutôt demain matin. Madame Pomfresh ne serait pas très contente de devoir se lever en plein milieu de la nuit pour vous ouvrir.
Susan ouvrit grand les yeux. Elle n’avait même pas pensé à l’infirmière. Elles n’auraient jamais réussi à passer devant elle, c’était certain. Après tout il y avait une raison pour laquelle on comparait Madame Pomfresh à un dragon et ce n’était pas la Pimentine.
- Venez, mes grandes, les incita la professeure Chourave. Je vous ramène à la salle commune. Et je vais en profiter pour me réchauffer un peu devant le feu, ajouta-t-elle avec un clin d’œil.
Susan dut sourire et elle vit qu’Hannah en fit de même. Les couloirs n’avaient plus qu’un rien d’effrayant maintenant, avec la main rassurante de Pomona Chourave autour de leurs épaules. Arrivées dans la salle ronde de Poufsouffle, leur professeure reprit la parole.
- Je sais que vous vous êtes rendu compte du danger qui se ressent à Poudlard, et je suis contente d’avoir pu vous ramener saines et sauves. Mais je sais aussi que vous n’hésiterez pas davantage la prochaine fois. Vous vouliez rendre visite à un ami qui est dans une situation atroce, je ne le comprends que trop bien. Je suppose qu’en tant que professeure, je devrais vous enlever des points voire vous mettre en retenue, mais en tant que Poufsouffle, je suis fière de vous. Oui, fière, parce que vous avez affronter vos peurs et les dangers dans les couloirs par amitié, par loyauté. Et ça, c’est inestimable. Vous avez fait preuve d’un grand courage, mes grandes. Un courage digne de Poufsouffle.