I want to break free…
Je ferme les yeux. Presque malgré moi, mes lèvres se mettent à articuler les paroles au rythme de la musique.
I want to break free
I want to break free from your lies
You're so self-satisfied I don't need you
Bon sang, cette chanson est tellement familière. Je m’immobilise, submergé par les souvenirs qui affluent par dizaines.
I've got to break free
God knows, God knows I want to break free…
La mélodie continue d’emplir mes oreilles, et moi, je ne bouge toujours pas. Appuyé contre la balustrade du balcon, je contemple la façade de l’endroit où j’ai grandi. Pierre grises, toit gris. C’est en posant les yeux sur la fenêtre de ma chambre que je prends soudain conscience de quelque chose.
Je ne reviendrai pas.
Je ne reviendrai pas au mois d’août, comme les autres années, pour faire ma valise. Je ne reviendrai pas pour Noël, ou l’été prochain, ou pour les vacances de Pâques. J’en serais incapable.
Dès que je formule cette pensée, je sais que c’est la vérité. J’en serais incapable. Je ne supporterais pas de repasser devant les têtes d’elfes empaillées, ou de revoir ce foutu porte-parapluie en forme de troll. Et plus que tout, je ne supporterais pas de parler à mes parents. Pas après tout ce qu’ils ont dit sur Remus.
I've fallen in love
I've fallen in love for the first time
And this time I know it's for real
I've fallen in love
God knows, God knows I've fallen in love
Je ne reviendrai pas. Je ne reviendrai pas. Je me répète cette phrase encore et encore, attendant qu’elle provoque en moi de la tristesse, de la nostalgie, ou n’importe laquelle de ces émotions ordinaires que je devrais être capable de ressentir. Pourtant, je ne suis pas triste. Au contraire. Une drôle de sensation de vertige prend naissance au creux de mon estomac, un peu comme si je volais.
It's strange but it's true, yeah
I can't get over the way you love me like you do
But I have to be sure
When I walk out that door
Oh, how I want to be free, baby
Oh, how I want to be free
Oh, how I want to break free
Je prends quelques secondes à trouver le mot exact.
Ah, oui : libre. Pour la première fois, je me sens libre.
Au prix d’un effort redoutable, je me détourne de la maison et je descends quatre à quatre les marches du perron. Lorsque je m’engage sur le trottoir, le vent se lève et agite mes cheveux dans tous les sens. Le t-shirt que Peter m’a donné est beaucoup trop large : lorsque le vent le traverse, il se gonfle comme une voile de bateau. Je prends une grande inspiration. Il fait un peu froid. Le soleil brille, les brindilles craquent sous mes pieds. L’univers entier semble soudain d’une simplicité limpide.
Je n’ai pas la moindre idée d’où je vais, mais peu importe. Quelque part dans cette ville, ma vraie famille m’attend. C’est tout ce qui compte.
So baby can't you see
I've got to break free
I've got to break free
I want to break free, yeah
I want, I want, I want, I want to break free…